Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 28 MARS 2013
(n°146, 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/09699
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09530
APPELANTS
Monsieur [J] [I] [O] [V]
Madame [S] [T] [Q] née [H] épouse [V]
demeurant tous deux [Adresse 1]
représentés par la SCP FISSELIER en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
assistés de la SCP D'ANTIN BROSSOLLET en la personne de Maître Luc BROSSOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0336
INTIMEE
SA GROUPAMA GAN VIE anciennement dénommée GAN ASSURANCES VIE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 3]
représentée par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES en la personne de Maître Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
assistée la SELARL Sylvie MITTON-SMADJA en la personne de Maître Sylvie MITTON-SMADJA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1136
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 21 février 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Chantal SARDA, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Fatima BA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal SARDA, présidente, et par Madame Fatima BA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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M. [J] [V] et Mme [S] [H], épouse [V] (les époux [V]), sont propriétaires d'un appartement au dernier étage de l'immeuble sis [Adresse 2]. La société Groupama Gan Vie, qui a acquis l'immeuble voisin sis aux numéros 105 à107 de la même avenue, a réalisé des travaux de réfection de la toiture. En mars 2008, les époux [V] ont protesté contre la présence d'un garde-corps élevé sur le toit de l'immeuble voisin, face à la fenêtre de leur salon. Aucun accord n'ayant pu être trouvé, par acte du 9 juin 2009, les époux [V] ont assigné leur voisine en démolition du garde-corps sous astreinte et en paiement de dommages-intérêts.
Par jugement du 1er mars 2011, le Tribunal de grande instance de Paris a débouté les époux [V] de leurs demandes et les a condamnés aux dépens.
Par dernières conclusions du 7 février 2013, les époux [V], appelants, demandent à la Cour de :
- vu les articles R. 4211-3 du Code du travail, 544 et 1382 du Code civil,
- infirmer le jugement entrepris,
- dire que la société Groupama Gan Vie a commis une faute en installant un garde-corps qui constitue pour eux un trouble permanent et anormal du voisinage,
- subsidiairement, vu le principe jurisprudentiel des troubles anormaux de voisinages,
- dire que l'installation du garde-corps litigieux constitue un trouble permanent et anormal du voisinage,
- par voie de conséquence, ordonner la démolition, aux frais de la société Groupama Gan Vi, et ce sous astreinte de 5 000 € par semaine de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois courant à partir de la signification de l'arrêt à intervenir,
- la condamner à leur verser les sommes de :
' 20 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
' 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au entiers dépens.
Par dernières conclusions du 16 janvier 2013, la société Groupama Gan Vie prie la Cour de :
- vu les articles 6, 9, 146 du Code de procédure civile, 544, 1382 du Code civil, L. 4211-11, R. 4211-3, R. 4423-58, R. 4423-59, R. 4432-60, R. 4423-62 du Code du travail,
- dire mal fondé l'appel formé par les époux [V] et les débouter de leurs demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens,
- les condamner à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens
SUR CE, LA COUR
Considérant que les époux [V], qui ont acquis le 3 mars 1965, un appartement comprenant un 'living room' et une chambre au 9e étage, en retrait sur rue et sur cour, doté d'une fenêtre éclairant le salon orientée au sud, jouissaient par cette ouverture, jusqu'à l'édification du garde-corps litigieux constitué de tubulures métalliques, ainsi qu'il résulte des photographies versées aux débats, d'une vue dégagée sur les toits du vieux [Localité 1] ; que ces mêmes photographies montrent que, depuis les travaux litigieux, le paysage précité ne peut plus être aperçu qu'au travers de cette superstructure d'aspect industriel ; qu'ayant choisi un logement en hauteur doté d'une belle vue, dans un arrondissement de [Localité 1] réputé pour l'homogénéité de ses constructions à laquelle ses habitants sont légitimement attachés, les appelants ont subi un préjudice indéniable né de l'enlaidissement de la vue dont ils disposaient ;
Considérant, toutefois, que, au sens de l'article 1382 du Code civil, le dommage ne doit être réparé que si une faute a été commise ; qu'au cas d'espèce, les appelants ne démontrent pas que le garde-corps, en dépit de sa laideur, soit illicite ; qu'au contraire, ce dispositif répond à la nécessité de protéger les salariés intervenant pour la maintenance en toiture ; que cette maintenance ne se limitant pas à une visite annuelle d'entretien courant, mais à celle des moteurs de VMC, des conduits et vide-ordures équipant le toit, l'adoption d'un garde-corps pérenne peut se justifier ; que, si une autre solution pouvait être préconisée, cependant, le choix opéré n'en est pas rendu pour autant fautif dans la mesure ou le dispositif litigieux remplit son but de sécurité en dépit de son aspect disgracieux et incongru ;
Qu'en conséquence, les époux [V] doivent être déboutés de leur demande fondée sur l'article 1382 du Code civil ;
Considérant, sur le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, qu'en l'état actuel du droit, les époux [V] ne peuvent se prévaloir d'un droit acquis à une belle vue 'par delà des vagues de toits', la défense de l'esthétique reposant exclusivement sur les règles d'urbanisme et la protection des monuments historiques dont il n'est pas allégué qu'elles aient été violées ; que, dans cet état, le trouble subi par les appelants n'est pas anormal ;
Considérant qu'en conséquence, le jugement entrepris, qui a exactement appliqué le droit dans son état actuel, doit être confirmé ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile des époux [V] ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de l'intimée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne in solidum M. [J] [V] et Mme [S] [H], épouse [V] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La GreffièreLa Présidente