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18/04/2013 | FRANCE | N°11/15878

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 18 avril 2013, 11/15878


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 3



ARRET DU 18 AVRIL 2013



(n° 137 , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15878



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2011 -Tribunal d'Instance de PARIS 20 - RG n° 11-10-000997





APPELANTS



Monsieur [Y] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (France)



Représenté par

Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140



Assisté de Me Jean-Pierre WEISS, avocat au barreau de PARIS, toque : PC382





Madame [N] [S] épouse [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (France...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 3

ARRET DU 18 AVRIL 2013

(n° 137 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/15878

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2011 -Tribunal d'Instance de PARIS 20 - RG n° 11-10-000997

APPELANTS

Monsieur [Y] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (France)

Représenté par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140

Assisté de Me Jean-Pierre WEISS, avocat au barreau de PARIS, toque : PC382

Madame [N] [S] épouse [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3] (France)

Représenté par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0140

Assisté de Me Jean-Pierre WEISS, avocat au barreau de PARIS, toque : PC382

INTIME

Monsieur [U] [Z] [T]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN (Me Bruno REGNIER), avocats au barreau de PARIS, toque : L0050

Assisté de Me DECLER René, avocat au barreau de PARIS, toque D1315

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques CHAUVELOT, Président de chambre

Madame Michèle TIMBERT, Conseillère

Madame Isabelle BROGLY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Amandine CHARRIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques CHAUVELOT, président et par Mme Amandine CHARRIER, greffier présent lors du prononcé.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE.

Monsieur [U] [T] est propriétaire d'un bien immobilier sis [Adresse 2], en vertu d'un acte de partage notarié en date du 28 septembre 1983.

Après avoir occupé cet appartement avec son frère lors de ses études, Monsieur [Y] [T] s'y est installé de nouveau à compter du début de l'année 2005 avec son épouse après y avoir effectué d'importants travaux portant essentiellement sur le gros oeuvre et des travaux de remise aux normes.

Suivant acte d'huissier de justice en date du 9 mars 2010, Monsieur [U] [T] a signifié à son fils [Y] et à sa belle-fille sa volonté de récupérer l'appartement lui appartenant et occupé par eux en vertu d'un commodat : il invoquait alors son intention de vendre l'appartement litigieux réitérant en cela une première demande qu'il avait formulée quatre mois auparavant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 23 novembre 2009.

Ces demandes étant restées sans effet, Monsieur [U] [T] a, par acte d'huissier de justice, fait délivrer assignation à son fils [Y] [T] et à sa belle-fille [N] [S] épouse [T] devant le Tribunal d'Instance du 20ème arrondissement qui, par jugement rendu le 12 juillet 2011, a :

- dit qu'il n'existe pas de bail verbal entre Monsieur [U] [T] d'une part et Monsieur et Madame [Y] [T] d'autre part, mais un prêt à usage ou commodat portant sur la jouissance gratuite de l'appartement sis [Adresse 2].

- validé le congé délivré par Monsieur [U] [T] le 9 mars 2010 pour reprendre possession du bien prêté et mettre un terme au commodat.

- faute de libération volontaire, ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame [Y] [T] ainsi que celle de tous occupants de leur chef des lieux prêtés, avec si besoin le concours de la force publique.

- ordonné la séquestration des meubles et objet mobiliers pouvant se trouver sur place aux frais risques et périls de qui il appartiendra dans un lieu clos et couvert.

- condamné solidairement les défendeurs au paiement d'une indemnité d'occupation de 1 500 € par mois à compter de la date de l'assignation jusqu'à la libération effective des lieux.

- débouté les défendeurs de toutes leurs demandes.

- débouté les parties de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- condamné Monsieur et Madame [Y] [T] aux dépens.

Monsieur et Madame [Y] [T] ont interjeté appel de la décision.

Dans leurs dernières conclusions du 10 janvier 2013, ils poursuivent l'infirmation du jugement et demandent en conséquence à la Cour :

Principalement :

- de dire et juger que les travaux entrepris à leurs diligences étaient nécessaires pour une occupation conforme à une destination.

- de dire et juger que la mise à disposition de l'appartement est intervenue à titre onéreux et que le prêteur n'avait pas d'intention libérale.

- de dire et juger que l'accord intervenu entre les parties portant sur la jouissance de l'appartement litigieux doit être requalifié en bail verbal.

- de dire et juger nulle et de nul effet la sommation de libérer les locaux qui leur a été délivrée le 9 mars 2010.

Subsidiairement :

- pour le cas où l'accord conclu entre les parties serait qualifié de prêt à usage, de condamner Monsieur [U] [T] à leur verser la somme de 58 197,33 € en remboursement des travaux effectués.

En tout état de cause

- de les déclarer bien fondés en leur demande de dommages-intérêts.

- de condamner en conséquence Monsieur [U] [T] à leur verser la somme de 100 000 € soit 60 000 € à titre d'indemnisation de leur préjudice matériel, celle de 35 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur [Y] [T] et 5 000 € au titre de l'indemnisation du préjudice moral de Madame [Y] [T].

- de dire n'y avoir lieu à fixation d'une indemnité d'occupation à leur charge au regard du caractère onéreux de l'occupation et de l'absence de préjudice de Monsieur [U] [T].

- de condamner Monsieur [U] [T] à rembourser à Monsieur [Y] [T] la somme de 15 000 € par lui versée à titre d'indemnité d'occupation suivant virement du 2 décembre 2011.

- de condamner Monsieur [U] [T] à leur verser la somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de dire et juger que les condamnations à paiement seront assorties de l'intérêt au taux légal.

- de condamner Monsieur [U] [T] aux dépens de première instance et d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [U] [T], intimé, par conclusions du 13 novembre 2012, demande à la Cour :

- de déclarer Monsieur et Madame [Y] [T] mal fondés en leur appel.

- de les débouter de toutes leurs demandes.

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

- de condamner solidairement Monsieur et Madame [Y] [T] à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- de les condamner in solidum aux dépens pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION.

' Sur la qualification de l'occupation de l'appartement appartenant à Monsieur [U] [T] par Monsieur et Madame [Y] [T].

Monsieur et Madame [Y] [T] qui ont quitté spontanément les lieux après la signification du jugement dont appel, contestent la qualification de prêt à usage ou commodat invoqué par leur père et retenu par le premier juge.

Ils maintiennent en cause d'appel avoir été titulaires d'un bail verbal dont les conditions auraient été strictement définies dès le départ. Reconnaissant n'avoir acquitté aucun loyer en contrepartie de leur occupation, ils se prévalent pour étayer l'absence de gratuité de leur occupation, de la réalisation d'importants travaux effectués dans les lieux au cours de l'année 2004 jusqu'en janvier 2005 pour un montant de 58 197,33 €, hors coût de travaux d'embellissements. Ils invoquent également toutes les dépenses effectuées aux lieu et place du propriétaire et notamment le paiement des taxes foncières et charges de copropriété.

Aux termes de l'article 1809 du Code Civil, 'le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer'.

Le bail, qu'il soit écrit ou verbal, est par essence un contrat à titre onéreux et suppose une contrepartie financière à l'occupation des lieux.

Or, tout versement d'argent de la part de l'occupant n'implique pas nécessairement le caractère onéreux du contrat, encore faut-il que ce versement soit la contrepartie de la mise à la disposition de la chose.

Pour critiquer le jugement qui a refusé d'admettre la qualification de bail verbal, les appelants ne sauraient sérieusement reprocher au premier juge de n'avoir pas suffisamment examiné les devis, factures, rapports des architectes auxquels ils se sont adressés.

Il est constant et d'ailleurs non contesté que Monsieur et Madame [Y] [T] ont effectivement procédé à la réalisation d'importants travaux touchant au gros oeuvre et de mise aux normes de l'appartement, ainsi qu'en atteste le montant déboursé pour ce faire qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute.

Mais ces travaux aussi importants fussent-ils et qui ont valorisé indubitablement le bien, ne peuvent s'analyser en une contrepartie à l'occupation de l'appartement et n'ont consisté en réalité qu'à rénover intégralement un appartement ancien afin de permettre un usage personnalisé des lieux, conforme aux besoins des nouveaux occupants et à leur critères de confort.

Au surplus et surtout, Monsieur et Madame [Y] [T] ne justifient nullement de l'accord aux termes duquel leur père, Monsieur [U] [T] aurait conditionné la mise à disposition des lieux, à la réalisation de tels travaux.

Enfin, les sommes que les occupants prétendent avoir acquittées au titre des charges de copropriété durant la période 2005-2009 pour un montant de 11 802,23€, ainsi qu'au titre des taxes foncières représentent des charges courantes liées à l'usage des lieux ainsi que des dépenses d'entretien des parties communes également nécessaires à la conservation de la chose prêtée, conservation à laquelle est tenu l'emprunteur conformément aux dispositions de l'article 1880 du Code Civil.

Le montant total de ces sommes réparti sur la durée d'occupation est très modique et ne saurait suffire à démontrer qu'il s'agit d'une contrepartie à un usage de la chose 'louée'.

Le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a exclu la qualification de bail verbal et en ce qu'il a dit et jugé que les rapports entre les parties s'analysent en un prêt à usage essentiellement gratuit, une mise à disposition. A cet égard Monsieur et Madame [Y] [T] ne sont pas fondés à contester l'existence d'un commodat aux motifs tirés de l'absence d'écrit et du caractère essentiellement gratuit du prêt à usage : d'une part le caractère gratuit de la mise à disposition du bien a été ci-dessus largement démontré, d'autre part, le prêt à usage est un contrat réel dont la validité n'est pas soumise à l'exigence d'un écrit. Au surplus, compte tenu des relations familiales existant entre les parties, il est certain qu'il y avait une impossibilité morale d'exiger un écrit.

' Sur le terme du commodat.

Aux termes de l'article 1888 du Code Civil, 'le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu'après les termes convenus ou à défaut de convention, qu'après qu'elle a servi à l'usage pour laquelle elle a été empruntée'.

En l'espèce, les parties s'accordent à reconnaître qu'aucun terme n'était stipulé entre elles.

Or, lorsqu'aucun terme n'a été convenu pour le prêt d'une chose à usage permanent sans qu'aucun terme naturel soit prévisible, le prêteur est toujours en droit d'y mettre fin avec un préavis raisonnable.

Il ressort des termes de la lettre que Monsieur [U] [T] a adressée à son fils le 23 mai 2009 que le prêt à usage qu'il lui avait consenti n'avait pas vocation à se poursuivre indéfiniment puisqu'il a très clairement explicité qu'il entendait y mettre fin 'au plus tard au printemps 2010".

Dès lors qu'il n'est nullement établi que le prêt dont il s'agit avait un terme, les dispositions de l'article 1189 du Code Civil invoquées par les appelants n'ont pas vocation à s'appliquer.

Dans ces conditions, la demande de restitution du prêt à usage consenti par son père à Monsieur [Y] [T] ainsi qu'à son épouse pendant plus de 6 ans, est parfaitement fondée et ce, d'autant que le congé délivré aux époux [T] leur a accordé un délai raisonnable pour libérer les lieux.

Dans ces conditions, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a validé le congé délivré le 9 mars 2010, prononcé l'expulsion des occupants (devenue sans objet) et mis à leur charge une indemnité d'occupation de 1 500 € jusqu'à la libération effective des lieux.

' Sur la demande de Monsieur et Madame [Y] [T] en remboursement des travaux.

Monsieur et Madame [Y] [T] sollicitent subsidiairement la condamnation de Monsieur [U] [T] à leur rembourser la somme de 58 197,33€ en application des dispositions des articles 1381, 1375 et 1890 du Code Civil.

Ils font valoir qu'au visa de ces textes, la jurisprudence la plus récente admet que le prêteur doit rembourser les dépenses qui ont dû être nécessairement exposées.

L'article 1890 du Code Civil dispose que : 'si pendant la durée du prêt, l'emprunteur a été obligé pour la conservation de la chose, à quelque dépense extraordinaire, nécessaire et tellement urgente qu'il n'ait pu en prévenir le prêteur, celui-ci sera tenu de la lui rembourser'.

Or, en l'espèce, Monsieur et Madame [Y] [T] doivent être déboutés de leur demande sur ce fondement dès lors que deux des conditions exigées par le texte susvisé font défaut, à savoir que les dépenses ne présentaient pas un caractère extraordinaire et tellement urgent que le prêteur n'ait pas pu être prévenu : en effet, ainsi que ci-dessus déjà exposé, les travaux ont été effectués non pas pour assurer la conservation de l'appartement mis à disposition mais pour le moderniser, et en outre ils ont été planifiés puisqu'antérieurs à l'installation dans les lieux des emprunteurs, lesquels avaient reçu l'aval du propriétaire après l'en avoir informé.

Monsieur et Madame [Y] [T] doivent être déboutés comme mal fondés à invoquer les dispositions des articles 1375, 1381 et 1890 du Code Civil, en ce qu'ils ne justifient pas que les dépenses exposées ont été nécessaires et utiles.

' Sur la demande en paiement de dommages-intérêts.

Monsieur et Madame [T] doivent être déclarés irrecevables, sur le fondement des dispositions de l'article 564 du Code de Procédure Civile à solliciter pour la première fois en cause d'appel la somme de 100 000 € à titre de d'indemnisation de leurs préjudices matériel et moral.

' Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Succombant en leur recours, Monsieur et Madame [Y] [T] seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de Monsieur et Madame [Y] [T] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Monsieur [U] [T] peut être équitablement fixée à 2 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Déboute Monsieur et Madame [Y] [T] de toutes leurs demandes, y compris celles formées sur le fondement des dispositions des articles 1375 et 1381 du Code Civil.

Y ajoutant.

Déclare Monsieur et Madame [Y] [T] irrecevables en leur demande de dommages-intérêts comme étant nouvelle en cause d'appel.

Les condamne solidairement à verser à Monsieur [U] [T] la somme de 2 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/15878
Date de la décision : 18/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G3, arrêt n°11/15878 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-18;11.15878 ?
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