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14/03/2013 | FRANCE | N°12/07837

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 14 mars 2013, 12/07837


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 14 MARS 2013



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07837



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mars 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS QUINZIÈME CHAMBRE - RG n° 10/25637





APPELANTE



SARL LA SOCIÉTÉ [U] exerçant sous l'enseigne KELLY D agissant poursuites et diligences

de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT en la personne de Me Fréd...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 14 MARS 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/07837

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 mars 2012 -Tribunal de Commerce de PARIS QUINZIÈME CHAMBRE - RG n° 10/25637

APPELANTE

SARL LA SOCIÉTÉ [U] exerçant sous l'enseigne KELLY D agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT en la personne de Me Frédéric LALLEMENT (avocats au barreau de PARIS, toque : P0480)

Assistée de Me Nabil MOGRABI (avocat au barreau de PARIS, toque : G0303)

INTIMÉES

EURL ANABELA prise en la personne de sa gérante domiciliée en cette qualité audit siège

Domiciliée

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL en la personne de Me Belgin PELIT-JUMEL (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111)

Assistée de Me Virginie TERRIER ( avocat au barreau de PARIS, toque : A0029 )

SELARL MB ASSOCIES prise en la personne de Maître [W] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL CAMILLE D demeurant [Adresse 1]

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 1]

Assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 février 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente chargée d'instruire l'affaire

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

Le 31 août 2009, la société Camille D, représentée par son gérant, M.[P] [O], a cédé à la société Anabela, pour la somme de 213.428 euros, le fonds de commerce de « coiffure , produits de beauté esthétique »qu'elle exploitait au [Adresse 2].

La cédante s'est engagée à ne pas se rétablir dans un rayon d'un kilomètre et demi du lieu d'exploitation du fonds cédé et ce pendant un an.

Le 12 octobre 2009, Madame [T] [U], ancienne salariée de la société Camille D, a crée une société unipersonnelle à responsabilité limitée afin d'acquérir et d'exploiter le fonds de commerce de salon de coiffure, au [Adresse 3], à quelques dizaines de mètres du salon exploité par la société Anabela.

La société Anabela a estimé que la société Camille D n'avait pas respecté l'obligation contractuelle de non rétablissement et qu'elle avait été victime d'actes de concurrence déloyale et d'actes de dénigrement de la société [U].

Par acte du 1er avril 2010, la société Anabela a fait assigner les sociétés [U] et Camille D devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamnées solidairement à lui payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi pour concurrence déloyale et de condamner la société Camille D à rembourser à la société Anabela la somme de 5.136,23 euros augmentée des intérêts de droit à compter de la mise en demeure.

La société Camille D a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de Quimper en date du 1er février 2011. La société Anabela a déclaré sa créance le 22 février 2011.

Par un jugement en date du 23 mars 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

- joint les causes n° 2010025636 et 2011031637 sous le seul et même numéro RG : J20110003B,

- débouté la société Anabela de sa demande en réparation d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Camille D,

- fixé au passif de la procédure de liquidation de la société Camille D, la somme de 5.136,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la société [U] à payer à la société Anabela la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts légaux à compter de la signification du présent jugement,

- condamné la société [U] à verser à la société Anabela la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Vu l'appel interjeté le 25 avril 2012 par la société [U] contre ce jugement.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 23 novembre 2012, par lesquelles la société [U] demande à la Cour de :

- infirmer la décision du Tribunal de Commerce de Paris en date du 23 mars 2012 dans tout son dispositif,

- condamner la société Anabela à payer à la société [U] la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour la réparation du préjudice subi pour procédures abusives, pour harcèlement et parasitisme,

- condamner la société Anabela à 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société [U] soutient que la société Anabela a violé le principe du contradictoire en ne convoquant pas sa nouvelle gérante aux débats afin qu'elle puisse présenter ses propres pièces et moyens de droit.

La société [U] soutient, par ailleurs, que contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal de commerce elle n'a pas repris le fonds de commerce de Camille D mais a acquis un fonds de commerce dénommé Comète coiffure.

Elle estime, en outre, que Mme [U] n'a pas commis d'acte de concurrence déloyale étant donné qu'elle n'est pas liée par la clause de non-concurrence conclu dans le contrat de cession de fonds de commerce entre les sociétés Camille D et Anabela en tant qu'ancienne salariée de la société Camille D ayant démissionné en 2007.

Elle ajoute que la société Anabela n'apporte pas la preuve que Mme [U] était gérante de fait de la société Camille D et que, si par extraordinaire, elle était qualifiée de gérante de fait, la clause demeurerait non-applicable, selon elle, étant donné qu'elle est d'une durée d'un an et que la société Anabela a fait assigner la société [U] trois ans après la démission de Mme [U].

La société [U] soutient, également, que Mme [U] n'a pas désorganisé la société Anabela en embauchant Mme [I] puisque d'une part, celle-ci a démissionné de la société Camille D avant l'ouverture de la société Anabela et que d'autre part, la clause de non concurrence qui lui a été imposée est considérée comme nulle par la Cour de cassation au motif que la prime a été payée mensuellement pendant la durée du contrat de travail.

La société [U] considère que la société Anabela n'apporte pas la preuve des éléments constitutifs de la concurrence déloyale. Elle estime que la faute n'est pas caractérisée puisqu'il n'y a eu aucun débauchage massif et orchestré du personnel de la société Anabela. Elle ajoute que celle-ci n'apporte pas la preuve d'un préjudice et qu'elle justifie de la baisse de son chiffre d'affaires par deux attestations comptables contradictoires. De plus, la société [U] considère qu'il n'y a pas de lien de causalité entre la baisse du chiffre d'affaires et une prétendue concurrence déloyale dès lors qu'il existe une baisse du chiffre d'affaires de tous les salons appartenant au réseau Jean-Louis David et des salons de coiffure en général.

La société [U] soutient, enfin, que le gérant de la société Anabela ne cesse de la harceler, de la dénigrer et de pratiquer à son encontre des actes de parasitisme.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 24 septembre 2012, par lesquelles la société Anabela demande à la Cour de:

- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 mars 2012 en ce qu'il a dit que la société [U] a commis envers la société Anabela des fautes constitutives de concurrence déloyale et a engagé sa responsabilité,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a débouté la société Anabela de sa demande en réparation solidaire d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Camille D

Par conséquent :

- fixer au passif de la procédure de liquidation de la société Camille D la somme de 5.136,23 euros, avec intérêt au taux légal depuis la signification du jugement attaqué,

- condamner solidairement la société [U] et la société Camille D à payer à la société Anabela la somme de 588.210 euros à titre de dommages-intérêts assortis des intérêts au taux légal depuis sa demande,

- condamner solidairement la société [U] et la société Camille D à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- fixer ces deux sommes au passif de la procédure de liquidation de la société Camile D depuis la date de signification du jugement du 23 mars 2012.

La société Anabela soutient que la société [U] a commis des actes de concurrence déloyale à son égard. Elle considère que l'engagement de non-concurrence contenu dans l'acte de cession du fonds de commerce est applicable à Mme [U] en raison de son statut de gérante de fait, peu importe que celle-ci ait démissionné de son mandat de gérante de la société [U] dès lors qu'elle demeurait associée.

Elle estime que les actes de concurrence déloyale sont caractérisés par sa désorganisation, la non-remise du fichier client et son détournement ainsi que par le dénigrement dont elle a fait l'objet.

La société Anabela soutient, par ailleurs, que la société Camille D est impliquée dans les actes de concurrence déloyale commis à son encontre étant donné que l'acquisition du fonds de commerce Comète coiffure résulte d'une concertation entre M. [O] et Mme [U] qui a servi de prête nom afin d'échapper à l'application de la clause de non-concurrence.

La société Anabela estime, enfin, sa perte de chiffres d'affaires en raison des actes de concurrence déloyale à plus de 50%. L' absence de trésorerie nécessaire à son activité en résultant et l'absence d'exécution par la société [U] de la décision de première instance ont contribué, selon elle, à l'aggravation de son préjudice.

Vu l'absence de conclusions de la SEARL MB Associés prise en la personne de Maître [W] [Z] ès-qualités de mandataire judiciaire de la SARL Camille D assignée en cause d'appel par acte du 2 août 2012.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

MOTIFS

Considérant que la société [U] expose que Mme [U] a démissionné de ses fonctions de gérante en mars 2010 pour être remplacée par Mme [A], et que celle-ci n'a pas été convoquée devant le tribunal de commerce.

Considérant que l'action de la société Anabela est dirigée contre les sociétés Camille D et [U] de sorte que le changement de gérant de cette dernière ne saurait avoir d'incidence dès lors que ces dernières ont été régulièrement assignées en cause d'appel et que, de plus, la société [U] est constituée et a conclu.

Sur la clause de non rétablissement :

Considérant que la société [U] indique que c'est à tort que les premiers juges ont indiqué que « la SARL [U] a repris le fonds de commerce de Camille D », que la preuve n'en est pas rapportée, la société [U] ayant fait l'acquisition du fonds de commerce sous l'enseigne Comète Coiffure ;

Considérant que le contrat de cession par la société [U] de son fonds de commerce à la société Anabela stipule une interdiction de se rétablir dans un rayon de un kilomètre et demi du lieu d'exploitation du fonds cédé et ce pendant un an ;

Qu'il était précisé que « le cédant s'interdit expressément la faculté de

créer, acquérir , exploiter, prendre à bail ou faire valoir directement ou indirectement à quelque titre que ce soit aucun fonds similaire en tout ou partie à celui précédemment cédé

s'intéresser directement ou indirectement ou par personne interposée et même en tant qu'associé ou actionnaire de droit ou de fait même à titre de simple commanditaire ou de gérant, dirigeant social, salarié ou préposé, fût-ce à titre accessoire, à une activité concurrente ou similaire en tout ou partie à celle exercée par lui dans le fonds présentement cédé » ;

Considérant que Mme [U] indique avoir quitté la société Camille D en tant que salariée en 2007 et conteste avoir été gérante de fait de la société Camille D de sorte qu'elle ne serait tenue à aucune obligation à l'égard de la société Anabela lors de la constitution de la société [U] afin d'acquérir le fonds de commerce de coiffure de la [Adresse 3] ;

Considérant qu'il résulte des pièces versées par la société Anabela que Mme [U] a poursuivi ses activités de coiffeuse au sein de la société Camille D mais en plus qu'elle en a assuré la direction de fait ;

Que Mme [U] a, après sa prétendue démission, participé au séminaire organisé par la franchise Jean Louis David au printemps 2008 réservé aux managers ; que ce séminaire comportait une plage horaire de 10h à 13h réservée aux franchisés et responsable du salon 10237, le franchisé étant identifié comme étant M.[O] [P] et le responsable, Mme [T] [U], et une autre de 15 à 19h ouverte à tous à laquelle participaient quatre collaborateurs dont Mme [C], et Mme [X], alors salariées de la société Camille, outre Mme [Y] [A], la fille de Mme [U] ;

Qu'il résulte des bons de livraisons de février et septembre 2008 que ceux ci mentionnent Mme [U] comme signataire en qualité de gérante ou de manager de la société Camille D, [Adresse 2] ;

Que courant février et mars 2009, des remises d'espèces ont été faites sur le compte de la société Camille D par Mme [U] ;

Qu'enfin, la société Anabela produit des attestations de clientes qui relatent de façon circonstanciée que Mme [U] a été coiffeuse et responsable du salon Camille D en 2007, 2008 et 2009 avant de s'installer au salon à l'enseigne SOS Comète, au [Adresse 3] ;

Que l'extrait du registre du personnel de la société Camille D visé par le contrôleur du travail le 17 janvier 2008 mentionne Mme [T] [U] en qualité de manager depuis 2003.

Que ces éléments démontrent que Mme [U] qui était la créatrice et l'unique associée de la société Camille D, en assurait la gestion de fait lors de la cession du fonds de commerce ; que, dès lors, son inscription aux Assedics et l'absence de comptabilisation d'une quelconque rémunération dans les comptes sociaux ne sauraient que constituer une double fraude ayant permis une valorisation anormale du fonds et une tromperie du cessionnaire.

Considérant que Mme [U] a créé la société [U] pour reprendre le fonds de commerce de salon de coiffure exploité [Adresse 3] ; que l'acte de cession précise que Mme [U] en était la seule salariée ;

Que le cabinet ACG Consultants qui avait été chargé d'établir un prévisionnel préalablement à la cession du fonds de commerce de la société Camille D a observé que les chiffres réalisés par la société Anabela sont très en dessous des prévisions et indique « considérant que la société Camille D exploitait plusieurs salons il est possible de se demander si cette dernière n'a pas, afin de vendre, délibéremment fait glisser des montants de CA d'un salon sur l'autre », hypothèse vérifiée dans la mesure où il s'avère que Mme [T] [U] a continué de déployer son activité au sein de la société Camille D et a bénéficié d'un statut de salarié au sein de la société Comète avant d'en réaliser l'acquisition ; qu'elle ne saurait arguer de la liberté d'entreprendre protégée par loi alors que, gérante de fait de la société Camille D, elle a en connaissance de cause procéder à la cession de son fonds de commerce moyennant un engagement de non rétablissement, clause limitée dans le temps et dans l'espace ;

Qu'il s'ensuit que la lettre de licenciement de M.[O], gérant de la société Camille D, en date du 27 février 2007, « pour insuffisance de résultat » est totalement mensongère ; qu'elle n'a pas fait l'objet d'observations de la part de Mme [U] qui a signé le 4 juin 2007 un solde de tout compte pour un montant de 6 011,49 € ; que les éléments mettent en évidence une concertation frauduleuse des deux gérants de la société Camille D ;

Qu'en conséquence, la société [U] créée le 12 octobre 2009 par Mme [U] pour reprendre un fonds de commerce dans un rayon de un kilomètre et demi du lieu d'exploitation du fonds cédé par la société Camille D a violé l'engagement contractuel qui lui en faisait interdiction ; qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris.

Sur les actes de concurrence déloyale commis par la société [U] :

Considérant que la société Anabela fait état d'actes constitutifs de concurrence déloyale à savoir :

le débauchage de son personnel ayant entraîné sa totale désorganisation

la non remise du fichier clients

des actes de dénigrement

Que l'acte de cession mentionne que le cédant employait trois salariées à savoir :

Mme [V] [I] depuis le 1er avril 1999

Mme [S] [C] depuis le 1er août 2003

Mme [F] [X] depuis le 13 septembre 2007

Que Mme [V] [I], salariée en qualité de coiffeuse a donné sa démission le 9 septembre 2009 et a signé le 1er décembre un contrat de travail à temps partiel avec la société [U] alors que son contrat comportait une clause de non concurrence ce que Mme [U] ne pouvait ignorer.

Que Mme [C], qui avait été salariée de la société Camille D en qualité de technicienne à partir de 2003 a également démissionné le 10 octobre 2010 pour aller travailler dans le salon de Mme [U] alors qu'elle avait aussi dans son contrat une clause de non concurrence ;

Considérant que la SARL Anabela verse l'attestation de Madame [F] [X] qui relate avoir travaillé en 2007 et 2009 au sein de la société Camille D et s'être vue proposer un contrat de qualification par Mme [R] [L] mais atteste l'avoir refusé car Mme [T] [U] avait prétendu que celle-ci ne payait pas ses salariés et que cela finirait mal ; qu'elle indiquait avoir alors accepté de suivre Mme [U] pour travailler au sein du fonds de commerce au [Adresse 3] ; que Mme [U] prétend que ce témoignage ne saurait être retenu en raison, soit de la communauté d'intérêts, soit du conflit d'intérêts au motif que Mme [X] aurait établi trois attestations contradictoires sans pour autant rapporter la preuve de ces contradictions; qu'au demeurant la société [U] ne démontre pas l'existence d'un litige qu'elle aurait avec Mme [X] qui a été sa salariée ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'écarter son témoignage;

Que la société [U] fait valoir que les salariés sont libres de choisir leur employeur ce qui induit la liberté de les embaucher et que les clauses figurant à leur contrat seraient nulles ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que deux des salariées avaient signé des clauses de non concurrence dont il n'est pas démontré qu'elles aient été annulées ; qu'en toute hypothèse, la société [U] ne pouvait ignorer leur existence et que, soumise elle-même à une clause de non établissement pendant un an, elle a démontré en embauchant ces trois salariées une intention de nuire, sachant qu'elle privait la société Anabela de l'intégralité de ses forces vives puisqu'elle reconstituait ainsi l'intégralité de l'équipe technique du fonds de commerce cédé, étant observé qu'au surplus cette équipe avait bénéficié régulièrement de séminaires de formation aux techniques Jean Louis David ; que Mme [X] indiquait que Mme [U] exprimait verbalement son souhait de voir le salon [R] faire faillite ;

Qu'ainsi la société Anabela s'est trouvée privée de la totalité de son personnel en moins d'un an et ce au profit de la société [U] dont l'activité similaire se déroulait à quelques centaines de mètres ; que la reprise de l'intégralité du personnel et ce dans un délai rapide a désorganisé le salon de coiffure dès son ouverture ce qui caractérise des actes de concurrence déloyale »; que la cour observe que le contrat de cession précise que le contrat de franchise de la société Camille D au réseau Jean Louis David a pris fin le 1er janvier 2009 ; que, si la société Camille D était libre de mettre fin à sa participation à ce réseau et si la société Anabela en a été informée, il n'en demeure pas moins que le départ de toutes les salariées formées à des techniques propres au franchiseur, depuis 2003 pour Mme [C] et l'apport de leur savoir faire à la société concurrente dont la responsable avait également été formée à cette méthode, a aggravé la désorganisation vis à vis de la clientèle habituelle ; qu'ainsi la société Anabela a subi une désorganisation totale portant à la fois sur le personnel dont elle a été privée mais aussi sur la spécificité de celui-ci, désorganisation d'autant plus préjudiciable que cette même équipe a été regroupée au sein d'une entité géographiquement proche, lui permettant de capter aisément la clientèle attachée au fonds de commerce ;

Considérant, de plus, que ce n'est qu'à la suite d'une sommation d'huissier en date du 23 septembre 2009 que la société Anabela a récupéré le fichier clients ; qu'il résulte des pièces produites, comme l'ont relevé les premiers juges, que la société [U] avait repris contact avec certains clients ; qu'elle a donc exploité le fichier de la société Camille D avant sa restitution ;

Que Mme [X], atteste que, salariée de la société [U] elle avait dû à la demande de celle-ci se rendre chez les commerçants du quartier pour déposer des cartes de visite du salon et interpeller les anciennes clientes pour les aviser de l'installation de Mme [U], ajoutant que celle-ci incitait les clientes à dénigrer son ancien salon ;

Que le témoin [N] [Q] relate qu'une cliente au moment de payer a tenu les propos suivants « vous êtes tous des nuls, cela ne m'étonne pas que le salon soit vide, je préférais l'ancienne équipe » que si ces propos émanent d'un tiers, ils s'insèrent dans la politique de dénigrement menée par Mme [U] ;

Considérant qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de constater que la société Anabela a été victime d'actes de concurrence déloyale.

Sur le préjudice de la société Anabela :

Considérant que le contrat de cession stipule qu'en cas de violation de l'interdiction de rétablissement « le cédant sera de plein droit redevable d'une indemnité forfaitaire de deux cents euros par jour de contravention » soit une somme de 73 000€ ;

Considérant que doit également être réparé le préjudice résultant des actes de concurrence déloyale ayant consisté à débaucher le personnel, à détourner la clientèle et à dénigrer la société Anabela ;

Considérant que le fonds de la société Camille D a été acquis pour un montant de 213.428€ que Mme [R] [L] a financé par un emprunt pour lequel elle s'est portée caution; que la cour observe que la société [U] a acquis le fonds de commerce voisin pour la somme de 35 000€ ;

Considérant que la société Anabella pouvait escompter un chiffre d'affaire à hauteur de celui qui lui avait été présenté dans les comptes sociaux soit une moyenne mensuelle de 26 000€ alors qu'elle a réalisé un chiffre d'affaire inférieur de plus de 50% ; qu'elle justifie avoir consacré du temps à négocier des délais de paiement avec l'URSSAF au détriment du développement de son salon et qu'elle a ainsi perdu une chance de générer du chiffre d'affaires; qu'il y a lieu de chiffrer ce préjudice à la somme de 40 000€ ;

Considérant qu'en raison de ses résultats, la société Anabela a eu recours à des concours bancaires qui ont généré des intérêts à hauteur de 14 821,63€ ; qu'elle a été contrainte de contracter le 2 octobre 2009 auprès de la société l'Oréal un prêt de 30 000€ au taux de 5,22% hors assurance sur une durée de 5 ans soit des intérêts à hauteur de 4 159,03 € et Mme [R] [L] a fait un apport de plus de 50 000€ de fonds personnels ; qu'au titre de son préjudice, seuls peuvent être pris en compte les intérêts qu'elle a réglés et ceux qu'elle aurait pu escompter au titre d'un placement de ses fonds ; qu'il y a lieu de chiffrer le préjudice subi à ce titre à la somme de 20 000€;

Considérant que la société Anabela fait état d'un préjudice d'image et moral, ayant dû mobiliser son énergie pour contrer les actes de dénigrement et éviter une cessation des paiements ; que la société Anabela a dès le début de son activité subi un important préjudice d'image du fait des agissements concertés de son cédant et de la société [U] que la cour évalue à la somme de 50 000€.

Que la société Anabela soutient que son préjudice n'a cessé de s'aggraver et a atteint le montant de 588 210€ ; qu'elle justifie de pénalités encourues pour défaut de paiement des cotisations Urssaf en 2009 et en 2010 alors que la société [U] a obtenu la suspension de l'exécution provisoire en invoquant des conséquences manifestement excessives alors qu'elle a connu un excédent d'exploitation de 35 000€ à l'occasion de ses premiers mois d'activité ; que, à l'occasion de sa requête en suspension d'exécution provisoire, la société [U] a indiqué que son fonds de commerce valait 180 000€ ; qu'il convient de noter qu'il a été acquis au prix de 35 000€ trois ans auparavant ; qu'il est avéré que le préjudice subi par la société Anabela a été particulièrement important dans la mesure où elle s'est trouvée confrontée dès sa prise d'activité à une collusion frauduleuse et rapidement privée de l'intégralité de son personnel alors même que celui-ci avait été formé aux techniques de la marque Jean Louis David ; que les éléments fournis mettent en évidence une organisation et un acharnement qui ne peuvent qu'être destinés à la conduire à sa perte financière et donc à son élimination ; qu'il y a lieu de chiffrer le montant de cette aggravation de son préjudice à la somme de 100 000€ ;

Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments il y a lieu de fixer le préjudice total de la société Anabela à la somme de 283 000€ ;

Sur la responsabilité de la société Camille D :

Considérant que Mme [U] a été engagée par contrat du 3 octobre 2003 par la société Camille D représentée par M.[P] [O] comme manager du « salon Jean Louis David sis [Adresse 2] » étant précisé « la SARL Camille D se réserve la possibilité d'affecter Mme [T] [U] dans l'un ou l'autre salon qu'il exploite sous l'enseigne Jean Louis David et ce sans préavis »;

Que, dès lors, si Mme [U] a pu être salariée du salon sis [Adresse 3] avant de procéder à son acquisition dans le cadre d'une nouvelle société alors même qu'elle continuait d'exercer ses fonctions au sein de la société Camille D, ce ne peut être qu'en concertation avec M.[O], gérant de droit ;

Considérant que Mme [X] relate que Mme [U] et M. [O] ont négocié ensemble la reprise du salon de la [Adresse 3] et que ce dernier était venu sur place à plusieurs reprises ;

Considérant qu'il résulte de ces pièces qu'à l'occasion de la gestion du salon de la [Adresse 3], Mme [U] a continué à rendre compte mensuellement de sa gestion à M.[O] dans le cadre du « groupe [O] »; que ce dernier établissait les bulletins de salaire des salariés de la société [U] et qu'en mars 2010, les salaires de Mme [X], employée alors par la société [U], ont été réglés par la société Camille D et donc par son gérant de droit, M.[O] ;

Que, dès lors, celui-ci en sa qualité de gérant de la société Camille D a participé à la reprise puis à la gestion de la société Comète et a en cela violé la clause de non concurrence stipulé à l'acte de cession.

Considérant que s'agissant des actes de concurrence déloyale résultant du débauchage des salariées reprises par la société Anabela, il convient de relever que M.[O], gérant de la société Camille D avait également la maîtrise de l'emploi au sein de la nouvelle société dans la mesure où il avait seul la maîtrise de l'établissement des bulletins de salaires ; qu'en conséquence, c'est en connaissance de cause de la désorganisation qui en résultait pour la société Anabela, qu'il a, en qualité de gérant de la société Camille D, participé au transfert des salariées de celle-ci au sein de la société [U] ;

Considérant que la société Anabela fait également état de la rétention abusive du fichier client et d'actes de dénigrement ; qu'il résulte des pièces, la démonstration d'une collusion entre Mme [U] et M.[O] à l'occasion de la gestion des sociétés Camille D et de la société [U] tendant à assurer à cette dernière la pérennité du transfert des actifs du fonds de commerce de la société Camille D au préjudice de son cessionnaire ; que le détournement du fichier puis les actes de dénigrement entrent dans le cadre de cette politique commune ;

Qu'il y a lieu en conséquence de condamner la société Camille D in solidum à réparer l'entier préjudice de la société Anabela et de réformer le jugement entrepris.

Sur la somme de 5 136, 23€ :

Considérant que cette somme correspond au montant des salaires qui n'avaient pas été payés par la société Camille D au jour de la cession de son fonds de commerce ; que la société Camille D n'a pas conclu sur ce point ; qu'il n'est rapporté aucun élément permettant de contester cette créance ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise .

Sur la demande reconventionnelle de la société [U] :

Considérant que la société [U] fait état d'actes de parasitisme de la part de la société Anabela faisant valoir que celle-ci emploie subrepticement une de ses anciennes salariées en la personne de Mme [X] et qu'elle utiliserait son savoir faire.

Considérant que la société [U] n'apporte aucun élément à l'appui de ses affirmation sur l'activité de Mme [X] et ne caractérise aucun élément permettant de caractériser l'utilisation par celle-ci de son savoir faire Jean Louis David à son détriment;

Considérant qu'il y a lieu de débouter la société [U] de sa demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que la société Anabela a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société Anabela de sa demande de condamnation solidaire de la société Camille D et en ce qu'il a fixé à la somme de 150 000 € le montant des dommages et intérêts,

CONDAMNE in solidum les sociétés [U] et Camille D à payer à la société Anabela la somme de 283 000€,

CONDAMNE in solidum les sociétés [U] et Camille D à payer à la société Anabela la somme de 20 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que ces sommes seront fixées au passif de la procédure de liquidation de la société Camille D,

REJETTE toute autre demande plus ample,

CONDAMNE in solidum les sociétés Camille D et [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le GreffierLa Presidente

E. DAMAREYC. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 12/07837
Date de la décision : 14/03/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°12/07837 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-14;12.07837 ?
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