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15/04/2013 | FRANCE | N°12/06179

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 15 avril 2013, 12/06179


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 15 AVRIL 2013

(no , 4 pages)

Node répertoire général : 12/06179

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Marguerite-Marie MARION, Conseiller à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Noëlle KLEIN, Greffière, lors des débats et du prononcé avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 30 mars

2012 par M. Giorgio Y..., élisant domicile chez Maître Julie VENDE - ... ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclus...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 15 AVRIL 2013

(no , 4 pages)

Node répertoire général : 12/06179

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Marguerite-Marie MARION, Conseiller à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Noëlle KLEIN, Greffière, lors des débats et du prononcé avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 30 mars 2012 par M. Giorgio Y..., élisant domicile chez Maître Julie VENDE - ... ;

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 18 mars 2013 ;

Vu l'absence de M. Giorgio Y... ;

Entendus Me Julie VENDÉ avocat au barreau de PARIS représentant M. Giorgio Y..., Me Marie-Agnès PERRUCHE substituant Me Fabienne DELECROIX avocats représentant l'agent judiciaire de l'Etat, ainsi que Madame Lydia GÖRGEN avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du code de procédure pénale ;

* * *

Considérant que Monsieur Giorgio Y... (Monsieur Y...) a été mis en examen le 7 octobre 2010 par un Juge d'instruction de Paris des chefs d'aide à entrée, circulation et séjour irrégulier d'étrangers, association de malfaiteurs et placé sous mandat de dépôt le même jour ; que sur appel de cette ordonnance, il a été mis en liberté le 19 octobre 2010 par arrêt de la Chambre de l'instruction ;

Qu'il a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu le 4 octobre 2011, laquelle n'a fait l'objet d'aucun recours ;

Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 13 jours ;

Considérant que par requête déposée le 30 mars 2012 complétée par des conclusions ultérieures développées oralement à l'audience, Monsieur Y... sollicite :

- 20 000 € au titre de son préjudice moral,

- 19 986,80 € au titre de son préjudice matériel,

- 2 000 € au titre des frais d'avocat nécessaires à sa défense en détention,

Ainsi qu'une somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la présente procédure ;

Que l'Agent Judiciaire de l'Etat, développant oralement ses écritures à l'audience conclut :

- à la recevabilité de la requête,

- à l'octroi de la somme de 1 000 € au titre du préjudice moral, celle de 2 000 € au titre des frais d'avocat, celle de 6 612 € au titre de la perte de salaires, celle de 340 € au titre des frais d'hôtel et de voyage,

- au rejet des demandes formées au titre des conséquences professionnelles, du baptême de sa fille et aux frais de traduction,

- à ce que soit ramenée à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Que le Ministère Public, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut à la recevabilité de la requête et à son admission en son principe ainsi qu'à la réparation :

- du préjudice moral proportionné à la durée de la détention,

- de certains postes du préjudice matériel,

- à la réparation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur la recevabilité

Considérant, au regard des dispositions des articles 149-1 et 149-2 du Code de procédure pénale et 38 du Décret no 91-1266 du 19 décembre 1991, que la requête déposée dans les délais et modalités de la loi est recevable en la forme ;

Considérant que l'article 149 du même code pose le principe d'une réparation intégrale du préjudice matériel et moral résultant d'une détention subie au cours d'une procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive ;

Que cependant, la réparation est exclue soit lorsque cette ordonnance de non-lieu (ou ce jugement de relaxe ou cet arrêt d'acquittement) a pour seul fondement, soit la reconnaissance de l'irresponsabilité du prévenu à raison d'un trouble psychiatrique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au sens de l'article 122-1 du Code pénal, ou une amnistie postérieure à la mise en détention provisoire, ou la prescription de l'action publique intervenue après la libération de la personne, soit lorsque celle-ci était dans le même temps détenue pour autre cause, soit lorsqu'elle a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laisser accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ;

Qu'aucune de ces situations n'étant réalisée en l'espèce, la requête de Monsieur Y... est donc fondée en son principe ;

***

Considérant, à titre liminaire, qu'il y a lieu de rappeler que la détention provisoire ne peut en aucun cas être qualifiée d'injustifiée et encore moins d'arbitraire ;

Qu'en effet, d'une part, les articles 137 et suivants du Code de procédure pénale définissent les conditions dans lesquelles une détention provisoire peut être ordonnée donc justifiée ;

Que d'autre part, la détention arbitraire est le fait, selon l'article 725 du même Code, d'être reçu ou retenu par un agent de l'administration pénitentiaire en l'absence d'un arrêt ou d'un jugement de condamnation, d'un mandat de dépôt ou d'arrêt, d'un mandat d'amener suivi d'incarcération provisoire ou d'un ordre d'arrestation établi conformément à la loi et sans qu'ait été donné l'acte d'écrou prévu à l'article 724 ;

Qu'il est constant que tel n'est pas le cas de l'espèce ;

Considérant, par ailleurs, qu'en vertu de l'article 149 précité, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue qui sont directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire tel le contrôle judiciaire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ;

Sur le préjudice moral

Considérant que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue doit être appréciée à l'aune de la durée de la détention, en l'espèce 13 jours, et en fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;

Considérant que Monsieur Y..., né le 2 février 1966, était âgé de 44 ans lors de sa mise en détention, vivait en concubinage et avait 2 enfants ; que le baptême de la seconde, âgée de 6 mois, a été annulé en raison de son incarcération, que les conditions de cette incarcération ont pu être rendues plus difficiles du fait de son isolement géographique et de ce qu'il ne parlait pas le français, observation faite qu'il résulte du certificat médical du Docteur D..., interne en psychiatrie, qu'il a été suivi au S.M.P.R. de la Maison d'arrêt de la Santé du 8 au 18 octobre 2010 et a été reçu à l'infirmerie tous les jours (pièce no 24) ; que par ailleurs, même s'il a pu bénéficier d'une réintégration ultérieure, il a été licencié en raison des poursuites pénales dont il a fait l'objet ;

Que son casier judiciaire ne porte trace d'aucune condamnation et qu'il s'agissait d'une première incarcération ;

Qu'eu égard à la durée de sa détention ainsi qu'aux éléments susvisés, il y a lieu de lui allouer la somme de 2 000 € ;

Sur le préjudice matériel

Considérant que Monsieur Y..., au sein de la société WASTEELS INTERNATIONAL ITALIA, exerçait les fonctions de contrôleur des trains faisant la liaison entre la France et l'Italie avec un salaire mensuel net moyen de 2 204 € ; que suite à sa mise à pied et son licenciement il n'a touché aucun salaire d'octobre à décembre 2010 ; qu'il lui sera donc alloué la somme de 6 612 € au titre des pertes de salaires ;

Considérant, s'agissant des conséquences professionnelles, qu'il est constant que si Monsieur Y... a été réintégré dans la société WASTEELS en janvier 2011, il n'a pas retrouvé un poste équivalent suite à la visite médicale à laquelle il a été soumis ; qu'il résulte en effet du certificat médical établi le 16 février 2011, traduit en français et versé aux débats, qu'il a été "placé en état d'incapacité temporaire au travail" pour trois mois et qu'il est indiqué que compte tenu de son état clinique et médical il était conseillé de l'affecter "à des activités diverses", que le certificat médical du 17 mai 2011, également traduit en français, précise qu'il est "apte aux activités de bureau pour (illisible)" ce qui fut le cas, avec une baisse de salaire au regard de l‘emploi précédent ; que sa situation de chômage résulte, selon ses propres explications, d'un licenciement économique dont il a fait l'objet en octobre 2011 ; qu'il lui sera donc alloué la somme de 8 000 € pour cette période ;

Considérant qu'il y lieu de lui accorder la somme de 340 € au titre des frais d'hôtel et de voyage pour regagner son domicile après sa mise en liberté ;

Considérant en revanche, que les frais relatifs au baptême de sa fille seront rejetés s'agissant d'un préjudice matériel de son entourage, observation faite que l'aspect personnel a été pris en compte au titre du préjudice moral ;

Que les frais de traduction relèvent des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant, s'agissant des honoraires d'avocat, que seule la part des frais dont il est prouvé qu'ils sont en rapport direct avec la détention peuvent donner lieu à réparation étant précisé qu'aucune disposition n'exige que le requérant justifie s'être acquitté du paiement de la totalité des honoraires pour prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice matériel ;

Qu'en l'espèce, il ressort de la facture produite que les honoraires en rapport direct avec cette détention provisoire peuvent être évalués à la somme de 2 000 € ;

Sur l'article 700

Considérant que l'article 700 du Code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire, qu'il sera alloué de ce chef la somme de 1 500 € ;

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS Monsieur Giorgio Y... recevable en sa requête,

ALLOUONS à Monsieur Giorgio Y... :

- une indemnité de 2 000 € au titre de son préjudice moral,

- une indemnité de 14 952 € au titre de son préjudice matériel,

- une indemnité de 2 000 € au titre des frais d'avocat,

- la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

REJETONS le surplus des prétentions de Monsieur Giorgio Y....

Décision rendue le 15 avril 2013 par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/06179
Date de la décision : 15/04/2013
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2013-04-15;12.06179 ?
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