Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 12 AVRIL 2013
(n°109, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/11800
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 mai 2011 - Tribunal de commerce de CRETEIL - 2ème chambre - RG n°2009F00921
APPELANTE
S.A.R.L. BONISUD, agissant en la personne de son gérant en exercice et de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par la SCP IFL AVOCATS (Me Catherine BELFAYOL-BROQUET), avocat au barreau de PARIS, toque P 42
Assistée de Me Jean-Rémy DRUJON-d'ASTROS plaidant pour la SCP DRUJON-D'ASTROS - BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
S.A.S. ISO DUMONT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL GUIZARD & ASSOCIES (Me Michel GUIZARD), avocat au barreau de PARIS, toque L 0020
Assistée de Me Michel DUBLANCHE, avocat au barreau de TOULOUSE, case 106
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président
Mme Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller
Mme Sonia LION, Vice-Président Placé
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mme Carole TREJAUT
Mme Sonia LION a préalablement été entendue en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
Signé par Mme Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Mme Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
La société Bonisud, qui a pour activité la fourniture de différents matériels pour imprimeurs et collectivités en Afrique, a passé commande, sur présentation d'échantillons, auprès de la société Iso Dumont, société de service et de transformation pour les papiers d'impression-écriture et d'emballage, de trois livraisons de lots de papier qu'elle destinait à ses clients africains.
En règlement des factures correspondantes à ces livraisons, elle a remis à la société Iso Dumont trois lettres de change acceptées. La traite correspondant à la première livraison a été payée, la deuxième et la troisième sont revenues impayées.
Par acte du 21 septembre 2009, la société Iso Dumont a assigné la société Bonisud devant le tribunal de commerce de Créteil qui, par jugement du 10 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, a condamné la société Bonisud à payer à la société Iso Dumont les traites de 12675,60 et 12324 €, augmentées des intérêts au taux légal à compter de leurs dates d'échéance respectives, a débouté les parties de leurs demandes de dommages-intérêts et condamné la société Bonisud au paiement d'une indemnité de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 juin 2011, la société Bonisud a interjeté appel de cette décision
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 26 novembre 2012, la société appelante demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, de réformer le jugement en toutes ses dispositions, de dire et juger qu'elle est fondée à opposer au paiement des factures l'exception d'inexécution, la société Iso Dumont n'ayant pas livré une marchandise conforme aux commandes précises qu'elle avait passées, de débouter la société Iso Dumont de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 250 318 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a subi du fait de l'inexécution contractuelle. A titre subsidiaire, s'il était partiellement fait droit aux demandes en paiement de la société Iso Dumont, elle sollicite que soit ordonnée la compensation des sommes dues par chacune des parties à l'autre, et en tout état de cause, la condamnation de la société Iso Dumont à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 23 février 2012, la société Iso Dumont conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et, statuant à nouveau, demande à la cour de dire et juger que l'attitude 'morosive' de la société Bonisud lui a causé un préjudice indépendant des intérêts légaux qu'il convient de réparer à hauteur de 5000 €, de dire et juger que les pièces versées et l'argumentation de la société Bonisud sont constitutives, sinon d'un abus, au moins d'une erreur particulièrement et volontairement grossière et de la condamner en conséquence à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts, outre celle de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur les traites impayées
Considérant que la société Bonisud soutient que les marchandises correspondant aux trois commandes, une fois arrivées à destination, présentaient de graves anomalies : qualité du papier inégale, palettes contenant à la fois du papier journal, du papier satiné et du papier mat, différences de grammage et de blancheur et qu'en raison d'une qualité hétérogène, inadaptée au matériel des imprimeurs, le papier devenait inutilisable donc constamment refusé par ses clients nigériens, qu'en dépit des réclamations qu'elle a formulées auprès de la société Iso Dumont, cette dernière n'a pas réagi, qu'elle a donc perdu plusieurs marchés de ce fait ;
Qu'elle critique le jugement en ce qu'il a estimé ses commandes imprécises, faisant valoir qu'ellea commandé du papier journal "amélioré", précision qu'elle estime suffisante pour la société Iso Dumont, professionnel en la matière, correspondant normalement à un papier disponible en 58 à 72 g employé pour l'impression en offset ou en héliogravure des magazines ou journaux périodiques et pour certains travaux bon marché ; qu'elle soutient que cette mention devait suffire à renseigner sa co-contractante sur le fait que la destination du papier commandé était l'impression de journaux ;
Qu'elle ajoute que l'hétérogénéité du papier n'était pas visible sur les échantillons et que la société Iso Dumont a livré du papier présentant un écart de grammage allant jusqu'à près de 30%, alors que l'écart habituellement toléré est de 4% ;
Qu'elle précise, s'agissant de la troisième commande, que l'expédition vers l'Afrique avait déjà été ordonnée et qu'il lui était strictement impossible de bloquer la marchandise, une fois celle-ci déclarée sous douane et mise sous conteneur ;
Considérant que la société Iso Dumont indique que le papier journal est destiné soit à l'impression, soit à l'emballage et qu'en tant que transformateur de papier, dont la plaquette commerciale mentionne le slogan 'la deuxième vie du papier', elle achète des lots de papiers destinés plutôt à l'emballage ;
Qu'elle affirme qu'elle n'avait pas connaissance de la destination finale du papier commandé par la société Bonisud, qu'elle a donc accompli ses obligations contractuelles en livrant les trois lots commandés sans autre précision que les formats et le grammage entre 55 et 60 grammes par mètre carré et fait valoir qu'alors que la troisième commande se trouvait sur le port de [Localité 5] et qu'elle proposait une expertise du lot de papier, la société Bonisud a décidé de faire partir cette marchandise, rendant dès lors impossible toute vérification matérielle et expertise contradictoire ;
Considérant, cela exposé, qu'Iso Dumont a présenté des échantillons de papier qualifiés de 'journal amélioré 55/60 grs' agréés par Bonisud ; que les trois bons de commande des 6, 23 février et 10 avril 2009 mentionnent que le produit à livrer est du 'papier journal amélioré', de 60 grammes pour la première commande, de 55/60 grammes pour la deuxième et de 55 grammes pour la troisième, sans autre précision que le format du papier, sa quantité, son prix, le marquage de l'emballage, la date et le lieu de livraison ; qu'il n'existe aucun cahier des charges ni précision concernant l'utilisation du papier par le client et qu'il n'est donc pas démontré qu'Iso Dumont avait connaissance que le papier à livrer était destiné à l'imprimerie ; que la non-conformité du papier aux prescriptions du marché n°001/09/AOO passé avec l'office national d'édition et de presse du Niger, non visé dans la commande, n'est pas opposable à Iso Dumont ;
Considérant cependant que la plaquette commerciale de la société Iso Dumont mentionne qu'il s'agit d'une société de service et de transformation pour les papiers d'impression écriture et d'emballage ; que ce document n'est donc pas susceptible de renseigner les co-contractants de cette société sur le fait qu'elle fournit plutôt du papier destiné à l'emballage ;
Considérant que les allégations de la société Bonisud, selon lesquelles ses clients se sont plaints du fait que la même palette contenait deux ou trois sortes de papiers différents (journal, satiné, mat) avec des différences notables de grammage et de blancheur, sont étayées par un courrier de la société Nouvelle imprimerie du Niger accompagnant un retour de la livraison pour non-conformité, qui indique avoir trouvé dans la même palette du papier 40 grammes, du papier magazine brillant 60 grammes et du papier mat satiné, constatant un écart de 30% de grammage entre deux feuilles ; qu'un procès-verbal de constat contradictoire réalisé par la Compagnie des experts maritimes du Niger qui s'est rendue dans les locaux de l'imprimerie NTI SRL à [Localité 4] pour examiner un lot de papier journal livré par la société Bonisud indique également que l'on peut constater du papier au ton clair, intercalant avec du papier au ton tirant progressivement sur le jaune et lisse et que l'ouverture d'une palette a permis de constater jusqu'à 5 couleurs différentes de papier journal avec des grammages différents ;
Que la société Bonisud produit un rapport d'étude du 5 octobre 2011, émanant du Centre technique du papier situé à [Localité 3], ayant contrôlé les échantillons de papier provenant du lot tamponné par la Compagnie des experts martimes du Niger, dont il ressort que 6 catégories de feuilles différentes ont été examinées et que toutes ne sont pas du papier journal dit 'amélioré', les grammages et les blancheurs étant significativement différents, que le papier numéroté 6 est du papier journal d'une blancheur trop faible pour qu'il soit classé en 'journal amélioré', de même que le papier numéroté 5 qui n'est ni du journal, ni du journal amélioré, que les papiers numérotés 2 et 4 sont en revanche du type journal amélioré 'high bright', que le papier numéroté 1 peut être qualifié de journal amélioré 'super bright' et que le papier 3 possède une blancheur à la limite entre le papier journal et le papier journal amélioré ; que ce rapport précise que les définitions retenues pour les types 'papier journal' et 'papier journal amélioré' sont celles de CEFIPRINT, association des producteurs européens de papiers pour impression au sein de la confédération européenne de l'industrie papetière ; qu'il résulte également de cette analyse que les papiers analysés sont de 3 grammages différents : 40, 55 et 60 grammes ;
Que ce rapport non contradictoire, la société Iso Dumont ayant été invitée à y participer et n'ayant pas fait suite à cette proposition, à défaut de constituer un rapport d'expertise, vaut comme élément de preuve soumis à la libre discussion des parties et complète les réclamations des clients de la société Bonisud ;
Considérant en outre que le courrier recommandé de la société Iso Dumont par lequel elle indique qu'elle interdit à la société Bonisud de procéder à l'envoi du troisième lot de papier encore sur le port de [Localité 5] afin de procéder à son expertise contradictoire date du 28 mai 2009 alors que la société Bonisud démontre, par la production d'un courrier de la société SDV, société de logistique en charge de l'entreposage de la marchandise sur le port de [Localité 5], que les colis avaient été déclarés 'bon de douane' le 27 mai 2009, qu'ils ont fait l'objet d'un empotage par ses services le 28 mai 2009 et qu'ils ont été embarqués le 29 mai 2009 au port de [Localité 5] en direction de [Localité 4] ; que Bonisud établit ainsi l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de bloquer la marchandise pour la faire expertiser contradictoirement ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Iso Dumont n'a pas livré une marchandise conforme aux commandes de la société Bonisud, ne respectant ni le grammage spécifié dans les bons de commande puisqu'une partie du papier analysé était de 40 grammes au lieu des 55 à 60 grammes commandés, ni la qualité de 'papier journal amélioré' mentionnée dans chacun des trois bons de commande dont elle ne pouvait, en tant que professionnelle, ignorer les critères de blancheur ; que ces manquements ont justifié l'exception d'inexécution au paiement opposée par la société Bonisud ; que le jugement sera donc infirmé et la société Iso Dumont déboutée de sa demande en paiement des traites de 12675,60 € et de 12324 € correspondant aux deuxième et troisième livraisons de marchandises effectuées ;
Sur la demande de dommages-intérêts formulée par la société Bonisud
Considérant que la société Bonisud fait valoir qu'elle est aujourd'hui poursuivie par ses clients pour le remboursement de factures correspondant à la vente d'une marchandise non-conforme et qu'elle est menacée par la société NTI de pousuites pour n'avoir pas répondu au marché de l'ONEP d'une valeur de plus de 70 000 € ;
Qu'elle soutient qu'elle a perdu deux clients importants et que cela se traduira par une perte importante de son chiffre d'affaires pouvant être évaluée à 150 000 € par an pour la société NIN et 55 000 € par an pour la société NTI ;
Mais considérant que la société Iso Dumont n'était pas liée contractuellement aux clients nigériens de la société Bonisud et qu'elle ne peut être jugée responsable de la livraison par cette dernière de marchandises non-conformes aux spécifications de contrats auxquels elle était étrangère ; qu'il appartenait à la société Bonisud de vérifier que le papier livré par la société Iso Dumont répondait aux exigences de ses clients ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Sur la demande de dommages-intérêts formulée par la société Iso Dumont
Considérant que le sens du présent arrêt conduit à débouter la société Iso Dumont de sa demande de dommages-intérêts ;
Et considérant qu'il y a lieu d'allouer à la société Bonisud une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté les sociétés Bonisud et Iso Dumont de leurs demandes de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Iso Dumont de sa demande en paiement des traites de 12 675,60 € et de 12 324 € ;
Condamne la société Iso Dumont à payer à la société Bonisud la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Conseiller, Faisant Fonction de Président