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15/03/2013 | FRANCE | N°10/12325

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 6, 15 mars 2013, 10/12325


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRÊT DU 15 MARS 2013



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12325



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007067982





APPELANTE



S.A. GENERALI IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège

social

[Adresse 7]

[Localité 10]



Représentée par : la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL , avocats au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par : Me Claire PRUVOST, avocat au ba...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 6

ARRÊT DU 15 MARS 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12325

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007067982

APPELANTE

S.A. GENERALI IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

Dont le siège social

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentée par : la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL , avocats au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par : Me Claire PRUVOST, avocat au barreau de PARIS , toque : P435

INTIMEES

S.A.R.L. CEVENOLE DE MONTAGE INDUSTRIEL prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Dont le siège social

[Adresse 20]

[Localité 3]

Représentée par : la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocats au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée par : Me Joëlle JEGLOT BRUN , avocat au barreau de ALES

S.A. CNIM prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Dont le siège social

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par : Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par : Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, toque B0307

SA AXA CORPORATE SOLUTIONS prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Dont le siège social

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par : Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par : Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS, toque B0307

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son président directeur général domicilié en cette qualité audit siège

Dont le siège social est

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par : Me Jean-jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675

Assistée par : Me Antoine ANDREI, avocat au barreau de NICE

S.A.R.L. GEOMETAL prise en la personne de son gérant domicilié audit siège

Dont le siège social est

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par : la SCP NABOUDET - HATET, avocats au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée par : Me Hubert MARTY , avocat au barreau de NÎMES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente de chambre

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Madame Valérie GERARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier , lors des débats : Madame Sabrina RAHMOUNI

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine BERTRAND, Présidente et par Madame Sabrina RAHMOUNI, Greffier en préaffectation dans la juridiction .

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Le SIDOM d'Antibes, syndicat à vocation unique, est propriétaire d'une usine d'incinération d'ordures ménagères sur le territoire de la commune d'Antibes.

Il a consenti une concession d'exploitation à la CNIM qui est intervenue en qualité de maître d'ouvrage délégué afin de remise en conformité de l'installation.

La CNIM en qualité de maître d'ouvrage délégué a fait procéder à la réalisation d'un silo à chaux vive qui alimente le réacteur de l'incinérateur. Il convient de préciser que les parties discutent le rôle précis de la CNIM, les constructeurs et sous-traitants faisant valoir qu'il a eu en outre un rôle de maîtrise d'oeuvre d'exécution.

Pour la réalisation de ce silo à chaux, la CNIM a passé deux marchés distincts :

-Un contrat avec la société SOVAP devenu PLASTICON pour la conception et la

réalisation du silo avec ceinture métallique et note de calcul.

-Un contrat avec la société GEOMETAL pour la réalisation de la charpente métallique

sur laquelle le silo à chaux devait être installé.

La société GEOMETAL a eu recours à plusieurs sous traitants :

- société DE VIRIS pour des calculs de charpente

-société CMI pour le montage de la charpente métallique

Le contrôle technique par la société CEP devenue VERITAS.

Les travaux ont fait l'objet d'un certificat d'achèvement puis d'une réception après mise en performance de l'installation d'incinération, à la fin de l'année 1997.

Le 20 novembre 2002, plus de cinq années après la mise en fonctionnement, le silo à chaux s'est effondré.

Une personne atteinte par la chaux a été blessée et hospitalisée.

L'exploitation de l'usine a été arrêtée.

Après qu'une expertise ait été réalisée, expertise dont les parties contestent le déroulement, la régularité, l'opposabilité et le bien fondé des conclusions, la société CMI a demandé devant le Tribunal de Commerce de Paris la réparation de son préjudice à l'encontre de plusieurs intervenants.

Par jugement entrepris du 9 octobre 2007, le Tribunal a ainsi statué :

'-Joint les causes,

Condamne, in solidum, la SARL GEOMETAL et son assureur la SA AXA France IARD, ce dernier dans la limite de 1 601 319 €, la SARL CMI et son assureur GENERALI IARD, ce dernier dans la limite de 1 521 441 €, revalorisée en fonction de l'évolution de l'indice de référence du contrat entre sa date de signature et celle du sinistre, à payer à titre de dommages et intérêts

-la somme de 2 277 560 € à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, ladite somme étant majorée des intérêts calculés au taux légal à compter du 17 juin 2004,

-la somme de 325 468,61 € à la SA CNIM, majorée des intérêts calculés au taux légal à compter du 1 janvier 2004, les intérêts qui ont couru depuis le 9 octobre 2007 étant capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil,

-Condamne, in solidum, la SARL GEOMETAL et son assureur la SA AXA France IARD,la SARL CMI et son assureur GENERALI IARD, à payer la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

-Ordonne l'exécution provisoire,

-Condamne, in solidum, la SARL GEOMETAL et son assureur la SA AXA France IARD, la SARL CMI et son assureur GENERALI IARD, aux dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 175,46 euros dont tva 28,54 euros.'

Vu les dernières écritures des parties auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit ;

La Compagnie GENERALI, appelante, demande à la Cour de :

-DECLARER GENERALI IARD recevable et bien fondée en son appel.

-INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 26 mai 2010.

Et statuant à nouveau,

-Déclarer inopposables les opérations d'expertise judiciaire de Monsieur [I] à l'égard de GENERALI IARD au regard de sa mise en cause tardive.

-Par suite, débouter la CNIM et son assureur AXA CORPORATE SOLUTIONS de toutes leurs demandes à l'égard de GENERALI IARD dont la mise hors de cause est sollicitée.

Subsidiairement,

- Dire et juger que la compagnie GENERALI IARD ne doit pas sa garantie au regard de la nature du dommage qu'il s'agisse d'un dommage de nature décennale ou encore d'un dommage résultant de vices apparents.

-Dire et juger que la compagnie GENERALI IARD exclut les frais de remboursement de remplacement du propre ouvrage de l'assuré.

-Par suite, prononcer la mise hors de cause de GENERALI IARD.

Encore plus subsidiairement,

-Dire et juger que la CNIM doit supporter une responsabilité de minimum un tiers du sinistre, au titre du suivi d'exécution et du contrôle des travaux effectués en cours de chantier.

- Dire et juger que GEOMETAL doit supporter une responsabilité majeure par rapport à celle de CMI qui doit rester résiduelle.

-Dire et juger mal fondée en son quantum la réclamation de la CNIM n'ayant fait l'objet d'aucun débat contradictoire ni accord formalisé par GENERALI IARD.

-Dire et juger que la compagnie GENERALI IARD ne saurait être condamnée au-delà des limites de son contrat comportant des plafonds de garantie et franchise opposables au tiers conformément aux dispositions de l'article L.112-6 du Code des assurances.

-Dire et juger que le volet de garantie éventuellement applicable est celui "de la responsabilité civile après livraison des travaux...".

-Dire et juger que le plafond de garantie est de 500.000 Francs soit 76.224 € au titre des préjudices immatériels avec une franchise de 10 % du montant des dommages avec un maximum de 7.622 € ;

A titre infiniment subsidiaire sur les limites de garantie,

- Dire et juger que le plafond de garantie au titre de la responsabilité générale est limité à 1.000.000 Francs par sinistre au titre des préjudices immatériels, soit 150.000 €.

-En toute hypothèse, dire et juger que toute éventuelle condamnation ne pourrait porter intérêt au taux légal qu'à compter de la date du jugement créateur de droit.

-Débouter la CNIM de toutes demandes plus amples ou contraires concernant des intérêts à compter de l'année 2004 ou encore de capitalisation des intérêts sans aucun fondement ni justification.

-Rappeler le caractère exécutoire des restitutions des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire avec intérêt au taux légal à compter des paiements.

-Condamner in solidum la CNIM, la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS et la société GEOMETAL à payer à GENERALI IARD une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

-Condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel par application de l'article 696 du Code de procédure civile, dont le montant sera recouvré par la SCP GRAPPOTTE BENETREAU JUMEL, avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La SARL COMMUNAUTE LA CEVENOLE DE MONTAGE INDUSTRIEL (CNIM), intimée, demande à la Cour de :

-DECLARER RECEVABLE et BIEN FONDE l'appel incident de la SARL CMI A titre principal

-REFORMER le jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 26 mai 2010 STATUANT à nouveau

Vu les articles 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- Dire et juger inopposable à CMI le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [I],

-En conséquence débouter la CNIM et la Société GEOMETAL et sa compagnie d'assurances AXA de l'ensemble de leurs demandes

A titre subsidiaire, au fond

-DÉBOUTER LA CNIM et GEOMETAL de toutes leurs demandes fins et conclusions

-DIRE et JUGER que la CNIM s'est comportée en qualité de maître d''uvre et doit donc être déclarée responsable du sinistre.

A titre infiniment subsidiaire,

-DIRE et JUGER que la seule responsabilité de GEOMETAL doit être retenue et qu'elle doit en assumer les conséquences avec son assureur AXA

A titre subsidiaire, si la responsabilité de CMI était retenue

-Connfirmé le jugement déféré en ce qu'il a :

Condamné in solidum la SARL GEOMETAL et son assureur la SA AXA France IARD, ce dernier dans la limite de 1.601.319 euros, la SARL CMI et son assureur GENERALI IARD, ce dernier dans la limite de 1 521 441 euros, revalorisée en fonction de l'évolution de l'indice de référence du contrat entre sa date de signature et celle du sinistre, a payer à titre de dommages et intérêts

-la somme de 2 277 560 euros à la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS

-la somme de 325 468.61 à la SA CNIM

Mais le REFORMER du chef des intérêts et STATUANT à nouveau

-DIRE et JUGER que les sommes ne porteront intérêts qu'au jour de l'arrêt à intervenir et tout hypothèse pas avant la mise en cause de la concluante et sans application de l'article 1154 du code civil

-CONDAMNER la COMPAGNIE GENERALI à relever et garantir la société CMI de toutes les condamnations pouvant intervenir à son encontre et ce en exécution du contrat RESPONSABILITÉ CIVILE ENTREPRISE DU BATIMENT » n° 52942028 H , en vigueur au jour du sinistre.

-CONDAMNER LA CNIM et la société GEOMETAL et son assureur AXA au paiement de la somme de 7000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

-CONDAMNER LA CNIM et GEOMETAL et son assureur AXA aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP FISSELIER & ASSOCIES représentée par Maître Alain FISSELIER, avocat, conformé t aux dispositions de l'article 699 du CPC.

La SARL GEOMETAL, autre intimée, demande à la Cour de :

Au principal :

-Refuser l'homologation du rapport d'expertise,

-Dire et juger qu'il n'est nullement établi que les boulons défectueux ont été montés en 1997, période d'intervention de GEOMETAL et de CMI,

-Dire et juger que CNIM avait un rôle de maître d''uvre et à tout le moins de suivi de chantier et contrôleur de travaux,

-Dire et juger que sa responsabilité est totalement engagée,

-Débouter CNIM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement :

-Confirmer en tous points la décision déférée,

En tout état de cause,

-Condamner CNIM au paiement de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

-Condamner CNIM aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ceux la concernant au profit de la SCP NABOUDET-HATET, selon les dispositions de l'article 699 du CPC.

La compagnie AXA FRANCE IARD, assureur de GEOMETAL, autre intimée, demande à la Cour de :

-Confirmer la décision dont appel quant aux limites de garantie d'AXA France IARD Assureur de GEOMETAL : plafond de garantie de 1 605 023 € et une franchise contractuelle de 10 avec un maximum de 3 704 € indice 3267 ;

-Débouter en conséquence les parties de toutes leurs demandes pouvant excéder la garantie.

-La réformer sur son appel en garantie contre CMI et GENERALI.

-Condamner conjointement et solidairement CM.I. et son assureur GENERALI à relever et garantir AXA France IARD de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre en qualité d'assureur de GEOMETAL.

-Les voir condamner à payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi que les dépens dont le recouvrement sera poursuivi selon les dispositions de l'article 699 du CPC.

La compagnie AXA CORPORATE SOLUTION ASSURANCE, autre intimée, demande à la Cour de :

-Débouter les sociétés GEOMETAL, AXA FRANCE, CMI et GENERALI de toutes leurs demandes, fins et prétentions

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum la société GEOMETAL et son assureur AXA FRANCE, ce dernier dans la limite de 1 601 319 €, la société CMI et son assureur GENERALI, ce dernier dans la limite de 1 521 441 €, revalorisée en fonction de l'évolution de l'indice de référence du contrat entre sa date de signature et celle du sinistre, à indemniser les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et CNIM des préjudices subis du '

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a arrêté l'indemnité due à AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à la somme de 2 277 560 €, majorée des intérêts calculés au taux légal à compter du 17 juin 2004, sauf à ordonner la capitalisation.

-Infirmer et réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnité due à la société CNIM à la somme de 325 468,61 € et la porter à la somme de 592 788,02 €, majorée des intérêts calculés au taux légal à compter du 1er janvier 2004, les intérêts qui ont couru depuis le 9 octobre 2007 étant capitalisés dans les termes de l'article 1154 du code civil, et ce à compter de la première demande.

Conclamner in solidum les sociétés GEOMETAL, AXA FRANCE,CMI et GENERALI à verser aux sociétés CNIM et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner in solidum les sociétés GEOMETAL, AXAS FRANCE, CMI et GENERALI aux entiers dépens, au titre de l'article 699 du NCPC, qui seront recouvrés par la Scp Jeanne Baechlin.

SUR CE,

I) Sur le régime des responsabilités, le rôle des parties et la validité de l'expertise ;

Considérant que d'une part le silo à chaux constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; que les désordres, qui ont amené à son écroulement, menacent à l'évidence sa solidité et sa destination ; qu'à cet égard le domaine de responsabilité est celui de la responsabilité décennale ;

II) Sur le rôle de la société CNIM ;

Considérant que la société CNIM était maître de l'ouvrage délégué, agissant pour le compte du SIDOM ;

Considérant que cependant son rôle est allé bien plus loin que celui d'un maître de l'ouvrage ordinaire ; qu'il ressort de deux comptes-rendus de chantier que celle-ci allait jusqu'à signaler que, par exemple dans le procès-verbal du 19 novembre 1997, établit par elle, et produit par une autre partie :

'Un boulon à changer en partie haute plancher silo sur le neud renfort sud-ouest

Un boulon à serrer noeud renfort sud-est en partie haute, plancher silo' ;

que plusieurs attestations font état de la présence de M. [D], chef de chantier de CNIM, 'en permanence, qui élaborait des rapports de chantiers à la semaine avec les remarques éventuelles et les malfaçons de montage ou de fabrication' ;

et même (attestation ATTOUP)

'la vérification du boulonnage et du couple de serrage étaient contrôlés par les responsables de la CNIM' ;

Considérant qu'il y a lieu de constater que la société CNIM, autrement que par ses affirmations de principe sur le rôle d'un maître de l'ouvrage habituel, n'apporte aucun élément pour contredire ces attestations précises ; que de même ses explications selon lesquelles elle était 'dans l'impossibilité de contrôler de visu les boulons', contredites par les attestations qui précédent, ne sont pas étayées ;

Considérant qu'il est en outre constant que la société CNIM n'a pas transmis à l'expert les comptes-rendus de chantier dont elle était forcément destinataire en sa qualité de maître de l'ouvrage ; que bien plus, elle a refusé de les produire, alors qu'ils lui auraient permis de se disculper de son immixtion dans l'acte de construire ; que malgré Ordonnance de Monsieur le Conseiller de la mise en état lui enjoignant de produire ces documents, dont elle n'a pas fait appel, Ordonnance qui précise que ' la société CNIM reconnaît cependant avoir été en possession de ces procès-verbaux en qualité de maître de l'ouvrage' et indique encore que 'la destruction ou la perte d'un document apparaît peu vraisemblable compte-tenu de leur importance', elle ne les a pas produits en cours d'instruction afin de permettre aux parties d'en débattre ; qu'elle ne les produit pas plus devant la Cour ;qu'il convient d'en retenir toutes conséquences et de retenir qu'à ce seul titre elle ne se contredit pas son immixtion fautive dans l'acte de construire qu'établissent les pièces et attestations relevées ci-dessus ;

Considérant que sont encore produits de nombreuses lettres et fax très précis sur des points techniques ponctuels émanant de CNIM par lesquels cette dernière donne des instructions détaillées sur la façon de monter la charpente destinée à soutenir le silo ;

Considérant que l'expert a lui-même souligné la compétence de CNIM (page 123 de son rapport) ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments que la société CNIM soit s'est immiscée dans l'acte de construire, soit a joué un véritable rôle de maîtrise d'oeuvre d'exécution ; qu'il convient de relever qu'elle a notamment contrôlé le boulonnage ; que c'est précisément ce boulonnage qui selon l'expert se serait avéré défaillant, et que cette défaillance était un problème d'exécution ;

III) Sur le rôle de la société CMI ;

Considérant que la société CMI fait valoir pour sa part qu'elle s'est vu confier un travail de montage de la charpente ; qu'elle définit son intervention comme un contrat de main d'oeuvre ou de pure exécution ; qu'elle devait monter la charpente avec le matériel (poutres, ferrailles et boulonnage fournis) ; qu'il n'est pas établi qu'elle avait le choix ; qu'il ressort des considérations qui précédent que son intervention était effectuée sous la surveillance et les instructions directes d'un membre de la société CNIM ;

Considérant que la société CMI a précisé que son intervention n'avait duré que quinze jours et que ce n'est qu'ensuite que le silo avait été monté, et qu'elle ne savait pas quel avait été le sort de ses installations entre son intervention et la date du sinistre, intervenu plusieurs années plus tard, et en tout cas après plus de cinq années de fonctionnement sans problème signalé ; qu'elle précise notamment que les boulons défaillants ont pu être démontés pour faire passer du matériel et être mal remontés ; qu'elle souligne que les travaux avaient été réceptionnés sans réserves ;

IV) Sur l'origine des désordres ;

a) Sur la validité et l'opposabilité du rapport d'expertise ;

Considérant que pour soulever l'inopposabilité du rapport d'expertise, la CMI fait valoir que ce dernier a été mené pour l'essentiel sans qu'elle soit appelée aux opérations d'expertise et qu'elle n'a été appelée en la cause alors que l'essentiel des opérations d'expertises était terminé, et ajoute qu'il n'a pas été tenu compte de son dire ;

Considérant que la Cour constate que ces remarques sont exactes ; qu'elle n'a pu assister en tant que partie qu'à la dernière réunion d'expertise ; que cependant elle a été à même de déposer, comme elle l'explique un dire, même si elle fait valoir qu'il n'en a pas été sérieusement tenu compte, et est toujours à même, devant la Cour, d'en contester le contenu, ce qu'elle ne manque pas de faire ; que sa demande d'inopposabilité n'est pas fondée ;

Considérant qu'il incombe cependant à la Cour de réexaminer le rapport au vu de ces éléments et explications ;

b) Sur le contenu des opérations d'expertise et les causes du sinistre ;

Considérant que l'expert retient, à l'issue de ses opérations d'expertise, que l'écroulement du silo serait dû au fait que quelques boulons, dont le nombre n'est pas précisé , de la charpente montée par GEOMETAL qui soutient le silo, auraient une tige trop mince, soit 16 mm au lieu de 22mm ;

Considérant qu'il convient de rappeler que le silo sinistré est constitué d'un ensemble comprenant ledit silo, destiné à contenir de la chaux vive, d'une contenance de 100.000 litres, de forme cylindrique ; que le silo lui-même est composé de pièces en quart de cylindre reliées par une ceinture ; qu'il n'est pas discuté que cette ceinture a travaillé  ; que ce silo est soutenu par un support de poutrelles entrecroisées ; que le tout est posé sur la charpente montée par la société CMI ; que seule la construction de cette dernière charpente qui a été confiée à GEOMETAL, laquelle a fait fabriquer les éléments la constituant et les a donnés à monter à la société CMI selon un contrat de sous-traitance ; que les calculs de portance ont été faits par un autre sous-traitant, la sociéré DE VIRIS, qui n'est pas en la cause ;

Considérant que dans sa note aux parties n°12, l'expert considérait que la cause du sinistre pouvait s'expliquer de façon multicausale par un défaut de conception du pied du silo ( c'est-à-dire de son support et non de la charpente construite par GEOMÉTAL), par un défaut de conception et d'exécution de l'assemblage IPE/HEA (celui où était fixé le boulonnage incriminé) ; que dans sa note n°14, il retenait toujours la version d'une origine multicausale, retenant cette fois trois causes : soudures mal réalisées sur la ceinture du silo, affectant donc le silo lui-même construit par SOVAP devenue PLASTICON, qui expliquaient une déformation et un déplacement du centre de gravité, déstabilisant l'ensemble, des structures sollicitées au delà de la limite élastique en de nombreux points et l'emploi de boulons trop faibles sur la charpente ; que dans sa dernière note aux parties il retient la seule explication des boulons ;

Considérant qu' au surplus, l'expert a retenu la responsabilité de la société CMI due au seul mauvais boulonnage en s'appuyant sur deux rapports d'un sapiteur qu'il a lui-même sollicité, à savoir la bureau ATECAS ; qu'à l'examen de ces rapports ATECAS, qui sont produits, il s'avère qu'ainsi que le souligne GEOMETAL des essais d'après modélisation ont été faits en chargeant le silo à 65 tonnes, puis à 75 tonnes, celui retenu au moment du sinistre, puis à 150 tonnes, capacité maximum du silo ; que dans cette dernière hypothèse des déformations sont possibles, et peuvent entraîner des déformations permanentes qui à terme déstabilisent l'ensemble ; qu'il s'ensuit que le sinistre peut être dû à l'usage qui en a été fait durant les cinq années de son utilisation et concernent dans cette hypothèse le seul silo, et non la charpente ;

Considérant que l'expert n'a pu établir ce qui chronologiquement a pu céder en premier, soit le silo lui-même entraînant la charpente, soit la charpente elle-même entraînant le silo ;

Considérant que tout a été démoli et qu'une nouvelle expertise est désormais impossible ;

Considérant que sur les rapports ATECAS, il convient de relever que ceux-ci ont étudié la résistance des boulons défectueux selon l'expert indépendamment de leur situation dans l'ensemble de la charpente ; qu'il s'avère qu'en fait les pièces qu'ils fixaient étaient également soutenues par des consoles de montage qui les maintenaient ; que la société GEOMETAL a produit à cet égard un rapport de la SOCOTEC qui précise qu'en réalité, même à 120 tonnes, la contrainte pour la charpente reste limitée en raison de la présence desdites consoles de montage de sorte qu'il est impossible de conclure que c'est le montage de la charpente construite par GEOMETAL et sous-traitée par CMI qui est à l'origine de l'écroulement du silo ; que l'expert n'a pas répondu au rapport SOCOTEC, se contentant pour l'essentiel , sur les dires contestant ses conclusions, que les expertises avaient été commandées avec l'accord de toutes les parties ;

Considérant que la société GEOMETAL fait encore valoir que dans les temps qui ont suivi ce sinistre, la société PLASTICON, qui avait monté les silos elle-même, a modifié de façon curieuse tous les silos qu'elle avait construit, ce qui laisse à penser que le sinistre concerné a révélé une défaillance de conception ou de construction à laquelle elle a tenté de remédier au plus vite  ; que ces interventions sur d'autres silos ne sont pas contestées par la société CNIM qui se contente d'affirmer que ces interventions concernaient autre chose ;

Considérant qu'il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi, en fait, que le silo s'est écroulé par une insuffisance de quelques boulons de la charpente plutôt qu'en raison d'une défaillance du silo lui-même, réalisé par PLASTICON, qui aurait mal résisté au charges qu'il contenait ;

Considérant qu'il s'ensuit que la société AXA CORPORATE, en agissant contre la société GEOMETAL, pour recouvrer les sommes qu'elle a versées à son assuré CNIM,la société GEOMETAL dont le rôle a au surplus manifestement excédé celui d'un maître de l'ouvrage et qui a directement donné des instructions au sous-traitant CIM, et alors qu'il n'est pas établi que c'est la sphère d'intervention de GEOMETAL, à savoir la charpente soutenant le silo plutôt que le silo lui-même, construit par PLASTICON qu'elle n'a pas appelé en la cause, qui s'est avéré défaillant, sera déboutée de sa demande ;

Considérant que pareillement les actions dirigées contre CMI et leurs assureurs sont sans objet ;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

V) Sur les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties ne justifient pas qu'il soit prononcé de condamnation sur le fondement de ce texte ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

-infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-rejette toutes autres ou plus amples demandes ;

-condamne la société AXA CORPORATE SOLUTION ASSURANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 10/12325
Date de la décision : 15/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris G6, arrêt n°10/12325 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-15;10.12325 ?
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