COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 27 MARS 2013
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(no 115, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 06853
Décision déférée à la Cour : jugement du 7 mars 2012- Tribunal de Grande Instance de PARIS 01- RG no 10/ 15167
APPELANTE
Madame Ana X...- Y... C/ O Madame Gaëlle Z...... et actuellement...
représentée et assistée de Me Claire MONGARNY BAULT de la AARPI CABINET CLAIRE RICARD ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : C2500) et de Me Henri LATSCHA (avocat au barreau de PARIS, toque : R076)
INTIME
Monsieur Christophe A......
représenté et assisté de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me Jean-Pierre CHIFFAUT MOLIARD (avocat au barreau de PARIS, toque : C1600)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 février 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de : Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Estimant qu'il avait engagé sa responsabilité civile professionnelle en lançant une procédure destinée à faire désigner un mandataire ad hoc, Madame Ana X...- Y... a fait assigner Monsieur Christophe A..., avocat, devant le Tribunal de grande instance de Paris par exploit d'huissier de Justice du 29 octobre 2010 aux fins de réparation du préjudice subi ;
Par jugement contradictoire du 7 mars 2012 le Tribunal de grande instance de Paris a :- débouté Madame Ana X...- Y... de ses demandes,- l'a condamnée à verser à Maître Christophe A... une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et déclaré sans objet sa demande fondée sur cet article,- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,- débouté pour le surplus, plus ample ou contraire ;- laissé les dépens à la charge de la demanderesse ;
Par déclaration du 12 avril 2012, Madame Ana X...- Y... a interjeté appel de ce jugement ; Dans ses dernières conclusions en cause d'appel déposées le 12 juillet 2012, elle demande à la Cour de :- infirmer le jugement déféré,- déclarer Madame Ana X...- Y... recevable en son appel,- dire et juger que Monsieur A... a agi sans mandat et a manqué aux règles déontologiques de sa profession,- condamner Monsieur A... à verser la somme de 5 126 € à Madame Ana X...- Y... au titre du préjudice matériel et 10 000 € au titre du préjudice moral subi, sauf à parfaire,- condamner Monsieur A... à verser la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner Monsieur A... aux entiers dépens ;
Dans ses seules conclusions en cause d'appel déposées le 30 août 2012, Monsieur Christophe A... demande à la Cour de :- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Et, y ajoutant,- condamner sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile Madame X...- Y... à payer à Maître Christophe A... la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles exposés par lui en cause d'appel,- la condamner en outre aux entiers dépens ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 janvier 2013 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que selon les écritures des parties, Monsieur Philippe B... (Monsieur B...), ex-concubin de Madame Ana X...- Y... (Madame X...- Y...), est gérant de la société SAB, société de droit luxembourgeois, laquelle a pour filiale la société ARTVALUE. COM, société également de droit luxembourgeois, dont elle détient 100 % du capital ; que la société ARTVALUE. COM est elle-même la société-mère de la société ART LITHOGRAPHIE S. A. R. L. (société ART LITHOGRAPHIE), dont elle détient 99, 99 % du capital et dont Madame X...- Y... était la gérante ;
Que suite à la séparation du couple, Monsieur B... a déposé plainte à l'encontre de Madame X...- Y... pour vol de titres au porteur des sociétés SAB et ARTVALUE. COM et Madame X...- Y... a également déposé plainte à l'encontre Monsieur B... pour abus de faiblesse, abus de confiance et chantage ;
Que dans ce contexte, le Tribunal commercial de Luxembourg a désigné Maître Yann C..., avocat, en qualité d'administrateur provisoire des sociétés SAB et ARTVALUE. COM dont Maître Christophe D... était le conseil au Luxembourg et Maître A... le conseil à Paris ; qu'en outre, Madame X...- Y..., révoquée de ses fonctions de gérante de la société ART LITHOGRAPHIE lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 12 février 2010, a saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins d'annulation de cette décision ; qu'enfin, autorisé par ordonnance rendue sur requête le 26 août 2010, Maître A..., par exploit d'huissier de Justice du 2 septembre 2010 délivré selon les modalités de l'article 659 du Code de procédure civile et au nom de la société ARTVALUE. COM représentée par Maître Yann C..., a fait assigner Madame X...- Y... en référé d'heure à heure devant le Président du Tribunal de commerce de Paris aux fins de désignation d'un administrateur ad hoc de la société ART LITHOGRAPHIE avec pouvoir de convoquer une assemblée générale statuant sur la révocation de Madame X...- Y... de ses fonctions de gérante ;
Que c'est dans ces conditions que Madame X...- Y... a saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui a rendu le jugement déféré à la Cour ;
SUR QUOI,
Considérant que, dans ses dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, Madame X...- Y... reprenant son argumentation de première instance ajoute, s'agissant du mandat ad litem, que la désignation d'un administrateur judiciaire emportant dessaisissement de tout représentant légal en charge de représenter la société, si par extraordinaire, Maître A... avait été mandaté antérieurement à cette désignation par Monsieur B..., il aurait dû demander à l'administrateur judiciaire dont il connaissait l'existence, l'autorisation d'engager la procédure ; qu'elle estime par ailleurs que Maître A... ne pouvait représenter les intérêts de la société ART LITHOGRAPHIE et ceux de la société ARTVALUE. COM, toutes deux représentées à l'époque par Madame X...- Y... en sa qualité de gérante ; qu'elle soutient que ces fautes sont constitutives d'un préjudice au sens de l'article 1382 du Code civil et qu'il existe bien un lien de causalité entre l'assignation qui lui a été délivrée par Maître A..., l'absence de mandat ad litem et l'existence d'un conflit d'intérêt notoire ;
Considérant que, dans ses seules conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de son argumentation, Maître A... reprenant également son argumentation de première instance notamment sur l'accord obtenu, précise avoir immédiatement, par retour de courriel, informé les parties que l'assignation litigieuse ne ferait l'objet d'aucune mise au rôle ou qu'il serait procédé à un désistement d'instance ; qu'il soutient que la désignation d'un administrateur judiciaire chargé de représenter la société n'emporte, ni de plein droit ni de manière implicite, la cessation du mandat ad litem antérieurement donné à l'avocat par son représentant légal, en l'espèce Monsieur B..., qu'au demeurant il a agi au mieux des intérêts de sa cliente, ne peut se voir reprocher à faute par la partie adverse les diligences accomplies à son encontre et qu'en tout état de cause, seule sa cliente, la société ARTVALUE. COM aurait qualité pour lui faire ce reproche, qu'enfin, il n'y a pas de conflit d'intérêts puisque la société ARTVALUE. COM contrôlait la société ART LITHOGRAPHIE dont elle détenait 99, 99 % du capital ;
Considérant, que même à supposer que soit suivie la thèse de Madame X...- Y... sur l'incidence de la mission de l'administrateur judiciaire sur le mandat ad litem de Maître A..., il résulte des pièces versées au dossier que Maître A... n'a pas agi de sa propre initiative pour engager une procédure à l'encontre de Madame X...- Y... ; qu'en effet, si Maître C..., dans un courrier du 15 septembre 2010 adressé à Maître D... et au conseil de Madame X...- Y..., affirme ne pas avoir vu l'assignation litigieuse " sous forme de projet ou sous forme d'exploit signifié. A fortiori je n'en n'ai pas approuvé le contenu " (pièce no 4 de l'appelante et no 5 de l'intimé), Maître D..., avocat luxembourgeois de la société ARTVALUE. COM, indique dans un courrier du 25 octobre 2010 adressé à Maître A... : " Mon cher confrère, Je vous adresse la présente pour vous confirmer que Maître Yann C... m'avait donné son accord de principe à ce que vous engagiez une procédure devant le Tribunal de commerce de Paris à l'encontre de Madame X...- Y..., au nom de la société ARTVALUE. COM S. A dont il est administrateur provisoire suivant ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2010. " ;
Que dès lors, il se déduit de ces deux correspondances non contradictoires et qui ne font l'objet d'aucune discussion de la part de Madame X...- Y..., que Maître A..., qui aurait cependant du soumettre son projet à l'administrateur provisoire, avait bien reçu mandat de lancer la procédure litigieuse, peu important que, pour des raisons qui lui appartiennent, Maître C... se soit ensuite ravisé ;
Que dès lors, au regard de ce qui précède, c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte, que les premiers juges ont retenu que le seul défaut de présentation du projet d'assignation est dénué de lien de causalité avec le préjudice invoqué par Madame X...- Y... qui fonde elle-même celui-ci sur l'abus de confiance et le détournement de fonds attribués à Monsieur B... auquel Maître A... n'aurait pas " conseillé de ne pas devenir hors-la-loi " ;
Considérant par ailleurs, que Maître A... n'est pas contredit lorsqu'il indique que dès réception de la lettre du 15 septembre précitée il a immédiatement informé les parties que l'assignation litigieuse ne ferait l'objet d'aucune mise au rôle ou qu'il serait procédé au désistement d'instance ; qu'il n'est pas contesté que cette assignation n'ayant pas été placée, le grief de contrariété d'intérêts devient sans objet ;
Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que Madame X...- Y... succombant en son appel, devra en supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Madame Ana X...- Y... à verser à Monsieur Christophe A... la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE Madame Ana X...- Y... au paiement des dépens avec admission de l'avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.