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10/04/2013 | FRANCE | N°11/07203

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 10 avril 2013, 11/07203


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 10 Avril 2013



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07203



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/10407





APPELANT

Monsieur [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Sophie BEAUVOIS, avo

cate au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES





INTIMÉE

S.A.S. BUREAU PARISIEN D'EXPERTISE ET DE RÉVISION COMPTABLES (BPERC)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascale BOUDRY STELAND...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 10 Avril 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07203

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/10407

APPELANT

Monsieur [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Sophie BEAUVOIS, avocate au barreau des PYRÉNÉES ORIENTALES

INTIMÉE

S.A.S. BUREAU PARISIEN D'EXPERTISE ET DE RÉVISION COMPTABLES (BPERC)

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par Me Pascale BOUDRY STELANDRE, avocate au barreau de PARIS, E0881

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [M] a été embauché par la SAS Bureau parisien d'expertise et de révision comptables (BPERC), par contrat à durée indéterminée à compter du 20 mars 2006, moyennant une rémunération mensuelle brute de 4 000 €, prorata mensuel de treizième mois inclus, en qualité de chef de mission (secteur bénéfices non commerciaux), statut cadre, niveau 3, coefficient 330, selon la classification de la convention collective nationale des experts-comptables et des commissaires aux comptes, pour être chargé du service « huissiers de justice ».

La société BPERC emploie plus de dix salariés.

Par lettre RAR en date du 19 février 2007, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 06 mars 2007 après avoir été mis à pied à titre conservatoire le 19 février 2007. Il a été licencié pour faute grave par lettre RAR en date du 12 mars 2007.

Contestant son licenciement, M. [M] a saisi le 1er octobre 2007 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 13 mai 2011, notifié le 27 mai 2011, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à payer à la société BPERC la somme de 1 400 € à titre du remboursement du dépôt de garantie du logement pris à bail avancé et non remboursé, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2009, la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné aux dépens.

M. [M] a relevé appel de cette décision par lettre RAR datée du 24 juin 2011.

À l'audience du 19 février 2013, M. [M] a développé oralement ses conclusions visées par le greffier aux termes desquelles il sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de considérer que son ancienneté de 18 années auprès de son précédent employeur doit être reprise par la société BPERC et de condamner celle-ci à lui payer les sommes de :

- 3 322,22 € bruts à titre de rappel de salaire et prime de 13ème mois retenu en vertu de la mise à pied à titre conservatoire du 19 février au 14 mars 2007

- 322,22 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1 200 € nets au titre des congés payés afférents

- 12 000 € nets au titre de l'indemnité spéciale de garantie réciproque de stabilité d'emploi prévue à l'article 7 de la lettre d'engagement du 15 décembre 2005

- 725,25 € au titre de l'indemnité compensatrice du droit individuel à la formation

- 12 667 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 96 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement pour cause réelle et sérieuse

à titre subsidiaire et en tout état de cause :

- 4 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mention relative à l'assistance du conseiller du salarié sur la lettre de convocation à l'entretien préalable

- 1 750,58 € à titre de remboursement de frais pour les mois de janvier, février et mars 2007

- 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de débouter la société BPERC de des demandes reconventionnelles.

La société BPERC a repris oralement ses conclusions visées par le greffier aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement rendu le 13 mai 2011 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté M. [M] de ses demandes et l'a condamné à lui verser la somme de 1400 € au titre du dépôt de garantie indûment perçu, et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts, de condamner M. [M] à lui verser la somme de 3 179 € au titre des pertes qu'elle a dû supporter et la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur la reprise d'ancienneté

M. [M] a travaillé à compter du 1er juillet 1988 pour le compte de M. [V], expert comptable à [Localité 5], puis, à compter du 1er juin 2002, au service des sociétés SOCCA et Fiduciaire européenne d'audit à [Localité 5] et [Localité 6], avec à compter du 1er avril 2004, un statut cadre dans l'emploi de chef de mission à temps partiel sur les deux sociétés.

L'appelant soutient que la société Fiduciaire européenne d'audit ayant cédé sa clientèle d'huissiers de justice à la société BPERC en même temps qu'il entrait au service de cette dernière, il convient de considérer qu'en vertu des dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail, son contrat de travail a été transféré à l'intimée.

Dans le contrat de cession de clientèle conclu le 5 mai 2006 entre la société Fiduciaire européenne d'audit et la société BPERC, toutes deux experts-comptables, il est exposé en préambule qu'un « collaborateur de la société FEA qui a été embauché par BPERC suivait des dossiers sur [Localité 4] dans un domaine d'activité dans lequel la société BPERC est fortement implantée » et les noms des sept clients concernés par les contrats en cours d'exécution repris par la société BPERC figurent en annexe.

Selon les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Le contrat de travail conclu avec la société BPERC à effet du 20 mars 2006, ne comporte aucune mention de reprise d'ancienneté et il est constant qu'à cette date, M. [M] avait démissionné de ses précédentes fonctions.

En outre, il ressort des pièces versées aux débats que la société Fiduciaire européenne d'audit n'a pas cédé toute sa clientèle à l'intimée ainsi que le démontre notamment son chiffre d'affaires de l'année 2007. Il en résulte que le contrat de cession de clientèle n'a pas entraîné le transfert d'une entité économique économique autonome.

Il n'y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article précité et, le jugement étant confirmé sur ce point, M. [M] sera débouté de sa demande de reprise d'ancienneté.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, fixant les limites du litige énonce :

Vendredi 16 février, à 11 heures 30, il vous a été demandé si le mot de passe protégeant l'ordinateur mis à disposition était bien celui en service pour l'ensemble de l'entreprise, vous avez répondu par la négative. Il vous a alors été demandé de remettre ce mot de passe général, pour que nous puissions avoir accès aux données professionnelles de votre poste. Vous avez indiqué que vous le faisiez. Une demie-heure plus tard, vous avez quitté nos bureaux. Nous avons pu constater vendredi après-midi que nous n'avions toujours pas accès à votre poste.

Le verrouillage de votre poste informatique empêchait de travailler directement sur les comptabilités des clients installés sur le disque dur de celui-ci, soit les dossiers 6SEBA, BAMAH et COUVI. Il en était de même pour les déclarations de revenus de nos clients : [F], [C], [X], [H], [B], [A], [K], [R], [Z], [S], [Y].

Lundi 19 février, à votre arrivée au bureau à 14 heures, nous vous avons demandé pourquoi vous n'aviez pas remis le mot de passe général. Vous avez tout d'abord répondu que vous n'aviez pas eu le temps. Lorsque nous avons observé que ce changement ne prenait que quelques secondes et que vous avez travaillé sur votre poste entre 11h30 et 12h00, vous avez alors affirmé que vous ne l'aviez pas fait parce que le poste informatique comportait des fichiers personnels, et que vous ne changeriez le code que lorsque vous auriez supprimé ces fichiers.

A ce moment-là, vous refusiez toujours de nous communiquer votre mot de passe.

Nous avons alors pris la décision de vous mettre à pied face à cet empêchement volontaire de l'accès à un ordinateur de l'entreprise, à cette absence de respect des consignes données. Après avoir dit que vous « n'en aviez rien à foutre », vous vous êtes ravisé et avez donné le mot de passe qui bloquait l'ordinateur.

Vos agissements ont perturbé le bon fonctionnement du cabinet.

Nous avons maintenu notre position compte tenu de la gravité de la situation et des différents éléments-constatés les jours précédents.

Lorsque nous avons accédé à votre ordinateur, nous avons en revanche constaté que figuraient des fichiers comptables ne concernant pas nos clients, traités avec un logiciel comptabilité que nous n'utilisons pas et installé par vos soins, le logiciel EBP :PANSIERMEUBLES et SCIPJOC. Bien plus, lorsque nous avons lancé une application de restauration de fichiers supprimés, nous avons observé que vous aviez détruit, parmi de nombreux autres fichiers, les comptabilités suivantes, tenues à l'aide de ce même logiciel : IDA, SYNDICAT SNVPF.

Le logiciel d'établissement des déclarations d'impôt sur les revenus comporte les déclarations de nombreuses personnes qui ne sont pas clientes de notre société, dont certaines nous sont cependant connues, puisque exerçant une activité professionnelle d'officier ministériel, dans le suivi comptable de laquelle notre cabinet est spécialisé : [Q], [I].

Enfin, sur votre bureau, nous avons, entre autres, retrouvé des documents comptables concernant des officiers ministériels qui ne sont pas nos clients et l'édition de courrier adressé par un collaborateur de votre précédent employeur et vous demandant assistance sur des questions comptables.

Nous constatons des comportements particulièrement fautifs :

-Le non respect de la confidentialité des données et documents qui nous sont confiés ou que nous établissons pour nos clients ;

- L'exercice par vos soins d'une activité professionnelle parallèle, au sein du BPERC et avec ses outils de travail.

L'ordinateur mis à votre disposition comporte une connexion internet par le serveur FREE, ne correspondant pas à la procédure d'accès Internet de notre entreprise, qui est centralisée et hautement sécurisée. Cette installation n'est pas nécessaire à votre activité professionnelle et nuit à la sécurité de notre installation informatique.

Par ailleurs, vous nous avez faussement affirmé être obligé d'avoir toujours votre résidence principale [Adresse 3] ; Cela était vrai à la signature de votre contrat de travail, et vous a permis de bénéficier d'avantages non négligeables liés à votre nécessaire retour toutes les fins de semaine, du fait des activités professionnelles de votre épouse ; cela ne l'est plus.

Vos départs le vendredi à 11 heures 30 et vos retours le lundi suivant à 14 heures sont désormais de pure convenance et si nous n'avons évidemment jamais eu l'intention de ne pas respecter votre vie privée, nous n'avons pas plus celle d'en assumer les conséquences financières pour autant que celles-ci résultent d'un libre choix et non plus d'impératifs familiaux.

Vous n'avez pas accepté cette position et avez tenté d'impliquer une collaboratrice placée sous votre direction dans ce débat personnel, en lui suggérant de nous demander le remboursement de ses frais de voyage lorsqu'elle retourne passer ses fins de semaine dans sa famille, en province.

Nous avons une autre idée de la représentation fidèle et loyale du cabinet, que vous évoquez.

Vous n'avez pas non plus respecté les fonctions et attributions qui étaient les vôtre|selon les termes de votre contrat de travail. |

En effet, la production du service que vous supervisiez n'a pas donné lieu à la mise en place de plannings mensuels, devenus indispensables en cette période de déclarations fiscales. Les plannings des collaborateurs placés sous votre direction n'étaient pas complétés et l'état de suivi des travaux en cours non effectué.

Malgré vos affirmations répétées de tenue à jour des dossiers, la reprise que nous en avons faite a montré de nombreuses lacunes et erreurs.

Vous n'avez pas géré les problèmes soulevés par les clients et/ou ne les avez pas portés à notre connaissance.

A titre d'exemples, grâce à un courriel du 19 février 2007 qui vous était adressé et nous était joint en copie, nous avons constaté que vous n'avez pas donné suite à une demande fiscale plusieurs fois réitérée de Monsieur [L], ainsi qu'à une demande de transmission de déclarations de TVA des deux derniers mois, qui n'étaient pas sauvegardées en informatique ; sur votre bureau, se trouvaient deux demandes d'association agréée, en date du 4 janvier 2007, restées sans réponse et qui n'avaient pas été portées à ma connaissance, bien que concernant deux dossiers que je suis personnellement.

Vous n'avez pas assuré la formation interne des collaborateurs placés sous votre direction, en particulier de ceux embauchés au cours du second semestre 2006, pas plus que vous ne les avez encadrés ce qui a conduit à l'envoi d'écritures comptables totalement inadéquates aux clients dans le cadre de la procédure de fin d'exercice, ou à des demandes de pièces tout à fait inappropriées.

Il est encore plus préoccupant de constater que certains de ces actes ont été validés par vos soins. Ainsi, toujours à titre d'exemple, avez-vous validé le contrôle d'une taxe professionnelle, alors même qu'elle était fondée sur des bases ayant déjà entraîné dés courriers de demande de rectification de notre part ; des opérations diverses ont été communiquées, correspondant à des mouvements financiers inexistants.

Nous n'avons pu obtenir de votre part le contrôle des temps sur les dossiers suivis ainsi qu'un compte rendu, tous deux indispensables au contrôle du service dont vous assuriez la direction.

Cette conduite et ces lacunes mettent en cause la bonne marche, de notre cabinet . ».

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Sur l'énonciation d'une fausse adresse permettant de continuer à bénéficier d'avantages liés au lieu d'habitation

Il est précisé au contrat de travail que la résidence principale du salarié demeurera à [Adresse 3], pour des contraintes familiales et notamment le lieu d'activité de son épouse.

La société BPERC soutient que M. [M] a menti en prétendant que son domicile était toujours situé à [Localité 3] (66) alors qu'il avait déposé une requête en divorce le 23 mars 2006 et qu'une ordonnance de non conciliation rendue le 26 mai 2006 prévoit qu'il ne voit plus son fils que tous les 15 jours.

Cependant aux termes du contrat de travail, les contraintes familiales justifiant que la résidence principale du salarié reste fixée à [Localité 3] ne sont pas limitativement énumérées. Or, M. [M] justifie qu'il devait s'occuper de son père âgé de 74 ans, atteint de la maladie d'Alzheimer et vivant seul à [Localité 3]. Ses contraintes familiales, tant à l'égard de son fils que de son père, subsistaient donc et ce malgré la procédure de divorce en cours. Il est par ailleurs établi que la jouissance de la maison de [Localité 3] lui a été attribuée par l'ordonnance de non conciliation et que cette maison n'a été louée qu'en décembre 2006.

Informé de la résidence séparée des époux dès le 31 octobre 2006 par le courrier reçu aux fins du paiement direct de la pension alimentaire, l'employeur ne pouvait donc considérer que le maintien par le salarié de sa résidence principale à [Localité 3] constituait une décision de pure convenance personnelle comme il l'indiquait dans le courrier du 22 janvier 2007 signifiant à M. [M] sa décision de cesser de prendre en charge « les frais professionnels (déplacement en avion et hébergement) ». Il est également mal fondé à lui reprocher dans la lettre de licenciement d'avoir menti sur sa situation personnelle afin de conserver les avantages qui lui étaient consentis.

Sur les faits des 16 et 19 février 2007

Il est reproché à M. [M] d'avoir bloqué l'accès aux dossiers clients sur l'ordinateur mis à sa disposition par l'employeur en changeant le mot de passe.

La société BPERC justifie d'une part de l'existence sur les ordinateurs des collaborateurs d' un mot de passe d'ouverture de session identique pour les dossiers comptables du cabinet et d'autre part, du fonctionnement du logiciel qui entraîne lors du déplacement d'un collaborateur en clientèle avec des dossiers comptables sur son ordinateur portable, le blocage de ces dossiers qui ne sont plus accessibles sur le réseau central du cabinet jusqu'au retour du collaborateur qui procède alors à leur sauvegarde.

Mme [W], juriste salariée de l'entreprise, atteste que le lundi 19 février 2007, l'employeur a demandé à M. [M] « pourquoi il avait menti vendredi matin (16.02.07) en disant qu'il remettait sur son ordinateur le mot de passe commun à tous les ordinateurs des collaborateurs au lieu d'un code personnel qu'il avait installé, car après son départ vendredi après-midi, tel n'était pas le cas. M. [M] a répondu qu'il n'avait pas eu le temps » et «qu 'il était hors de question qu'il remette l'ancien mot de passe car il avait des informations personnelles sur son ordinateur. ».

Il est donc établi que M. [M] avait verrouillé l'accès à l'ordinateur mis à sa disposition par l'entreprise entre le 16 et le 19 février 2007 alors que l'employeur lui avait demandé de le rétablir dès le vendredi matin 16 février.

Si le salarié n'a pas respecté la consigne qui lui avait été donnée le vendredi et s'y est à nouveau opposé le lundi suivant à son arrivée au bureau, adoptant ainsi une attitude d'obstruction injustifiée, il n'est en revanche pas démontré que le fonctionnement du cabinet en ait été affecté, tous les dossiers et fichiers professionnels étant stockés sur le serveur central et l'employeur ne démontrant pas qu'il ait eu besoin d'avoir accès aux fichiers clients restés verrouillés sur l'ordinateur du salarié pendant le week-end.

Par ailleurs, la seule modification du code d'accès au réseau de l'entreprise ne permet pas d'établir que le salarié a manqué à son obligation de respect de la confidentialité des données et dossiers confiés à l'employeur.

Il reste cependant que M. [M] a sciemment empêché l'accès aux 14 fichiers de l'employeur énumérés dans la lettre de licenciement au motif avoué qu'il avait des informations personnelles sur son ordinateur alors que, présent depuis près d'une année dans l'entreprise, il ne pouvait ignorer en sa qualité de cadre responsable d'un service comprenant plusieurs collaborateurs, les usages réglementant l'utilisation de l'ordinateur portable mis à sa disposition pour l'exercice de ses fonctions et les conséquences de leur non respect.

Sur l'exercice d'une activité professionnelle parallèle

L'employeur qui a fait procéder à deux constats d'huissier, portant l'un sur la copie de l'intégralité du disque dur de l'ordinateur portable attribué au salarié, l'autre sur les dossiers professionnels figurant sur ce disque dur, reproche au salarié d'avoir les 14 et 16 février 2007 fait disparaître certains dossiers en les supprimant et d'avoir installé sur cet ordinateur :

- un accès à internet qui n'est pas celui utilisé au sein de l'entreprise comportant une protection antivirus sur le serveur central

- un logiciel d' application comptable qui n'est pas utilisé au sein de l'entreprise, dans lequel apparaissent deux dossiers qui ne concernent pas des clients du cabinet

- un logiciel dédié aux déclarations fiscales personnelles contenant de nombreux dossiers étrangers au BPERC

- un logiciel de comptabilité dans lequel plusieurs dossiers de clients du cabinet sont verrouillés et donc inaccessibles sur le serveur central.

L'intimée verse encore aux débats un courriel daté du 18 janvier 2007 émanant d'un ancien collègue concernant deux dossiers non traités par le cabinet ainsi que des liasses de balances générales de clôture 2004 relatives à des études d'huissiers ne figurant pas parmi les clientes de la société.

M. [M] lui oppose que la présence de fichiers comptables et de déclarations sur le revenu ne concernant pas les clients de l'entreprise ne prouve pas l'exercice d'une activité parallèle à celle de la société.

L'appelant justifie en effet que deux fichiers informatiques concernent des dossiers personnels et non des études d'huissier.

Par ailleurs, il ne peut être déduit des liasses de balances générales produites par l'employeur qui ont été éditées fin mars 2006 alors que le salarié venait d'entrer dans la société, que celui-ci en conservant des éléments relatifs à son activité antérieure, a continué à traiter des dossiers extérieurs au cabinet BPERC.

En revanche, le courriel du 18 janvier 2007, la disparition de fichiers effacés le 16 février 2007, la présence dans son ordinateur professionnel de très nombreux fichiers nominatifs de déclarations fiscales personnelles sans lien avec la clientèle de l'intimée dont certains concernent des membres de SCP d'huissiers non clientes de la société, sont autant d'éléments qui permettent de considérer que M. [M] a utilisé son outil de travail pour son compte personnel, notamment pour effectuer pour le compte d'autrui des déclarations fiscales sur le revenu.

Sur les manquements à la mission de responsable de service, l'absence de gestion des problèmes soulevés par les clients et le non relais vis à vis des associés

Pour étayer ces griefs, l'employeur verse à son dossier un ensemble d'échanges de courriels s'étalant du mois de janvier 2007 à début mars 2007 concernant le service confié à M. [M] dont il ressort que le mardi 2 janvier, il n'était pas présent à la réunion qui concernait son service alors il en avait été prévenu le 21 décembre précédent ; que les 7 et 8 janvier 2007, il n'a pas correctement assuré la supervision et le suivi d'un client, Me [E] ; que courant février 2007, de nombreuses lacunes sont apparues dans un certain nombre de dossiers n°2035 traités sous sa responsabilité, le tableau de suivi des études et déclarations n'ayant en outre pas été complété ; que le salarié n'a pas été diligent dans le dossier [L] évoqué dans la lettre de licenciement.

Il ressort par ailleurs des documents versés aux débats que les plannings des collaborateurs qui travaillaient sous sa responsabilité étaient manifestement remplis de manière irrégulière et incomplète pour le mois de février 2007.

Ces faits auxquels M. [M] n'apporte pas d'explications convaincantes, caractérisent des négligences et un défaut d'investissement de sa part dans les deux mois précédant la procédure de licenciement.

L' ensemble de ces faits ne caractérise pas la faute grave et ne justifiait pas que le salarié ne puisse être maintenu dans l'entreprise mais constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

M. [M] a donc été débouté à juste titre de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par les premiers juges mais il est fondé à solliciter le versement du rappel de salaire et prime de 13ème mois correspondant à la période de mise à pied conservatoire du 19 février au 14 mars 2007, de l'indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, soit 12 000 euros, et des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement calculée en fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

Pour le calcul de l'indemnité, le nombre d'années de service doit être apprécié à la fin du délai-congé, les années incomplètes sont appréciées au prorata du nombre de mois effectués.

M. [M] ayant à l'expiration de son préavis 15 mois d'ancienneté, l'indemnité de licenciement s'élève à 500 euros.

Sur les rappels de salaire, indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement et indemnité de congés payés, qui ne sont pas laissés à l'appréciation du juge, mais qui résultent de l'application de la loi, de la convention collective, les intérêts des sommes accordées au salarié courent, conformément à l'article 1153 du code civil, au jour de la demande, et non de la date de la décision ayant déterminé leur montant, la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes valant mise en demeure.

M. [M] sera débouté de sa demande formée en application de l'article 7 du contrat de travail, la garantie réciproque de stabilité d'emploi n'étant pas due selon cette clause en cas de licenciement motivé par une faute professionnelle.

S'agissant de l'indemnité réclamée au titre du non respect des dispositions relatives au droit individuel à la formation, la lettre de licenciement ne comportant pas d'informations sur ce droit, il y a lieu de lafixer à 200 € comptetenu du préjudice qui en est nécessairement résulté.

Sur l'irrégularité de la lettre de convocation à l'entretien préalable

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues par l'article L.1235-2 du même code selon lequel si le licenciement survient sans que la procédure ait été respectée mais pour une cause réelle et sérieuse, il est accordé au salarié une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ou au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, sauf en cas de méconnaissance des dispositions des articles L.1232-4 et L.1233-13 relatives à l'assistance du salarié par un conseiller.

La lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 19 février 2007 ne mentionne les adresses ni de l'inspection du travail, ni de la mairie du 9ème arrondissement, ni celle de la mairie du domicile du salarié où pouvait être consultée la liste des conseillers du salarié.

Il convient d'allouer à M. [M], en réparation du préjudice nécessairement subi du fait de cette irrégularité et à défaut de démonstration d'un préjudice plus ample, une somme de 2 000 euros.

Sur le remboursement des frais professionnels

M. [M] justifie des frais exposés en janvier et février et jusqu'au 6 mars 2007 pour ses déplacements professionnels, ses frais de déplacement entre son domicile et [Localité 4], ainsi que pour le loyer du mois de février de son logement parisien, frais dont le contrat de travail prévoit la prise en charge par l'employeur.

En exécution du contrat de travail, il convient de condamner la société BPERC à lui verser à ce titre la somme de 1 750 €.

Sur les demandes reconventionnelles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [M] à rembourser à la société BPERC la somme de 1 400 € au titre du dépôt de garantie qui lui a été restitué par le bailleur alors que l'intimée justifie qu'elle avait réglé cette somme.

Les erreurs d'un salarié ne pouvant donner lieu à sanction pécuniaire, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté la société BPERC de sa demande en paiement de la somme de 3 179 € au titre des pertes supportées du fait de l'incurie du salarié.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Condamnée aux dépens de première instance et d'appel, la société BPERC versera à M. [M] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Bureau parisien d'expertise et de révision comptables (BPERC) à verser à M. [U] [M] les sommes suivantes :

- 3 322,22 € bruts à titre de rappel de salaire et prime de 13ème mois retenu en vertu de la mise à pied à titre conservatoire du 19 février au 14 mars 2007

- 322,22 € bruts au titre des congés payés afférents

- 12 000 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1 200 € bruts au titre des congés payés afférents

- 500 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 1 750,58 € TTC à titre de remboursement de frais pour les mois de janvier, février et mars 2007

ces sommes avec intérêt au taux légal à compter du 3 octobre 2007

- 200 € au titre de l'indemnité compensatrice du droit individuel à la formation

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mention relative à l'assistance du conseiller du salarié sur la lettre de convocation à l'entretien préalable

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus sauf sur les dépens et la condamnation de M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ajoutant,

CONDAMNE la SAS Bureau parisien d'expertise et de révision comptables (BPERC) à verser à M. [U] [M] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Bureau parisien d'expertise et de révision comptables (BPERC) aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/07203
Date de la décision : 10/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/07203 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-10;11.07203 ?
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