COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 17 AVRIL 2013
(no 154, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 00634
Décision déférée à la Cour : jugement du 9 novembre 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 02487
APPELANTS
Monsieur Joël X... exerçant la profession de chef d'entreprise... 94220 CHARENTON
Monsieur Christian X... exerçant la profession de chef d'entreprise... 94410 SAINT MAURICE
SAS FINANCIERE D'ANJOU immatriculée au RCS de Bobigny numéro 349 112 623 agissant en la personne de son Président en exercice domicilié audit siège 5 rue Paul Bert 93581 SAINT OUEN
représentés et assistés de Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD et THOMAS-AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055) et de Me Xavier CAZOTTES (SELARL PARDO BOULANGER et Associés, avocats au barreau de PARIS, toque : K 170)
INTIMÉS
Monsieur Christian A...... 75008 PARIS
SELARL B... et A... agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège... 75008 PARIS
représentés et assistés de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de la SCP DUFFOUR et ASSOCIES (Me Jean Pierre Gaëtan DUFFOUR) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0470)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 février 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
En 1999, la SGEPE, fonds d'investissement européen de la Société Générale, a envisagé d'acquérir l'intégralité de la participation de M. Christian X..., de son frère Joël X... et du Groupe X... dans la société Affiche Européenne, soit 37, 55 % du capital, la société Affiche Européenne étant la société mère d'un groupe de sociétés créées et développées par M. Christian X... dès 1988 et constituant en 2000 le plus grand groupe d'impressions d'affiches en Europe, introduit au second Marché le 8 décembre 1998. Dans le cadre de cette opération de cession, M. Christian X... a fait appel à M. Christian A..., avocat au barreau de Paris, en sa qualité de spécialiste des dossiers industriels et des opérations de haut de bilan ainsi que des clauses de garanties de passif, avec mission de l'assister dans la rédaction de l'acte et notamment de l'informer et le conseiller sur la portée des engagements à souscrire.
Les pourparlers en vue de l'acquisition du groupe Affiche Européenne ont débuté au second semestre 1999, la SGEPE a fait procéder à un audit approfondi par le cabinet d'audit Constantin, le cabinet d'avocats Clifford Chance et les spécialistes financiers de la Société Générale, puis le 16 décembre 1999, intéressée par l'acquisition projetée, la SGEPE a adressé à M. X... une lettre d'intention aux termes de laquelle elle précisait les principes de l'opération et notamment la signature par les cédants, Groupe X... et MM. Christian et Joël X..., d'une garantie d'actif et de passif et d'une clause de non-concurrence.
Dans cette lettre d'intention figuraient les principes directeurs de la garantie souhaitée par les cessionnaires, en 5 points, et s'agissant de l'obligation de non-concurrence, il était indiqué : " Vous-même, ainsi que M. Joël X..., vous engagerez à ne pas concurrencer, directement ou indirectement, les activités d'Affiche Européenne, pendant une période de 5 ans et dans tous les pays de l'Union Européenne, ainsi qu'en Pologne, Slovénie, Hongrie, Russie, Tchéquie et Slovaquie ".
La cession d'Affiche Européenne a été réalisée le 16 février 2000 au profit de HECHT, préalablement acquise par SGEPE : HECHT a acquis 65, 82 % du capital de la société Affiche Européenne en deux blocs d'actions :- les actions du groupe d'actionnaires majoritaires (Groupe X..., MM. Christian et Joël X...), soit 37, 55 % du capital,- les actions détenues par le Groupe BARCLAYS et LEBON DEVELOPPEMENT, soit 28, 33 % du capital.
Par acte du même jour, les actionnaires majoritaires cédants ont accordé à la société HECHT une garantie de passif et ont souscrit une obligation de non-concurrence.
La première réclamation des cessionnaires sur le fondement de la garantie de passif est intervenue le 26 juillet 2000, la seconde le 7 septembre 2000, jusqu'à parvenir à 24 réclamations à l'expiration de la garantie le 15 février 2002 et la société Hecht a assigné les cédants devant le Tribunal de Commerce de Paris le 25 octobre 2001, procédure dans laquelle M. A... a présenté la défense des intérêts des cédants.
Les juridictions françaises, saisies de l'action engagée à l'encontre de la société HECHT par M. X..., avec l'assistance de M. A..., se sont, in fine, déclarées territorialement incompétentes et le 6 mai 2003, M. X..., assisté en Belgique de M. Jean-Michel E..., avocat qui lui avait été recommandé par M. A..., a saisi le tribunal de commerce de Bruxelles, lequel, par jugement du 16 septembre 2004, a fait partiellement droit aux demandes du cessionnaire en condamnant M. X... à lui restituer les sommes versées de 205 806, 06 € plus intérêts, lequel jugement a été confirmé par arrêt du 7 juillet 2008 de la cour d'appel de Bruxelles, un pourvoi n'ayant, selon les conseils donnés après étude sérieuse du dossier par un avocat à la cour de cassation de Belgique, aucune chance de prospérer.
C'est dans ce contexte que MM. Christian et Joël X... et la société Financière d'Anjou ont recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité civile professionnelle de la Selarl B... et A... et de M. Christian A... pour manquement à leur devoir de conseil, tant dans le cadre de la rédaction de la clause de garantie de passif et de l'engagement de non-concurrence que dans le cadre des procédures relatives à la clause de garantie de passif et ont demandé l'indemnisation de leur préjudice composé de divers chefs de demande.
Les cédants, s'agissant du rôle de M. Christian A... pendant les négociations, sans contester que la société HECHT, en sa qualité d'acquéreur, s'était réservée, selon l'usage, la maîtrise de la rédaction des actes, dont la clause de garantie de passif et que c'est le cabinet Clifford Chance, conseil du cessionnaire, qui tenait la plume, considèrent que M. A..., en sa qualité de co-rédacteur, aurait dû mieux assurer la protection de leurs intérêts : ils reprochent essentiellement à leur avocat une insuffisance de clarté dans la corédaction d'un seul protocole, ayant abouti à ôter toute efficacité à ce dernier : ils font notamment valoir que les clauses, qui ont nécessité des interprétations par différentes juridictions, les ont conduit à des obligations différentes de celles qu'ils avaient entendu contracter, étant privées de tout effet alors qu'ils entendaient limiter leur garantie, quant au quantum, aux délais de réclamation, ou bénéficier de l'augmentation d'actif postérieurement à la cession, par la prise en compte des bonis, entraînant leur condamnation à verser au cessionnaire la somme de 931 416, 07 € au titre de la garantie de passif.
Par ailleurs, ils soutiennent que la rédaction de l'engagement de non-concurrence, eu égard à l'interprétation systématique que les juridictions ont été contraintes d'en faire, les a privés de la possibilité d'exercer la moindre activité ayant un quelconque rapport avec les activités graphiques, alors qu'une telle exigence n'était pas formulée dans la lettre d'intention des cessionnaires du 16 décembre 1999 : faute d'information sur la portée exacte de son engagement, modifié peu avant sa signature, croyant légitimement qu'il pouvait exercer librement une activité dans le secteur des arts graphiques à la seule exception de l'imprimerie, M. X... a été privé de la somme de 686 021 €, outre les intérêts qu'il a dû verser à l'imprimerie HECHT sur la somme de 205 806, 06 € qu'il a été contraint de restituer à cette dernière.
Enfin les cédants ont fait valoir que la défense de leurs intérêts dans le cadre des procédures a entraîné des frais d'avocats extrêmement importants pour un montant global de 289 449, 49 €.
Par jugement en date du 9 novembre 2011, le tribunal a :- déclaré irrecevables les demandes formulées à l'encontre de la Selarl B... et A...,- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. Christian A...,- débouté M. Christian X..., M. Joël X... et la société Financière d'Anjou de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de M. A...,- rejeté la demande en dommages intérêts formée par M. A... et celles formées par la Selarl B... et A... et M. A...,- condamné in solidum M. Christian X..., M. Joël X... et la société financière d'Anjou en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à payer à la Selarl B... et A... la somme de 3000 € et à M. A... celle de 10 000 €,- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,- condamné M. Christian X..., M. Joël X... et la société Financière d'Anjou aux entiers dépens de l'instance.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 11 janvier 2012 par MM. Joël et Christian X... et la SAS Financière d'Anjou, ci-après les cédants,
Vu les conclusions déposées le 7 août 2012 par les appelants qui demandent de :- infirmer le jugement rendu par le tribunal " de commerce " de Paris le 9 novembre 2011, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. Christian A..., statuant à nouveau,- dire que l'action des cédants à l'encontre de M. Christian A... et de la Selarl B... et A... est recevable,- dire que M. Christian A... a commis des fautes dans l'exercice de sa mission de conseil et de rédacteur d'acte qui leur ont causé un préjudice pour avoir dû verser à la société Hecht d'importantes sommes au titre de la garantie de passif du 16 février 2000, en conséquence,- condamner solidairement M. Christian A... et de la Selarl B... et A... à leur payer à titre de dommages et intérêts les sommes telles que rappelées aux pages 2 et 3 du jugement déféré, ainsi que les intérêts dans les mêmes termes et les sommes demandées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner solidairement M. Christian A... et de la Selarl B... et A... aux entiers dépens,
Vu les conclusions déposées le 8 juin 2012 par la Société B... et A... Selarl et M. Christian A... qui demandent de :- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre M. A...,- confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes, également en ce qu'il a mis hors de cause la Selarl B... et A...,- condamner in solidum M. Christian X..., M. Joël X... et la société Financière d'Anjou par application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à chacun des intimés une somme de 20 000 €,- les condamner également aux entiers dépens.
SUR CE :
Considérant que les faits de l'espèce ont été exactement rappelés par le tribunal aux termes d'un exposé auquel la cour se réfère expressément ;
Qu'il sera précisé que lors de la cession, le capital de la société Affiche Européenne était détenu par les appelants à hauteur de 37, 61 % et que le surplus du capital était notamment réparti entre deux sociétés d'investissement qui ont négocié, mais séparément de M. Christian X..., la cession de leurs propres actions ;
Que M. Christian X... avait fait appel pour la cession, non seulement à M. Christian A... membre de la Scp d'avocats A... et Associés mais aussi à plusieurs autres conseils qui ont eu connaissance des projets d'actes ;
Qu'il sera également précisé que peu après la signature de l'acte de cession, les cessionnaires ont appris que leur vendeur leur avait dissimulé l'acquisition d'une filiale tchèque en quasi faillite, puis, qu'en dépit de l'engagement de non concurrence, M. X... était entré dans le conseil d'administration d'une société concurrente, d'où les procédures engagées ;
Considérant que les appelants, qui reprennent pour l'essentiel le bénéfice de leur argumentation de première instance, reprochent au jugement, qu'ils estiment insuffisamment motivé et ne répondant pas à toutes leurs conclusions, d'avoir, à plusieurs reprises et contrairement à la règle applicable en la matière, fait peser sur eux la charge de la preuve du devoir de conseil de l'avocat et plus particulièrement de s'être placé au moment de la décision pour apprécier les faits alors qu'il aurait dû se replacer au moment des négociations pour analyser ces derniers ;
Sur la recevabilité de leurs demandes à l'encontre de la Selarl B... A... :
Considérant que les cédants ont dirigé leurs demandes à la fois contre la Selarl B... et A... et contre M. Christian A... personnellement ;
Considérant qu'ils indiquent que pour les déclarer irrecevables à l'encontre de la Selarl, le tribunal n'a pas répondu à leurs conclusions dès lors qu'ils rapportaient la preuve que la société d'avocats A... et Associés n'avait pas été liquidée en 2001 et que la Selarl B... et A... venait à ses droits puisque les deux structures avaient fait l'objet d'une fusion en 2001 ;
Considérant toutefois, comme le font valoir les intimés et comme l'ont retenu les premiers juges, que la Selarl est étrangère à ce litige et ne peut être recherchée au titre de la responsabilité civile professionnelle de M. Christian A..., lequel exerçait au sein d'une Scp d'avocat liquidée en 2001 ; que les cédants ne justifient nullement de leurs affirmations, qu'en effet, les notes d'honoraires qu'ils ont réglées ont été rédigées à l'en-tête de la société d'avocats A... et Associés, qu'ils n'établissent par aucune pièce que la Selarl serait née d'une fusion, alors qu'il s'agit d'une autre structure qui ne vient pas aux droits de la Scp d'avocats, qu'ils sont en revanche recevables en leurs demandes à l'encontre de M. Christian A... à titre personnel, lequel peut être recherché indépendamment de la structure à laquelle il a appartenu ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la responsabilité de M. Christian A... :
Considérant que les cédants, rappelant qu'il incombe à l'avocat de rapporter la preuve qu'il a totalement rempli son obligation de conseil à l'égard de son client, contestent la motivation des premiers juges qui ont retenu " qu'en l'espèce, le dossier des demandeurs ne recèle aucune information sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations " et surtout que les demandeurs " ne démontrent pas que le conseil qui les a assistés dans la négociation préalable à la cession, et jusqu'à la signature de l'acte, ait failli dans sa mission ", alors qu'ils avaient largement à la fois exposé les conditions dans lesquelles s'étaient déroulées les négociations et apporté tous les éléments probants quant au rôle joué par l'avocat tout au long de la négociation, notamment quant à la période et à la durée de l'intervention et au montant important des honoraires perçus au titre de cette période ;
Considérant qu'ils estiment le jugement particulièrement critiquable en ce qu'il leur reproche de ne pas avoir établi qu'ils auraient été en mesure d'imposer des conditions plus avantageuses pour eux, ni qu'informés des risques, ils auraient renoncé à contracter, alors qu'ils étaient déjà informés que deux des autres groupes d'actionnaires avaient déjà cédé leurs actions au même cessionnaires, ce qui, selon eux, revient pour le tribunal à reconnaître qu'ils n'avaient pas été effectivement informés sans tirer les conséquences de ses propres constatations ;
Que s'agissant de la clause de non concurrence, ils exposent que le tribunal s'est à tort placé, pour rechercher si l'avocat avait correctement rempli son devoir de conseil, non pas au moment des négociations, entre leur début et la version finalement adoptée, mais à celui de sa décision en estimant que dans les différents contentieux ayant suivi la rédaction de l'accord, qui avaient tous trait à l'exécution de ce dernier, les demandeurs avaient fait l'objet de condamnations ;
Considérant qu'ils soulignent que M. Christian A... était co-rédacteur des actes alors que le tribunal a raisonné comme dans le cas d'un rédacteur unique ;
Que la clause de garantie de passif, assise sur la situation intermédiaire d'Affiche Européenne au 30 juin 1999 certifiée par les commissaires aux comptes de la société, a été rédigée de manière complexe et confuse, alors qu'elle devait acter un certain nombre de principes à savoir :- une limitation de la garantie dans son quantum à hauteur des participations cédées par eux, soit 40 %,- une limitation de la garantie dans sa durée,- une limitation du délai de réclamation pour mettre en jeu la garantie,- une prise en compte des bonis intervenant après la cession, cependant qu'une autre clause prévoyait que les cédants seraient tenus à 100 % des préjudices subis par le cessionnaire si ceux-ci résultaient d'une inexactitude dans les déclarations et garanties figurant dans l'acte de garanti ;
Que les cédants ont découvert que le cessionnaire avait une lecture totalement différente des clauses de la garantie de passif, alors pourtant que cette dernière avait été conjointement rédigée : qu'il leur est apparu que certains engagements qu'ils étaient prêts à souscrire avaient été modifiés en leur défaveur au cours des dernières semaines, voire des derniers jours de négociation, sans que leur conseil n'ait, ni particulièrement veillé à la défense de leurs intérêts dans ce contexte, ni même les ait informés et conseillés sur la réelle portée des obligations qu'ils s'apprêtaient à endosser : qu'ainsi par jugement du 16 juin 2003, le tribunal de commerce de Paris a condamné les cédants à verser au cessionnaire la somme de 503 827, 85 € au titre de la garantie de passif et que persistant dans son analyse des clauses ambigües, M. A... leur a conseillé d'interjeter appel et par arrêt du 29 juin 2004, à l'encontre duquel le pourvoi par eux formé a été rejeté par un arrêt du 11 juillet 2006 de la cour de cassation, la cour d'appel de Paris a sanctionné l'interprétation de leur conseil et a condamné les cédants à verser, au titre de la garantie de passif, aux cessionnaires la somme de 931 416, 07 € ;
Que s'agissant de l'obligation de non-concurrence souscrite, cet engagement a été certes d'abord rédigé par le conseil du cessionnaire mais les cédants estiment que, biens qu'assistés par M. A..., il leur est apparu qu'il ne l'a été que dans l'intérêt exclusif du cessionnaire, puisque sa rédaction est revenue à les empêcher d'exercer la moindre activité ayant un quelconque rapport avec les arts graphiques et sur la totalité du territoire européen, pendant une période de 5 ans ; qu'il était pour eux beaucoup plus défavorable que les principes de non-concurrence souhaités et exposés dans la lettre d'intention de la SGEPE du 16 décembre 1999, laquelle n'envisageait de limiter l'interdiction qu'à l'exercice des " activités similaires ", alors que l'accord définitif signé visait tant les activités " similaires " que " complémentaires ", le second terme ayant été habilement ajouté par les acquéreurs dans les derniers jours avant la signature définitive et ayant abouti à plusieurs années de débats contentieux en interprétation pour établir ce qu'il fallait entendre par " complémentaires " et ce devant quatre juridictions différentes, pour que les cédants finalement se voient interdire d'exercer la moindre activité ayant un quelconque lien avec le secteur des arts graphiques, ce qui n'avait jamais été envisagé entre les parties pendant les négociations ; que leur attention n'a pas été suffisamment attirée sur des points essentiels en particulier sur la portée du terme " activité complémentaire " ;
Que pour la rédaction d'une garantie de passif, la loi n'apportant qu'une garantie limitée à l'acheteur, il est fréquent que ce dernier demande à son vendeur de lui garantir l'authenticité des éléments comptables sur la base desquels la société a été valorisée, le vendeur devant verser le montant de toute insuffisance d'actif ou de tout supplément de passif qui se révélerait ultérieurement ; qu'il convient que les termes de cette garantie soient rédigés clairement et ne donnent pas lieu à interprétation ; qu'en l'espèce, les clauses sont au bénéfice exclusif du cessionnaire, bien plus que d'usage en la matière ; que de plus rien n'explique qu'il ne soit pas indiqué, à l'identique de ce que prévoyait la lettre d'intention du cessionnaire, que les omissions (involontaires) postérieures au 1er juillet 1999 devaient suivre le même régime que celles antérieures, c'est à dire indemnisées à hauteur de 40 % ; que l'avocat n'a pas attiré l'attention du client sur ce point, ce qui aurait préservé les intérêts de ce dernier ;
Considérant que M. A..., intimé, précise dans ses écritures le cadre de son intervention et dans lequel se déroulaient les négociations, y ayant été associé de manière intermittente ;
Qu'il est intervenu à la rentrée de septembre 1999, dans le cadre de pourparlers engagés depuis le printemps ; qu'il rappelle le contexte, se référant au dernier cours de bourse de la société Affiche Européenne à la veille de la cession soit au 15 février 2000, et au cours auquel les deux autres sociétés Lebon Développement et Barclays Private Equity ont cédé leurs actions, c'est à dire avec une décote inhabituelle ; que la situation du Groupe Affiche Européenne, ce que confirment les bilans qu'ils produisent, était dans une situation très obérée, le groupe ayant procédé en mai 1999 à un plan social dans l'usine de Saint Laurent du Var, tandis qu'Affiche Européenne a aujourd'hui disparu ; qu'il est incontestable que les acheteurs ont exigé que leur propre conseil soit le rédacteur unique et garde la maîtrise totale de la rédaction des accords ;
Que la négociation était donc très difficile et la marge de manoeuvre de M. Christian X... très étroite puisqu'il ne représentait que son frère, la holding familiale Groupe X... et lui-même, soit une minorité à la tête d'une structure complexe en difficulté ;
Que les acheteurs, ayant mené des pourparlers séparés avec tous les actionnaires, ont adressé une lettre d'intention fixant les grandes lignes de leurs conditions, au nombre desquelles figuraient l'engagement de garantie et la clause de non concurrence, lesquelles sont des garanties classiques en la matière ; qu'aucune cession n'aurait été envisageable sans que ces deux exigences soient satisfaites, d'autant qu'il s'agit de clauses usuelles ;
Que l'intimé souligne que M. Christian X..., homme d'affaires avisé et très coutumier des cessions de sociétés, dans le souci de réduire les honoraires de son avocat, a souvent assisté seul aux rendez-vous de négociation ; que la cession a été conclue pour plus de 9 millions d'euros pour une fraction minoritaire du capital d'un groupe depuis mis en redressement judiciaire ; que les acheteurs, découvrant avoir été délibérément trompés par M. X..., lequel, malgré l'engagement de non-concurrence par lui signé, était entré au conseil d'administration d'une société Sonis et s'intéressait directement ou indirectement à plusieurs sociétés en violation de son engagement, ont multiplié les réclamations et se sont heurtés à la résistance de M. X... ;
Sur la garantie de passif :
Considérant que le texte de la convention de garantie de passif a été rappelé in extenso dans le jugement déféré ; que les cédants pour en contester la rédaction, s'appuient essentiellement sur l'interprétation qu'a pu en faire la cour d'appel de Paris à leur détriment ; que pourtant, le manquement de l'avocat à son obligation de conseil ne saurait résulter que de l'acceptation de clauses anormales par des cédants démontrant que mieux informés, ils étaient en mesure de les refuser ;
Considérant que les cédants ne sauraient valablement soutenir que leur obligation de garantir leurs vendeurs à 100 % en cas de fausse déclaration serait une contrainte anormale alors qu'au contraire, une telle garantie, qu'elle soit légale ou conventionnelle, est toujours dûe par le vendeur, a fortiori lorsqu'il est le principal dirigeant ; qu'à l'inverse, le fait de la plafonner comme en l'espèce à 40 %, s'il n'y a pas de dissimulation, est un avantage peu courant consenti au vendeur ; que cette clause traduit un principe général de loyauté contractuelle, qu'il suffisait au vendeur de respecter pour ne pas courir le risque du déplafonnement ; que les cédants n'ont donc pas perdu de chance de traiter à de meilleures conditions dès lors, qu'en effet, il s'agit en l'espèce d'engagements classiques, ce que les juridictions saisies tant en France qu'en Belgique n'ont pas manqué de rappeler ;
Que les cédants ne sont pas davantage fondés à prétendre que la clause a été rédigée dans l'intérêt exclusif de l'acheteur puisque, par hypothèse, l'existence d'une telle clause n'a pour but que de protéger ce dernier, lequel accepte de payer un prix en fonction de ce qu'il a pu connaître de la situation active et passive du groupe qu'il se propose d'acquérir, prix qui doit être révisé si la situation est différente ; que les cédants admettent eux-mêmes que l'exigence d'une convention de garantie a été formulée par les acheteurs dès la lettre d'intention du 10 août 1999 ;
Que rappelant qu'il convenait surtout d'examiner les conditions dans lesquelles la clause litigieuse avait été adoptée, les premiers juges, notant le peu d'information fournie par les demandeurs sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées les négociations, ont donc analysé les documents dont ils disposaient, à savoir la télécopie confidentielle adressée par M. A... à M. Christian X... le 7 février 2000, pour constater que l'avocat avait pris connaissance des projets de protocole d'acquisition, de la convention de garantie et de la convention d'actionnaires et avait étudié la clause concernant le seuil de 20 000 frs, qu'il proposait de relever à 30 000 frs et de porter à 60 jours le délai d'exigibilité des sommes ; qu'ainsi, par des motifs pertinents que la cour approuve, les premiers juges ont pu en conclure que les clauses avaient été examinées par les parties, sans qu'il ne soit établi que le conseil des cédants ait failli dans sa mission ; qu'à cet égard, l'avocat souligne au surplus à juste titre qu'il ne saurait être le garant de la garantie que les acheteurs ont exigée en contrepartie du prix qu'ils payaient ; que pas davantage, le fait que ses clients aient été condamnés ou que M. X... n'ait pu obtenir le paiement intégral de l'indemnité de non-concurrence prévue au contrat ne lui est opposable, ce qui reviendrait à le rendre comptable d'un aléa judiciaire ;
Sur la clause de non-concurrence :
Considérant que le 16 février 2000, les cédants ont accepté un engagement de non concurrence au profit du cessionnaire ainsi rédigé : " MM. Joël et Christian X... déclarent chacun s'interdire, en leur qualité de cédants d'actions Affiche Européenne, tant envers la société Affiche Européenne (la société) qu'envers Imprimerie Hecht SA, pendant une durée de cinq ans à compter de ce jour, de créer et/ ou de participer directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit (notamment en qualité d'associé, d'actionnaire, de dirigeant, de salarié ou de conseil) à une entreprise qui exercerait une quelconque activité similaire ou complémentaire à celles de la société et de ses filiales, liée directement ou indirectement à l'industrie d'imprimerie (...).
Cet engagement s'appliquera sur les territoires des pays membres de l'Union Européenne, ainsi que sur le territoire de la Suisse, la Pologne, la Slovénie, la Hongrie, la Russie, la Tchéquie et la Slovaquie " ;
Considérant que les cédants, se référant aux souhaits du cessionnaire tels qu'exprimés dans la lettre d'intention, et sus-rappelés, font valoir que leurs intérêts ont donc été mal défendus par M. A..., lequel aurait pu prétendre à une clause plus souple pour leur permettre d'avoir une activité dans le domaine de la publicité une année après la cession des titres ; qu'il n'a notamment pas suffisamment attiré leur attention sur la portée du terme " activité complémentaire " ce qui a limité très lourdement pour eux les possibilités d'activité future alors qu'ils n'avaient pas donné mandat à M. A... de consentir à une telle concession, pendant une si longue période et sur un territoire aussi vaste ;
Considérant que l'intimé fait justement valoir que les parties ne sont pas définitivement liées par la lettre d'intention et que les mois de négociation permettent d'apporter des précisions ou des compléments ; qu'en l'espèce il estime que la clause ne contient pas de dispositif particulier préjudiciable à M. X..., lequel l'a signée en connaissance de cause dès lors qu'il était présent lorsque l'acheteur a demandé, peu avant la cession, cet ajout qu'il a accepté ; qu'il précise encore que cet engagement était assorti d'une contrepartie financière généreuse qui s'ajoutait au prix de cession ;
Qu'en effet, le caractère abusif de cette clause n'est nullement démontré au regard des principes qui gouvernent la matière ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, il convient de prendre en compte l'extrême diversité des activités de la société Affiche Européenne, tant au regard des supports de publicité traités que de celui des technologies maîtrisées et, s'appuyant sur l'appréciation de la cour d'appel de Bruxelles, saisie du litige, de constater que la clause n'apporte pas une restriction excessive à la liberté d'exercice de M. X... et qu'elle n'est pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat ; qu'en effet l'acheteur est en droit d'exiger de son vendeur qu'il ne concurrence pas la société qu'il vient de lui vendre ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les cédants de toutes leurs prétentions dirigées contre M. A... ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de répondre plus amplement au surplus de l'argumentation des appelants qui ne fait que reprendre sans y ajouter d'éléments nouveaux les moyens auxquels il a déjà été répondu complètement et pertinemment par les premiers juges ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimé dans les termes du dispositif ci-après ;
Considérant que les appelants succombant en toutes leurs prétentions supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. Christian X..., M. Joël X... et la société Financière d'Anjou à payer en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à M. Christian A... la somme de 10 000 € et à la Selarl B... et A... la somme de 3000 €,
Condamne in solidum M. Christian X..., M. Joël X... et la société Financière d'Anjou à payer les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT