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18/04/2013 | FRANCE | N°11/17054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 18 avril 2013, 11/17054


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 18 AVRIL 2013



(n° 178, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17054



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009039816





APPELANTE



SA SOFRA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qu

alité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentant : la SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de: Me Véronique LARTIGUE de la SE...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 18 AVRIL 2013

(n° 178, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17054

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2009039816

APPELANTE

SA SOFRA, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentant : la SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de: Me Véronique LARTIGUE de la SELAS LARTIGUE - TOURNOIS - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R005

INTIMÉE

SA BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Michel GUIZARD), avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée de : Me Michel PITRON de la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Bruno REITZER

ARRÊT :

- contradictoire,

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Mademoiselle Edwige COLLIN, Greffière présente lors du prononcé.

***********************

La société SOFRA a investi le 25 juin 2007 pour 500.000 euros et le 4 juillet 2008 pour 400.000 euros dans la souscription de parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER, OPCVM de droit des Iles Vierges Britanniques.

Les ordres de souscription ont été passés par la société SOFRA à la BNP PARIBAS, dans les livres de laquelle la société SOFRA dispose d'un compte titres.

La BNP PARIBAS a transmis ces ordres à sa succursale luxembourgeoise, la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES, laquelle les a transmis à UBS FOND SERVICES (Luxembourg), 'administrative agent' du fonds.

Les actifs du fonds GROUPEMENT FINANCIER étaient investis auprès de la société [P] [I] INVESTMENT SECURITIES.

Par acte d'huissier en date du 16 juin 2009, la société SOFRA a assigné la BNP PARIBAS en lui reprochant de ne pas avoir exécuté ses ordres d'achat.

Par jugement rendu le 9 septembre 2011, le tribunal de commerce de Paris a débouté la société SOFRA de toutes ses demandes et a condamné la société SOFRA à payer à la BNP PARIBAS la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par déclaration remise au greffe de la Cour le 21 septembre 2011, la société SOFRA a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 1er février 2013, la société SOFRA demande à la Cour:

- à titre préliminaire, de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale portant sur les conditions de souscription dans GROUPEMENT FINANCIER au regard du statut légal du fonds et de la réglementation française,

- en tout état de cause, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de dire que la BNP PARIBAS a souscrit pour son propre compte ou pour le compte de son sous-délégataire au moyen de fonds qui lui ont été remis par la société SOFRA,

- d'ordonner à la BNP PARIBAS dans le cadre de la reddition de comptes de restituer la somme de 500.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007, avec capitalisation et la somme de 400.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2008, avec capitalisation,

- à titre subsidiaire:

- de dire que la BNP PARIBAS a commis de graves fautes dans l'exécution de son mandat sans la commission desquelles les souscriptions n'auraient pas été réalisées,

- de condamner la BNP PARIBAS à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme de 500.000 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2007, avec capitalisation et la somme de 400.000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2008, avec capitalisation,

- en tout état de cause,

- de condamner la BNP PARIBAS à lui verser la somme de 350.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices de toutes natures,

- de condamner la BNP PARIBAS à lui verser la somme de 60.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la BNP PARIBAS aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures signifiées le 15 février 2013, la BNP PARIBAS demande à la Cour:

- de juger l'exception de sursis à statuer irrecevable et non fondée,

- de débouter la société SOFRA de ses demandes,

- de confirmer le jugement,

- de condamner la société SOFRA à payer la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.

SUR CE

Considérant qu'à l'appui de sa demande de sursis à statuer, la société SOFRA fait valoir que dans le cadre de l'information ouverte des chefs d'abus de confiance, d'escroquerie aggravée commis en bande organisée, recel en bande organisée, blanchiment, faux et usage de faux portant sur les modalités de souscription dans le fonds GROUPEMENT FINANCIER, la chambre de l'instruction a étendu, le 30 janvier 2012, l'instruction aux conditions légales et statutaires d'accès au fonds et plus précisément au caractère, licite ou non, de l'interposition de la BNP PARIBAS ayant permis à des investisseurs non professionnels d'avoir accès au fonds GROUPEMENT FINANCIER ; qu'elle ajoute que la BNP PARIBAS a produit un affidavit du cabinet FORBES HARE duquel il ressort que la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES est actionnaire et propriétaire des titres du GROUPEMENT FINANCIER, que la société SOFRA n'en serait que le bénéficiaire économique ; qu'elle estime que l'issue de la procédure pénale est déterminante dans la mesure où dans le cas où l'interposition de la BNP PARIBAS serait reconnue illicite, les ordres de souscription ne sauraient être considérés comme régulièrement exécutés;

Considérant qu'en réponse la BNP PARIBAS soutient que l'exception de sursis est irrecevable pour avoir été soulevée devant la cour et non devant le conseiller de la mise en état, ainsi que pour avoir été soulevée après une défense au fond ; qu'elle indique que la société SOFRA avait connaissance de l'instance pénale dès son ouverture, que l'arrêt de la chambre de l'instruction a été rendu le 30 janvier 2012 et qu'il n'existe pas d'éléments nouveaux ; qu'elle prétend également que la demande contredit le comportement procédural antérieur de la société SOFRA ; qu'elle rappelle l'absence de similitude d'objets et de parties entre les deux instances, le défaut d'utilité de l'issue du litige pénal puisqu'elle a uniquement fourni un service de réception-transmission d'ordres;

Considérant qu'en application des articles 907 et 771 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et que les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement, à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge;

Considérant que la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure, au sens de l'article 73 du Code de procédure civile;

Considérant qu'en l'espèce l'instance pénale invoquée par la société SOFRA est constituée par une information ouverte en avril 2010, dans laquelle la chambre de l'instruction a rendu un arrêt le 30 janvier 2012, infirmant les ordonnances refusant de décerner des commissions rogatoires aux autorités des Iles Vierges britanniques, du duché de Luxembourg et de la Conférération Helvétique;

Considérant que la société SOFRA soutient que sa demande de sursis résulte de cet arrêt et de la dernière position de la BNP PARIBAS étayée par un affidavit du Cabinet FORBES HARE;

Considérant que cet affidavit a été communiqué le 21 novembre 2012 par la BNP PARIBAS, qui a toujours soutenu que la société SOFRA était propriétaire des titres;

Considérant dans ces conditions qu'aucun élément nouveau n'est intervenu postérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état, réalisé par la clôture prononcée le 19 février 2013;

Considérant en conséquence que la demande de sursis à statuer, faite par conclusions du 1er février 2013 devant la Cour, doit être déclarée irrecevable;

Considérant que la société SOFRA demande, à titre principal, la restitution des fonds versés pour la souscription des titres du fonds GROUPEMENT FINANCIER, au motif que la BNP PARIBAS est propriétaire des titres;

Considérant que la société SOFRA soutient qu'elle a donné l'ordre à la BNP PARIBAS de souscrire des titres nominatifs lui donnant la qualité d'actionnaire, que la BNP PARIBAS, simple transmetteur d'ordre, a agi en qualité de mandataire, que la convention type de compte d'instruments financiers signée n'autorise pas la commission pour la souscription de titres nominatifs d'OPC étrangers, qu'en outre le simple fait que le fonds GROUPEMENT FINANCIER ne la reconnaisse pas en qualité de propriétaire reflète qu'il ne s'agit pas d'une relation de commission et qu'en s'instaurant propriétaire légal des titres, la BNP PARIBAS a exécuté un ordre autre que celui donné ; qu'elle indique qu'elle ne dispose pas des droits et attributs afférents à la propriété des titres, qu'elle n'a pas ratifié l'interposition non conforme à ses instructions, qui lui a été occultée et que dès lors la BNP PARIBAS doit lui restituer les fonds confiés;

Considérant qu'en réponse, la BNP PARIBAS fait valoir qu'elle a fourni une prestation de récepteur-transmetteur d'ordres et qu'elle a transmis à sa filiale la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES un ordre de souscription de parts d'un fonds, que l'inscription dans le registre des actionnaires constitue une simple présomption et que la société SOFRA est bien propriétaire des titres ; qu'elle ajoute que la société SOFRA a bénéficié des droits afférents à la propriété de ces titres et qu'elle n'a jamais contesté en détenir la propriété, avant qu'elle n'apprenne la fraude commise par [P] [I] ; qu'elle précise qu'elle a exécuté les ordres en qualité de commissionnaire conformément au droit français, que cette intervention en qualité de commissionnaire était exigée par 'l'opérating memorandum' du fonds et que la société SOFRA ne pouvait pas figurer en son nom dans le registre du fonds GROUPEMENT FINANCIER ; qu'elle estime qu'elle a agi en conformité avec la convention de compte conclue avec la société SOFRA, qu'elle n'a pas violé la réglementation française ou européenne en transmettant les ordres de la société SOFRA et qu'elle n'a commis aucune faute en transmettant les ordres puisque la société SOFRA pouvait souscrire, via la BNP PARIBAS, aux titres du fonds GROUPEMENT FINANCIER;

Considérant que le 25 juin 2007, la société SOFRA a donné l'ordre à la BNP PARIBAS de souscrire pour 500.000 euros dans le fonds GROUPEMENT FINANCIER et que le 4 juillet 2008, elle lui a donné l'ordre de souscrire pour 400.000 euros dans ce même fonds;

Considérant que ces deux ordres ont été transmis par la BNP PARIBAS à sa filiale, la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES, qui par l'intermédiaire de la société UBS FUND SERVICES, a fait souscrire les titres dans le registre des actions du fond GROUPEMENT FINANCIER au nom de la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES;

Considérant que la société SOFRA a reçu un avis d'exécution le 20 août 2007, faisant apparaître l'achat de 37.964 parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER à la date du 29 juin 2007 et que pour le second ordre, elle a reçu le 2 septembre 2008 un avis d'exécution de l'achat de 28.086 parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER à la date du 31 juillet 2008;

Considérant que le relevé de portefeuille de la société SOFRA, arrêté au 31 décembre 2008, mentionne qu'elle est propriétaire des parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER;

Considérant qu'il est établi que les titres du fonds GROUPEMENT FINANCIER ont bien été inscrits au compte titres de la société SOFRA qui disposait ainsi des attributs attachés à la propriété de ces titres;

Considérant que la société SOFRA prétend que ses ordres n'ont pas été exécutés, puisque elle n'est pas inscrite dans le registre des actionnaire du fonds et que la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES est seule propriétaire légale des titres au vu de l'affidavit produit par la BNP PARIBAS;

Considérant qu'il est indiqué dans l'avis en droit des Iles Vierges Britanniques (BVI), établi par FORBES HARE que 'le terme 'investisseur' est défini dans la loi des BVI comme désignant 'une personne qui possède ou détient des parts émises par un fonds (...). dans les cas où un particulier détenait une participation effective en parts d'un fonds commun de placement mais que ces parts étaient détenues par une institution financière, c'était l'institution financière et non le particulier propriétaire effectif qui était considéré comme étant l'investisseur au sens de la loi';

Considérant qu'il n'est pas contesté par les parties qu'à la date de souscription des titres, ces titres relevaient de la loi du pays où se trouvait la société émettrice et donc du droit des Iles Vierges Britanniques;

Considérant qu'aux termes de l'article 42(1) du BVI Business Compagnies Act des Iles Vierges Britanniques, l'inscription du nom d'une personne dans le registre des membres en tant que détenteur d'une action de la société, constitue une présomption (prima facie evidence) que cette personne dispose d'un titre juridique sur cette action;

Considérant qu'en droit des BVI, l'inscription sur le registre des actions n'est donc pas en elle-même constitutive de propriété et n'a qu'une valeur probatoire susceptible d'être renversée par la preuve contraire;

Considérant que la seule mention de la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES sur le registre du fonds GROUPEMENT FINANCIER ne démontre donc pas qu'elle a acquis les titres pour son propre compte;

Considérant qu'il ressort de 'l'operating memorandum' du fonds GROUPEMENT FINANCIER que pour la procédure de souscription, l'article 1.4.1 stipule que 'UBS fund services (Luxembourg) SA (l'agent) n'accepte que les demandes de souscription et de rachat provenant des clients institutionnels, d'UBS Private Banking (pour le compte des clients non institutionnels ayant ouvert un compte chez UBS) ou du principal distributeur. Les souscriptions des clients non institutionnels devront donc être transmises par l'intermédiaire des banques de leur pays de résidence ou par l'intermédiaire d'UBS au Luxembourg ou en Suisse';

Que l'article 1.4.2 prévoit que 'le client transmettra sa demande de souscription par l'intermédiaire de sa banque. La banque souscrira alors en son propre nom, pour le compte de son client. Elle débitera ensuite le compte espèces de son client et créditera son compte titres dès réception de la confirmation de la souscription. Le client sera avisé de l'acquisition des titres par l'avis d'opéré adressé par la banque';

Considérant qu'en application des dispositions susvisées de 'l'operating memorandum' du fonds, les clients non institutionnels ne pouvaient eux-mêmes souscrire les parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER qui devaient donc nécessairement être souscrites par un intermédiaire bancaire en son propre nom;

Considérant dans ces conditions que l'absence de mention de la société SOFRA comme actionnaire n'implique pas que la BNP PARIBAS n'a pas agi pour le compte de celle-ci;

Considérant que la société SOFRA fait encore valoir que la BNP PARIBAS n'a pas indiqué son existence dans le bulletin de souscription alors qu'elle aurait dû le faire;

Considérant que le bulletin de souscription au fonds GROUPEMENT FINANCIER, signé par la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES le 27 juin 2007, prévoit au paragraphe 'propriété bénéficiaire' que le demandeur déclare et garantit qu'il souscrit à ces parts pour son propre compte et à ses propres risques et sauf mention contraire par écrit comportant une nouvelle identification détaillée de chacun des propriétaires bénéficiaires représentés par le demandeur, il déclare et garantit également qu'il n'agit pas en tant que prête-nom de quelque autre personne physique ou morale que ce soit et qu'aucune personne physique ou morale n'aura de droit bénéficiaire ou d'intérêt financier dans les parts du demandeur;

Considérant que cette disposition ne fait cependant pas obstacle à ce qu'un intermédiaire soit inscrit et détienne les titres pour le compte d'autrui et qu'il n'était pas interdit à la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES de laisser figurer son nom au registre des actions;

Considérant que la BNP PARIBAS, qui était chargée d'exécuter les ordres de la société SOFRA, ne pouvait le faire que selon les modalités édictées dans le fonds et qu'elle s'est conformée aux prescriptions édictées dans le 'memorandum' en souscrivant des titres nominatifs au nom de la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES;

Considérant que la société SOFRA prétend également que la convention de compte d'instrument financiers n'autorise pas la commission et que la BNP PARIBAS ne pouvait agir qu'en qualité de mandataire;

Considérant qu'aux termes de l'article L132-1 du Code de commerce, 'le commissionnaire est celui qui agit en son nom propre ou sous un nom social pour le compte d'un commettant';

Considérant qu'au vu des prescriptions énoncées dans le 'memorandum' du fonds, la BNP PARIBAS n'a pu agir qu'en qualité de commissionnaire, en souscrivant des titres nominatifs en son nom propre pour le compte de la société SOFRA;

Considérant que l'intervention de la BNP PARIBAS en qualité de commissionnaire est conforme aux dispositions de la convention de compte d'instruments financiers signée par la société SOFRA, dès lors que le contenu et les modalités d'information du client sur la réalisation de la prestation sont indiqués dans la convention, conformément aux articles 314-86 à 314-89 du règlement général de l'AMF;

Considérant par ailleurs que la BNP PARIBAS et sa filiale la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES n'ont jamais dénié à la société SOFRA sa qualité de propriétaire des parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER, acquises suite aux ordres passés et que dans ses écritures la BNP PARIBAS reconnaît expressément que la société SOFRA est propriétaire de ces titres;

Considérant en conséquence qu'il ressort des éléments au dossier que la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES n'est pas propriétaire des titres acquis pour le compte de la société SOFRA, que cette dernière est bien propriétaire de ces titres et qu'elle est mal fondée à se prévaloir du défaut d'exécution des deux ordres qu'elle a passés;

Considérant que la société SOFRA doit dès lors être déboutée de sa demande de restitution des fonds et que le jugement doit être confirmé de ce chef;

Considérant qu'à titre subsidiaire, la société SOFRA prétend que la BNP PARIBAS a violé son obligation d'information renforcée, en qualité de commissionnaire, en recevant seule l'information qui était destinée à sa cliente ; qu'elle précise notamment que la BNP PARIBAS ne l'a pas avisée du changement de nature du fonds en fonds professionnel et de l'interdiction de souscrire en raison de son inéligibilité au fonds ; qu'elle soutient aussi que la BNP PARIBAS lui a dissimulé la réalité de la situation juridique en mentionnant la fausse qualité de titres au porteur et qu'en occultant l'existence d'un investisseur non professionnel, la banque a fait une fausse déclaration pour contourner le statut légal du fonds;

Considérant que la BNP PARIBAS SECURITIES SERVICES répond qu'elle a respecté les réglementations applicables ; qu'elle ajoute qu'elle n'était pas tenue d'un devoir d'information ou de conseil puisque la société SOFRA est un investisseur professionnel et averti, qu'elle était conseillée par la société ADAMI et que la souscription de titres du fonds GROUPEMENT FINANCIER ne constitue pas une opération spéculative;

Considérant que la société SOFRA qui dispose d'un patrimoine important et procède à des opérations sur les marchés financiers, ne peut contester avoir la qualité d'investisseur averti et disposer des conseils de la société AGAMI FINANCE;

Considérant que la BNP PARIBAS, lorsqu'elle agi comme récepteur- transmetteur d'ordres, n'est dans ces conditions pas tenue d'un devoir de conseil à l'égard de la société SOFRA;

Considérant en revanche qu'en l'espèce, la BNP PARIBAS n'a pas agi en qualité de simple récepteur- transmetteur d'ordres, mais en qualité de commissionnaire en souscrivant des titres nominatifs en son nom propre pour le compte de la société SOFRA;

Considérant qu'elle était dès lors tenue d'un devoir d'information à l'égard de la société SOFRA, peu important que celle-ci soit un investisseur averti;

Considérant qu'il appartenait à la BNP PARIBAS, qui recevait seule les informations relatives au fonds, de transmettre à la société SOFRA les documents concernant ce fonds et de l'aviser de toute difficulté rencontrée dans l'exercice de sa mission;

Considérant qu'en l'espèce la BNP PARIBAS ne démontre pas avoir informé la société SOFRA des conditions de souscription stipulées dans 'l'operating memorandum' et de l'impossibilité de souscrire les titres du fonds GROUPEMENT FINANCIER à son nom;

Considérant qu'il ressort au contraire du relevé de portefeuille arrêté au 31 décembre 2008, communiqué à la société SOFRA, que les parts du fonds GROUPEMENT FINANCIER sont mentionnées comme étant au porteur;

Considérant par ailleurs que le fonds GROUPEMENT FINANCIER, qui était un fonds de placement privé lors de la souscription par la société SOFRA en juin 2007, est devenu à compter du mois d'août 2007 un fonds d'investissement professionnel;

Considérant qu'il incombait à la BNP PARIBAS d'informer la société SOFRA, qui ne peut être qualifiée d'investisseur professionnel, du changement de nature du fonds et de l'interdiction pour un investisseur non professionnel de souscrire des parts de ce fonds, lors du second ordre en date du 4 juillet 2008;

Considérant que la BNP PARIBAS a dans ces conditions manqué à son devoir d'information à l'égard de la société SOFRA;

Considérant que la société SOFRA aurait pu choisir de renoncer à ses ordres d'achat, si elle avait été informée de ce qu'elle ne pouvait être inscrite en qualité d'actionnaire des titres et qu'elle n'en serait que le bénéficiaire économique, sans lien contractuel direct avec le fonds; qu'elle aurait également pu décider de ne pas réaliser le second achat en juillet 2008, si elle avait eu connaissance du fait qu'elle n'était plus éligible au fonds, en raison du changement de statut de ce fonds;

Considérant que la faute commise par la BNP PARIBAS a ainsi privé la société SOFRA d'une chance de ne pas souscrire au fonds GROUPEMENT FINANCIER;

Considérant que le préjudice résultant de cette perte de chance doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée; que cette perte de chance doit être appréciée à l'époque des placements et au regard de la probabilité de renoncer aux placements;

Considérant qu'au vu des éléments au dossier, cette perte de chance doit, en l'espèce, être évaluée à la somme de 300.000 euros;

Considérant que la BNP PARIBAS doit dès lors être condamnée à payer à la société SOFRA la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation ;

Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dûs au moins pour une année entière; qu'il convient d'ordonner cette capitalisation des intérêts à compter de la demande formulée dans l'assignation, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;

Considérant que la société SOFRA ne démontre pas que le droit pour la BNP PARIBAS de se défendre en justice a, en l'espèce, dégénéré en abus ; que sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive doit être rejetée;

Considérant que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société SOFRA aux dépens et au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Considérant que la BNP PARIBAS, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SOFRA les frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel et qu'il convient de condamner la BNP PARIBAS à lui payer la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer.

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société SOFRA de sa demande de restitution des fonds versés à la BNP PARIBAS.

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la BNP PARIBAS à payer à la société SOFRA la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 16/6/2009.

Ordonne la capitalisation des intérêts échus depuis une année entière à compter du 16 Juin 2007, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.

Condamne la BNP PARIBAS à payer à la société SOFRA la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Condamne la BNP PARIBAS aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/17054
Date de la décision : 18/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°11/17054 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-18;11.17054 ?
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