COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 27 MARS 2013
(no 119, 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 17493
Décision déférée à la Cour : arrêt du 23 juin 2010- Cour de Cassation de PARIS-RG no D09066026
DEMANDEURS à la SAISINE
Monsieur Lionel X... ......30130 PONT ST ESPRIT domicilié ...à MARSEILLE (13008)
Monsieur Bernard X... ......30130 PONT ST ESPRIT
Madame Danielle Y... épouse X... ......30130 PONT ST ESPRIT
représentés et assistés de Me Frédérique ETEVENARD (avocat au barreau de PARIS, toque : K0065) et de Me Corinne VAILLANT de la ASS VAILLANT SCHORTGEN (avocat au barreau de PARIS, toque : R199)
DÉFENDEURS à la SAISINE
Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT Bâtiment Condorcet TELEDOC 353 6 rue Louise 75703 PARIS CEDEX
représenté et assisté de Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998) et de Me Fabienne DELECROIX (avocat au barreau de PARIS, toque : R229) substituée à l'audience par Me Marie-Agnès PERRUCHE (avocat au barreau de PARIS, toque : R229)
CENTRE HOSPITALIER DE MONTFAVET, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux 2 avenue de la Pinède 84140 MONTFAVET
représenté par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Benoît HENRY) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148) qui a déposé son dossier
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 janvier 2013, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Patricia POMONTI, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement du 20 décembre 2012 portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 7 janvier 2013, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
MINISTERE PUBLIC le dossier a été visé par Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président
-signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, présent lors du prononcé..
***
Suite à l'hospitalisation dont il a fait l'objet du 12 avril 2000 au 2 février 2001, laquelle a été déclarée irrégulière par la juridiction administrative, Monsieur Lionel X..., docteur en médecine, et ses parents, Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... ont fait assigner " l'Agent Judiciaire du Trésor " et le Centre Hospitalier de MONTFAVET devant le Tribunal de grande instance de Paris en réparation de leur préjudice respectif par exploit d'huissier de Justice du 26 mars 2003 ;
Par jugement du 8 décembre 2004, le Tribunal de grande instance de Paris :- s'est déclaré incompétent sur l'action introduite par les Consorts X... à l'encontre du Centre Hospitalier de MONTFAVET et les a renvoyés à mieux se pourvoir, et a :- rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par " l'Agent Judiciaire du Trésor ", En conséquence,- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " à payer à Monsieur Lionel X... la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,- débouté Monsieur Lionel X... du surplus de ses demandes à l'exception de celle relative à l'article 700 du Code de procédure civile,- déclaré les époux X... mal fondés en l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de " l'Agent Judiciaire du Trésor " et les en a déboutés,- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " à verser à Monsieur Lionel X... la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,- rejeté toute autre demande,- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " aux entiers dépens ;
Sur appel de Monsieur Lionel X..., de Monsieur Bernard X... et de Madame Danièle Y... épouse X..., la Cour d'Appel de Paris (1ère chambre-A, autrement composée) a :
par arrêt avant dire droit du 21 mars 2006 :- constaté le désistement des Consorts X... à l'encontre de la CPAM de Tarascon, par arrêt avant dire droit du 4 décembre 2007 :- renvoyé l'affaire à la mise en état aux fins de communication de diverses pièces,- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile ; par arrêt du 3 février 2009 : Statuant dans les limites de sa saisine et dans les rapports entre les Consorts X...,, " l'Agent Judiciaire du Trésor " et le Centre Hospitalier de MONTFAVET,- confirmé le jugement sur l'incompétence retenue pour connaître de l'action intentée par les Consorts X... contre le Centre Hospitalier de MONTFAVET et sur le rejet des demandes présentées par les époux X... contre " l'Agent Judiciaire du Trésor ", Confirmant partiellement le jugement seulement sur le montant des dommages-intérêts ainsi que sur la somme accordée à M. L X... au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Statuant à nouveau sur ces points, a substitué à son dispositif, le dispositif suivant et :- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " au paiement à M. Lionel X... d'une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts compensateurs du dommage causé,- rejeté toutes demandes autres ou contraires aux motifs,- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " au paiement à M. Lionel X... d'une somme de 2 000 € pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,- condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " au paiement des dépens de première instance et d'appel ;
Par arrêt du 23 juin 2010, la Cour de Cassation, 1ère Chambre Civile, a cassé cet arrêt dans toutes ses dispositions et renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée, aux motifs, d'une part, qu'en retenant " qu'au regard des certificats médicaux établis en avril 2002, aucune voie de fait ne permet de justifier la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire (...) alors que les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour apprécier les conséquences dommageables résultant de l'irrégularité des décisions administratives de placement ou de maintien sous le régime de l'hospitalisation d'office, la cour d'appel a violé " la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles L 3213-1 à L 3213-10 du Code de la santé publique, d'autre part, qu'en retenant que les époux X... " ne justifient pas d'un préjudice direct causé par l'illégalité des arrêtés préfectoraux de placement, dont l'annulation, pour des motifs formels, ne peut être génératrice d'un préjudice direct causé à des tiers à ces actes (...) alors que le placement irrégulier de M. X... en milieu psychiatrique cause à ses parents un préjudice direct dont ils sont bien fondés à demander réparation, la cour d'appel a violé " l'article 1382 du Code civil, qu'enfin, qu'en retenant " que nonobstant les irrégularités formelles des arrêtés ordonnant son placement d'office, celui-ci était justifié par son état pathologique préalable à l'irrégularité commise " pour limiter à la somme de 10 000 € les dommages-intérêts dus " alors que M. X... pouvait prétendre à l'indemnisation de son entier préjudice né de l'atteinte portée à sa liberté par son hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée la cour d'appel a violé " les articles 5-1 et 5-5 de Convention Européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1382 du code Civil ;
Par acte du 14 septembre 2011, Monsieur Lionel X..., Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... ont saisi la Cour de renvoi ; Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 avril 2012, ils demandent à la Cour de : les déclarer recevables en leur appel, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné " l'Agent Judiciaire du Trésor " à réparer le préjudice résultant de l'illégalité de la mesure d'hospitalisation d'office dont Monsieur X... a été l'objet et l'a condamné au versement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, infirmer le jugement pour le surplus, Statuant à nouveau, dire et juger que l'arrestation et l'internement subis sont mal fondés en application des articles 1382 et suivants du Code civil et ont constitué des manquements et violations des articles 5-1, 5-4, 5-5 et 5-8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, condamner in solidum " l'Agent Judiciaire du Trésor " et le CHS de MONTFAVET à verser à Monsieur Lionel X... :- à titre de dommages-intérêts, avec intérêts de droit à compter de l'assignation en justice, les sommes suivantes : ¤ 315 000 € à titre de réparation du préjudice résultant de la privation de liberté illégale, ¤ 150 000 € au titre des souffrances morales endurées du fait de cet internement et de son maintien sous ce régime, ¤ 100 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié à l'administration de traitement sous contrainte en vertu de décisions illégales, ¤ 15 000 € au titre de l'atteinte au droit au respect de sa vie familiale, ¤ 50 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des défauts de notification des décisions et des droits afférents à l'hospitalisation sous la contrainte, ¤ 5 000 € au titre des poursuites injustifiées pour le paiement du forfait hospitalier,- au titre de son préjudice patrimonial : 210 269, 86 € se décomposant comme suit : ¤ 38 113 € au titre des pertes d'exploitation du cabinet médical, ¤ 72 156, 86 € à titre de perte de chiffre d'affaires, ¤ 100 000 € au titre de la perte de clientèle, ¤ 2 692, 71 € au titre du forfait hospitalier qui lui a été réclamé, condamner in solidum " l'Agent Judiciaire du Trésor " et le CHS de MONTFAVET à verser aux parents de Monsieur X... : Monsieur Bernard X... et son épouse à chacun la somme de 80 000 € à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues, débouter " l'Agent Judiciaire du Trésor " et le Centre Hospitalier de MONTFAVET de toutes leurs demandes, fins et conclusions, les condamner à verser aux Consorts X... la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC compte tenu de leurs frais irrépétibles devant la Cour, les condamner solidairement aux entiers dépens ;
Dans ses seules conclusions déposées le 3 décembre 2012, l'Agent Judiciaire de l'Etat (anciennement dénommé l'Agent Judiciaire du Trésor), demande à la Cour de :- déclarer les Consorts X... mals fondés en leur appel,- constater que l'état de santé de Monsieur X... nécessitait son hospitalisation d'office,- constater que l'Etat ne peut être tenu que des seules conséquences de l'irrégularité formelle de l'arrêté d'hospitalisation d'office, Sur le montant de l'indemnité,- infirmer le jugement entrepris, Statuant à nouveau,- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation au vu de la Jurisprudence en la matière,- déclarer en toute hypothèse Monsieur X... mal fondé en ses demandes indemnitaires au titre du préjudice patrimonial et moral,- débouter également les parents de Monsieur X... de leurs demandes indemnitaires ;- condamner in solidum les Consorts X... aux dépens ;
Dans ses seules conclusions déposées le 20 février 20121, le Centre Hospitalier de MONTFAVET, demande à la Cour de : A titre principal,- rejeter toutes les demandes des appelants comme infondées, Subsidiairement,- " faire une juste appréciation du préjudice subi au vu des observations ci-dessus ",- laisser les dépens à la charge des appelants ;
Vu les observations du Ministère Public, en date du 10 janvier 2013 ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 201 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant qu'il ressort des écritures et des pièces versées par les parties, que le 20 juin 1999 alors qu'il était de garde, Monsieur Lionel X..., médecin généraliste à CHATEAURENARD (13160), a eu un incident avec les services de police de cette ville à l'occasion de l'examen d'un mineur de 13 ans placé en garde à vue ce qui a conduit le commandant de police à saisir le Conseil Régional de Provence Côte d'Azur Corse, de l'Ordre national des médecins (le Conseil de l'Ordre), lequel après expertise médicale a décidé, le 26 mars 2000, de suspendre Monsieur Lionel X... pour une durée d'un an en raison d'une affection psychologique de nature à rendre dangereux son exercice de la profession médicale ;
Que suite à des informations concernant son comportement, le Préfet des Bouches du Rhône a ordonné, par arrêté du 11 avril 2000, l'hospitalisation d'office de Monsieur Lionel X... au Centre Hospitalier de MONTFAVET (Vaucluse) ; que par arrêté du même jour, il a autorisé son transfert dans l'Unité pour Malades Difficiles (UMD) de cet établissement ; que la mesure d'hospitalisation a été reconduite pour trois mois par arrêté du 10 mai 1999 puis pour six mois par arrêté du 9 août 1999, Monsieur Lionel X... étant transféré au service de secteur du même établissement hospitalier par arrêté du 10 août 1999 ;
Que, saisi par Monsieur Lionel X..., le Tribunal administratif de Marseille, par jugement du 16 janvier 2001 aujourd'hui définitif, a annulé les deux arrêtés du 11 avril 1999 et l'arrêté du 10 mai 1999 ;
Que, par ordonnance du 19 mai 2000, le Président du Tribunal de grande instance d'Avignon a rejeté la demande de main-levée de l'hospitalisation présentée par Monsieur Lionel X... ; que cette ordonnance a été infirmée par arrêt du 30 janvier 2001 de la Cour d'appel de Nîmes en exécution duquel l'intéressé a quitté le Centre Hospitalier de MONTFAVET le 2 février 2001 ;
Que, saisi le 29 mai 2006 par Monsieur Lionel X..., le Tribunal administratif de Marseille, par jugement du 13 novembre 2006, se référant expressément au jugement du 16 janvier 2001, a annulé l'arrêté du 9 août 2000, estimant qu'il procédait de l'arrêté illégal du 11 avril 1999 ;
Que c'est dans ce contexte que Monsieur Lionel X..., Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui a rendu le jugement déféré à la Cour suite à l'arrêt de cassation du 23 juin 2010 ;
SUR QUOI,
Considérant que Monsieur Lionel X..., Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... (les époux X...-Y...), reprochent à l'Agent Judiciaire de l'Etat de reprendre ses arguments écartés de façon explicite par la Cour de Cassation et, soulignant que celle-ci a consacré le droit à réparation intégrale de leur entier préjudice quel que soit le caractère justifié ou non de la mesure d'hospitalisation d'office indiquent que l'ensemble des arrêtés préfectoraux ont été annulés par le Tribunal administratif ; que s'agissant de la responsabilité du Centre Hospitalier de MONTFAVET, ils font valoir, que s'il ne lui appartenait pas de se substituer à une juridiction en appréciant la régularité d'un acte présentant toute l'apparence de la légalité, cet établissement devait s'assurer que l'acte répondait aux exigences de forme imposées par la loi ce qu'il n'a pas fait en admettant Monsieur Lionel X... en UMD sans respecter les dispositions de l'article 12 du décret du 14 mars 1986 complété par arrêté du 14 octobre 1986 qui exigent pour cela que soit établie l'existence d'un danger pour autrui tel que les mesures nécessaires ne pouvaient être mises en oeuvre que dans ce type d'unité, d'une part, d'autre part, que l'arrêté initial se fondait sur une expertise antérieure de plus de cinq mois sans motivation spécifique à l'UMD, qu'enfin, cette admission n'a pas été soumise à l'avis d'une commission médicale ; qu'ils ajoutent que l'établissement a manqué au devoir d'information qui lui incombe puisque Monsieur Lionel X... n'a eu connaissance de sa situation juridique et de la possibilité de demander la main-levée de la mesure que grâce à ses parents ; qu'ils relèvent par ailleurs, alors que les différents certificats de situation ne faisaient pas état de troubles mentaux mais seulement d'un comportement potentiellement dangereux insusceptible de justifier le maintien de la mesure, il appartenait au Centre Hospitalier de MONTFAVET d'alerter l'autorité préfectorale de cette situation ;
Considérant que l'Agent Judiciaire de l'Etat estime, pour sa part, que l'ensemble des éléments médicaux (certificats de situation, avis de la Commission de suivi et l'expertise judiciaire ordonnée) démontre la pertinence médicale de la décision prise et que la pathologie psychiatrique de Monsieur Lionel X... ne pouvant être niée, la seule question est celle de l'indemnisation du préjudice résultant de l'annulation de l'arrêté d'hospitalisation ;
Considérant que le Centre Hospitalier de MONTFAVET soutient, à titre principal, que sa responsabilité n'est pas engagée dès lors que la mesure d'hospitalisation était une hospitalisation d'office réalisée à la demande du Préfet et qu'il n'est intervenu qu'en qualité d'exécutant n'ayant " pas à apprécier la légalité dans l'immédiat " ; que subsidiairement, il affirme que si sa responsabilité était engagée, elle le serait de façon nécessairement conjointe avec celle de l'Etat dont les fautes sont en majeure part à l'origine du dommage en cause ;
Considérant que le Ministère Public indique ne pas avoir d'observation particulière à faire dans ce dossier, les points de droit ayant été tranchés par la Cour de Cassation ;
***
Considérant, observation faite que c'est la décision d'annulation des arrêtés litigieux qui constitue le fait générateur de l'obligation d'indemniser, que le Centre Hospitalier de MONTFAVET, qui n'est pas le simple exécutant des décisions prises par l'autorité administrative, a également engagé sa responsabilité en manquant au devoir d'information qui lui incombait et en ne respectant pas la procédure prévue pour les admissions en UMD ;
Que, par ailleurs, les tribunaux judiciaires étant seuls compétents pour apprécier les conséquences dommageables résultant de l'irrégularité des décisions administratives de placement ou de maintien sous le régime de l'hospitalisation d'office, y compris à l'encontre du Centre Hospitalier de MONTFAVET, que, d'une part, Monsieur Lionel X... peut prétendre à l'indemnisation de son entier préjudice né de l'atteinte portée à sa liberté par son hospitalisation d'office irrégulièrement ordonnée, indépendamment du bien ou du mal fondé médical de ces mesures, d'autre part et sous le bénéfice de la même observation, que ce placement irrégulier en milieu psychiatrique a causé à ses parents un préjudice direct dont ceux-ci sont bien fondés à demander réparation ;
Considérant en conséquence que les préjudices des appelants seront évalués comme suit ;
- pour Monsieur Lionel X...
Considérant que son préjudice moral, constitué de l'atteinte à sa liberté et à sa vie familiale dès son interpellation ainsi que de la souffrance morale endurée de ce fait, doit être évalué à la somme de 25 000 € ;
Considérant que les conditions d'hospitalisation propres à l'internement, en particulier l'administration sous la contrainte d'un traitement médical, constituent indéniablement un préjudice spécifique ;
Que Monsieur Lionel X... qui soutient que les neuroleptiques (Solian et Zyprexa) et anticonvulsant (Depakine) qui lui ont été administrés à très forte dose ont eu des effets secondaires préjudiciables puisqu'il a souffert d'une pleurésie qui a nécessité des examens à l'hôpital d'Avignon d'une part, et, d'autre part, a de nouveau été hospitalisé, en urgence, en juin 2000 en raison d'une trombophlébite profonde du membre inférieur gauche, fait également remarquer que le risque de phlébite figure parmi les effets indésirables mentionnés dans la notice d'information du Zyprexa ;
Que toutefois si cette notice mentionne que la thrombose veineuse profonde des jambes peut figurer parmi les effets indésirables possibles et non certains (" dont la fréquence ne peut être estimée sur la base des données actuelles) ", cette indication vient en quatrième position dans l'énumération des effets indésirables relevés, à savoir : " très fréquents " (affectant 1 utilisateur sur 10), " fréquents " (affectant un à dix utilisateurs sur 100) et " peu fréquents " (affectant 1 à 10 utilisateurs sur 1000 "), aucune de ces trois autres rubriques ne mentionnant cependant la phlébite (pièce no 44 de l'appelant) ;
Que par ailleurs il ne résulte pas, tant du certificat médical du médecin de l'UMD du Centre Hospitalier de MONTFAVET, en date du 2 août 2000 (pièce no 7, idem), que du certificat médical du chef du service de pneumonie de l'hôpital d'Avignon, en date du 18 mars 2005 (pièce no 43, idem), la démonstration d'un lien entre la pleurésie et la phlébite, ni entre ces deux affections et le traitement médicamenteux administré ;
Qu'en conséquence, au regard de ces divers éléments, il sera alloué à Monsieur Lionel X... la somme de 7 000 € de ce chef ;
Considérant, outre que le défaut d'information des droits et voies de recours n'est ni contesté, ni contestable, que ce n'est que tardivement et uniquement grâce aux démarches ultérieures de ses parents que Monsieur Lionel X... a pu saisir le juge des référés et le Tribunal administratif ; qu'il lui sera donc alloué la somme de 2 000 € de ce chef ;
Considérant qu'il résulte des lettres du Centre Hospitalier de MONTFAVET du 17 mai 2001 à l'agence régionale des hospitalisations de Marseille et du 1er août 2005 au Président du Tribunal administratif de cette même ville, que " les frais de forfait hospitalier ne sont pas dus par la personne dont l'arrêté d'hospitalisation d'office est annulé " (pièce no 22, idem) " dès lors que la créance dont il s'agit fait partie des conséquences dommageables de l'hospitalisation sous contrainte " (pièce no 37, idem) ;
Que par ailleurs, Monsieur Lionel X... n'est pas contredit quand il indique qu'il a dû payer ces frais majorés par les conséquences de la procédure de recouvrement engagée par les services fiscaux (commandement de payer et avis avant saisie et ouverture de portes-pièces no 32 à 35, idem) ;
Qu'il sera donc alloué la somme de 3 500 € de ce chef ;
Considérant que Monsieur Lionel X... sollicite également l'indemnisation de son préjudice patrimonial engendré par cette hospitalisation et fait état d'une baisse du chiffre d'affaires de son cabinet, d'une perte d'exploitation et d'une perte de clientèle ;
Que cependant, Monsieur Lionel X..., dont l'hospitalisation d'office est intervenue le 11 avril 2000, a fait l'objet d'une décision, ne comportant aucun caractère disciplinaire, rendue par le Conseil régional de Provence-Côte d'Azur-Corse de l'Ordre national des médecins (juridiction professionnelle de 1ère instance) le 26 mars 2000 prononçant à son encontre une suspension de son activité professionnelle pour une durée de un an à compter de cette décision, en raison d'une affection psychologique de nature à rendre dangereux l'exercice d'une profession médicale ;
Que dès lors, cette mesure étant antérieure à l'hospitalisation d'office, Monsieur Lionel X... aurait été, en tout état de cause, dans l'impossibilité d'exercer son activité professionnelle dont il se déduit que l'hospitalisation d'office en cause n'a pu avoir aucune incidence sur le préjudice patrimonial invoqué ;
Qu'en conséquence, Monsieur Lionel X... sera débouté de ce chef ;
- pour les époux X...-Y...
Considérant que le placement irrégulier de leur fils en milieu psychiatrique a causé aux époux X...-Y... un préjudice moral qui sera réparé par l'allocation de la somme de 1 500 € chacun ;
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Considérant, en l'état des constatations qui précèdent, qu'il y a lieu de condamner in solidum l'Agent Judiciaire de l'Etat et le Centre Hospitalier de MONTFAVET à verser les sommes allouées ;
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Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a statué sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens,
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT À NOUVEAU dans cette limite,
REÇOIT Monsieur Lionel X..., Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... en leurs demandes mais les dits partiellement fondés,
EN CONSÉQUENCE,
CONDAMNE in solidum l'Agent Judiciaire de l'Etat et le Centre Hospitalier de MONTFAVET à verser à Monsieur Lionel X... les sommes de :-25 000 € au titre de son préjudice moral,-10 000 € au titre de l'administration d'un traitement médical sous la contrainte,-2 000 € au titre du défaut d'information de ses droits,-3 500 € au titre du paiement des forfaits hospitaliers,
DÉBOUTE Monsieur Lionel X... de ses demandes relatives à son activité professionnelle,
CONDAMNE in solidum l'Agent Judiciaire de l'Etat et le Centre Hospitalier de MONTFAVET à verser à Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X..., chacun, la somme de 2 500 € au titre de leur préjudice moral,
CONDAMNE in solidum l'Agent Judiciaire de l'Etat et le Centre Hospitalier de MONTFAVET à verser à Monsieur Lionel X..., Monsieur Bernard X... et Madame Danièle Y... épouse X... la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande des parties,
CONDAMNE in solidum l'Agent Judiciaire de l'Etat et le Centre Hospitalier de MONTFAVET au paiement des entiers dépens avec admission de l'avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT