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11/04/2013 | FRANCE | N°11/13384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 11 avril 2013, 11/13384


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 11 AVRIL 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13384



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/01987





APPELANTE



Société EPARGNE DIFFUSION, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette

qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentant : la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Jacques PELLERIN), avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de: Me Ma...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 11 AVRIL 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13384

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Juin 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/01987

APPELANTE

Société EPARGNE DIFFUSION, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE (Me Jacques PELLERIN), avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de: Me Martial BOCZMAK, plaidant pour la SCP MBF, avocat au barreau de Paris, toque : P 138

INTIMÉS

Monsieur [S] [P]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : la SCP NABOUDET - HATET (Me Caroline HATET-SAUVAL), avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assisté de: Me Jean-Pierre SOMMELET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0494

SA BNP PARIBAS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée et assistée par : la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES (Me Brigitte GUIZARD), avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

******************

Vu le jugement rendu le 20/6/2011 par le tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré irrecevables comme prescrites la demande de la société Epargne Diffusion tendant à ordonner la mainlevée de l'opposition et la demande à l'égard de la BNP Paribas en paiement du chèque, a débouté la société Epargne Diffusion de l'ensemble de ses demandes de dommages-intérêts à l'encontre de la BNP Paribas, a débouté la société Epargne Diffusion de l'ensemble de ses demandes à l'égard de Monsieur [S] [P], a rejeté toute autres demande, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Vu l'appel interjeté par la société Epargne Diffusion à l'encontre de ce jugement ;

Vu les conclusions signifiées le 21/1/2013 par la société Epargne Diffusion qui demande à la cour, d'infirmer le jugement déféré, d'ordonner la mainlevée de l'opposition au paiement du chèque tiré sur la BNP Paribas n°5363906 pour la somme de 1.000.000€ par Monsieur [S] [P] à son profit, de dire fautive et préjudiciable à elle-même le refus de justifier de l'opposition prétendue et le refus de délivrer le certificat de non paiement en modifiant postérieurement le motif du non paiement du chèque, de condamner Monsieur [S] [P] solidairement avec la BNP Paribas à lui payer le montant du chèque impayé (1.000.000€) majoré des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 9/3/2007, et le montant des frais de rejet du-dit chèque (2.529,54€) majoré des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 20/6/2008, date de l'assignation en référé, d'ordonner le paiement des dites sommes à concurrence des sommes disponibles sur le compte de Monsieur [S] [P] au jour de la présentation du chèque, de dire et juger que tout paiement viendra s'imputer sur la condamnation de Monsieur [S] [P] ci-dessus prioritairement au titre des frais de rejet, puis des dépens et frais d'exécution, puis des intérêts, puis du principal, de débouter Monsieur [P] et la BNP Paribas de toutes leurs contestations, demandes, fins et conclusions, et de condamner Monsieur [S] [P] et la BNP Paribas, chacun, à lui payer la somme de 20.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront la totalité des frais et dépens de référé et d'exécution;

Vu les conclusions signifiées le 25/11/2011 par Monsieur [S] [P] qui demande à la cour de confirmer la décision entreprise, de déclarer irrecevable et, en tout état de cause, mal fondée la société Epargne Diffusion au titre de son action à son encontre, subsidiairement, de constater que la société Epargne Diffusion est sans droit pour demander paiement du dit chèque en vertu de la prescription, en raison de la faute par elle commise, pour défaut de déclaration de créances au passif de la société Rouge Citron Production, la privant de tout recours, outre le défaut de cause du dit chèque, et de condamner la société Epargne Diffusion à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 5/4/2012 par BNP Paribas qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré dans les dispositions la concernant, constater et, en tant que de besoin, juger que BNP Paribas s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant aux demandes développées par la société Epargne Diffusion à l'égard de Monsieur [P], en tout état de cause, de rejeter toute demande de la société Epargne Diffusion à son encontre et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 20.000€ à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE

Considérant que le 4/10/2005, un contrat de prêt a été signé entre Monsieur [S] [P], représentant la société Rouge Citron Production, et Monsieur [R] [C], représentant la société Epargne Diffusion ; qu'aux termes de cet acte, la société Epargne Diffusion a mis à la disposition de la société Rouge Citron Production la somme d' un million d'euros pour une durée d'un an ; qu'il était prévu que cette somme serait remboursée le 5/10/2006 majorée d'un intérêt de 7 % et précisé que cette somme devait être impérativement employée pour l'acquisition de droits TV Video du film Candy ;

Considérant que le 6/10/2006, Monsieur [P] a émis un chèque ( n° 5633906) d'un million d'euros au profit de la société Epargne Diffusion sur le compte dont il était titulaire, à titre personnel, dans les livres de la BNP Paribas (Agence de Latour-Maubourg);

Considérant que ce chèque a été mis à l'encaissement le 9/3/2007 ; que, présenté à l'encaissement sur le compte bancaire HSBC du bénéficiaire, il est revenu impayé au motif 'sans provision'le 15/3/2007, ce qui a généré à l'occasion de son rejet des frais ; que la BNP a établi une attestation de rejet du chèque ; que par courrier recommandé AR en date du 2 janvier 2008, reçu le 3 janvier 2008, le conseil de la société Epargne Diffusion, a demandé à la BNP Paribas, conformément aux dispositions de l'article 65-3 du décret du 30 octobre 1935, de lui faire parvenir le certificat de non paiement correspondant ; que par courrier daté du 16 février 2008, adressé directement à la société Epargne Diffusion, la banque a fait savoir qu'il lui était impossible de répondre favorablement à cette demande, et a précisé que 'contrairement à ce qui (avait) été indiqué dans l'attestation de rejet du 15/3/2007, le chèque (litigieux avait) été rejeté suite à une opposition et non pour le motif d'une insuffisance de provision' ; que par courrier recommandé AR en date du 19 février 2008, reçu le 20 février, l'avocat de la société Epargne Diffusion a demandé à la banque de ' faire parvenir la copie certifiée conforme par (ses) soins de la notification rapportant la réalité de sa date et de la lettre constituant l'opposition objet de votre courrier tardif daté du 16 février 2008" précisant qu'il agissait ' sans approbation de (son) indication d'une substitution de motif, à près d'une année d'intervalle, concernant le non paiement du chèque'; que le 27/2/2008, la BNP a fait savoir qu'elle adressait un courrier à Monsieur [P] sollicitant son accord, puis par courrier recommandé AR en date du 3 avril 2008, a informé la société Epargne Diffusion qu'elle n'avait pas obtenu l'accord de Monsieur [P] pour la communication demandée ;

Considérant que par jugement du 31/5/2007, le tribunal de commerce de Paris a ouvert la liquidation judiciaire de la société Rouge Citron Production ;

Considérant que par acte du 20/6/2008, la société Epargne Diffusion a fait assigner devant le Président du tribunal de grande instance de Paris, en référé, Monsieur [S] [P] et la BNP Paribas pour voir ordonner la mainlevée de l'opposition au chèque, condamner à titre provisionnel Monsieur [S] [P] à lui payer le montant du chèque impayé (1.000.000€) avec intérêts au taux légal avec anatocisme et les frais de rejet du chèque, soit 2.529,54€, ordonner le paiement du chèque par BNP Paribas, dire que tout paiement viendra s'imputer sur la condamnation provisionnelle prioritairement sur les frais de rejet puis les intérêts, condamner BNP Paribas sous astreinte à lui remettre le certificat de non paiement, objet des dispositions de l'article 65-3 du décret du 30/10/1935 modifié ;

Considérant que par décision en date du 31/10/2008, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a dit irrecevables les demandes de la société Epargne Diffusion à l'encontre de la BNP Paribas et a dit n'y avoir lieu à référé, aux motifs, d'une part, que conformément aux dispositions de l'article L131-59 du code monétaire et financier, l'action du porteur contre le tiré se prescrit par un an à partir de l'expiration du délai de présentation, et que l'action introduite par acte du 20/6/2008 est prescrite, le chèque ayant été présenté le 9/3/2007 et la société Epargne Diffusion ne justifiant pas d'une cause d'interruption valable et utile, d'autre part, que la société Epargne Diffusion ne justifiait pas d'une créance non sérieusement contestable en l'état de l'incertitude régnant sur les causes d'émission du chèque ;

Considérant que par acte en date du 14/1/2009, la société Epargne Diffusion a fait assigner Monsieur [P] et la BNP Paribas en paiement et en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Paris ; que c'est dans ces circonstances et conditions qu'est intervenu le jugement déféré ; que les premiers juges ont déclaré irrecevables comme prescrites la demande de la société Epargne Diffusion tendant à ordonner la mainlevée de l'opposition et la demande en paiement du chèque, au visa de l'article L131-59 alinéa 2 du code monétaire et financier, aucun événement interruptif de prescription ne s'étant produit, et ont débouté la société Epargne Diffusion de sa demande de dommages-intérêts ; que les demandes dirigées contre Monsieur [P] ont été déclarées recevables, car non prescrites, mais non fondées, l'existence d'une cause réelle à l'émission du chèque litigieux n'étant pas démontrée ;

Considérant que la société Epargne Diffusion soutient que la prescription n'est acquise ni du chef de la banque tirée ni du tireur ; que la prescription d'un an et huit jours à l'égard du tiré a été interrompue chaque fois dans un délai inférieur à une année tant par la présentation au paiement, le 9/3/2007, que par le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile, le 9/5/2007, et la consignation intervenue le 12/6/2007, que par les réponses de la banque, le 15/3/2007 et le 3/1/2008, laquelle a reconnu son droit de créance, que par la demande de certificat de paiement qui vaut citation en justice, que par l'assignation en référé du 20/6/2008; que le chèque a été reconnu causé par Monsieur [P] ; qu'elle affirme que l'opposition est infondée et illégale ; que la BNP a eu un comportement fautif ; qu'elle aurait dû lui délivrer un certificat de non paiement ce qu'elle n'a pas fait ; que Monsieur [P] n'en était pas à 'son coup d'essai' et qu'il a fait 4 oppositions le même jour pour perte de 4 chèques dont les montants étaient de plusieurs millions d'euros, ce qui a justifié la plainte avec constitution de partie civile; que la banque a par complaisance ' participé à une substitution fautives de motifs de non paiement du chèque' ; qu'elle ne justifie pas d'une opposition antérieure à la présentation du chèque au paiement et qu'elle ne l'a enregistrée que le 11/4/2007 et n'a pas respecté les dispositions de l'article R 131-14 du code monétaire et financier ; qu'il y a eu un incident antérieur à la date de présentation de son chèque sur lequel la banque ne s'explique pas sans doute pour occulter le fait qu'elle aurait négligé de demander à Monsieur [P] de restituer son chéquier ; qu'elle précise avoir accordé le prêt par chèque tiré son compte ;

- Sur les demandes formées par la société Epargne Diffusion à l'encontre de Monsieur [P]

Considérant que Monsieur [P] explique qu'il ne s'est pas porté caution personnelle et solidaire de la société Rouge Citron Production, dont il était le gérant, que, toutefois, le dirigeant de la société Epargne Diffusion a exigé que lui soit remis, à titre de garantie du remboursement de la mise à disposition des fonds, un chèque de même montant émis par la société Rouge Citron Production ; que ' ne détenant pas le jour de la signature, le chèque au titre de la société Rouge Citron Production, Monsieur [N] [C] a exigé la remise d'un chèque tiré sur (son) compte, s'engageant à le lui restituer contre remise d'un chèque de la société Rouge Citron Production' ; que Monsieur [C] n'a jamais voulu procéder à cet échange de chèques; qu'il a donc, par courrier en date du 26 Février 2007, formé opposition entre les mains de la BNP Paribas au paiement du chèque n° 5363906 d'un montant de 1.000.000 € ; qu'il a, le 2 Avril 2007, confirmé à l'agence bancaire qui tenait son compte, son opposition au paiement du chèque pour utilisation frauduleuse ; qu'il ajoute que la société Rouge Citron production a été placée en liquidation judiciaire et que la société Epargne Diffusion n'a pas déclaré sa créance au passif; qu'il en conclut que la société Epargne Diffusion a perdu tous droits au titre de la convention de prêt, et toutes actions directes ou indirectes à l'encontre de quiconque, n'étant titulaire d'aucun droit à l'encontre de quiconque ;

Considérant que Monsieur [P] prétend que l'action de la société Epargne Diffusion à son encontre est prescrite, au visa de l'article L131-59 du code monétaire et financier, le délai d'un an plus 8 jours étant écoulé ; qu'en outre tous les recours prévus par ce texte sont prescrits de sorte que 'la société Epargne Diffusion n'a aucun droit ni titre pour demander, sur la base, tant d'un chèque prescrit, que d'un recours prescrit, une action en mainlevée elle même prescrite .. et que le chèque du 6/10/2006 n'a plus d'existence légale'; qu'aucune interruption de prescription, prévue par l'article 2244 du code civil n'est intervenue ; que, sur le fond, il indique, d'une part, qu'on ne sait pas 'si (la société Epargne Diffusion) était propriétaire de la provision, faute de justificatif de l'origine des fonds et de la propriété des dits fonds' et que 'par suite, faute de justificatif, (elle) est sans droit pour engager une quelconque action'; que, d'autre part, il n'est pas bénéficiaire des fonds et ne s'est pas porté caution solidaire de la société ; que le chèque a été détourné de son objet et qu'il a été utilisé frauduleusement ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que :

- le 6/10/2006, Monsieur [S] [P] a créé et mis en circulation un chèque d'un million d'euros à l'ordre de la société Epargne Diffusion sur le compte dont il était titulaire auprès de la BNP Paribas,

- le 26/2/2007, il a écrit à la BNP Paribas pour former opposition, pour perte, au paiement de ce chèque ,

- le 29/3/2007, il a de nouveau écrit à la BNP Paribas pour préciser que 'le chèque (n'avait) pas été émis par (lui-même) et (qu'il) n'avait pas connaissance du montant, ni du nom du bénéficiaire',

- le 2/4/2007, il a adressé un nouveau courrier à la banque ainsi libellé : 'après avoir consulté la commission bancaire, le service client de plusieurs banques, dont la vôtre et consulté des avocats spécialisés et les services de police, je vous confirme que l'opposition est un ordre donné à une banque qui doit l'exécuter car elle n'est pas juge de l'opposition. Je vous demande par la présente de bien vouloir enregistrer l'opposition pour utilisation frauduleuse du chèque n° 5363906. Vous trouverez ci-joint le procès verbal de la plainte. Je vous remercie de faire le nécessaire dès réception de ce courrier auprès de vos services et de la Banque de France pour qu'une mainlevée de l'interdiction de chèque soit immédiatement effectuée',

- lors de son audition du même jour devant les services de police, Monsieur [P] a évoqué le contrat de prêt et expliqué que ' par erreur un (de ses) chèques personnels a été remis à la société Afer Epargne Diffusion en même temps qu'un chèque venant du compte bancaire de (sa) société', en précisant qu'il ne s'était pas constitué caution pour le dit prêt,

- par courrier du 10/3/2008 adressé à la banque, Monsieur [P] s'est opposé à toute communication du motif de son opposition à la société Epargne Diffusion,

- par conclusions du 10/10/2008, devant le juge des référés, Monsieur [P] a exposé que le dirigeant de la société Epargne Diffusion avait 'exigé que lui soit remis à titre de garantie du remboursement de la mise à disposition des dits fonds, un chèque d'un même montant émis par la société Rouge Citron Production ...que ne détenant pas le jour de la signature le chèque au titre de la société Rouge Citron Production, (il) avait exigé la remise d'un chèque tiré (sur son compte) s'engageant à le lui restituer contre remise d'un chèque de la société Rouge Citron production et ... (n'avait) jamais voulu procéder à cet échange de chèques),

- cette explication a été reprise dans les écritures procédurales devant le tribunal de grande instance de Paris et devant la cour ;

Considérant qu'il résulte des faits, tels qu'ils ont été chronologiquement rapportés, que plusieurs motifs, différents, d'opposition ont été avancés par Monsieur [P] ; que l'absence de véracité de tous les motifs successifs est totale ;

Considérant que Monsieur [P] admet lui-même qu'il n'a pas perdu le chèque litigieux et que celui-ci n'a pas été émis par un tiers, à son insu ; que ce motif est donc inexact; que Monsieur [P] est, incontestablement, le tireur du chèque et qu'il s'en est, lui-même, dessaisi volontairement au profit de la société Epargne Diffusion ; qu'il ne peut non plus, se prévaloir, tardivement, ni d'une erreur, ni de l'utilisation frauduleuse du chèque ; qu'outre le fait que cette explication est contestée par la société Epargne Diffusion, qu'elle n'est étayée par aucun justificatif, et qu'elle est dépourvue de tout sérieux, il y a lieu de relever que, de l'aveu même de Monsieur [P], le chèque n'a pas été obtenu frauduleusement, qu'il n'a été ni falsifié ni contrefait, et que les circonstances de son obtention et de son utilisation ne relèvent pas de la loi pénale, et qu'en toutes hypothèses, ne constitue pas une utilisation frauduleuse du chèque, le fait de présenter au paiement un chèque remis en garantie, alors que la condition convenue n'a pas été réalisée ;

Considérant que l'illiceité des motifs de l'opposition est donc manifeste ;

Considérant que le porteur d'un chèque a un recours fondé sur le droit cambiaire qui subsiste en cas de déchéance ou de prescription contre le tireur qui a fait opposition en dehors des cas prévus par la loi ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient Monsieur [P], les demandes de la société Epargne Diffusion dirigées contre lui ne sont pas atteintes par la prescription, l'action obéissant au régime de la prescription de la créance fondamentale dont le tireur est redevable, et qu'elles sont donc recevables ;

Considérant que la formule remise à la société Epargne Diffusion contient toutes les mentions requises par l'article L131-2 du code monétaire et financier ; que selon ce texte le chèque contient le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; que par l'émission du chèque litigieux, Monsieur [P] a donné l'ordre à la BNP de payer la somme de un million d'euros à la société Epargne Diffusion ; que le tireur est garant du paiement ;

Considérant cet ordre engage son auteur ; qu'il appartient au tireur d'établir l'absence de cause de l'émission du chèque ; que la cause résulte de l'intention de réaliser l'opération fondamentale qui est sous jacente à l'émission ;

Considérant la contestation de Monsieur [P], relative à la dette contractée à l'égard de la société Epargne Diffusion, est dénuée de toute pertinence ; qu'il sera relevé que devant toutes les juridictions qui ont été saisies, Monsieur [P] a admis avoir remis volontairement le chèque à la société Epargne Diffusion, à titre de garantie de remboursement du prêt, expliquant seulement qu'il devait être échangé contre un chèque de règlement émanant de la société ; que la cour retiendra, si tant est que cette explication soit sérieuse, qu'elle n'exonère en rien Monsieur [P], qui était, à l'époque, dirigeant de la société et qu'il lui appartenait de régler, en cette qualité, le prêt, pour qu'il soit déchargé de son obligation et que le chèque devienne dépourvu de cause ; qu'il n'est pas allégué que la créance de la société Epargne Diffusion ait été éteinte par un paiement réalisé par la société Rouge Citron Production ;

Considérant que Monsieur [P] reconnaît dans ses écritures procédurales que la société Rouge Citron Production a bénéficié du prêt consenti par la société Epargne Diffusion; que ce prêt devait être remboursé le 5/10/2006 ; qu'à cette date la société était en état de cessation des paiements depuis le 5/6/2006 ; qu'elle ne pouvait donc plus régler ses dettes ; que par l'émission du chèque, le 6/10/2006, Monsieur [P], dirigeant de la société, a donc délibérément et sans équivoque entendu se substituer à la société pour régler le montant de la dette en principal ;

Considérant que les circonstances que la société Epargne Diffusion n'ait pas déclaré sa créance au passif de la société Rouge Citron Production, et que Monsieur [P] ne se soit pas porté caution au titre du remboursement du prêt, sont inopérantes, Monsieur [P] ayant, par l'émission du chèque, qui est un instrument de paiement à vue, manifesté, clairement, sa volonté de payer, à titre personnel et de façon totalement autonome, la somme de 1.000.000 euros;

Considérant que la société Epargne Diffusion est donc fondée à réclamer le paiement de la somme de 1.000.000€ et le remboursement du montant des frais de rejet ; que Monsieur [P] sera condamné à payer à la société Epargne Diffusion la somme d' un million d'euros avec intérêts au taux légal à compter du 9/3/2007 et celle de 2.529,54 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 14/1/2009 ;

Considérant que le jugement sera, sur ce point, infirmé ;

- sur les demandes formées par la société Epargne diffusion à l'encontre de la BNP Paribas

Considérant que la BNP Paribas rappelle que Monsieur [S] [P] était titulaire d'un compte dans ses livres à l'agence Latour Maubourg ; que par plusieurs courriers en date du 26/2/2007, il a formé opposition, pour perte, au paiement de plusieurs chèques et notamment à celui du chèque n° 5363906 ; que ce dernier chèque a été rejeté pour insuffisance de provision; que, certes, chronologiquement, le premier motif de rejet était l'opposition mais que le chèque aurait dû, en tout état de cause, être rejeté pour défaut de provision suffisant, le compte étant créditeur à la date de la présentation, de 813,41€ ; que son client s'étant opposé à la communication du motif de l'opposition, elle a dû attendre la saisine d'une juridiction ; qu'elle souligne que la société Epargne Diffusion n'a pas interjeté appel de l'ordonnance du juge des référés et qu'elle argumente, dans le cadre de la présente instance, pour l'essentiel contre elle en employant de mauvais procédés, et non pas contre l'émetteur du chèque, sans doute pour rechercher un débiteur solvable ; qu'elle soutient que l'action engagée est prescrite au regard des dispositions de l'article L131-35 du code monétaire et financier et qu'aucune cause interruptive de prescription n'est intervenue dans le délai requis ; qu'elle révèle que le compte de Monsieur [P] a été clôturé juridiquement, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9/11/2007, avec un solde débiteur de 2.024,83€ ; qu'elle affirme qu'elle a reçu le courrier de Monsieur [P] formant opposition, le 2/3/2007, ainsi qu'en atteste le tampon qui est apposé sur le courrier et dont rien ne permet de mettre en doute l'authenticité ; qu'elle n'avait en tout état de cause pas à se faire juge des motifs de l'opposition et qu'en toutes hypothèses, la provision n'était pas suffisante pour payer le chèque ; qu'elle relève que la société Epargne Diffusion a agi de manière tardive en référé et que la provision était redevenue disponible à l'issue d'un délai d'un an ; qu'elle déclare avec force qu'elle n'a commis aucune faute et que sa responsabilité ne peut en aucun cas être engagée ; que reconventionnellement, elle réclame des dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant qu'aux termes de l'article L131-35 du code monétaire et financier seul le juge des référés est compétent pour ordonner la mainlevée de l'opposition ;

Considérant que la société Epargne Diffusion a saisi le juge des référés ; que l'ordonnance du 31/10/2008 n'a fait l'objet d'aucun recours ; que la demande tendant à la mainlevée de l'opposition et au paiement du chèque ne pouvait être valablement présentée devant le tribunal de grande instance de Paris, saisi au fond ; que ces demandes ne sont pas atteintes par la prescription, comme l'ont dit les premiers juges, mais que la société Epargne Diffusion était irrecevable à les former devant eux ;

Considérant qu'il sera surabondamment relevé que la société Epargne Diffusion n'invoque aucun fait interruptif de prescription valable et utile ; que le compte a été clôturé, le 9/11/2007 ; que le chèque n'a pas été représenté au paiement ; que selon l'article R 131-22 du code monétaire et financier, la provision est redevenue disponible à l'issue d'un délai d'un an ; qu'à la date de la présentation, le compte était créditeur de la somme de 813,41€ ; qu'il était débiteur de 2.024,83€ à la date de la clôture;

Considérant que le chèque litigieux a été émis le 6/10/2006 et présenté au paiement le 8/3/2007 ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que par courrier du 26/2/2007, donc antérieur à la présentation au paiement, reçu le 2/3/2007, Monsieur [S] [P] a demandé à la banque d'enregistrer l'opposition qu'il formulait pour perte ;

Considérant que la BNP Paribas a, dans un premier temps, refusé le paiement pour défaut de provision, motif qui était réellement constitué, pour ensuite expliquer que Monsieur [P] avait frappé d'opposition le paiement de ce chèque ;

Considérant qu'il est constant que l'opposition avait été formée par écrit ; qu'elle visait un cas légal d'opposition ; que la banque n'avait donc aucun pouvoir d'appréciation et était tenue de l'admettre sans en rechercher la réalité ;

Considérant, pour le surplus, que les moyens développés par la société Epargne Diffusion au soutien de son appel, pour incriminer la BNP Paribas ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans aucune justification complémentaire utile ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte en les faisant siens sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;

Considérant qu'il sera relevé que même si la BNP Paribas a commis une erreur, en indiquant, dans un premier temps, qu'elle refusait le paiement du chèque à cause d'une insuffisance de provision, qui était réellement constituée, pour révéler ensuite l'existence d'une opposition à paiement formée par le titulaire du compte, qu'elle avait effectivement enregistrée, ce comportement ne peut être considéré comme constituant une faute préjudiciable pour la société Epargne Diffusion, justifiant la condamnation de la BNP au paiement du montant du chèque, la banque n'ayant aucune responsabilité ni dans l'émission du chèque ni dans son refus de paiement, ces faits étant seulement imputables au tireur ;

Considérant que le jugement sera donc confirmé, partiellement par substitution de motifs, sur ces points ;

- sur les demandes de la BNP Paribas

Considérant que bien que non fondée l'action de la société Epargne Diffusion ne peut être qualifiée d'abusive ; que la BNP Paribas sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que dans les rapports entre la société Epargne Diffusion et la BNP Paribas, la première nommée succombe et sera condamnée au paiement des dépens engagés par la BNP Paribas ; que la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Epargne Diffusion à l'encontre de la BNP Paribas ne peut être accueillie ; que l'équité commande au contraire que la société Epargne Diffusion verse à ce titre la somme de 8.000 € à la BNP Paribas

- sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant que Monsieur [P] succombe et sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ; que la cour, qui n'est pas saisie de l'appel formée contre l'ordonnance de référé, ne saurait modifier ses dispositions en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Considérant que la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formée par Monsieur [P] ne peut être accueillie ; que l'équité commande au contraire qu'il soit condamné à ce titre à verser la somme de 8.000€ à la société Epargne Diffusion ;

PAR CES MOTIFS PARTIELLEMENT SUBSTITUES A CEUX DES PREMIERS JUGES

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Epargne Diffusion de ses demandes à l'encontre de Monsieur [S] [P] et a condamné la société Epargne Diffusion aux entiers dépens, le confirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne Monsieur [S] [P] à payer à la société Epargne Diffusion la somme d'un million d'euros avec intérêts au taux légal à compter du 9/3/2007, celle de 2.529,54€ avec intérêts au taux légal à compter du 14/1/2009, et celle de 8.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Epargne Diffusion à payer la somme de 8.000€ à la BNP Paribas au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties,

Condamne Monsieur [S] [P] aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux engagés par la BNP Paribas qui seront à la charge de la société Epargne Diffusion, dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/13384
Date de la décision : 11/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°11/13384 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-11;11.13384 ?
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