REPUBLIQUE FRANCAISE
Au nom du Peuple français
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 7
ARRET DU 28 Mars 2013
(n° 13/41 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/17641 M.T
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Juillet 2010 par le tribunal de grande instance de PARIS RG n° 09/455
APPELANTE
SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'AMENAGEMENT DE LA VILLE DE PARIS (SEMAVIP) [Adresse 5]
Représentée par Me Stéphane DESFORGES ( la SELARL LE SOURD DESFORGES) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0131)
INTIMEES
Madame [M] [H], ayant droit de [I] [H]
[Adresse 4]
Représentée Me Pascale TOUBERT (avocat au barreau de PARIS, toque : A0035)
Madame [B] [O] épouse [H]
Chez Me [L], [Adresse 1]
Représentée par Me Anne-Catherine BEULAIGNE substituant Me Jean alex BUCHINGER (avocat au barreau de PARIS, toque : C0986)
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE PARIS [Adresse 2]
Représenté par M. [U] [D] (Inspecteur) en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Janvier 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS,
Madame Michèle TIMBERT, Conseillère, désignée par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS
Monsieur Pascal COUVIGNOU, Juge de l'Expropriation au Tribunal de Grande Instance de MELUN, désignée conformément aux dispositions de l'article L. 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique
Greffier : Madame GUICHARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président et par Madame GUICHARD, Greffier.
M. [H] était propriétaire des lots 43 et 68 dépendant d'un immeuble situé [Adresse 3] dans le [Adresse 3]. Il est décédé le [Date décès 1] 2010.
La société d'Economie Mixte d'Aménagement de la Ville de Paris dite la SEMAVIP est chargée d'une opération déclarée d'utilité publique par arrêté du 20 juin 2007.
Elle a saisi le juge de l'expropriation de Paris afin de fixer l'indemnité due à M. [H] au titre de la dépossession foncière de ses lots qui par jugement du 5 juillet 2010, a fixé les indemnités dues selon les modalités suivantes :
-valeur libre : 2500 € le m²,
-valeur occupé : 2375€ ,
-l'indemnité de remploi calculée à 20% sur 5000€, 15% entre 5000€t 15000€ et 10% sur le solde,
-à charge pour la SEMAVIP de procéder à un mesurage à ses frais conforme à la loi 96-1107 du 18 décembre 1996,
-2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à garder la charge des dépens.
La SEMAVIP a formé un appel en lettre recommandée avec accusé de réception du 30 août 2010 enregistré au greffe le 1 septembre 2010. Par mémoire posté le 20 octobre 2010 régulièrement signifié le 26 octobre 2010 au commissaire du gouvernement et le 25 novembre 2010 au conseil de la famille [H], elle demande :
-l'infirmation de la décision en ce qu'il a limité l'abattement pour occupation à 5%,
subsidiairement,
-de désigner un expert ou notaire afin d'éclairer la cour sur les abattements habituellement observés sur le marché pour occupation d'un immeuble.
Les ayant-droits de M. [H] et Mme [M] [H] par mémoire du 23 décembre 2010 et 3 juin 2011,demandent :
-de leur donner acte de leur reprise d'instance,
-de déclarer l'appel recevable et mal fondé,
-de confirmer l'abattement pour occupation fixé à 5%,
-de fixer l'indemnité à la somme de 7000€ le m² soit 273 000.€, sur la base d'une surface de 35m²,
-2000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le commissaire du gouvernement par mémoire du 25 novembre 2010, demande:
-de confirmer le jugement pour la valeur fixée en valeur libre, soit 97250 € d'indemnité totale, et de l'infirmer pour le bien occupé et de fixer la somme due à 78000€.
Mme [B] [O] née [H] par mémoire du 26 octobre 2012, demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
SUR CE
Conformément à l'article L 13-15 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance .
Sur la description
Il s'agit d'un ensemble immobilier composé de deux bâtiments, datant de 1825, situés pour l'un à l'angle de la [Adresse 7], proche de la station de métro Chateau-Rouge et du boulevard Barbés. Le bâtiment élevé sur sous sol d'un rez de chaussée et de 5 étages fait l'objet d'un arrêté de péril en mars 2006 qui a été abrogé en 2008. Des travaux ont été réalisés en 2007 et 2008 mais l'immeuble étant ancien, fragile, non entretenu et avec des infiltrations, les désordres ont continués. A la suite de nouvelles dégradations un expert judiciaire a été désigné.
Il résulte du rapport de l'expert judiciaire M. [Y] clos le 15 novembre 2009, confortant un précédent rapport que l'immeuble est un château de cartes ou la ruine d'un élément fait courir le risque d'une ruine générale. Il existe selon lui un état d'immeuble précaire conduisant inéluctablement à un point de rupture et d'effondrement. L'immeuble doit être démoli des travaux n'étant pas envisageables. L'expert a demandé en urgence des travaux de confortement avant une future évacuation de l'immeuble. L'accès de la cour et du bâtiment en fond a été interdit.
Le lot 43 est situé au 4ème étage, composé selon le règlement de copropriété de deux pièces et deux débarras. Il comprend une première pièce aveugle avec cabine de douche et wc en mauvais état, une pièce donnant sur la [Adresse 6] et une autre pièce également sur la même rue. Le procès verbal de transport relate un logement vétuste, mal distribué (entrée contenant la cabine de douche et les wc)et aux éléments de confort insuffisants. Enfin, il existe des fissures 'impressionnantes' au mur d'une pièce et aux plafonds et un plancher en déclivité attestant des mouvements de la structure de l'immeuble.
Le lot 68 se compose d'une cave.
Le premier juge a observé que des étais se trouvaient à chaque étage. Il a préconisé un mesurage du bien.
La SEMAVIP conformément aux préconisations du jugement concernant le mesurage verse un rapport établi par un géomètre expert le 7 mars 2011. Il en résulte une surface de 28,30 m². Les héritiers de M. [H] contestent ce document mais n'ont pas compétence pour le faire et n'apportent aucun élément, étant précisé que le prix de la cave est généralement inclus dans celui de l'appartement.
Sur le logement
Le juge a fixé le prix à 2500€ le m². Les expropriés demandent la somme de 7000€ . L'expropriant, le commissaire du gouvernement et Mme [B] [H] demandent la confirmation du jugement.
L'expropriant ne verse aucune référence ne contestant pas le prix.
Les héritiers de M. [H] ne versent aucune référence, ils ne peuvent se prévaloir d'une moyenne de prix à Paris de 7000 €, l'immeuble étant particulièrement dégradé et le prix devant être fixé par comparaison à d'autres situés dans le même quartier et dans le même état et non pas à la moyenne de tous les arrondissements de Paris. Enfin s'agissant de la position prédominante du commissaire du gouvernement, les expropriés ont également un accès au fichier immobilier.
Le commissaire du gouvernement ne donne aucune référence.
En conséquence, la cour ne disposant d'aucun élément de comparaison, le prix fixé par le premier juge doit être confirmé, l'immeuble étant grevé d'un handicap et le logement au 4ème étage étant sans ascenseur et dégradé.
Sur le remploi
Les taux de remploi retenus par le premier juge, conformes à ceux usuels et non contestés doivent être confirmés.
Sur l'abattement
La SEMAVIP soutient que d'évidence, un bien occupé est de moindre valeur que celui libre, qu'il existe un usage sur le montant de l'abattement (20%), que la loi Vivien ne s'applique pas, que les taux en matière fiscale (non soulevé par les parties) de 30% reposent sur les valeurs du marché, et enfin qu'elle doit procéder au relogement, ce qui suscite un coût.
Les expropriés soutiennent que fixer l'abattement à 20% serait un enrichissement sans cause, que l'expropriant ne justifie pas de sa demande et Mme [B] [H] ajoute que les juges sont souverains, que la seule référence aux usages ne suffit pas et que seul le marché local est pertinent.
La procédure a été faite dans le cadre de la procédure classique d'expropriation et non pas dans le cadre de la loi pour l'habitat in salubre du 10 juillet 1970 modifiée par la loi du 13 juillet 2006, la référence à cette procédure ne se justifie pas.
Il est exact comme le soutient le premier juge que l'expropriant ne fournit pas d'élément objectif permettant d'évaluer cette moins value selon les prix du marché si ce n'est la prise en considération des abattements établis sur le plan fiscal qui, peuvent également servir de termes de référence mais ne reflètent pas l'état du marché.
Le commissaire du gouvernement fait état de ventes de biens libres et occupés dans un même immeuble relevées entre janvier 2009 et février 2010 portant sur des immeubles anciens, similaires, sans ascenseur, situés dans le 18ème arrondissement, pour des logements comparables et dans le périmètre des métros Barbés, Chateau -Rouge et Marcadet Poissonniers. Il en résulte une valeur inférieure de 18,29% pour un bien occupé par rapport à un bien libre. Il propose de retenir 20%.
L'abattement pour occupation s'apprécie en fonction de la différence de prix constatée sur le marché immobilier entre un immeuble libre d'occupation et ce même immeuble occupé.
Le jugement doit être infirmé en ce que l'abattement a été fixé à 5% et compte tenu des circonstances du dossier, il doit être retenu 15%, sans qu'il soit besoin de désigner un expert.
Sur les indemnités dues
Elles seront fixées également pour le compte de qui il appartiendra, compte tenu du décès de M. [H].
Valeur libre
28,30m x 2500€ =70750€
remploi: 8075€
78 825€
Valeur occupé
28,30m x 2500€ x 0,85 = 60137,50€
remploi : 7013,75€
67151,25€
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité ne commande pas d'allouer une somme aux ayant-droits de M. [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la demande doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement,
Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le taux d'abattement en valeur occupé et le mesurage du bien,
Statuant à nouveau,
Fixe les indemnités dues par la Semavip aux ayant-droits de M. [H], Mme [M] [H] et Mme [B] [H] et pour le compte de qui il appartiendra, aux sommes de :
Valeur occupé :
.67151,25€ d'indemnité dont 60137,50€ d'indemnité principale et 7013,75€ de remploi,
Constate que le bien a fait l'objet d'un mesurage,
Y ajoutant,
Valeur libre:
.78 825€ d'indemnité dont 70750€ d'indemnité principale et 8075 € de remploi ,
Rejette le surplus des demandes,
Laisse la charge des dépens à la SEMAVIP.
LE GREFFIER LE PRESIDENT