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11/04/2013 | FRANCE | N°12/06490

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9, 11 avril 2013, 12/06490


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 9



ARRÊT DU 11 AVRIL 2013



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06490



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2012 -Tribunal paritaire des baux ruraux de MEAUX - RG n° 54-10-09



APPELANTS



Monsieur [V], [L], [I] [D], associé de la SCEA [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Co

mparant



Assisté de Me Pierre DUPEUX (avocat au barreau de COMPIEGNE)



Monsieur [Y], [M], [G] [D], associé de la SCEA [D] [E]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Comparant



Assisté de Me Pierre...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9

ARRÊT DU 11 AVRIL 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/06490

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2012 -Tribunal paritaire des baux ruraux de MEAUX - RG n° 54-10-09

APPELANTS

Monsieur [V], [L], [I] [D], associé de la SCEA [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Comparant

Assisté de Me Pierre DUPEUX (avocat au barreau de COMPIEGNE)

Monsieur [Y], [M], [G] [D], associé de la SCEA [D] [E]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Comparant

Assisté de Me Pierre DUPEUX (avocat au barreau de COMPIEGNE)

INTIMES

Monsieur [X] [H]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Non comparant

Représenté par Me Thierry COURANT (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233)

Madame [K] [J] épouse [H]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Non comparante

Représentée par Me Thierry COURANT (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233)

Madame [Z] [F], [W] [H] épouse [A]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Non comparante

Représentée par Me Thierry COURANT (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233)

Madame [R] [P] [H]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Non comparante

Représentée par Me Thierry COURANT (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 233)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Alain SADOT, Président

Mme Patricia LEFEVRE, Conseillère

Madame Joëlle CLÉROY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Léna ETIENNE

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Alain SADOT, président et par Mme Léna ETIENNE, greffier présent lors du prononcé.

*******

Par acte authentique du 6 décembre 1989, le GFA DE [Localité 8] et les consorts [H] ont consenti aux consorts [D] un bail rural à long terme de 21 années portant sur diverses parcelles sises sur la commune de [Localité 7] pour une superficie globale de 183 ha 74 a et 97 ca.

Par jugement du 16 février 2012, le Tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux a débouté les consorts [D] de leur demande d'annulation du congé pour reprise qui leur a été signifié par actes d'huissier des 4 et 6 mai 2009, et a validé ce congé.

*

* *

Par déclaration enregistrée au greffe le 6 avril 2012, les consorts [D] ont fait appel de cette décision. Présents à l'audience, assistés de leur conseil, ils ont déclaré reprendre les prétentions et moyens développés dans leurs conclusions déposées à l'ouverture des débats.

Ils exposent qu'à côté du bail litigieux, les consorts [H] leur ont consenti en 1992 un bail rural verbal sur des bâtiments d'exploitation ainsi qu'une maison ouvrière et quelques parcelles de terres pour une contenance totale de 3 ha 97a 77 ca. Ils ajoutent qu'ils sont en outre titulaires d'un bail de chasse verbal.

Ils prétendent au principal qu'alors qu'ils exploitent ainsi d'autres parcelles appartenant aux consorts [H] sur la même commune, les congés délivrés, qui ne comportent aucune précision sur la surface ou la désignation des parcelles, doivent être déclarés nuls comme contrevenant à l'obligation du bailleur d'apporter une information loyale au preneur évincé, en conséquence de l'indétermination de leur

objet, ajoutant que les consorts [H] qui connaissaient, depuis la liquidation du GFA, la désignation des parcelles issues de diverses opérations de remembrement, se sont volontairement abstenus, dans le but de porter atteinte aux droits des preneurs, de préciser les biens sur lesquels portaient les congés.

Subsidiairement, ils soutiennent que le congé délivré opère une reprise partielle, en rappelant qu'après la liquidation du GFA DE [Localité 8], les époux [H] sont leur unique bailleur, comme étant les propriétaires ou les usufruitiers de la totalité des parcelles qui leur ont été données à bail en 1989 et 1992, et en faisant valoir que ces parcelles, considérées dans leur ensemble, constituent une unité de culture et dépendent de la même exploitation. Ils ajoutent que d'ailleurs, le bail consenti le 22 juin 1992, qui ne serait pas concerné par le congé, porte sur un bâtiment d'exploitation qui, après sa reconstruction en 1999, empiète sur la parcelle ZM [Cadastre 3], incluse dans les terres données à bail en 1989, ce qui implique que le bailleur ne pourrait assurer son obligation de leur assurer une jouissance paisible de ce bâtiment s'il reprenait totalement la parcelle ZM [Cadastre 3]. Ils en déduisent que les époux [H] ont entendu délivrer des congés sur une partie de leurs biens représentant une entité économique, et soutiennent qu'en conséquence, cette reprise partielle, soumise aux dispositions de l'article L. 411-62 du code rural, va atteindre gravement l'équilibre économique de leur exploitation, laquelle ne portera plus que sur 3 ha de surface agricole cultivable, qui doit être apprécié par rapport aux seuls biens donnés en location par le bailleur qui exerce cette reprise partielle, sans tenir compte de leurs intérêts dans d'autres exploitations. En outre, ils soulignent la fragilité juridique et économique de ces autres exploitations évoquées par les intimés.

Ils contestent ensuite les conditions de la reprise en faisant valoir que :

- Mme [Z] [H] [A], bénéficiaire de cette reprise exploitera au travers de la société EARL [H], et celle-ci doit donc solliciter une autorisation administrative,

- les biens repris ne peuvent être considérés comme ayant été détenus par un parent ou allié depuis 9 ans au moins, en ce que la plupart des parcelles étaient détenues par le GFA DE [Localité 8] et le sont désormais par les consorts [H] ce qui implique un changement de propriétaire, exclusif de l'accomplissement de cette condition,

- Mme [A] ne peut être bénéficiaire de la reprise, puisqu'elle est elle-même détentrice des biens comme étant nu-propriétaire indivis d'une partie des parcelles, et qu'il existe ainsi une identité entre le repreneur et le détenteur.

- Mme [A] remplit effectivement la condition de qualification professionnelle, mais ne justifie pas de sa capacité réelle à diriger et gérer l'entreprise,

- la bénéficiaire de la reprise ne dispose pas des moyens matériels d'exploitation, et ne justifie pas des ressources suffisantes pour les acquérir,

- il n'existe pas de volonté réelle d'exploiter du bénéficiaire de la reprise puisque Mme [Z] [A] n'est pas réellement exploitante, comme le démontrent de nombreux témoignages,

- en outre, il existe un projet de changement de destination des terres, caractérisé par la mise en place future d'un merlon de protection le long de la route nationale 4,

Enfin, dans l'hypothèse d'une validation du congé, ils affirment leur droit à l'indemnité due au preneur sortant au titre des améliorations apportées au fonds loué et sollicitent la confirmation de la désignation d'un expert en soutenant que la mesure d'instruction doit également porter sur le sort des pailles et même de la récolte en cours. Par ailleurs, ils s'opposent à la demande d'indemnité d'occupation réclamée par les consorts [H] en soutenant que le montant est exorbitant, non justifié et dénué de toute référence économique.

*

* *

Représentées à l'audience par leurs conseils, les consorts [H] ont déclaré reprendre les prétentions et moyens développés dans leurs conclusions déposées à l'ouverture des débats.

Ils exposent d'abord qu'il n'existe aucune identité entre les auteurs du bail à long terme de 1989, qui sont le GFA DE [Localité 8] et les époux [H], et les personnes qui ont donné d'autres biens à bail aux consorts [D] en 1992, c'est-à-dire les époux [H] et Mme [A] pour la grange et le hangar, et les époux [H] et leurs trois filles pour la maison ouvrière. Ils en déduisent que la confusion opérée par les consorts [D] pour présenter leur argumentation artificielle sur l'indétermination des biens faisant l'objet du congé litigieux se trouve sans aucun fondement.

Ils font valoir qu'ils ont toujours informé les preneurs des diverses modifications intervenues, tant dans la composition du GFA DE [Localité 8] ensuite des cessions de parts, que dans la désignation des parcelles, modifiées par les opérations de remembrement, et soutiennent qu'il n'y a eu aucun changement dans les surfaces exploitées par les consorts [D], hors la faible superficie ayant fait l'objet d'une expropriation pour l'agrandissement de la route nationale 4. Ils soutiennent qu'en conséquence, les preneurs n'ont pu avoir aucun doute sur la portée du congé, donné pour l'ensemble des terres faisant l'objet du bail de 1989, en soulignant qu'aucune disposition du code rural n'impose la désignation des parcelles concernées dans cette hypothèse de non renouvellement du bail.

Ils prétendent que les bailleurs étant distincts dans les conventions de 1989 et 1992, il n'existe aucune unité des biens donnés à bail, et que le paiement par le preneur de 50 % des taxes foncières a été effectué en application d'une clause licite, dérogeant aux dispositions supplétives de l'article L. 415-3 du code rural et ne constitue nullement une dissimulation du paiement d'un fermage supplémentaire. Ils soutiennent que dans ces conditions, le congé portant sur les terres ayant fait l'objet du bail de 1989 ne peut être considéré comme un congé pour reprise partielle. Ils ajoutent que la question de l'empiètement, sur la parcelle ZM [Cadastre 3], du hangar donné à bail en 1992, ne concerne pas la validité du congé, et doit être appréciée dans le cadre de l'exécution de ce dernier bail, au regard de l'obligation de délivrance du bailleur.

Subsidiairement, ils font valoir que l'atteinte à l'équilibre économique de l'exploitation du preneur doit être appréciée par rapport à l'ensemble des terres que celui-ci exploite, y compris dans le cadre de sociétés dont il est associé exploitant, et qu'il convient donc de tenir compte d'une autre ferme de 256 ha, possédant ses propres bâtiments et son propre matériel, exploitée par les consorts [D].

Ils soutiennent ensuite que les conditions de fond de la reprise par Madame [A] sont réunies, puisque celle-ci présente la capacité professionnelle exigée, habite à proximité des biens repris, et dispose des moyens matériels ou des ressources financières pour les acquérir, prouvées par une attestation de son comptable et de sa banque, la Société Générale. Ils affirment que les doutes exprimés par les consorts [D] sur la volonté d'exploiter de la candidate à la reprise ne sont que des suppositions, inspirées par leur mauvaise foi, et qui ne se trouvent aucunement confortées par les témoignages confus et tronqués, et d'ailleurs illégalement recueillis par un huissier de justice mandaté par les consorts [D] alors qu'il ne pouvait procéder par voie d'enquête.

Ils affirment aussi que la reprise envisagée est conforme à la réglementation sur les structures en indiquant que Madame [A] exploitera personnellement les biens repris, et qu'en conséquence l'EARL [H] n'a pas à solliciter une

quelconque autorisation. Ils soutiennent que la condition de détention antérieure pendant neuf années doit être appréciée en tenant compte de l'assimilation légale, aux biens qu'elles représentent, des parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille, et qu'elle se trouve ainsi satisfaite par la détention des biens par le GFA DE [Localité 8], dans lequel les époux [H] ont été associés pendant plus longtemps que la durée exigée. Ils ajoutent que sa qualité de nu-propriétaire ne peut disqualifier le bénéficiaire de la reprise, puisque la détention n'évoque que l'usus et le fructus mais est étrangère à la nue-propriété.

Ils acceptent la fixation à la somme de 250 € par hectare de la provision à valoir sur l'indemnité pour améliorations culturales sollicitée par les preneurs sortants, mais soutiennent que l'évaluation de cette indemnité doit être réalisée au 10 novembre 2010, date d'effet du congé, en soustrayant donc les exportations réalisées par les récoltes 2011 et 2012. En outre, ils sollicitent la condamnation des consorts [D] à leur payer une indemnité d'occupation de 300 € par hectare et par mois à compter de cette date.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que par acte notarié du 6 décembre 1989, le GFA DE [Localité 8] et les époux [H] ont donné à bail à long terme aux consorts [D] diverses parcelles de terre pour une contenance totale, affirmée dans l'acte, de 183 ha 74 a et 97 ca ;

Attendu que par acte d'huissier des 4 et 6 mai 2009, les époux [H], avec leurs filles Mme [Z] [H]-[A] et Mme [B] [H], ont donné congé aux consorts [D] pour la date d'échéance du bail, soit le 10 novembre 2010 à minuit ;

Attendu que ces actes rappellent d'abord l'existence du contrat de bail, et se réfèrent à la surface des terres louées qui y est mentionnée, puis énoncent qu'une partie des parcelles louées a fait l'objet d'une vente, et qu'en conséquence « la superficie appartenant au GFA DE [Localité 8] a été ramenée à 181 ha 50 a 18ca, de sorte que l'ensemble des biens loués a désormais une contenance de 183 ha 07 a [Cadastre 3] ca » ; que les consorts [D] soutiennent que la surface sur laquelle doit ainsi porter le congé ne correspond pas à la réalité de la surface louée, ce qui implique que l'acte, par son imprécision, ne permet pas au preneur de connaître exactement l'étendue du congé ;

Attendu qu'il est constant que la seule vente ayant entraîné une diminution de la superficie des terres louées est survenue en suite d'une expropriation conduite par l'administration de l'équipement pour permettre un agrandissement d'une voie publique ; que selon les bailleurs, la superficie des terres ainsi retirées est de 67 a79 ca, alors que les consorts [D] prétendent que la résiliation partielle du bail provoquée par cette expropriation ne portait que sur une surface de 51 a 24 ca ;

Attendu cependant qu'aucune disposition du code rural n'impose la mention, dans l'acte de congé, de la désignation cadastrale et de la superficie de chacune des parcelles reprises ; qu'une telle inexactitude sur la contenance des terres retirées par l'expropriation, fût-elle avérée, n'a aucune incidence sur la portée du congé, dont les termes sont dépourvus de toute équivoque, et font clairement référence à l'ensemble des terres données à bail, avec l'indication exacte de la superficie initiale ; qu'en conséquence, le congé n'a pas été donné pour une surface indéterminée ou indéterminable, et les preneurs n'ont certainement pas pu se méprendre sur la volonté des bailleurs de reprendre l'intégralité des biens loués à l'issue du bail à long terme ;

Attendu que les consorts [D] prétendent aussi qu'une confusion sur l'étendue du congé résulte du fait que les époux [H] leur ont également donné à bail diverses autres terres ; qu'en effet, par acte notarié des 22 juin et 25 novembre 1992, les consorts [D] ont pris à bail d'autres biens appartenant à certains membres de la famille [H] ; que toutefois, cet acte porte de façon claire, non pas sur des terres cultivables, mais sur des bâtiments d'exploitation ou d'habitation, et en outre la maison ouvrière située sur la parcelle B [Cadastre 1] se trouve louée par les époux [H] et Mmes [Z] [A] et [B] [H], qui sont bien les auteurs du congé litigieux, mais aussi par Mme [N] [H] épouse [Q] qui n'est pas propriétaire des terres données à bail dans l'acte notarié du 6 décembre 1989 et n'est donc pas mentionnée dans ce congé ; qu'ainsi, en raison d'une différence de nature des biens loués et de cette dissimilitude d'identité du bailleur, aucune méprise ne peut exister du rapprochement de ces deux baux ;

Attendu que les appelants font en outre valoir que le bail met à leur charge le remboursement de 50 % des impôts fonciers globaux, et en tirent la conclusion qu'il ne s'agit là que de la dissimulation d'un fermage portant sur d'autres parcelles mises à leur disposition par les consorts [H] ; que cependant, cette clause ne contrevient pas aux dispositions supplétives de l'article L 415-3 du code rural, et aucun élément du dossier ne permet de considérer qu'elle a été conclue de façon frauduleuse ; qu'en outre, les consorts [D] n'établissent pas être bénéficiaire d'un autre bail rural, même verbal, sur d'autres parcelles appartenant aux consorts [H] ;

Attendu que les consorts [D] font valoir que les époux [H] sont les propriétaires de plusieurs des parcelles louées par le bail de 1989, et les usufruitiers du reste après la dissolution du GFA DE [Localité 8], ce qui leur confère la qualité de bailleur pour le tout ; qu'ils prétendent que dans la mesure où les époux [H] sont également les propriétaires de plusieurs des biens donnés à bail en 1992, il convient de considérer l'ensemble des terres et bâtiments d'exploitation comme une unité de culture, et d'apprécier l'étendue du congé par rapport à cette unité économique ; qu'ils en déduisent que la reprise des biens ayant fait l'objet du bail de 1989 constitue ainsi une reprise partielle, soumise en conséquence aux dispositions de l'article L411-62 du code précité ;

Attendu cependant que les deux baux sont totalement indépendants (cf supra) et ont été donnés pour des durées différentes puisque le bail de 1992 avait une durée de neuf ans, et a donc ensuite été reconduit ; que les époux [H] et leurs filles nu-propriétaires pouvaient donc donner un congé limité aux biens compris dans le bail de 1989 ;

Attendu qu'il est constant que l'un des bâtiments d'exploitation ayant fait l'objet du bail de 1992, détruit par la tempête de 1999, a été reconstruit sur la parcelle d'origine cadastrée ZM [Cadastre 2], mais avec un empiétement sur la parcelle voisine ZM [Cadastre 3], comprise dans les biens repris ; qu'il s'ensuit que les consorts [D], toujours locataires du hangar et bénéficiant comme tels d'une garantie contre toute éviction, pourront exiger de leurs bailleurs, c'est-à-dire les époux [H] et leurs filles, la paisible jouissance de l'ensemble du bien donné à bail dans sa configuration issue de sa reconstruction, même s'ils ne sont plus locataires de la parcelle ZM [Cadastre 3] ; qu'il en résulte que cette situation n'entraîne aucune conséquence particulière sur la validité du congé ;

Attendu qu'en conséquence, le congé donné par les consorts [H] a pour but une reprise totale des biens donnés à bail, et non une reprise partielle ; qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si cette reprise a pour effet de porter gravement atteinte à l'équilibre économique de l'ensemble de l'exploitation assurée par les preneurs ;

Attendu que l'acte de congé contient l'indication que la reprise des biens est effectuée pour permettre leur exploitation par Mme [Z] [A] ; qu'aucun des éléments du dossier ne fait apparaître qu'en réalité, l'exploitant des terres serait l'EARL [H] comme l'allèguent les consorts [D] ; qu'il n'y a donc pas lieu de rechercher si cette société devrait bénéficier d'une autorisation administrative d'exploiter ;

Attendu que les intimés produisent copie du brevet professionnel d'exploitant agricole, option grandes cultures, obtenu en 1999 par Mme [A], et justifient ainsi suffisamment de sa capacité professionnelle ; qu'il n'est pas contesté que la candidate à la reprise a déjà son domicile dans le corps de ferme dont les consorts [D] occupent certains bâtiments, et qu'elle remplit en conséquence la condition imposée par l'alinéa 2 de l'article L411-59 du code précité ;

Attendu qu'il est constant que Mme [A] n'est pas actuellement exploitante agricole à titre personnel ; que cependant, les consorts [H] produisent aussi une attestation de son comptable Monsieur [S] [T] qui certifie que « les besoins en matériel de Madame [A], en vue de reprendre une exploitation agricole d'environ 180 ha, peuvent raisonnablement être estimés à 130 000 €. Les fonds propres personnels de Madame [A] ainsi que sa capacité d'emprunt lui permettent de toute évidence de procéder à une telle acquisition » ; qu'ils produisent surtout des engagements de sa banque, la société SOCIETE GENERALE, qui confirme qu'elle peut lui assurer un concours financier d'un montant total de 220 000 €, pouvant s'ajouter à une capacité d'autofinancement vérifiée de 50 000 € ; que cette somme totale de 270 000 € que Madame [A] peut consacrer à cet investissement étant suffisante pour permettre l'acquisition des cheptels et matériels nécessaires pour assurer l'exploitation, la condition subsidiaire de ressources prévues par le premier alinéa de l'article précité se trouve remplie ;

Attendu que l'article L331-2 du code rural prévoit que n'est soumise qu'à « déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies :

1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I,

2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration,

3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins » ; qu'il n'est pas contesté que les deux premières conditions, de capacité professionnelle du déclarant et de disponibilité des biens au jour de la déclaration, se trouvent réunies ;

Attendu que la condition de détention antérieure du bien pendant une durée de neuf années ne doit être recherchée qu'en la personne des époux [H], puisque Mme [A], candidate à la reprise, n'est que nu-propriétaire et n'a donc pas la qualité de bailleur ;

Attendu que les époux [H], usufruitiers ou propriétaires de l'ensemble des biens, ont indiqué qu'ils consentiraient un bail à leur fille pour permettre la mise en valeur de ces biens ; qu'ils ont cette qualité de bailleur depuis la dissolution du GFA DE [Localité 8], intervenue par acte authentique du 10 avril 2009, mais possédaient antérieurement 3 parts de cette société familiale en nue-propriété et des parts en usufruit pour le reste ; qu'en conséquence, en application de la disposition de l'article précité prévoyant que « pour l'application des présentes dispositions, sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille », il doit être considéré que les époux [H] détenaient les biens repris depuis plus de neuf ans, et que la dernière condition se trouve ainsi satisfaite ;

Attendu que les appelants soutiennent que Madame [A] n'a pas prouvé qu'elle avait l'intention d'exploiter personnellement les terres reprises ; que cependant, il n'est pas contesté qu'elle participe actuellement à la gestion de l'EARL [H] ; que les intimés produisent, outre le diplôme de technicien agricole de la candidate à la reprise, une attestation émanant de la FDSEA de Seine-et-Marne établissant qu'elle a obtenu en 2010 un certificat de compétence professionnelle dit « Certiphyto », ce qui prouve qu'elle poursuit sa formation, et s'inscrit donc dans une perspective de carrière d'exploitante agricole ;

Attendu que les témoignages produits par les consorts [D] pour contester la réalité de ce projet professionnel ont été recueillis sur sommations interpellatives d'un huissier de justice ; que cependant, les actes dressés par cet officier ministériel n'indiquent pas pourquoi et comment ces témoins ont été choisis, s'ils ont été avisés du contexte dans lequel leur témoignage était sollicité, si l'intégralité de leur réponse a été reproduite ; que surtout, ces témoignages ont été reçus en dehors de toute procédure contradictoire, et ne peuvent donc être retenus comme ayant la valeur des auditions exécutées dans le cadre d'une enquête ; qu'au demeurant, l'affirmation de certains de ces professionnels agricoles de leur absence de lien ou de contacts avec Madame [A] ne suffit pas pour établir que celle-ci n'aurait aucune activité dans cette matière, et surtout n'aurait aucune intention d'assurer personnellement l'exploitation des terres reprises ; qu'il appartiendra aux consorts [D] d'effectuer toute vérification qui leur semblera utile dans le cadre de l'exercice éventuel de l'action qui leur est ouverte par l'article L.411-66 du code rural ;

Attendu que les consorts [D] prétendent enfin que les bailleurs envisagent un changement d'affectation de certaines des terres reprises, en raison d'un projet d'urbanisation actuellement conduit par la commune de [Localité 7], dont la première phase consiste en l'élévation d'un merlon antibruit permettant d'isoler certaines parcelles des nuisances acoustiques causées par la circulation sur la route nationale 4 ; qu'ils produisent plusieurs comptes-rendus des délibérations du conseil municipal dans lesquelles ce projet est effectivement évoqué, et semblerait même être au stade de la préparation de la réalisation de cet ouvrage puisque des entreprises ont été contactées et invitées à présenter des offres de prix ; que toutefois, le courrier du maire de [Localité 7] du 11 janvier 2001 fait apparaître qu'en réalité, le projet est toujours en cours de conception, qu'il nécessitera la mise en oeuvre d'une enquête publique et devra s'inscrire dans un PLU, dont l'élaboration peut demander au minimum de deux à trois ans ; qu'il n'apparaît donc pas établi que les époux [H] auraient déjà l'intention ferme, d'une part de céder une partie des terres agricoles reprises pour permettre l'édification de ce dispositif antibruit, et d'autre part d'en affecter une autre partie à la réalisation d'une opération d'urbanisation ;

Attendu que dans ces conditions, il convient de confirmer le jugement qui a justement validé le congé délivré aux consorts [D] ;

Attendu que malgré ce congé qui prenait effet au 10 novembre 2010, les preneurs se sont maintenus dans les lieux, causant ainsi aux bailleurs un trouble de jouissance dont ils sont fondés à solliciter la réparation ; que cependant, l'indemnité de 300 € par mois et par hectare sollicitée à ce titre n'est aucunement justifiée, et semble très éloignée de la valeur de rendement économique réel du fonds occupé, désormais sans titre, par les consorts [D] ; qu'il convient donc de les condamner au paiement d'une somme égale à la valeur des fermages qui auraient été perçus si le bail avait été maintenu ;

Attendu que les preneurs sortants peuvent bénéficier d'une indemnité dans les conditions prévues par l'article L. 411-69 du code précité ; qu'il convient donc de confirmer la mesure d'instruction ordonnée par le tribunal, sauf toutefois a désigner un

autre expert, le technicien commis ayant fait connaître un lien de parenté avec l'une des parties ;

Attendu que la cour n'estimant pas nécessaire de procéder à l'évocation de l'affaire, le contentieux de la définition et de la fixation du montant de l'indemnité, qui n'a pas été jugé par le tribunal paritaire, n'entre pas dans la saisine actuelle de la cour, et il n'y a donc pas lieu de répondre à la demande des consorts [D] d'intégration, dans les éléments d'amélioration, de la valeur des pailles et travaux en cours à la date d'effet du congé ; qu'il en est de même des prétentions des consorts [H] sur l'éventuelle soustraction de la valeur des exportations réalisées par les récoltes 2011 et 2012 ; qu'en effet, les éléments techniques de ces discussions devront être présentés à l'expert, avant d'être discutés devant le premier juge du fond ;

Attendu toutefois que conformément aux dispositions de l'article L. 411-76 du code précité et en conséquence de l'accord des parties sur ce point, il convient de fixer l'indemnité provisionnelle à la somme de 45 000 €, qui devra être payée dans le mois de la notification de la présente décision ;

Attendu que les consorts [D], qui succombent en l'essentiel de leurs prétentions, devront supporter les dépens de la présente instance et indemniser les consorts [H] au titre des frais irrépétibles que ceux-ci ont été contraints d'exposer à cette occasion ;

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement rendu le 16 février 2012 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Meaux,

Désigne, pour procéder à l'expertise ordonnée par le tribunal,

[C] [O]

[Adresse 2]

[Localité 2]

tel : [XXXXXXXX01]

en remplacement de M. [L]-[H] [U],

CONDAMNE les consorts [D] à payer aux époux [H] une indemnité d'occupation depuis le 10 novembre 2010, égale à la valeur des fermages qui auraient été perçus si le bail avait été maintenu, jusqu'à complète libération des lieux, sans préjudice de l'astreinte fixée par le tribunal,

CONDAMNE les époux [H] à payer aux consorts [D], dans le délai de un mois suivant la date de notification de la présente décision, une provision de 45 000 € à valoir sur l'indemnité due au preneur sortant,

CONDAMNE les consorts [D] à payer aux consorts [H] une somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 12/06490
Date de la décision : 11/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G9, arrêt n°12/06490 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-11;12.06490 ?
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