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12/04/2013 | FRANCE | N°11/07245

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 12 avril 2013, 11/07245


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 Avril 2013

(n° 1, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07245



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES -Section industrie - RG n° 10/00135





APPELANT

Monsieur [B] [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Ant

hony CHURCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B0963





INTIMÉE

SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS BERNARD (S2EB)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

re...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 Avril 2013

(n° 1, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07245

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Mai 2011 par Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES -Section industrie - RG n° 10/00135

APPELANT

Monsieur [B] [F] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Anthony CHURCH, avocat au barreau de PARIS, toque : B0963

INTIMÉE

SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS BERNARD (S2EB)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Florence MERCADE CHOQUET, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 220 substitué par Me Gildas LE FRIEC, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [B] [Y], qui est employé par la société S2EB en qualité de tourneur depuis le 3 juin 1985, a saisi la juridiction prud'homale, le 23 février 2010, d'une demande tendant au paiement de différentes sommes au titre d'heures supplémentaires, de la contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage et de primes de fin d'année, ainsi qu'à l'annulation de l'avertissement qui lui a été notifié le 18 juin 2010.

Par jugement du 24 mai 2011, le Conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint-Georges a annulé l'avertissement litigieux et condamné la société à payer la somme de 250 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en rejetant le surplus des demandes.

M. [Y] a interjeté appel de cette décision le 28 juin 2011.

Assisté de son avocat à l'audience du 26 février 2013, il demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avertissement du 18 juin 2010 et de l'infirmer pour le surplus, en condamnant la société S2EB à lui payer les sommes de:

- 8660,43 € à titre de rappel de salaire

- 8650 € au titre des primes des années 2008 à 2012

- 7777,45 € en contrepartie du temps d'habillage et de déshabillage

- et 2500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

en ordonnant la remise sous astreinte des bulletins de paie conformes à la décision sous astreinte de 50 existence par jour de retard.

Il expose que, le 6 janvier 2009, la nouvelle direction de l'entreprise a annoncé la suppression des 17,33 heures supplémentaires qui étaient jusque-là payées systématiquement à l'ensemble du personnel, sans concertation ni délai de prévenance. Il estime qu'il s'agissait d'un usage ayant acquis depuis le 1er janvier 2002 force obligatoire, et ne pouvant être supprimé unilatéralement par l'employeur sans accord préalable des salariés concernés. S'agissant de la prime de fin d'année, il soutient pareillement qu'il lui a toujours été versé de 2001 à 2008 une prime en fin d'année sous des intitulés divers, qui avait les caractères de généralité, fixité et constance exigés pour la reconnaissance d'un usage, lequel a été supprimé sans dénonciation valable. Concernant le temps d'habillage et de déshabillage, il précise que l'employeur impose une tenue de travail qui doit être mise sur le lieu du travail et que malgré les dispositions de l'article L.3121-3 du Code du travail, il a, par note de service du 4 septembre 2008, imposé que le pointage soit effectué en tenue. Enfin, il précise qu'il lui a été infligé un avertissement en raison de son absence au travail du fait de sa présence à l'audience du bureau de conciliation.

Réprésentée par son Conseil, la SAS Société d'Exploitation des Etablissements Bernard dite S2EB a, à l'audience du 26 février 2013 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de paiement, de l'infirmer pour le surplus, de débouter en conséquence, M. [Y] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que, spécialisée dans l'usinage de pièces mécaniques de précision avec un effectif inférieur à 10 salariés et relevant de la convention collective de la métallurgie de la Région parisienne, il n'existait aucun usage professionnel dans ce secteur dérogeant à la durée légale du travail et l'empêchant, en conséquence, de supprimer unilatéralement les heures supplémentaires effectuées par les salariés, soulignant à cette occasion la différence entre usage professionnel et usage d'entreprise, ce dernier pouvant être dénoncé pour l'avenir par l'employeur. S'agissant de la prime, elle considère qu'elle était liée aux résultats de l'entreprise et que le salarié n'a jamais perçu une prime fixe, sa demande même démontrant qu'elle a varié selon les années. Quant au temps de déshabillage, elle soutient qu'elle n'a jamais obligé les salariés à revêtir sur le lieu du travail une quelconque tenue, l'appelant produisant des documents qui ne la concerne pas et les chaussures de sécurité et blouse qu'elle met à la disposition des salariés ne leur étant pas imposés. Enfin, elle estime que M. [Y] devait obtenir une autorisation d'absence et que son avertissement était donc justifié.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

I. Sur la demande de salaire au titre des heures supplémentaires

Considérant qu'il n'existe pas de droit acquis à l'exécution d'heures supplémentaires sauf engagement de l'employeur vis à vis du salarié à lui en assurer l'exécution d'un certain nombre, et qu'à défaut d'un tel engagement, seul un abus dans l'exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation ; que lorsque le contrat de travail ne garantit pas un nombre précis d'heures supplémentaires, cet engagement peut résulter d'une dérogation prévue par une convention collective ou un usage professionnel ou d'entreprise, et qu'à défaut, l'employeur a, donc, la faculté de décider unilatéralement de réduire ou de supprimer les heures supplémentaires effectuées précédemment par le salarié, sans que celui-ci puisse se prévaloir d'une modification de son contrat de travail ;

Considérant qu'en l'espèce, il est constant que M. [Y], engagé verbalement en 1985 par la société S2EB, n'a convenu avec elle aucun accord relatif à sa durée du travail ; que la convention collective applicable de la métallurgie région parisienne prévoit que cette durée est de 35 heures ; qu'il n'est pas justifié de l'existence d'un usage applicable dans le secteur professionnel de l'entreprise contraire qui fixerait la durée collective du travail à 39 heures, ce qui reste tout à fait légal dès lors que les heures supplémentaires de 35 à 39 heures sont rémunérées au taux légal majoré, ce qui a été le cas au sein de S2EB de 2002 à 2008 ; qu'il est donc tout aussi constant qu'il existait, pendant cette période, un usage d'entreprise auquel l'employeur a mis fin le 1er janvier 2008 en informant l'ensemble du personnel qu'il mettait fin à cette pratique du recours systématique aux heures supplémentaires ;

Or considérant que l'employeur est en droit de mettre fin unilatéralement pour l'avenir à un usage d'entreprise sans avoir besoin de recueillir l'accord individuel de chaque salarié concerné ; qu'il doit simplement en informer individuellement les intéressés, ainsi que les institutions représentatives du personnel lorsqu'il en existe, en respectant un délai de prévenance suffisant, afin de permettre le cas échéant l'engagement de négociations individuelles ou collectives ;

Considérant qu'il n'est pas discuté en l'espèce que M. [Y] a été informé du 'passage aux 35 heures', comme il l'a intitulé dans une lettre recommandée de protestation adressée à l'employeur non datée, mais à laquelle celui-ci a répondu le 15 juillet 2009 ; qu'il n'est pas soutenu que l'entreprise compte des représentants du personnel en son sein ; que toutefois l'appelant soutient à juste titre que l'employeur n'a pas respecté un délai de prévenance en informant le personnel le 6 janvier 2009 de la disparition des heures supplémentaires à compter du 1er janvier ; que ce juste délai qui doit être fixé à un mois est donc dû au salarié, et justifie l'allocation de la somme de 166,54 € réclamée, à ce titre ;

II. Sur la demande au titre de la prime de fin d'année

Considérant qu'en l'absence de stipulation contractuelle ou de dispositions conventionnelles en ce sens, le salarié est en droit de prétendre au paiement d'une prime si elle revêt les caractères de généralité, constance et fixité, lui conférant la force contraignante d'un usage qui ne peut alors être révoqué que selon les modalités indiquées ci-dessus ;

Considérant qu'il résulte des bulletins de paie de M. [Y] que celui-ci a perçu :

- le 31 décembre 2001, une prime exceptionnelle de 2896,54 €

- le 31 décembre 2002, une prime exceptionnelle de 2896,53 €

- le 31 décembre 2003, une prime de fin d'année de 3050 €

- le 31 décembre 2004, une prime d'engagement de 3000 €

- le 31 décembre 2005, une prime de rendement de 3000 €

- le 31 décembre 2006, une prime de flexibilité de 3000 €

- le 31 décembre 2007, une prime de polyvalence de 3000 €

- le 31 décembre 2008, une prime de polyvalence de 2500 €

- le 31 décembre 2009, une prime de réactivité de 290 €

- le 31 décembre 2010, une prime de comportement de 1200 €

- le 31 décembre 2011, une prime d'efficience de 1250 €

- le 31 décembre 2012, une prime de production de 1400 € ;

Que, nonobstant les changements de dénomination chaque année comme l'a relevé le conseil de prud'hommes, les caractères de généralité et de constance de la prime de fin d'année ne sont pas sérieusement contestables, l'employeur invoquant d'ailleurs simplement que son montant a varié selon les années en fonction des résultats de l'entreprise et du travail accompli pendant la période donnée ; que force est de constater qu'avant même l'introduction de l'instance prud'homale, la prime litigieuse avait varié dans son montant et qu'il n'est pas démontré par l'appelant que son calcul obéissait à des règles précises et prédéfinies permettant de parler de fixité indépendamment même de son montant variable ; que compte tenu dès lors du caractère discrétionnaire de la prime de fin d'année, la demande de rappel doit être rejetée ;

III. Sur la contrepartie au temps d'habillage et de déshabillage

Considérant qu'aux termes de l'article L.3121-3 du Code du travail, 'le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de temps, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps à du temps de travail effectif ' ;

Considérant qu'en l'espèce, et indépendamment des documents intitulés 'consignes de sécurité' et 'note de service' produits par l'appelant qui ne concernent pas l'entreprise S2EB, il est reconnu par l'intimée dans ses écritures qu'elle met à la dispositions de ses ouvriers une blouse nettoyée chaque semaine par elle et des chaussures de sécurité ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir qu'elle n'en n'impose pas le port à des ouvriers tourneurs au regard de l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur elle en tant qu'employeur ; qu'il reste que l'appelant ne justifie de ce que cette obligation qui pèse sur l'entreprise lui ait fait prendre des dispositions contraignantes à l'égard de ses salariés et qu'il puisse ainsi bénéficier des dispositions de l'article L.3121-3 du Code du travail ; qu'il ne soutient pas non plus que le temps passé à s'habiller doive être compris comme du travail effectif et payé comme tel, l'arrêt cité par l'intimée dans ses conclusions du 31 octobre 2007 ne disant pas l'inverse ; que la demande n'est donc pas justifiée ;

IV. Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 18 juin 2010

Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement qui, par de justes motifs expressément adoptés ici, a décidé que l'avertissement notifié à M. [Y] en raison de son absence du fait de sa présence devant le bureau de conciliation, était injustifié;

Et considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais de procédure qu'elles ont dû engager en appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne la SAS S2EB à payer à M. [B] [Y] la somme de 166,54 € à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter de la demande du 1er mars 2010 ;

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne la société S2EB aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/07245
Date de la décision : 12/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/07245 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-12;11.07245 ?
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