COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 3 AVRIL 2013
(no 128, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 17951
Décision déférée à la Cour : jugement du 14 juin 2010- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 08/ 08378
APPELANT
Maître François Robert X......91100 CORBEIL ESSONNES
représenté et assisté de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me Catherine ROCK KUHN (avocat au barreau de PARIS, toque : P0090)
INTERVENANTE VOLONTAIRE ET COMME TELLE INTIMÉE
Madame Yolaine Y...veuve Z... venant aux droits de son époux Monsieur Michel Z... ...91540 FONTENAY LE VICOMTE
représentée et assistée de Me Olivier HILLEL (avocat au barreau de PARIS, toque : E 257) et de Me Frédéric SOIRAT (avocat au barreau de PARIS, toque : E 1059)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Maguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Le 13 avril 1995, par acte dressé par M. François X..., notaire à Corbeil-Essonnes, M. Michel Z... a consenti à la société Plein Sud, ayant pour dirigeant M. Serge G..., un prêt de la somme de 600 000 frs (91 469 €), moyennent un intérêt de 10 %, remboursable au plus tard le 13 octobre 1996 pour un montant total de 690 000 frs (105 189, 82 €) et garanti par le cautionnement solidaire et hypothécaire des époux G...sur un immeuble leur appartenant sis à Conflans-Ste-Honorine (Yvelines).
Maître X...a fait procéder le 28 avril 1995 à la publication d'une inscription hypothécaire sur ledit bien, avec effet jusqu'au 13 octobre 1998.
Le 4 décembre 1995, Maître X...a adressé la copie exécutoire de l'acte de reconnaissance de dette à M. Z..., puis le 4 septembre 1996, il a demandé à la société Plein Sud le paiement de sa dette en capital et intérêts, soit la somme de 690 000 frs, avertissant le même jour les cautions et M. Z....
Par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Versailles en date du 10 avril 1997, la Société Plein Sud et les époux G...ont été condamnés solidairement au paiement de la somme de 660 000 frs à titre de provision, payable en six mensualités, puis, le 24 avril 1997, le tribunal de commerce de Créteil a placé la société Plein Sud en redressement judiciaire, lequel sera converti en liquidation judiciaire par jugement du 18 décembre 1997 et M. Z... a régulièrement déclaré sa créance laquelle a été définitivement admise le 7 août 1998.
Dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière de l'immeuble affecté hypothécairement au paiement de sa créance, le 25 mai 2000, le règlement provisoire a rejeté la créance de M. Z... au motif que l'inscription lui bénéficiant était périmée depuis le 13 octobre 1998, M. X...n'ayant pas procédé au renouvellement de ladite inscription puis lors du règlement d'ordre définitif en date du 18 mai 2006, primé par d'autres créanciers, M. Z... n'a perçu aucune somme.
Dans une lettre du 24 mars 2003 adressée à M. Z..., Maître X...lui avait indiqué : " Pour faire suite à notre entretien téléphonique, je vous confirme que le service des formalités de mon Office a omis de vous demander, par lettre recommandée avec accusé de réception, le renouvellement de l'inscription hypothécaire en référence, qui se périmait le 13 octobre 1998. Par suite, en raison de cette omission et du défaut de renouvellement qui en est la suite, l'inscription hypothécaire prise au troisième bureau des hypothèques de Versailles le 28 avril 1995, volume 1996 V numéro 1914 s'est éteinte, par péremption, le 14 octobre 1998 ".
C'est dans ces conditions que M. Michel Z..., par acte du 10 octobre 2008, a recherché devant le tribunal de grande instance d'Evry la responsabilité civile professionnelle de M. François X..., notaire, pour n'avoir pas renouvelé l'inscription hypothécaire arrivant à péremption le 13 octobre 1998 et a demandé sa condamnation à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 130 733, 86 €, correspondant au solde qu'il aurait dû recevoir déduction faite des frais de poursuite, de libération et de règlement des autres créanciers, dont l'Union de Crédit pour le Bâtiment (UCB) ainsi que la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 14 juin 2010, le tribunal a :- condamné M. Francois X...à payer à M. Michel Z... la somme de 130 733, 86 €,- ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de la moitié de cette condamnation,- condamné M. François X...à payer à M. Michel Z... la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. François X...aux dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 29 juillet 2010 par M. François X...,
Vu l'interruption de l'instance à la suite du décès de Michel Z... survenu le 26 novembre 2010,
Vu les conclusions d'intervention volontaire et de reprise d'instance signifiées le 4 août 2011 par Mme Yolaine Y...épouse Z..., agissant en qualité d'héritière de son époux prédécédé, Michel Z...,
Vu les conclusions en date du 17 août 2011 de M. X...qui demande de :- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,- débouter " M. Z... " de toutes ses demandes,- le condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer tous les dépens,
Vu les conclusions en date du 2 octobre 2012 de Mme Yolaine Y..., veuve de Michel Z..., qui demande de :- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- condamner Maître François X...à lui payer la somme de 10 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner Maître François X...aux dépens d'appel.
SUR CE :
Considérant que les faits de l'espèce ont été exactement rappelés par le tribunal aux termes d'un exposé auquel la cour se réfère expressément ;
Sur la faute du notaire :
Considérant que l'appelant la conteste en ce qu'il lui est reproché une absence de renouvellement de l'inscription hypothécaire arrivant à expiration, soutenant que seule la preuve d'un mandat express qui lui aurait été conféré en ce sens permettrait de retenir sa responsabilité mais qu'en l'espèce, précisément, ce que les premiers juges ont d'ailleurs constaté, aucun mandat ne lui a été donné puisqu'il n'est intervenu qu'en tant que rédacteur des conventions arrêtées directement entre les parties, sans son concours ni sa participation ;
Que le jugement lui apparaît critiquable pour avoir retenu l'existence d'un mandat tacite dont il aurait été investi, alors qu'une telle éventualité aurait supposé qu'il soit en possession de la copie exécutoire et que le paiement du principal et des intérêts transite par l'étude notariale ;
Que ces deux conditions n'étaient pas réunies, puisqu'il avait adressé dès le 4 décembre 1995 la copie exécutoire de l'acte de reconnaissance de dette à M. Z..., qui a reconnu l'avoir reçu et qu'était portée en haut à gauche, dans un encart, la mention : " Important " " Inscription hypothécaire à renouveler avant le " " Le créancier doit veiller personnellement au renouvellement de l'inscription en temps utile et prévenir l'étude deux mois à l'avance " ;
Qu'il soutient en conséquence qu'il appartenait à M. Z... de veiller personnellement à la sauvegarde de ses intérêts en faisant procéder au renouvellement de son inscription en temps utile et en l'en prévenant deux mois à l'avance comme cela lui était demandé ; qu'aucune diligence n'a été accomplie par celui-ci alors que la date d'expiration de l'inscription d'hypothèque, certes non précisée dans l'encart, était néanmoins à sa connaissance pour figurer dans le corps du document en page 13 dernier paragraphe ainsi qu'en pages 1 et 3 de l'inscription d'hypothèque enregistrée le 28 avril 1995 ;
Qu'il observe que M. Z... a déclaré sa créance le 7 août 1998 avec le concours de son avocat, ce dernier étant tenu d'un devoir de conseil mais ne l'ayant pas contacté, qu'il leur incombait donc le soin de veiller au renouvellement litigieux ;
Que son rôle, dès lors que le paiement du principal et des intérêts n'a pas transité par l'étude, ce qui le laissait en droit de penser, en l'absence de demande du prêteur, que ce dernier avait recouvré sa créance deux ans après les lettres du 4 septembre 1996, ne permet pas davantage de caractériser l'existence d'un mandat tacite ;
Que par ailleurs, les termes de son courrier du 24 mars 2003, rédigé plus de 4 ans plus tard, n'ont pas la valeur d'une reconnaissance de sa faute puisqu'il se reproche uniquement de ne pas avoir vérifié que M. Z... avait bien procédé au renouvellement ;
Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens, les premiers juges ont caractérisé l'existence d'un mandat tacite conféré au notaire qui l'obligeait à suivre le contrat ;
Qu'en effet, le notaire est intervenu dans la négociation du prêt et a obtenu de l'un des créanciers des époux G..., la société Union de Crédit pour le Bâtiment UCB, qu'il consente à ce que l'hypothèque de Michel Z... prit place en deuxième rang ; qu'il est encore intervenu dans le recouvrement de la créance puisqu'il a écrit à la société Plein Sud peu avant l'échéance du prêt pour lui demander de rembourser celui-ci en lui adressant un chèque en paiement à l'ordre de Michel Z... ;
Que le notaire, qui doit s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel il prête son concours, doit également veiller à l'accomplissement des formalités nécessaires à la mise en place des sûretés qui en garantissent l'exécution et qu'il ne peut se considérer comme déchargé que lorsqu'il en est dispensé expressément par les parties, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Que contrairement à l'interprétation qu'en donne depuis l'appelant, les termes de son courrier du 24 mars 2003 sont explicites et admettent que l'office a omis d'interroger le client sur le renouvellement de l'inscription ; qu'ils démontrent également que le notaire ne s'estime nullement libéré de sa mission à cet égard par la simple transmission de la copie exécutoire ; que la référence qu'il tente de faire à un simple encart figurant sur ladite copie, ne mentionnant pas même la date d'expiration de l'inscription initiale, ne saurait davantage le décharger d'une quelconque manière de sa responsabilité et de ses obligations professionnelles ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il retient la faute du notaire ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'appelant fait valoir que les sommes qui lui sont réclamées ne correspondent pas à la somme de 690 000 frs soit 105 189, 82 €, objet du prêt : que si l'intimée prétend que la différence serait due à des intérêts, elle ne justifie pas d'un préjudice qui incluerait des intérêts perçus en sus du capital ; que le calcul du préjudice qui a été retenu en première instance omet en outre de déduire le versement de la somme de 30 000 frs effectué à la barre du tribunal de grande instance de Versailles lors de l'audience de référé qui a donné lieu à l'ordonnance du 10 avril 1997 ;
Considérant que l'intimée rappelle que le préjudice pour lequel elle demande réparation est directement lié à la faute du notaire, qu'il est constitué de la perte en capital et en intérêts et qu'elle justifie du quantum de sa demande ;
Considérant en effet que le règlement de la somme de 30 000 frs a été imputé sur la dette de 690 000 frs des époux G...; qu'en effet, l'ordonnance de référé du 10 avril 1997 en fait clairement état dans ses motifs et son dispositif ; que la somme retenue dans cette décision comme restant due est en conséquence de 660 000 frs ;
Que le jugement sera confirmé quant au calcul du montant du préjudice direct et certain de Michel Z... ; qu'en effet, la créance de ce dernier, selon le procès-verbal du règlement d'ordre définitif s'établissait à la somme de 144 077, 47 € ; que la somme restant à lui distribuer après l'adjudication et après les attributions à d'autres créanciers, aurait été de 130 733, 86 € si M. Z... avait été créancier hypothécaire ; que son préjudice en lien direct avec la faute du notaire s'établit à ce montant ;
Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée dans les termes du dispositif ci-après ;
Que l'appelant, qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. François X...à payer à Mme Yolaine Y...veuve de Michel Z... la somme de 4000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. François X...aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT