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23/04/2013 | FRANCE | N°11/07205

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 23 avril 2013, 11/07205


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 23 Avril 2013

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07205



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage- de PARIS section activités diverses RG n° 09/10091





APPELANTE



Madame [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assistée de Me

Jean-philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275







INTIMEE



Association AURORE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pascal ANQUEZ, avocat au barreau de P...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 23 Avril 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07205

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage- de PARIS section activités diverses RG n° 09/10091

APPELANTE

Madame [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]

comparant en personne, assistée de Me Jean-philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

INTIMEE

Association AURORE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pascal ANQUEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0037 substitué par Me Antoine GOULET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour est saisie de l'appel interjeté par Madame [V] [L] du jugement du Conseil des Prud'hommes de Paris statuant en départage, section Activités diverses, rendu le 19 Mai 2011 qui a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'Association AURORE à lui payer les sommes de :

30000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

19066.04 € à titre de complément d' indemnité de licenciement

561.11 € à titre de prime décentralisée des mois de Juillet 2008 à Décembre 2008

335.28 € à titre de prime décentralisée des mois de Janvier 2009 à Avril 2009

1300 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile

les intérêts légaux à compter du 27 Juillet 2009 sur les créances salariales et sur le surplus à compter du jugement avec capitalisation

et a ordonné la remise des documents conformes tout en donnant acte à l'Association AURORE de ce qu' elle s'engage à payer à la salariée la somme de 234.33 € au titre du droit individuel à la formation

FAITS ET DEMANDES DES PARTIES

L' Association AURORE reconnue d' utilité publique a pour objet la réinsertion et/ou la réadaptation sociale et professionnelle des personnes que la maladie, l'isolement, les détresses morales ou matérielles, un séjour en prison ou à l' hôpital, ont conduites à une situation d' exclusion et/ou de précarité, elle gère notamment un centre d'hygiène alimentaire et d' alcoologie ( CCAA en abrégé) dépendant de son pôle addiction- maladies chroniques ; le centre propose un accompagnement médical, relationnel et social.

Initialement engagée par La Croix Rouge Française le 18 Juin 1986 en qualité d' infirmière puis du 1er Juillet 1990 au 30 Septembre 1997 en qualité d' infirmière spécialisée thérapeute familiale, le contrat de travail de Madame [V] [L] née le [Date naissance 1] 1951 a été repris à compter du 1er Octobre 1997 par l'Association AURORE en application de l'article L 122-12 du Code du Travail moyennant une rémunération brute mensuelle de 13629.20 FRF ;

L'Association AURORE expose qu' en 2001 Monsieur [H] a été nommé comme nouveau directeur afin de reprendre en main le CCAA dont l' effectif était composé d' un médecin coordinateur à mi- temps, de deux psychiatres à temps partiel, d' une infirmière (Madame [V] [L]) d' une secrétaire médicale et d' une assistante sociale , que ce service connaissait en effet depuis 2000 un turn over conséquent des assistantes sociales imputé aux incompatibilités qu' elles rencontraient avec Madame [V] [L] ;

A compter du 1er Octobre 2002, un avenant a été signé entre les parties, Madame [V] [L] ne travaillant que 138,67 heures par mois ; cet avenant précisait les conditions de rémunération ;

Le 17 novembre 2002 Madame [V] [L] s' est plainte auprès de la direction de faits commis par Madame [E] [P], assistante sociale qui avait intégré le CCAA au mois de Mars 2002 ;

Madame [A] [C] a pris ses fonctions de directrice au mois de février 2003 et a externalisé la fonction d' assistante sociale de Madame [E] [P] qui l' avait accepté pour selon l' association, se protéger des accusations portées contre elle par Madame [V] [L] ;

Le 8 Juillet 2003 Madame [V] [L] a reçu un avertissement pour propos insultants tenus à l' égard de Madame [P] et avoir contraint celle-ci à quitter la réunion afin d' éviter toute escalade de violence et avoir ainsi empêché la tenue de la réunion ;

Madame [V] [L] a été en arrêts de travail du 18 décembre 2003 au 24 décembre suivant puis du 1er Mars 2004 au 7 Mars suivant, du 12 Mai 2006 au 21 Mai suivant ;

Les 17 Décembre 2006 et 13 février 2007 Madame [V] [L] s' est plainte d' un dénigrement systématique de son travail, de la directrice Madame [A] [C] et du Docteur [B] qui lui reproche de le déranger pour rien, elle reconnaît dans cette lettre avoir été reçue à plusieurs reprises suite à la dénonciation des faits dont elle se plaint et qu' un changement de service lui a été proposé mais qu' elle le refuse .

Elle fait valoir dans la lettre du 13 février 2007 que sa fonction est constamment remise en cause, qu' elle ne semble pas reconnue dans l' organisation du centre telle qu' elle a été mise en place par le projet d' établissement et définie par son profil de poste ; elle parle de plaisanteries déplacées, d' imitations grossières au cours de réunions de synthèse, de tentatives d' intimidation et demande au directeur de l'Association AURORE de faire le nécessaire pour faire cesser les attaques, elle indique subir un véritable harcèlement moral ;

Le 19 février 2007 une lettre collective est adressée par l' équipe médico-sociale du CCAA au directeur général de l' association AURORE dénonçant des conditions de travail et le non respect des valeurs communes énoncées, la violation du devoir de réserve et un processus mortifère pour l' ensemble de l' équipe ;

Les 24 février, 29 Avril et 26 Mai 2007, Madame [V] [L] se plaindra des agissements des docteurs [B] et [X] [D] ;

De multiples entretiens auront lieu organisés par la direction et notamment avec la salariée afin d' envisager des solutions ; des fiches de postes lui seront adressées avec son accord, auxquelles elle ne donnera pas suite et refusera le 18 Décembre 2007, estimant qu' elles ne correspondent ni à ses qualifications ni à sa spécialisation ;

Le 5 Février 2009 l'Association AURORE a proposé à Madame [V] [L] un poste d' infirmière à l' [1] , tout en maintenant une autre proposition à mi temps sur deux centres ; aucune des propositions n' a été retenue par la salariée ;

Madame [V] [L] a été en arrêt de travail du 7 Décembre 2007au 6 janvier 2008 régulièrement prolongé jusqu' à son licenciement pour inaptitude suite à l' avis de la médecine du travail émis le 11 Mars 2009 dans le cadre d' une visite de reprise demandée par l' employeur ;

La salariée a en effet été déclarée « INAPTE à son poste d' infirmière, suite avis spécialisés, application de la procédure de danger immédiat .... il n'y aura pas de 2ème examen et l' état de santé de la salariée ne permet pas de formuler de proposition de reclassement » ;

Le 8 Avril 2009 Madame [V] [L] a été convoquée à un entretien préalable en vue d' un licenciement ;

Le 4 Mai 2009 elle a été licenciée après, selon la lettre de licenciement, réunion des délégués du personnel pour inaptitude définitive ; la lettre de licenciement précise que le préavis de deux mois ne sera pas travaillé mais payé compte tenu de l' inaptitude et de la notification de la décision de la Caisse primaire d'Assurance maladie reconnaissant la maladie professionnelle.

Madame [V] [L] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 21 Juillet 2009 ;

Madame [V] [L] demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qui concerne le complément d' indemnité de licenciement et les frais irrépétibles qui lui ont été alloués par le premier juge et de le réformer pour le surplus en fixant la moyenne de ses salaires à la somme de 2842.77 € et en condamnant l'Association AURORE à lui payer avec intérêts légaux capitalisés les sommes de :

561.11 € à titre de prime décentralisée du 3 Juin au 31 Décembre 2008

351.15 € à titre de prime décentralisée du 1er janvier au 11 Juillet 2009

2842.77 € à titre de rappel de congés payés 2006-2007

5248.19 € à titre de rappel de congés payés 2007-2008

5248.19 € à titre de rappel de congés payés 2008-2009

149.42 € à titre de rappel de congés payés 2009-2010

234.33 € à titre de rappel sur droit individuel à la formation

30000 € sur le fondement de l' article L 1152-4 du Code du Travail pour manquement à l' obligation de prévention des actes de harcèlement moral

30000 € sur le fondement de l' article 1152-1 du Code du Travail en réparation du préjudice subi du fait des actes de harcèlement moral

dont à déduire au titre des congés payés la somme de 4154.82 € qui lui a été réglée au titre de 38 jours de congés payés dans le solde de tout compte de Juillet 2009

Elle demande de déclarer le licenciement nul et de condamner l' employeur à lui payer la somme de 68000 € pour licenciement nul et celle de 68000 € sur le fondement de l' article L 1225-15 du Code du Travail

Subsidiairement, de dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de lui allouer la somme de 68000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause 50000 € pour préjudice de retraite et 2000 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile ; elle demande par ailleurs la remise sous astreinte de 50 € par jour d' une attestation chômage et de bulletins de salaire avec réserve pour la liquidation de l' astreinte.

L' Association AURORE demande à la Cour de constater que la salariée n' a fait l'objet d' aucun agissement constitutif de harcèlement moral et que l' association a respecté ses obligations légales en prenant l' ensemble des mesures nécessaires à la préservation de la santé de ses collaborateurs, de dire que le licenciement notifié le 4 Mai 2009 après consultation des délégués du personnel reposait sur l' inaptitude physique totale et définitive à occuper tout poste au sein de l' association, sans reclassement possible et confirmer le jugement en ce qu' il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l' obligation de reclassement ;

Elle demande de débouter Madame [V] [L] de ses autres demandes et subsidiairement, si la Cour considérait le licenciement sans cause réelle et sérieuse d'infirmer le jugement en ce qu' il lui a alloué un reliquat d' indemnité spéciale de licenciement.

SUR CE

Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.

Sur le harcèlement invoqué et les demandes afférentes

C'est par une analyse précise et détaillée que la Cour adopte que le premier juge a retenu que si les faits dont se prévaut Madame [V] [L] laissent présumer l' existence d' un harcèlement et que le mal être de Madame [V] [L] a été effectif, il n'est pas le résultat d' une situation de harcèlement ;

En effet, il ressort de l' analyse faite par la Cour des 168 pièces communiquées par Madame [V] [L] comprenant notamment une abondante correspondance entre les parties auxquelles s' ajoutent les 41 pièces communiquées par l'Association AURORE qui complètent celles de la salariée, que d' une part la salariée a commencé à se plaindre au bout de quelques mois après l' arrivée de Madame [P], assistante sociale, que l' employeur après divers entretiens a décidé d' externaliser la tâche de cette dernière qui dès lors ne travaillait plus en permanence et dans le même centre que Madame [V] [L] ;

Que Madame [V] [L] s' est ensuite plainte de Madame [C], la directrice, puis du médecin coordonnateur de l' équipe ;

L' employeur a toujours répondu aux courriers de la salariée en organisant des entretiens, des réunions et en proposant à la salariée à plusieurs reprises des changements de postes dont il est établi qu' ils correspondaient à sa qualification ; la directrice du Pôle, Madame [C] relate que les divergences portaient sur l' organisation, les emplois du temps, les clefs , elle a fait intervenir un cabinet extérieur pour clarifier et définir le rôle de chacun dans la structure ; des réunions pour définir un projet d' établissement ont été organisées de sorte que la Cour considère qu' il n' y a pas de défaillance de l' employeur à son obligation de sécurité et de veille à la santé de ses salariés ;

Sans que les témoignages et attestations écrites versées aux débats par la salariée soient de nature à remettre en cause les déclarations recueillies au cours de l' enquête administrative diligentée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie laquelle est particulièrement éclairante sur la situation de Madame [V] [L] et ses doléances puisqu' elle recense les déclarations des différentes personnes qui composaient l' équipe du CCAA administrative et médicale, du directeur général de l'association et de Madame [C], la directrice du centre, on relève que Madame [C] indique que Madame [V] [L] ne faisait aucun compte rendu de son activité et refusait toute communication avec les médecins et l' assistante sociale, que depuis 2001, quatre assistantes sociales avaient démissionné et que toutes se plaignaient de l' agressivité de Madame [V] [L] ; elle précise encore que les docteurs [B], [D] et Madame [N], assistante sociale ne voulaient plus travailler avec Madame [V] [L] ;

De l' audition de Madame [R], la secrétaire, il ressort que Madame [V] [L] a mal vécu la nouvelle organisation dans le cadre du projet d'établissement qui a consisté notamment à ce que tous les patients en situation de précarité soient d' abord reçus par l' assistante sociale qui transmettrait aux médecins alors que précédemment c' était Madame [V] [L] qui procédait aux premiers entretiens dont 40% seraient désormais réalisés par l' assistante sociale ( les personnes en précarité ne représentant que 40% des personnes ) ; elle fait état de réunions tendues, chacun des corps de métiers n' entendant pas l' autre ; elle indique encore qu' on avait demandé à Madame [V] [L] de s' expliquer sur sa façon de recevoir les patients lors des premiers entretiens ; selon elle sauf durant les réunions de synthèse, on n' adressait plus la parole à Madame [V] [L] ;

Le docteur [B], médecin coordonnateur de l' équipe, en poste depuis 1998 a reconnu qu' il existait des difficultés relationnelles au sein de l' équipe mais considère que la faute incombait autant à Madame [V] [L] qu' à Madame [P], ajoutant que Madame [N] avait été confrontée au même problème ; il indique avoir tout fait mais en vain pour que les membres de l' équipe travaillent en étroite collaboration ( il est justifié de note de service, notamment du 4 février 2003) ; il indique que Madame [V] [L] était obstinée et ne voulait pas l' entendre, qu' il se heurtait à une fin de non recevoir, il indique encore qu' elle ne respectait pas les procédures instaurées et ressentait toute modification comme une déqualification de ses fonctions, qu' elle rencontrait d' énormes difficultés pour s' adapter aux changements, elle prenait des notes sur les propos tenus par les uns et les autres ; il indique qu' après avoir longuement réfléchi et constaté que la constante aux difficultés rencontrées dans le centre depuis 1998 était Madame [L] il avait pris la décision d' adresser un courrier à la direction car toute communication et adhésion au projet d' établissement étaient devenues impossibles.

Madame [N], assistante sociale, embauchée en novembre 2004 avec un congé maternité d' Août 2007 à Mars 2008 indique que ses relations avec Madame [V] [L] se sont révélées extrêmement difficiles, tant au plan humain que professionnel, qu' avec elle il était difficile d' évoluer dans la simplicité, ajoutant l' anodin était problématique, au moindre rire ou sourire, elle se sentait concernée, sa personnalité créait une tension dans l' équipe ; elle précise encore qu' elle estime que les membres de l' équipe ne sont en rien responsables des difficultés ressenties et exprimées par Madame [V] [L] ;

Le docteur [D] qui est arrivée dans l' équipe en janvier 2006 indique avoir été étonnée, compte tenu de l' ancienneté de Madame [V] [L] dans le poste, de ses difficultés à gérer certaines situations, qu' elle aurait souhaité davantage d'ouverture et de collaboration de sa part ; elle précise qu' en fait le problème avec Madame [V] [L] c' est que rien ne pouvait être dit simplement, que lors des réunions de synthèse, elle était extrêmement fermée ou bien tirait des conclusions sur un patient empêchant les autres membres de l' équipe d' émettre leur propre avis, elle critiquait beaucoup mais sans jamais proposer de solutions et encore : à partir de Septembre 2007, le dialogue avec elle était devenu impossible ; elle reconnaît lui avoir peut-être coupé la parole lors d' échanges durant les réunions, elle conclut sa déposition en disant que Madame [V] [L] était dotée d' un sens aigu de « la perfection », elle ne supportait aucune remarque et ne se remettait jamais en question, que plusieurs tentatives avaient été faites auprès d' elle pour ouvrir la discussion mais en vain.

Le 14 Mai 2008, le médecin conseil de la Caisse primaire d'Assurance maladie avait indiqué diagnostiquer chez Madame [V] [L] une connotation dépressive nette anxieuse et une sentation exprimée d' auto dévaluation avec disparition des repères professionnels .

En conséquence de ce qui précède et de l' analyse détaillée du premier juge, la Cour considère que les faits dont se plaint l'appelante ne sont pas constitutifs de harcèlement mais procèdent du ressenti personnel et de l' interprétation de la réorganisation d' une équipe à caractère socio-médical, rendue nécessaire compte tenu des difficultés rencontrées par CCAA suite à un climat tendu ainsi qu' il ressort du rapport de synthèse du directeur lors de sa prise de fonction en février 2003 ; Madame [V] [L] sera donc déboutée de ses demandes de dommages intérêts pour manquement de l' employeur aux dispositions des articles L 1152-4 et L 1152-1 du Code du Travail ;

Sur le licenciement

Le harcèlement moral ayant été rejeté, les demandes de nullité du licenciement et en paiement de la somme de 68000 € pour licenciement nul doivent être rejetées comme non fondées ;

Subsidiairement, Madame [V] [L] soutient que l' association n' a pas respecté la procédure de licenciement applicable, en violation de l' article L 1226-10 du Code du Travail en ne lui proposant pas un emploi approprié à ses capacités suite à son inaptitude et en ne justifiant pas de manière probante avoir réuni les délégués du personnel avant l' engagement de la procédure de licenciement ;

La convocation à entretien préalable est du 8 Avril 2009 ;

La Caisse primaire d'Assurance maladie a notifié par courrier du 10 Avril 2009 à Madame [V] [L] la prise en charge de sa maladie « état dépressif d' intensité sévère » au titre de la législation relative aux risques professionnels, annulant la précédente notification de refus ;

Madame [V] [L] demande la somme de 68000 € en application de l' article L 1226-15 du Code du Travail ;

L' employeur soutient d' une part n' avoir été informé de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie que le 16 Avril 2009 soit postérieurement à l' engagement de la procédure de licenciement de sorte qu' elle n' avait pas à procéder à la convocation des délégués du personnel et que nonobstant l' inapplicabilité de ces dispositions, le 10 Avril 2009 au cours d' une réunion des délégués du personnel elle les avait informés « sur l' inaptitude à son poste d' infirmière, de Madame [V] [L], déclarée par l' ASMS le 12 Mars 2009 » (sic) ;

En fait, il est justifié par la salariée que l' employeur a eu connaissance de la reconnaissance de maladie professionnelle par fax de la CRAMIF le 14 Avril 2009 ;

La connaissance de l' employeur de ce que la situation de Madame [V] [L] au regard de la reconnaissance d' une prise en charge au titre de la maladie professionnelle par la Caisse primaire d'Assurance maladie était en cours de révision suite à la décision antérieure de refus, n' est en tout état de cause pas établie au 8 Avril 2009, la procédure de l' article L 1226-10 du Code du Travail n' était pas applicable ;

Le fait que l' employeur en réponse aux arguments adverses se prévale de la réunion des délégués du personnel du 10 Avril 2009 pour dire que les délégués du personnel ont bien été consultés et sans qu' il y ait lieu de statuer sur le caractère probant du document produit daté du 20 avril 2009 puisque la procédure de l' article L 1226-10 du Code du Travail n' était pas applicable, n' a pas pour effet de le soumettre aux règles de fond posées par ledit article et les suivants ;

Il s' ensuit que la demande de dommages intérêts fondée sur l' article L 1226-15 du Code du Travail est non fondée et doit être rejetée ;

Sans que le fait de ne pas s' être présentée à l' entretien préalable puisse être reproché à la salariée et constituer un motif valable de licenciement, la lettre de licenciement vise l' inaptitude définitive au poste d' infirmière et l' impossibilité de reclassement ; cependant l' obligation de reclassement de l'employeur s' impose même dans le cas d' une inaptitude à tout poste dans l' entreprise, à plus forte raison dans le cas d' espèce, la salariée n' ayant été déclarée inapte qu' au poste d'infirmière ; l'employeur ne justifie pas avant tout licenciement de recherches de reclassement sur d' autres postes alors que sur l'ensemble de ses sites il compte environ 900 à 1000 salariés et l' impossibilité d' offrir un autre poste que celui d' infirmière à la salariée , il s'ensuit que l' employeur ayant failli à son obligation, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

La salariée avait 58 ans, son salaire était de 2842.77 € par mois, elle avait 23 ans d' ancienneté à la date de son licenciement, elle est restée au chômage indemnisé jusqu' au 31 décembre 2011 puis a bénéficié de sa retraite, il y a lieu réformant le jugement sur le quantum, d' allouer à Madame [V] [L] sur le fondement de l' article L 1235-3 du Code du Travail la somme de 30000 € pour son entier préjudice et de rejeter la demande d' indemnisation distincte pour préjudice de retraite, l'affirmation selon laquelle elle aurait travaillé jusqu' à 63 ans reposant sur un aléa ;

L' Association AURORE a versé la somme de 17056.62 € à Madame [V] [L] à titre d' indemnité de licenciement en application des dispositions de la convention collective applicable des établissements d' hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif, soit le maximum de l' indemnité représentant six mois de salaire ;

Il n'y a pas lieu à complément d' indemnité de licenciement au regard de celle déjà versée et de la non application au litige des règles du licenciement pour inaptitude résultant d' une maladie professionnelle, étant observé que les indemnités conventionnelles ne sont jamais doublées ;

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ce qu' il a condamné l'Association AURORE à payer à la salariée les sommes de 561.11 € à titre de prime décentralisée sauf à dire qu' elle couvre les mois de Juin 2008 à décembre 2008 inclus ;

Au vu des bulletins de salaire versés aux débats par la salariée, c' est à bon droit que le premier juge lui a alloué au titre de la prime décentralisée totale pour les mois de janvier 2009 à Avril 2009 inclus la somme de 335.28 € comme non payée ; pour les autres mois jusqu' au 11 Juillet 2009 apparaît un paiement partiel de 166,58 € au lieu de 517.73 € , la somme complémentaire de 351.15 € lui sera allouée à titre de rappel au titre de la période de mai 2009 au 11 juillet 2009;

Madame [V] [L] sollicite un rappel d' indemnité compensatrice de congés payés fondé sur l' article 9.05 et 9.05.2 de la convention collective attribuant des congés supplémentaires pouvant atteindre six jours ouvrables consécutifs au titre de chacun des trois trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel ; en application de l' article 9.05.3 les absences sauf celles de l' article 9.02.2, non applicable à l' espèce, donnent lieu par quinzaine ou fraction de quinzaine pour les personnels éducatifs, par mois ou fraction de mois en ce qui concerne les autres personnels à un abattement d' une journée, toutefois les absences justifiées par la maladie sont considérées comme temps de travail effectif dans la limite de quinze jours par trimestre ouvrant droit à ces congés ;

La salariée a été payée d' un solde de 38 jours de congés payés, eu égard aux mentions portées sur les bulletins de salaire concernant les durées d' arrêt de travail pour maladie, les droits acquis à congés payés , les congés pris et le décompte établi dans leurs conclusions par les parties et aux dispositions conjuguées de la convention collective, il apparaît après analyse de ces documents que la salariée a été remplie de ses droits par l'indemnité compensatrice de congés payés de 4154.82 € qui lui a été réglée ;

Le jugement sera confirmé en ce qu' il a fait droit à la demande de rappel du droit individuel à la formation à hauteur de 234.33 €, cette somme n' étant pas contestée.

Les intérêts légaux sont dus dans les conditions du dispositif avec capitalisation dans les conditions de l' article 1154 du Code civil ;

En application de l'article L1235-4 du Code du Travail il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage payées au salarié suite à son licenciement dans la limite de six mois.

Le bénéfice de l' article 700 du Code de Procédure civile sera accordé à Madame [V] [L] à hauteur de 2000 € .

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement et statuant à nouveau :

Fixe la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 2842.77 €

Juge non fondée la demande de Madame [V] [L] en complément d' indemnité de licenciement et en l' intégralité de ses demandes de rappel au titre des congés payés

Condamne l'Association AURORE à payer à Madame [V] [L] les sommes de 561.11 € à titre de prime décentralisée de juin 2008 à décembre 2008 inclus , 351.15 € à titre de rappel de prime décentralisée de mai 2009 au 11 Juillet 2009 ;

Le confirme pour le surplus

Rejette toutes autres demandes des parties.

Ordonne la remise des documents conformes sans qu'il y ait lieu à astreinte

Condamne l'Association AURORE aux entiers dépens et à payer à Madame [V] [L] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles d' appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 11/07205
Date de la décision : 23/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°11/07205 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-23;11.07205 ?
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