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04/04/2013 | FRANCE | N°10/22207

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 04 avril 2013, 10/22207


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 04 AVRIL 2013



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/22207



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - NEUVIÈME CHAMBRE - RG n° 2009015425





APPELANT



Monsieur [X] [D]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



R

eprésenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Me Bruno REGNIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)



Assisté de Me Catherine BEURTON (avocat au barreau de PARIS, toque : D1612)

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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 04 AVRIL 2013

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/22207

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 octobre 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - NEUVIÈME CHAMBRE - RG n° 2009015425

APPELANT

Monsieur [X] [D]

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Me Bruno REGNIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0050)

Assisté de Me Catherine BEURTON (avocat au barreau de PARIS, toque : D1612)

INTIMÉE

SARL VICTORIA & CIE prise en la personne de son gérant

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Me Alain FISSELIER (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assistée de Me Mohamed NAIT KACI (avocat au barreau de PARIS, toque : P0419)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère chargée d'instruire l'affaire

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Par une lettre du 21 avril 2005, dont les parties s'accordent sur le fait qu'il faut lire 21 avril 2006 et non 2005, M. [D] a confié à la société Victoria et compagnie (la société Victoria) une mission en vue de l'assister dans l'acquisition du capital de la société d'exploitation des établissements Lejeune (la société Les établissements Lejeune), ou de son activité, ou de ses bâtiments. Cette mission comportait en particulier une assistance dans la préparation des montages financiers susceptibles d'être requis pour atteindre la réalisation des opérations envisagées, la levée des financements bancaires ou/et le capital nécessaires à la réalisation de l'opération, la préparation des montages financiers (...) ». La rémunération prévue était de 45 000 euros.

Par lettre du 9 octobre 2006, la société Victoria et M. [D] ont convenu qu'il était mis fin à la mission en raison du souhait de M. [D] de « différer la réalisation des opérations d'acquisitions concernées et de reprendre en accord avec les dirigeants de la société Les établissements Lejeune, l'activité de [celle-ci] dans le cadre d'un contrat de location gérance (...) ». La société Victoria a renoncé au bénéfice de son droit de suite et il était prévu qu'elle facturerait ses honoraires à la somme forfaitaire globale de 6 500 euros.

La société Victoria ayant appris au début 2007 que l'opération initialement envisagée avait été réalisée le 22 février, son conseil a écrit à M. [D] que, dans ces conditions, l'accord conclu le 9 octobre 2006 était nul, tout en lui demandant de payer les honoraires initialement convenus. Faute de réponse de M. [D], elle l'a, par acte du 4 avril 2007, fait assigner devant le tribunal de commerce de Pontoise afin que soit constatée la nullité de l'accord et qu'il soit condamné à lui payer les commissions qu'elle estimait lui être dues.

L'affaire a été renvoyée au tribunal de commerce de Paris territorialement compétent par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 février 2009.

Par un jugement en date du 29 octobre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- déclaré nul l'accord du 9 octobre 2006 conclu entre la société Victoria & Cie et M. [D], et donc applicable l'accord initial,

- condamné M. [D] à payer à la société Victoria & Cie :

. la somme de 53.820 euros T.T.C. avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007,

. la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Victoria & Cie de sa demande de dommages-intérêts,

- débouté M. [D] de sa demande de dommages-intérêts,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à charge pour la société Victoria & Cie de fournir une caution bancaire couvrant en cas d'exigibilité de leur remboursement éventuel toutes les sommes versées en exécution du présent jugement outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes,

- débouté les parties de leurs demandes autre, plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 17 novembre 2010 par M. [D] contre ce jugement.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 14 janvier 2013, par lesquelles M. [D] demande à la Cour de :

- dire et juger M. [D] recevable et bien fondé en son appel,

Y faisant droit,

- infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 octobre 2010, sauf en ce qu'il a débouté la société Victoria & Cie de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

- déclarer les pièces et les conclusions de la société Victoria & Cie irrecevables en cause d'appel celle-ci ne pouvant être utilement opposées à M. [D] en raison de la fictivité du siège social de la société Victoria & Cie, comme étant au [Adresse 3],

- prononcer la nullité du mandat ou de la lettre de mission du 21 avril 2005 pour violation des dispositions d'ordre public du code monétaire et financier,

En conséquence,

- dire et juger la société Victoria & Cie irrecevable et mal fondée en ses demandes et l'en débouter,

- condamner la société Victoria & Cie à payer à M. [D] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner la société Victoria & Cie à payer à M. [D] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] soutient que les conclusions de la société Victoria sont irrecevables en raison de la fictivité de son siège social déclaré, et il fait valoir que le mandat du 25 avril 2005 est nul en application de l'article L. 541-1 du code monétaire et financier, faute pour elle d'être enregistrée auprès d'une association professionnelle chargée de la représentation collective de la défense des droits et intérêts de ses membres, alors que cette exigence est d'ordre public s'agissant des activités de conseil financier.

L'appelant fait encore valoir qu'il n'a commis aucune man'uvre dolosive car il ne lui était pas interdit de négocier seul avec la société Lejeune et que les demandes d'honoraires et de dommages-intérêts formées par la société Victoria sont en tout état de cause mal fondées, car elle ne justifie pas avoir exécuté sa mission, ni avoir subi un quelconque préjudice. Il réclame, en outre, le paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 24 janvier 2013, par lesquelles la société Victoria demande à la Cour de :

- rejeter toutes les demandes de M. [D],

- confirmer le jugement rendu le 29 octobre 2010 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'accord conclu le 9 octobre 2006 entre la société Victoria & Cie et M. [D], dit applicable l'accord initial et condamné l'appelant à payer la somme de 53.820 euros T.T.C., avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2007,

En outre, y ajoutant,

- dire et juger que M. [D] engage sa responsabilité délictuelle au titre des man'uvres dolosives employées et ayant entraîné un préjudice moral direct pour la société Victoria & Cie,

- en conséquence, condamner M. [D] au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à la société Victoria & Cie,

- condamner M. [D] au paiement de la société Victoria & Cie de la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Victoria oppose que son siège social est bien celui indiqué sur son extrait K-Bis et que la demande de M. [D] en annulation de la convention du 21 avril 2006 est irrecevable car elle est soutenue pour la première fois en cause d'appel.

L'intimée soutient la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le dol commis par M. [D] car elle n'avait donné son accord pour signer la lettre du 9 octobre 2006 au seul motif que M. [D] indiquait ne plus souhaiter acquérir le fonds, alors qu'il était en réalité en pleine phase de finalisation de son opération d'acquisition. En conséquence de cette nullité, les engagements des parties, prévus par la lettre de mission du 21 avril 2006, perdurent et la condamnation de M. [D] au paiement doit, selon elle, être confirmée.

La société Victoria ajoute que les man'uvres dolosives de M. [D] lui ont causé un important préjudice moral, constitué par l'atteinte à son crédit et à sa réputation dans le milieu au sein duquel elle exerce son activité, ainsi que par la résistance à l'exécution de l'accord conclu de façon déloyale et avec mauvaise foi.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des conclusions de la société Victoria

M. [D], fait part des difficultés rencontrées lorsqu'il a fait signifier à la société Victoria un jugement rendu par le juge de l'exécution relatif au jugement dont appel. Il explique que ce jugement n'a pas pu être signifié à l'adresse de siège qu'avait indiquée la société Victoria, soit au [Adresse 2], mais par le dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier et le dépôt d'un avis de passage au [Adresse 2], siège d'une société Regus, qui exploite un centre d'affaires. M. [D] en conclut que le siège social de la société Victoria qui n'est ni au [Adresse 3] comme indiqué au registre du commerce et des sociétés, ni au [Adresse 2], comme elle l'avait indiqué devant le JEX, est fictif et qu'en conséquence, ses conclusions et prétentions sont irrecevables.

La société Victoria produit toutefois un extrait Kbis daté du 23 janvier 2013 qui indique bien que son siège et son principal établissement sont situés au [Adresse 3]. Elle précise que cette adresse était celle d'un centre d'affaires dénommé Régus, lequel avait déménagé au [Adresse 2] en 2011 au moment de la signification du jugement du JEX, mais que, depuis lors, elle a réinstallé son siège à son adresse initiale [Adresse 3], ce dont elle justifie par la production des courriels échangés avec son interlocutrice au sein de la société Régus. Il s'en déduit que le siège social de la société Victoria n'est pas fictif et que ses conclusions sont recevables.

Sur la validité du mandat du 25 avril 2006

M. [D] fait valoir que le mandat donné le 21 avril 2006 est nul, faute pour la société Victoria de justifier qu'elle est, en qualité de conseiller en investissement, inscrite auprès d'une association professionnelle chargée de la représentation collective de ses membres conformément à l'article L. 541-4 du code monétaire et financier.

Contrairement à ce que soutient la société Victoria, ce moyen qui tend à faire annuler la lettre de mission du 21 avril 2004, mais sur le fondement d'un texte qui n'avait jusqu'alors pas été invoqué, ne constitue pas une prétention nouvelle, puisqu'il tend aux mêmes fins que ceux développés devant les premiers juges.

L'intimée reconnaît que son activité est bien de délivrer des conseils concernant les fusions et le rachat d'entreprises, mais que la combinaison des articles L321-2, et L. 531-1 du code monétaire et financier dans leurs versions applicables au moment des faits laissait libre cette activité qui n'était dès lors pas soumise aux dispositions invoquées par l'appelant.

L'article L. 541-1, I, du code précité, dans sa version applicable au 6 avril 2006 énonce que « Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil portant sur : (...) 3°) La fourniture de services d'investissement ou de services connexes définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2 ». Les services connexes ainsi énoncés par l'article L. 321-2 sont : « (') 4. La fourniture de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que de services concernant les fusions et le rachat d'entreprises ». Cependant, ainsi que le fait observer la société Victoria, l'article L. 531-1 du code monétaire et financier énonce que « (') La prestation de services connexes au sens de l'article L. 321-2 est libre, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur applicables à chacun de ces services. Elle ne permet pas, à elle seule, de prétendre à la qualité d'entreprise d'investissement (...) ». Il de déduit de cette dernière disposition que la société Victoria pouvait, au 21 avril 2006, exercer son activité librement sans avoir à effectuer les formalités invoquées par M. [D] et qu'en conséquence le mandat conclu entre elles n'encourt pas la nullité.

Sur le dol

La société Victoria soutient qu'elle n'aurait pas signé la lettre du 9 octobre 2006 par laquelle la résiliation de la mission a été actée entre les parties si elle avait su que M. [D] ne souhaitait pas prendre le fonds de commerce de la société Les établissements Lejeune en location gérance, mais acquérir les parts de cette société grâce à l'obtention d'un prêt de l'organisme Oséo.

M. [D] oppose que la société Victoria n'a en rien été trompée par des man'de sa part, puisque celle-ci a elle-même rédigé la lettre du 9 octobre 2006 et motivé la rupture par le projet de location gérance du fonds de commerce de la société Les établissements Lejeune, ce qu'il n'avait fait qu'envisager, sans jamais déclarer que telle était bien son intention. Le véritable motif de la rupture était, selon lui, que toutes les recherches de la société Victoria s'étaient avérées vaines, mais qu'elle préférait ne pas acter cet échec comme étant la cause de la cessation de leur collaboration. S'il n'apporte pas d'élément de preuve étayant cette affirmation, il convient toutefois de relever que les pièces produites par les deux parties démontrent que les prestations prétendument accomplies par la société Victoria et les résultats dont elle se prévaut n'étaient pas ceux décrits dans la lettre en cause. En effet, les documents produits démontrent que les montages financiers proposés aux banques contactées pour obtenir des prêts permettant à M. [D] de réaliser l'acquisition des parts de la société Les établissements Lejeune étaient totalement irréalistes, s'agissant d'un acquéreur au chômage disposant en tout et pour tout, sans que cela soit contesté, d'un capital de 35 000 euros.

Ainsi, la note de présentation financière du 1er juin 2006 énonçait-t-elle un apport en fonds propres de 30 000 euros et un financement bancaire d'acquisition de 780 000 euros, dispositif auquel devait s'ajouter « sous une forme à déterminer, la mise à disposition d'un financement bancaire à court terme de 75 000 euros » et l'acquisition du bâtiment par une SCI dont M. [D] aurait été le seul associé « à l'aide de 450 000 euros sur 15 ans ». Une deuxième note de présentation financière du 23 juin 2006 proposait un financement immobilier (murs et agencements) à hauteur de 400 000 euros sur 15 ans, un financement d'acquisition de 713 000 euros sur 7 ans et « des apports personnels ou/et externes (y compris crédit vendeur) à hauteur de 150 000 euros lequel ne devait pas donner lieu à garantie sur les actifs acquis ». Enfin, une troisième du 23 août 2006 énonçait un financement crédit-bail immobilier (murs et agencements) à hauteur de 450000 euros sur 7 ans, « des apports personnels de 250 000 euros et un financement à court terme à hauteur de 135 000 euros, combinant un crédit vendeur ainsi que la mise en place d'une procédure factoring (...) ». Ces trois propositions hasardeuses par la lourdeur de la charge d'emprunt mise sur les épaules d'une personne inexpérimentée dans la direction et la gestion d'entreprise, étaient rejetées par le président de la société cible, le 7 septembre 2006, qui écrivait à M. [D] « (') il apparaît que les différents montages que vous nous avez proposés nous engagent de façon démesurée. Par conséquent nous sommes au regret de vous annoncer que l'opération que nous avions envisagée ensemble ne pourra se réaliser sans apports financiers nouveaux dans votre montage. (') nous sommes au regret de nous désengager de cette opération ».

Par ailleurs, il n'apparaît pas crédible que la société Victoria ait elle-même déposé un dossier auprès de l'organisme public Oséo qui a accordé un prêt à M. [D], dans la mesure où les plans de financements produits ne font jamais référence à cette éventualité, où elle n'apporte aucun élément démontrant qu'elle aurait déposé, ou aurait invité M. [D] à déposer, un dossier auprès de cet organisme. A ce sujet, le courriel du 28 mars 2010, adressé à M. [W] responsable de la société Victoria, par une personne travaillant au sein de cet organisme, mais n'étant pas en charge du dossier de M. [D], confirmant que « OSEO a été interrogé à votre initiative en financement et en garantie pour une opération de rachat de titres de la société Lejeune en août 2006 » est insuffisante à constituer une preuve de ce qu'au delà d'une interrogation, une quelconque démarche ayant abouti à l'obtention du financement de l'opération finalement retenue, aurait été menée par la société Victoria.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'intervention de la société Victoria et les résultats obtenus par elle dans les recherches de financement pour l'opération envisagée, n'ont pas été ceux qui sont affirmés dans la lettre du 9 octobre 2006. Ces mêmes éléments conduisent à considérer que la raison énoncée de l'interruption de la mission, comme étant la décision de M. [D] de prendre le fonds de la société Les établissements Lejeune en location gérance, pour autant qu'elle ait été véritablement exprimée par lui, ne pouvait en tout état de cause qu'être influencée par le constat de l'échec des prestations de la société Victoria, qui, en cinq mois n'avaient pas abouti à réaliser l'opération pour laquelle elle avait offert ses services. Dans ces circonstances, la continuation par M. [D] de recherches de solutions pour réaliser son objectif, après la rupture du mandat, ne peut révéler qu'il aurait menti ou mis en 'uvre des man'dolosives pour conduire la société Victoria à signer la transaction de cessation de celui-ci. La date de la lettre d'accord d'Oséo ne révèle à cet égard aucune man'frauduleuse de la part de l'appelant.

Par ailleurs, la lettre du 9 octobre 2006 envisageait la possibilité pour M. [D] de renoncer au projet de prise en location gérance de l'activité de la société Les établissements Lejeune puisqu'elle énonçait que « En sens inverse en cas de décision de réaliser l'acquisition des actifs d'exploitation des ETS Lejeune, vous pourrez proposer à Victoria & compagnie de vous conseiller dans les opérations visées dans la lettre du 21 avril 2006. Dans cette hypothèse, Victoria & compagnie percevra une rémunération qui sera déterminée le moment venu ». Ces termes démontrent qu'il existait alors un accord des parties sur l'éventualité de ce que la location-gérance ne serait finalement pas l'opération retenue et que M. [D] était autorisé à poursuivre seul la recherche de solutions de financement pour aboutir à ses fins.

En conséquence, la conclusion de l'accord traduit par la lettre du 9 octobre 2006 n'est pas viciée par le dol et sa nullité ne peut être prononcée. Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes de dommages-intérêts

La société Victoria qui succombe en ses prétentions ne saurait se voir allouer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral qu'elle ne démontre, en tout état de cause, pas.

Sur la procédure abusive

Il résulte des développements relatifs à la validité de l'accord de rupture du mandat, que la société Victoria ne pouvait ignorer qu'elle n'avait pas été victime de man'frauduleuses de la part de M. [D]. Dans ces circonstances, le fait de poursuivre ce dernier en nullité de l'accord et en dommages-intérêts qu'elle savait ne pas lui être dus révèle une réelle malveillance à son encontre, alors même qu'il existait un accord entre eux pour l'indemniser des prestations qu'elle avait accomplies. Dans ces conditions, la société Victoria a fait un usage abusif de son droit d'ester en justice et devra réparer le préjudice subi par M. [D], qui, au regard des pièces du dossier et des circonstances du litige, s'établit à 3 000 euros.

Il serait, enfin, inéquitable de laisser à la charge de M. [D] l'intégralité des sommes irrépétibles engagées pour défendre ses droits et la société Victoria sera condamnée à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal de commerce de Paris le 29 octobre 2010, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Victoria et compagnie ;

Statuant à nouveau,

DIT que M. [D] n'a pas commis de man'uvres dolosives envers la société Victoria et compagnie

REJETTE la demande en paiement de la société Victoria et compagnie ;

CONDAMNE la société Victoria et compagnie à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros pour procédure abusive ;

CONDAMNE lasociété Victoria et compagnie à payer à M. [D] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Victoria et compagnie aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E. DAMAREYC. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/22207
Date de la décision : 04/04/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/22207 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-04;10.22207 ?
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