Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 11 AVRIL 2013
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/20743
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 septembre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - PREMIÈRE CHAMBRE - RG n° 2010000654
APPELANTE
SARL BLUE LINE & BRO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée et assistée de Me Pascal GUG (avocat au barreau de PARIS, toque : D1759)
INTIMÉES
SARL INSTITUTIONNEL MEDIAS 'IM PUB'
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 1]
Mademoiselle [R] [N]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 2]
Représentées par la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS en la personne de Me Frédéric INGOLD (avocats au barreau de PARIS, toque : B1055)
Assistées de Me Jean-Marc AZIZA ( avocat au barreau de PARIS, toque : A 794)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société Blue Line qui exerce une activité de conseil en communication, marketing opérationnel et d'édition a conclu avec Mme [N], le 4 janvier 2004, un contrat d'agent commercial à durée indéterminée qui avait pour objet la commercialisation d'espaces publicitaires auprès d'une clientèle d'industriels à des fins d'édition de magazines ainsi que toutes opérations de marketing opérationnel et de promotion liée.
Par lettre avec avis de réception du 4 novembre 2009, Mme [N] a informé son mandant qu'elle souhaitait mettre un terme au contrat d'agent commercial qui les liait et a cessé ses fonctions le jour même.
La société Blue Line a considéré que Mme [N] avait frauduleusement détourné son fichier client et qu'elle n'avait pas respecté la clause de non concurrence ni le préavis prévus dans son contrat. Elle a saisi le président du tribunal de commerce de Paris de deux requêtes, l'une afin d'être autorisée à assigner en référé Mme [N] et la société IM PUB, qui l'a embauchée comme salariée, pour obtenir la cessation de l'utilisation de son fichier clients et la cessation de la relation de travail entre elles, l'autre, aux fins d'être autorisée à assigner au fond à bref délai les mêmes parties pour obtenir réparation de ses préjudices.
Par ordonnance de référé en date du 2 février 2010, le président du tribunal de commerce de Paris a dit n'y avoir lieu à référé et par conséquent a renvoyé les parties sur le fond.
Par un jugement en date du 7 septembre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :
- fait interdiction à Mme [N] ainsi qu'à la société IM PUB d'utiliser ou d'exploiter les données contenues dans le fichier clients de la société Blue Line, le tout sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement,
- condamné Mme [N] et la société IM PUB, in solidum, à payer à la société Blue Line, les sommes de 2.632 euros au titre du préavis non effectué, 20.000 euros à titre du préjudice moral, 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 22 octobre 2010 par la société Blue Line contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 12 février 2013, par la société Blue Line par lesquelles elle demande à la Cour de :
- recevoir Blue Line en ses demandes et la déclarer bien fondée,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- fait interdiction à Mme [N] et la société IM PUB d'utiliser ou d'exploiter les données contenues dans le fichier clients Blue Line, le tout sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- condamné in solidum Mme [N] et la société IM PUB à payer à la société Blue Line les sommes de 2.632 euros au titre du préavis non effectué et 20.000 euros au titre du préjudice moral.
En statuant à nouveau,
- constater que Mme [N] n'a pas exécuté ses obligations contractuelles et plus particulièrement son obligation de non concurrence,
- Si par extraordinaire la Cour venait à considérer cette clause comme nulle ou inopposable, alors la demanderesse sollicite de la Cour qu'elle fasse défense à Mme [N] d'exercer une activité professionnelle dans le secteur anciennement confié à cette dernière et ce, pendant une durée de deux ans.
- constater que Mme [N] a frauduleusement détourné le fichier clients Blue Line,
- dire et juger que la société IM PUB a commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- prononcer la condamnation in solidum de Mme [N] et la société IM PUB à verser à la société Blue Line les sommes suivantes:
. 1.200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice égal à la perte du fonds de commerce,
. 378.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause de non concurrence de Mme [N],
. 100.000 euros et à défaut au minimum à trois mois de chiffre d'affaires réalisés par Mme [N], soit environ 47.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'inexécution du préavis contractuel de Mme [N],
. 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, sous déduction de la somme de 20.000 euros déjà versée par Mme [N] et la société IM PUB,
- A défaut, désigner tout expert de son choix, avec mission d'évaluer et de chiffrer le préjudice de la société Blue Line résultant de la perte de la valeur du fonds de commerce de la société Blue Line, tout en condamnant in solidum la société IM PUB et Mme [N] à verser à la société Blue Line , sans attendre les résultats de l'expertise, une somme de 100.000 euros à titre de provision.
- dire que la décision à intervenir sera publiée aux frais de Mme [N] et la société IM PUB dans deux journaux ou parutions au choix de la société Blue Line,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Mme [N] et la société IM PUB, à payer à la société Blue Line la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La société Blue Line fait valoir la validité de l'obtention des pièces qu'elle invoque à l'appui de ses demandes. Elle précise que la jurisprudence retient que les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur, pour les besoins de son travail, sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels. Elle précise que c'est de manière tout à fait fortuite et spontanée, et en toute bonne foi, que ses dirigeants ont eu accès à la boîte de messagerie de Mme [N].
Sur le fond, elle fait valoir que les courriels qu'elle a retrouvés attestent que Mme [N] a frauduleusement détourné son fichier clients et qu'elle a méticuleusement préparé son départ avec la société IM PUB. Elle ajoute que le contrat de Mme [N] contenait une clause de non concurrence qui est parfaitement valable et qu'elle a violé avec la complicité de la société IM PUB.
Elle indique qu'elle a subi, d'une part, des préjudices économiques résultant de la perte de la valeur de son fonds de commerce, de la violation de la clause de non concurrence et de l'inexécution du préavis contractuel, d'autre part, un préjudice moral important compte tenu des actes déloyaux commis tant par Mme [N] que par la société IM PUB et plus spécifiquement le détournement de son fichier clients.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 13 février 2013 par la société IM PUB et Mme [N] par lesquelles ils demandent à la Cour de :
- recevoir la société IM PUB en ses demandes et la déclarer bien fondée,
- déclarer la société Blue Line mal fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- constaté que Mme [N] n'avait pas violé la clause de non concurrence,
- débouté la société Blue Line de sa demande de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence,
- débouté la société Blue Line de sa demande de dommages et intérêts pour la perte de son fonds de commerce lié au fichier client,
Et statuant à nouveau,
- écarter des débats les pièces produites par la société Blue Line n°4, n°5, n°6, n°7, n°11, n°12, n°13, n°14 et n°15,
- réformer le jugement en ce qu'il a fait interdiction à la société IM PUB d'utiliser un fichier dont elle ne dispose pas,
- réformer le jugement en ce qu'il a fait interdiction à Mme [N] d'utiliser un fichier dont elle ne dispose pas,
- réformer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société IM PUB et Mme [N], à payer à la société Blue Line, les sommes de 2.632 euros au titre du préavis non effectué, 20.000 euros à titre du préjudice moral, 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
- condamner la société Blue Line à payer à Mme [N] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Blue Line, à payer à la société IM PUB la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société IM PUB et Mme [N] soutiennent que le constat d'huissier et les pièces invoquées par la société Blue Line ont été obtenues de façon illicite. Elles font valoir que le procédé mis en 'uvre pour l'obtention des courriels envoyés et reçus par Mme [N] constitue un accès frauduleux dans un système de traitement automatisé des données, ainsi qu'une atteinte au secret des correspondances.
Elles précisent que la société Blue Line avait mis à la disposition de Mme [N] trois adresses de messagerie professionnelles et que de ce fait, elle ne pouvait ignorer que seules ces adresses étaient professionnelles. L'utilisation par Mme [N] de l'ordinateur mis à sa disposition pour permettre le téléchargement de ses courriels personnels non sur l'ordinateur mais sur son téléphone personnel distinguait ce qui relevait de sa vie professionnelle et de sa vie personnelle.
Les intimées font valoir que la société IM PUB n'avait pas, au moment de l'embauche de Mme [N], connaissance de l'existence d'une clause de non concurrence et que celle-ci a déclaré lors de la signature de son contrat, être libre de tout engagement. Elles font valoir l'inapplicabilité de cette clause en l'espèce car Mme [N] n'a pas repris une activité d'agent commercial mais exerce une activité de salarié et ne travaille pas dans le même secteur d'activité que celui de la société Blue Line.
Enfin, elles exposent que Mme [N] n'était plus redevable d'un préavis car la rupture anticipée de celui-ci était imputable à la société Blue Line. Elles ajoutent que la société IM PUB n'a jamais été en possession du fichier client de la société Blue Line. Elles soutiennent qu'en conséquence, la société Blue Line ne peut justifier d'aucun préjudice relatif au départ de Mme [N], puisqu'elle a récupéré et réparti l'intégralité de la clientèle suivie par celle-ci.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la recevabilité des pièces dont le mode d'obtention est contesté
La société Blue Line produit pour démontrer le bien fondé de ses demandes la copie imprimée d'un certain nombre de courriels, dont elle a pris connaissance après le départ de Mme [N] en synchronisant un téléphone portable appartenant à l'entreprise avec l'ordinateur mis à la disposition de son ancienne mandataire.
Il ressort d'un procès verbal de constat d'huissier du 26 novembre 2009 qu'en branchant un téléphone portable permettant l'accès à internet, communément désigné sous l'appellation « smartphone », à l'ordinateur utilisé par Mme [N] au sein de l'entreprise, et en faisant un certain nombre de réglages, il était possible d'avoir accès aux courriels envoyés et reçus par Mme [N], avant son départ de l'entreprise, à partir de l'adresse internet « [Courriel 4] ». Cet accès a été rendu possible par le fait que Mme [N], à partir de la plateforme Itunes, avait synchronisé son smartphone personnel avec l'ordinateur en question. Le constat précise que la société Blue Line a imprimé les messages et que l'huissier les a comparé avec ceux apparaissant sur l'écran afin d'attester qu'ils étaient bien les mêmes.
La société Blue Line indique, sans être démentie sur ce point, que le seul branchement d'un smartphone sur l'ordinateur en cause lui a permis, par la voie de la synchronisation automatique, sélectionnée par Mme [N] elle-même, d'avoir accès à ces messages et que c'est donc de manière fortuite et spontanée, qu'elle en a eu connaissance. Elle ne conteste toutefois pas qu'elle avait attribué à Mme [N] trois adresses internet professionnelles qui correspondaient aux différentes revues pour lesquelles elle démarchait des annonceurs et qui étaient les suivantes : « [Courriel 1] », « [Courriel 2] » et « [Courriel 3] ». Dès lors, et quand bien même la synchronisation se soit elle opérée de façon automatique par le biais d'un ordinateur professionnel, la société Blue Line ne pouvait ignorer que l'adresse « [Courriel 4] » correspondait à l'adresse personnelle de Mme [N], identifiée comme telle, et qu'en la consultant elle pénétrait dans la sphère privée de son ancienne collaboratrice. Ainsi, la prise de connaissance puis de copies des messages ont été réalisées au moyen, à tout le moins, d'une violation du secret des correspondances et de la vie privée de Mme [N] et le mode d'obtention de ces preuves n'étant ni licite, ni loyal, elles doivent être écartées des débats.
Sur la violation de la clause de non concurrence
Le contrat conclu entre Mme [N] et la société Blue Line prévoyait à son article 12 qu'à la cessation du contrat « L'agent commercial s'engage à ne pas exercer la même activité professionnelle pour une durée de deux ans à compter de la rupture ».
La société Blue Line soutient qu'il n'était pas possible de limiter le secteur géographique concerné par la clause puisque le contrat de Mme [N] visait dans sa partie annexe « tout secteur » à la mention du territoire de représentation.
Selon cette partie annexe, Mme [N] avait pour mission la « vente d'espaces publicitaires et de toutes opérations de marketing opérationnels et de promotions liés ». La combinaison des dispositions de l'article12 et de cette partie annexe du contrat empêchait Mme [N] d'exercer, à la suite de la rupture de son contrat, pendant deux ans, l'activité de vente d'espaces publicitaires et d'opérations de marketing opérationnels et de promotions sur un territoire non défini et sans que soient visés les annonceurs qui pourraient être concernés par cette interdiction. L'agent ne pouvait donc, en pratique, plus exercer sa profession d'agent de vente d'espaces publicitaires dans un quelconque secteur et sur tout le territoire national. Cette interdiction générale, non proportionnée à l'intérêt légitime de la société Blue Line et interdisant à Mme [N], dans les faits, l'exercice de son activité professionnelle, est donc nulle et ne saurait être invoquée ni à l'encontre de celle-ci, ni à l'encontre de la société IM PUB. Le jugement doit donc être réformé sur ce point.
Par ailleurs, Mme [N] étant partie de l'entreprise depuis plus de trois ans, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Blue Line d'interdire à son ancien agent d'exercer pendant deux ans son activité dans le secteur prospecté par elle lors de l'exécution du contrat qui les liaient.
Violation de l'obligation d'effectuer un préavis
Dans sa lettre de rupture du 4 novembre 2009, Mme [N] indiquait que les articles 11 et 12 du contrat du 11 janvier 2009 « trouveront à s'appliquer dès réception de la présente ». L'article 11 ainsi visé, précisait que l'effectivité de la rupture devait être précédée du respect d'un préavis « d'un mois pour la première année d'exécution du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes ». Le contrat de mandat ayant été signé par les parties le 4 janvier 2004 et la rupture étant intervenue le 4 novembre 2009, le préavis devait donc être de trois mois.
Dans une lettre du 19 novembre 2009, signée par M. [L] son dirigeant, la société Blue Line reprochait à Mme [N] de ne plus s'être présentée dans ses locaux depuis le 4 novembre 2009, jour où elle lui avait annoncé son départ oralement. Cette lettre indiquait « Il semble donc que vous ayez décidé de ne plus effectuer votre mission, sans que nous ayons ni accepté de vous dispenser de préavis, ni même avoir évoqué un tel éventuel principe ». Mme [N], par une lettre du 24 novembre 2011, répondait à la société Blue Line que lors de l'entretien du 4 novembre, elle avait informé M. [L] de la nécessité dans laquelle elle se trouvait de s'absenter pour des raisons familiales, que le rendez-vous convenu entre eux le 12 novembre avait été reporté sine die par lui et que depuis lors, plus personne ne répondait ni à ses appels téléphoniques ni à ses courriels et que Mlle [H] lui avait raccroché au nez le 20 novembre. Cependant, Mme [N] n'apporte aucune preuve de ce qu'elle aurait informé la société Blue Line de la nécessité de s'absenter. Au contraire, le justificatif de réservation de billets d'avion, daté du 3 novembre 2009, qu'elle produit, permet de constater qu'elle n'est partie de [Localité 4] que le 9 novembre, soit 5 jours après l'entretien, et qu'elle n'est rentrée que par un avion du 12 novembre à 19 heures, ce qui démontre qu'à la date de réservation du billet, le 3 novembre, aucun rendez-vous n'était prévu à [Localité 4] le 12. Par ailleurs, elle ne produit qu'un courriel daté du 20 novembre pour attester de ce qu'elle aurait tenté de joindre M. [L], ce qui est insuffisant à étayer ses allégations à cet égard. Par ailleurs, Mme [N] ne saurait prétendre que la société Blue Line l'aurait empêchée d'avoir accès à l'ordinateur à partir duquel elle pouvait avoir accès à ses clients, alors qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait tenté, entre le lendemain de son retour de [Localité 3], le 13 novembre, et le 20 novembre, date à laquelle elle a reçu la lettre de la société Blue Line, d'exécuter le préavis prévu, d'une quelconque façon. Il convient enfin et surtout de relever que son contrat de travail conclu avec la société IM PUB a été signé le 16 novembre 2009, ce qui démontre qu'elle n'avait aucune intention d'effectuer le préavis dont elle était redevable envers la société Blue Line.
Il n'est en revanche pas démontré que la société IM PUB ait su que Mme [N] n'avait sur ce point pas respecté ses engagements contractuels. Le fait qu'elle intervienne à ses côtés dans le conflit auquel l'a attrait la société Blue Line n'est pas de nature à démontrer que Mme [N] et la société IM PUB auraient noué une quelconque complicité à ce sujet au moment de la conclusion de leur contrat. De même, la communication à la société IM PUB de la lettre par laquelle la société Blue Line reprochait à Mme [N], notamment, de ne pas avoir exercé son préavis datée du mois de janvier 2010, soit une date éloignée de la signature du contrat du 16 novembre précédent n'apporte aucune preuve de ce que la société IM PUB aurait, à ce moment, connu la clause de non concurrence qui liait Mme [N] à la société Blue Line. Le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a condamné la société IM PUB in solidum avec Mme [N] pour la violation de la clause prévoyant l'exécution d'un préavis.
Sur le détournement du fichier de la société Blue Line
Les courriels produits par la société Blue Line à l'appui de son affirmation de ce que Mme [N] aurait détourné son fichier clients ayant été écartés des débats, la société appelante ne démontre pas que Mme [N] aurait détourné ce fichier. Elle n'apporte non plus pas la preuve de ce que la société IM PUB en ferait une utilisation. Elle ne peut sur ce point raisonnablement soutenir que ses affirmations ne seraient pas contestées par la société IM PUB ou par Mme [N], alors que celles-ci ont contesté la validité des preuves apportées par la société Blue Line.
Les actes de concurrence déloyale et de parasitisme
La clause de non concurrence ayant été déclarée nulle dans les développements qui précèdent, la société Blue Line ne peut fonder la concurrence déloyale et le parasitisme qu'elle invoque sur la violation de cette clause tant par Mme [N] que par la société IM PUB. Elle ne peut non plus reprocher à sa concurrente de ne pas avoir vérifié si Mme [N] n'était pas liée par une telle clause.
S'agissant du détournement de fichier, le poste offert à Mme [N] ainsi que la rémunération qui lui a été proposée ne sauraient témoigner de la connaissance par la société IM PUB de ce fait, au demeurant non démontré, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus.
En conséquence, la cour ne peut accueillir la demande de la société Blue Line d'ordonner la cessation d'agissements dont l'existence n'est pas démontrée.
Sur le préjudice de la société Blue Line
Il ressort des développements qui précèdent que la seule faute démontrée commise par Mme [N] est celle de ne pas avoir exécuté le préavis de trois mois prévu par les dispositions contractuelles qui la liaient à la société Blue Line. Celle-ci n'est dès lors pas fondée à invoquer un préjudice résultant de la perte de valeur de son fonds de commerce, aucun lien de causalité ne pouvant justifier un tel préjudice.
Elle ne peut non plus demander réparation du préjudice que lui aurait causé la violation d'une clause de non concurrence dont la nullité a été constatée.
S'agissant du préjudice lié au non accomplissement du préavis de trois mois, il convient de relever qu'ainsi que le soutient Mme [N], il ressort d'un courriel adressé le 23 novembre 2009 par Mme [H] aux autres agents travaillant pour la société Blue Line que le suivi des clients traité jusqu'alors par Mme [N] a été réparti entre ces agents et Mme [H]. La société Blue Line ne conteste d'ailleurs pas ce point et ne démontre pas avoir perdu le moindre client pendant la durée du préavis. Sa demande doit donc être rejetée.
En outre, la société Blue Line ne peut, compte tenu du rejet de la quasi totalité des prétentions qu'elle invoque, prétendre avoir subi un préjudice moral. Elle ne démontre pas, ainsi qu'il a été relevé, que Mme [N] et la société Blue Line feraient usage, même de façon limitée, d'un fichier dont elle ne démontre pas le détournement et sa demande sur ce point ne peut qu'être rejetée.
Enfin, sa demande de publication, n'est, au regard de ce qui précède, pas non plus justifiée.
Il n'apparait pas justifié de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Paris le 7 septembre 2010, en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
DIT que seront écartées des débats les pièces numérotées 4 à 7 et 11 à 15 produites par la société Blue Line ;
REJETTE les demandes formées par la société Blue Line à l'encontre de Mme [N]
REJETTE les demandes formées par la société Blue Line à l'encontre de la société IM PUB ;
REJETTE toutes les demandes plus amples des parties ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Blue Line aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le GreffierLa Présidente
E. DAMAREYC.PERRIN