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09/04/2013 | FRANCE | N°11/07296

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 09 avril 2013, 11/07296


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 Avril 2013

(n° 6 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07296



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'EVRY section commerce RG n° 09/00806





APPELANTE

SNC LIDL

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Michèle CORRE, avocat

au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Murièle DEFAINS-LACOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P171







INTIMÉE

Madame [L] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 Avril 2013

(n° 6 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07296

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Mai 2011 par Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'EVRY section commerce RG n° 09/00806

APPELANTE

SNC LIDL

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Michèle CORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0171 substitué par Me Murièle DEFAINS-LACOMBE, avocat au barreau de PARIS, toque : P171

INTIMÉE

Madame [L] [R]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne, assistée de M. Lahouari TAMI (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Catherine COSSON, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [L] [R] a été engagée à compter du 28 octobre 2002 par la société LIDL dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité de caissière employée libre service.

Elle a été victime d'un accident du travail le18 septembre 2007, une glissade sur une margelle ayant provoqué une entorse du genou droit handicapante.

Par lettre recommandée avec accusé réception en date du 5 juin 2009, la société LIDL a notifié à Madame [R] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants :

« Nous faisons suite à l'entretien préalable à licenciement du 25 mai 2009 (initialement prévu le 5 mai 2009). Les faits sont les suivants :

Le médecin du travail vous a déclarée inapte à votre poste de caissière employée libre service lors de l'examen médical du 25 septembre 2008, inaptitude définitivement confirmée lors d'un second examen fait le 11 octobre 2008, dans les termes suivants : "second examen dans le cadre de l'article R. 4624-31 du code du travail. Suite au premier examen du 25 septembre 2008 et à l'étude de poste effectuée le 6 octobre 2008, Madame [R] est inapte au poste d'employée libre service. Elle pourrait effectuer tout travail en position assise, avec une chaise réglable en hauteur et équipée d'un dossier. Par exemple, du travail en caisse ou du travail administratif. Pas de travail nécessitant une station debout prolongée".

Suite à cet avis, le médecin du travail nous a indiqué le 26 novembre 2008 que vous seriez apte à un poste d'employée administrative.

Après avoir fait une recherche au sein de notre propre direction régionale, nous avons interrogé l'ensemble de nos directions régionales et notre siège social à [Localité 9] pour vérifier si un poste de type administratif pouvait vous être proposé.

Notre siège social et les directions régionales de [Localité 6] et de [Localité 4] nous ont informés de l'existence de postes administratifs disponibles.

Nous vous avons rencontrée en entretien de reclassement en date du mercredi 28 janvier 2009 au cours duquel nous vous avons proposé ces postes dont les caractéristiques sont les suivantes :

poste : employé administratif aux entrées marchandises

'statut : employé

'horaire hebdomadaire : 36,75 heures par semaine

'lieu de travail : [Localité 6]

'taux horaire : soit un salaire mensuel brut de 1 451 €

'date de prise de poste proposée : rapidement

poste : employé administratif au service technique

'statut : employé

'horaire hebdomadaire : 36,75 heures par semaine

'lieux de travail : [Localité 6]

'taux horaire : soit un salaire mensuel brut de 1 451 €

'date de prise de poste proposée : rapidement

poste : assistant paie

'statut : employé

'horaire hebdomadaire : 36,75 heures par semaine

'lieu de travail : [Localité 9]

'taux horaire : soit un salaire mensuel brut de 1 607,08 €

'date de prise de poste proposée : rapidement

poste : assistant service immobilier crédit-bail

'statut : employé

'horaire hebdomadaire : 36,75 heures par semaine

'lieu de travail : [Localité 9]

'taux horaire : soit un salaire mensuel brut de 1 451 €

'date de prise de poste proposée : rapidement

poste : secrétaire technique

'statut : employé

'horaire hebdomadaire : 36,75 heures par semaine

'lieu de travail : [Localité 4]

'taux horaire : soit un salaire mensuel brut de 1 607,08 €

'date de prise de poste proposée : rapidement

Nous vous avons confirmé ces propositions par courrier du 4 février 2009.

Vous nous avez indiqué par un courrier daté du 12 février 2009 que vous étiez intéressée par le poste de secrétaire technique à [Localité 4].

Toutefois, ce poste ayant été pourvu, nous avons pris contact téléphonique avec vous le 18 mars 2009 pour vous indiquer qu'un poste d'employée administrative au service MDE était également à pourvoir à [Localité 4].

Vous avez confirmé être intéressée par ce poste.

Néanmoins, les tests que vous avez passés le 27 mars 2009 à l'occasion d'un entretien d'évaluation avec Monsieur [C], responsable administratif, ne nous ont pas permis d'envisager votre reclassement sur celui-ci.

Les délégués du personnel ont été consultés sur votre situation lors de la réunion du 22 mai 2009.

En conséquence, nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour inaptitude à votre poste de caissière employée libre service et impossibilité de reclassement.

Votre licenciement interviendra à la date d'envoi de ce courrier.

Votre préavis, que vous ne pourrez exécuter, vous sera rémunéré ».

Par jugement du 26 mai 2011, saisi par Madame [R], le conseil de prud'hommes d'Evry présidé par le juge départiteur, en sa section Commerce, a considéré le licenciement de Madame [R] sans cause réelle et sérieuse et a ainsi condamné la société LIDL à payer à la salariée :

- 19 868 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- 1 100 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect du droit individuel à la formation,

- 5 000 € pour non-respect de l'accord d'entreprise prévoyant une aide à la reconversion professionnelle,

- 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a été ordonné à la société LIDL de rembourser à POLE EMPLOI les sommes versées à Madame [R] du 5 juin 2009 au 5 décembre 2009 sur le fondement de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Madame [R] a été déboutée du surplus de ses demandes et la société LIDL a été condamnée aux dépens.

Cette décision a été frappée d'appel par la société LIDL qui demande que soit infirmé le jugement entrepris et que Madame [R] soit déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Madame [R] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et en ce qu'il a condamné la société LIDL à diverses indemnités au titre du droit individuel à la formation, du non-respect de l'accord d'entreprise prévoyant une aide à la reconversion et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société LIDL à lui verser les sommes de :

29 140 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

3 000 € pour non-respect du temps de pause,

1 255 € au titre du droit individuel à la formation,

1 300 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société LIDL à rembourser au Pôle Emploi, dans la limite de six mois, les indemnités qui lui ont été versées, ainsi qu'aux dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le licenciement de Madame [R]

La société LIDL demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré le licenciement de Madame [R] dénué de cause réelle et sérieuse alors qu'elle aurait respecté son obligation de reclassement.

La société LIDL soutient que les recherches de reclassement ont été effectuées en tenant compte des préconisations du médecin du travail ainsi que des caractéristiques de chaque poste existant dans l'entreprise. Elle fait valoir qu'au regard de l'organisation de la société, seuls des postes administratifs étaient disponibles au sein des directions régionales et du siège social puisque aucun des postes existant en magasin ou en entrepôt ne répondait aux recommandations du médecin du travail. Il ressortirait des pièces versées aux débats que tous les magasins LIDL seraient organisés sur le même schéma n'employant que des caissiers, des chefs caissiers ainsi qu'un responsable magasin. Or, chacun de ces postes comporterait une part importante de manutention impliquant un port de charges lourdes. La société LIDL ajoute que cette organisation répond à une logique fondée sur un système de polyvalence ayant notamment pour but d'améliorer les conditions de travail des salariés en leur permettant d'alterner des tâches de mise en rayon et des fonctions de caisse traditionnelles. L'employeur met en avant le fait que cette polyvalence a été identifiée par un accord d'entreprise en date du 14 février 2012, comme une mesure de prévention de la pénibilité liée aux contraintes physiques marquées de la plupart des postes en magasin et en particulier des employés libre service. En conséquence, la société LIDL n'était pas en mesure de proposer à Madame [R] un poste aussi comparable que possible à celui précédemment occupé.

Par ailleurs, l'employeur soutient que, hormis les postes administratifs qui ont été proposés à la salariée, il n'existait dans les entrepôts que des postes comportant de la manutention et pour cette raison incompatibles avec les avis émis par le médecin du travail. Au surplus, l'organisation mise en place serait basée sur un système de polyvalence et permettrait de faire bénéficier aux salariés des entrepôts, assujettis à des contraintes de manipulation importantes, des périodes de travail physiquement moins pénibles afin de préserver leur intégrité physique.

En ce qui concerne les postes administratifs, la société LIDL fait tout d'abord valoir que ces derniers sont en nombre limité du fait de sa vocation commerciale et qu'ils nécessitent des compétences particulières, notamment en comptabilité, gestion du personnel et émission des bulletins de paie. Du fait de l'impossibilité de reclasser Madame [R] dans les magasins et entrepôts de la société LIDL, il aurait alors été procédé à une recherche de postes administratifs au sein de l'ensemble des directions régionales, du bureau expansion et du siège social. Dans ces conditions, au cours d'un entretien de reclassement, le 28 janvier 2009, cinq postes auraient été proposés à Madame [R]. Par lettre recommandée avec accusé réception, Madame [R] aurait indiqué accepter le poste de secrétaire technique à [Localité 4] qui avait portant été pourvu dans le même temps. Madame [R] se serait alors vu proposer un autre poste administratif au sein de la même direction régionale, qu'elle aurait également accepté. Afin d'apprécier les compétences de la salariée à occuper ce poste, un entretien d'évaluation s'était toutefois déroulé le 27 mars 2009 à l'issue duquel la société LIDL avait estimé que les résultats de Madame [R] ne permettaient pas de la reclasser au poste envisagé. La société LIDL soutient avoir ainsi respecté son obligation de reclassement et n'avoir procédé au licenciement de la salariée qu'après avoir constaté son inaptitude et l'impossibilité de procéder à son reclassement.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail ;

Considérant que l'employeur doit adapter le poste aux capacités du salarié au vu des conclusions du médecin du travail émises au cours de la dernière visite de reprise ; que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement ; que l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions ;

Considérant que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société LIDL n'a opéré de recherches de reclassement que sur les postes administratifs au sein des différentes directions régionales sans chercher à reclasser Madame [R] sur un poste de caissière alors que le second avis du médecin du travail précisait bien que la salariée était apte à « du travail en caisse ou à du travail administratif » ; que dans ces conditions, l'employeur ne pouvait se limiter aux seuls postes administratifs - qui ne représentent au demeurant que 2 % des emplois de la société -, sans rechercher si une transformation de poste était possible en affectant Madame [R] à un travail en caisse ne nécessitant pas de « station debout prolongée », conformément aux préconisations du médecin du travail ;

Considérant que l'organisation de la société LIDL, reposant sur un système de polyvalence, ne l'exonérait pas de l'obligation qui lui était faite de rechercher un emploi aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures de transformations de postes, alors surtout que Madame [R] avait manifesté - en acceptant des postes à [Localité 4], qui ne lui ont finalement pas été effectivement offerts -, sa disponibilité et sa mobilité pour rester au service de l'entreprise ; qu'il appartenait à l'employeur d'adapter le poste de la salariée à son état de santé ; que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement du fait de la violation par la société LIDL de son obligation de reclassement ;

Considérant que selon l'article L. 1226-15 du code du travail, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du même code, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'en cas de refus de la réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire, qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14 du même code ;

Considérant que, compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de 25 000 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame [R] (1 071,63 €), de son âge (trente-trois ans), de son ancienneté (neuf ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1226-15 du code du travail, une somme de 22 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé s'agissant du quantum de l'indemnité allouée ;

Sur le temps de pause

Madame [R] sollicite l'allocation d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 3121-33 du code du travail et des dispositions conventionnelles applicables en matière de temps de pause.

Selon la salariée, la convention collective applicable indique que le temps de pause doit être pris à hauteur de 5 % du temps de travail, ce qui représente trois minutes par heure travaillée, soit 403 minutes par mois. Or, Madame [R] soutient n'avoir pu prendre que 220 minutes de pause chaque mois. Il resterait dès lors un écart de 183 minutes par mois ce qui, sur une période de cinq années, représente 183 heures.

La salariée reproche également à la société LIDL de ne pas verser aux débats les contrôles temps et les plannings permettant de prendre connaissance de ses horaires de travail.

Pour la société LIDL, la salariée ne rapporte pas la preuve du préjudice dont elle sollicite la réparation, ni du lien de cause à effet entre ce préjudice et un éventuel manquement de l'employeur.

Par ailleurs, la société LIDL soutient avoir parfaitement respecté les dispositions légales et conventionnelles relatives au temps de pause en application de l'article 5.4 de la convention collective nationale des commerces de détail et de gros à prédominance alimentaire aux termes duquel une « pause payée est attribuée à raison de 5 % du temps de travail effectif », « les pauses et coupures étant fixées au niveau de chaque entreprise ou établissement en fonction de l'organisation du travail qui y est en vigueur », de même que « les conditions de prise des pauses ». La société LIDL aurait fixé les conditions de prise et de paiement des pauses par trois accords d'entreprise successifs :

- l'accord du 6 mars 1997 qui rappelle que les salariés bénéficient, sur le fondement de l'article 3 de l'avenant n°66 de la convention collective nationale des commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, de trois minutes de pause payée par heure complète travaillée et d'autre part, fixe l'octroi de ces pauses en instaurant les deux régimes suivants :

trente minutes de pause payées pour une semaine de travail complète correspondant à un minimum de 22 heures hebdomadaires,

six minutes de pause à prendre à l'intérieur de l'amplitude de travail pour toute demi-journée travaillée inférieure ou égale à six heures de travail, et douze minutes pour toute amplitude de travail supérieure à six heures de travail, considérée comme comportant deux demi-journées ;

- l'accord du 18 mars mars 1998 prévoyant qu'un horaire chevauchant la plage 12h00 ' 14h00 compte comme deux demi-journées et engendre l'octroi de douze minutes de pause tout en étant en outre interrompu par une coupure minimum de 35 minutes ;

- l'accord du 3 août 1999 réaffirmant le principe des dispositions des deux accords précédents.

En outre, une décision unilatérale de l'employeur en date du 1er avril 2004 aurait porté les pauses payées à sept minutes par demi-journée en plus de l'indemnité de pause payée non prise de trente minutes.

La société LIDL fait valoir que ces accords auraient été valablement ratifiés, n'auraient pas fait l'objet d'opposition et répondraient à la volonté générale des salariés comme en attesteraient des pétitions versées aux débats. Elle considère également qu'aucun texte légal ni conventionnel n'impose à l'employeur de mettre en place un système d'enregistrement et de traçabilité des pauses prises par les salariés et indique qu'elle ne conserverait pas les plannings des magasins, de sorte qu'il lui serait matériellement impossible de les produire.

Considérant que selon l'article L. 3121-33 du code du travail, pris pour application de l'article 4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, recodifiée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne ; que la charge de cette preuve pèse sur l'employeur ;

Considérant qu'il appartient à l'employeur, qui détient les plannings de ses salariés, de conserver l'ensemble des éléments lui permettant de vérifier l'organisation et le respect du temps de travail dans ses établissements ; qu'il y a lieu de constater qu'il ne rapporte pas la preuve de ce que Madame [R] aurait bénéficié des temps de pause auxquelles elle avait droit par application de l'article L. 3121-33 du code du travail ; que le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a débouté Madame [R] de sa demande d'indemnité pour non-respect par la société LIDL de la législation sur le temps de pause ; qu'il est fait droit à sa demande à hauteur de 1 500 €, la cour évaluant à cette somme le préjudice subi par la salariée du fait du non-respect de ses horaires de pause ;

Sur la demande relative au droit individuel à la formation

La société LIDL demande que le jugement entrepris soit infirmé en ce qu'il l'a condamnée à verser à Madame [R] une indemnité au titre du droit individuel à la formation aux motifs que la loi organisant la portabilité du droit individuel à la formation date du 24 novembre 2009 alors que le licenciement de la salariée lui a été notifié le 5 juin 2009.

Par ailleurs, Madame [R] ne pouvant exécuter son préavis en raison de son inaptitude, le licenciement aurait pris effet à la date d'envoi de la lettre de licenciement, date à laquelle les conditions d'utilisation du droit individuel à la formation n'étaient pas réunies.

Considérant qu'aux termes de l'article L. 6323-18 du code du travail alors en vigueur, il appartenait déjà à l'employeur d'informer le salarié, dans la lettre de licenciement, s'il y avait lieu, de ses droits en matière de droit individuel à la formation, notamment de la possibilité qui lui était offerte de demander pendant le préavis à bénéficier d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation ;

Considérant que la société LIDL ne rapporte pas la preuve de ce que Madame [R] aurait été informée de son droit individuel à la formation ;

Considérant que Madame [R] a été empêchée de formuler - avant la fin du préavis qu'elle n'a pas exécuté du fait de son inaptitude mais qui lui a été justement rémunéré par l'employeur - la demande destinée au financement du droit individuel à la formation; qu'elle a ainsi perdu une chance de formuler la demande prévue au titre de l'article L.6323-17 du code du travail ; qu'il lui est alloué à ce titre une somme de 400 € à titre de dommages-intérêts; que le jugement entrepris est confirmé sur le principe de la condamnation, mais infirmé en son quantum ;

Sur la demande d'indemnité pour non-respect des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aide à la reconversion professionnelle

La société LIDL sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a accordé à Madame [R] des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 € en réparation du préjudice né du non-respect par l'employeur des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aide à la reconversion professionnelle.

La société LIDL soutient que Madame [R] a été informée de la possibilité de bénéficier de cette aide après constatation de l'impossibilité de procéder à son reclassement.

A titre subsidiaire, la société LIDL met en avant le fait que la somme de 5 000 € correspond à un plafond de prise en charge par l'employeur des frais de formation exposés dans le cadre d'une reconversion professionnelle et que Madame [R] ne justifie d'aucune formation dont elle souhaiterait bénéficier ni du coût de cette dernière.

Considérant que la société LIDL ne rapporte pas la preuve de ce que Madame [R] avait eu connaissance de la possibilité de bénéficier de l'aide à la reconversion professionnelle ; que le jugement entrepris est confirmé sur le principe de la condamnation, mais infirmé sur le quantum, Madame [R] ne justifiant pas que son préjudice aurait atteint le plafond fixé par l'accord, à défaut de préciser la formation qu'elle aurait envisagée si elle avait été informée de la possibilité qui lui était réservée ; qu'il lui est alloué une somme de 2 500 € au titre du non-respect des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aide à la reconversion professionnelle ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail

Considérant que l'article L. 1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ; que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées ;

Considérant que ces dispositions ont vocation à recevoir application dans la présente espèce ; qu'il y a lieu d'ordonner à la société LIDL de rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Madame [R] dans la limite de six mois, le jugement étant confirmé sur ce dernier point ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME partiellement le jugement ;

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la société LIDL à payer à Madame [L] [R] :

22 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 500 € à titre d'indemnité pour non-respect de la législation sur le temps de pause,

400 € au titre du droit individuel à la formation,

2 500 € pour non-respect des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'aide à la reconversion professionnelle,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

AJOUTANT,

CONDAMNE la société LIDL à payer à Madame [R] une somme de 1 300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LIDL aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 11/07296
Date de la décision : 09/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°11/07296 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-09;11.07296 ?
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