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14/03/2013 | FRANCE | N°09/12698

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 6, 14 mars 2013, 09/12698


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 MARS 2013



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12698



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2000022669





APPELANTS



BRED BANQUE POPULAIRE, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général dom

icilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentant : Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistée de : Me KUKULSKI, plaidant pour la ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 MARS 2013

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/12698

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Décembre 2006 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2000022669

APPELANTS

BRED BANQUE POPULAIRE, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

Assistée de : Me KUKULSKI, plaidant pour la AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : T 003, et substituant Me Michel PITRON, avocat au barreau de Paris

Maître [H] [B], ès qualités de mandataire ad hoc de la Société 'CLINIQUE [1]'

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de : Me Véronique HENDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0882

INTIMÉES

SA GÉNÉRALE DE SANTÉ CLINIQUE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Non constituée

SNC HOPITAL PRIVE [1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assisté de : Me Véronique HENDI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0882

SA MEDIFUTUR, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Non constituée

SA SOCPHIPARD, prise en la personne de son liquidateur amiable, Monsieur [R] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 4]

Représentée et assistée par : Me Anne Claire OLIVERA de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente

Madame Caroline FÈVRE, Conseillère

Madame Muriel GONAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY

ARRÊT :

- par défaut

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, président et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.

*******************

Vu le jugement rendu le 4 décembre 2006 par le tribunal de commerce de Paris qui :

- a déclaré irrecevable l'action engagée par Me [B] à l'encontre de la société Banque Bred-Banque populaire ;

- par voie de conséquence, a déclaré irrecevable l'action en garantie de la société Banque Bred-Banque populaire à l'encontre des sociétés Hôpital Privé [2]., Générale de santé publique-G.S.C., Médifutur et Socphipard ;

- a déclaré recevables les interventions volontaires de M. [K] [L], Mme [D] [I] épouse [L] et M. [T]- [W] [L] ;

- a condamné Me [B], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Clinique [1] S.A., à payer à la société Banque Bred-Banque populaire la somme de trente mille euros (30.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- a condamné la société Banque Bred-Banque populaire à payer, sur le même fondement, à chacune des sociétés Hôpital privé [2]., Générale de Santé Publique-G.S.C. et Médifutur la somme de trois mille euros (3.000 €) et à la société Socphipard la somme de dix mille euros (10.000 €) ;

- a condamné Me [B], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Clinique [1] S.A., aux dépens ;

Vu les appels interjetés par Maître [B], ès qualités, et par la Bred à l'encontre de ce jugement ;

Vu l'arrêt rendu le 10/9/2010 par la cour d'appel de Paris qui a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en garantie engagée par la Bred à l'encontre des sociétés Privé [1] - Générale de Santé Clinique - GSC - Medifutur et Socphipard, réformé le jugement entrepris pour le surplus, déclaré recevable l'action de Me [B], ès qualités, à l'encontre de la Bred, dit que la Bred a soutenu abusivement la CAB à compter du 10 juin 1992 jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, dit que la Bred est tenue de réparer le préjudice subi par Me [B] ès qualités, soit du 10 juin 1992 à la date de l'ouverture de la procédure collective, avant dire droit sur le montant du préjudice, a ordonné une expertise, commis, pour y procéder, Monsieur [G] [Q], avec mission, après avoir pris connaissance des pièces du dossier et recueilli l'avis des parties, de donner à la cour tous éléments permettant de déterminer l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la CAB du 10 juin 1992 à la date d'ouverture de la procédure collective, et en tenant compte des sommes déjà perçues par Me [B], a débouté la société Socphipard de sa demande tendant à se voir reconnaître des dommages-intérêts, a débouté les sociétés Hôpital Privé [1]-, Générale de Santé Clinique - G.S.C- Medifutur et Socphipard de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, a réservé les autres chefs de demande de Me [B] ès qualités et de la Bred, a réservé les dépens ;

Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 10/1/2012, qui a rejeté le pourvoi formé contre cette décision ;

Vu le rapport d'expertise déposé au greffe de la cour le 4/6/2012 ;

Vu les conclusions signifiées le 26/10/2012 par Maître [H] [B], pris en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Clinique [1], qui demande à la cour 'vu le précédent arrêt de la cour en date du 10 septembre 2010 et l'arrêt de la cour de cassation en date du 10 janvier 2012 ayant rejeté en ses deux moyens le pourvoi formé par la BRED contre l'arrêt du 10/9/2010, de constater que bénéficient de la force de chose irrévocablement jugée, la recevabilité de l'action (qu'il a) introduite et le bien fondé de l'action qu'il a diligentée à l'encontre de la BRED pour soutien abusif pendant la période du 10/6/1992 au 16/3/1996, .... de constater que la cour n'est plus présentement saisie que de la fixation du montant des dommages-intérêts dûs par la BRED et des demandes annexes à cette demande principale, de constater que - quant à cette fixation - la faculté d'appréciation de la cour reste entière, les motifs de son arrêt du 10/9/2010 - seraient-ils considérés comme 'le soutien nécessaire'du dispositif n'étant pas pourvus de l'autorité de la chose jugée, dès lors qu'ils se reportent à la partie du dispositif dans laquelle la cour a statué avant dire droit, de (lui) donner acte de ce qu'il ne conteste pas que l'action en responsabilité pour soutien abusif diligentée par lui, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, lui permet seulement d'obtenir condamnation de la BRED au paiement intégral de l'aggravation de l'insuffisance d'actif pendant la période de soutient abusif, mais seulement dans la limite de l'insuffisance d'actif résiduelle à la date de l'arrêt de la cour à intervenir, (puisqu'étant) en charge du seul intérêt collectif des créanciers, et non de celui de la société débitrice, étant sans qualité à poursuivre le recouvrement de la différence entre le montant de l'aggravation et l'insuffisance d'actif non résiduelle à la date de l'arrêt à intervenir, de dire et juger que la prétention de la BRED de voir tout encaissement réalisé par (lui) affecté par priorité à la diminution du montant de l'aggravation de l'insuffisance d'actif pendant la période de soutien abusif n'a aucun fondement rationnel, comptable ni juridique, une affectation spéciale ne pouvant résulter que d'une disposition législative spécifique ('pas de privilège sans texte') inexistant en l'espèce et aurait pour effet de subordonner l'indemnisation non seulement à l'existence d'une insuffisance d'actif résiduelle- condition posée par la jurisprudence - mais également au fait que l'actif serait inférieur à l'aggravation, condition sans fondement jurisprudentiel, de débouter la BRED de ladite prétention, de la condamner à (lui) payer la somme de 1.118.962,90 euros, montant de l'insuffisance d'actif résiduelle à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir (et non pas celle de 13.567.962,53 € montant de l'aggravation provoquée par le soutien abusif) ce, avec intérêts de droit à compter du 1/03/2000, date de l'introduction de la demande - ou - subsidiairement - à toute date antérieure au prononcé de l'arrêt à intervenir qu'il plaira à la Cour de fixer dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, de débouter la BRED de l'ensemble de ses écritures à toutes fins qu'elles comportent, et en particulier à sa demande en paiement de la somme de 75.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire, de dire (sa) demande additionnelle recevable et bien fondée et de condamner la BRED à lui payer la somme de 100.000 € pour résistance manifestement abusive et injustifiée, fondée sur une argumentation condamnée en termes sévères par l'arrêt du 10/09/2010, traduisant l'attitude de la BRED de 'considérer toujours' que le financement par elle d'une 'liquidation amiable' est préférable au respect de la législation d'ordre public sur les procédures collectives, le tout exprimé en des termes particulièrement choquants envers (lui qui est un) mandataire de justice, de condamner enfin la BRED aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris ceux de la procédure ayant donné lieu à l'arrêt du 10/9/2010 et de la procédure postérieure à cet arrêt, lesquels comprendront les frais d'expertise, et au paiement d'une somme de 75.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile' ;

Vu les conclusions signifiées le 10/12/2012 par la Bred Banque Populaire qui demande à la cour de 'juger que le préjudice juridiquement réparable ne peut être que l'accroissement de l'insuffisance d'actif entre la date à laquelle (son) soutien a été jugé abusif, soit le 12/6/1992, et la date d'ouverture de la procédure collective de la CAB, dans la limite de l'insuffisance d'actif résiduelle, de juger qu'il n'existe plus aujourd'hui d'insuffisance d'actif et en conséquence de préjudice qui n'ait été d'ores et déjà réparé, de juger en conséquence qu'aucune condamnation pécuniaire ne saurait être prononcée à l'encontre de la Bred, en conséquence de dire Maître [B] mal fondé en ses demandes, de (le) débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de condamner Maître [B] ès qualités à (lui) verser la somme de 75.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et ... 150.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile' ;

Vu les conclusions signifiées le 10/12/2012 par la société Socphipard qui demande à la cour de constater que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 10/9/2010 est doté de la force de chose irrévocablement jugée en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en garantie engagée par la Bred à son encontre et de condamner la Bred aux entiers dépens ;

SUR CE

Considérant que les faits ont été exposés par la cour dans son précédent arrêt ; qu'en 1982, le Dr [K] [L] a repris la Clinique [1] de [Localité 7] (Val-de-Marne), qu'il a ensuite développé un groupe spécialisé dans l'exploitation de cliniques et de maisons de retraites, en région parisienne et en province, dit 'groupe Cab', initiales de la Clinique [1] ; qu'ont été créées une structure de prise de participations dénommée Médifrance, en partenariat avec une filiale de la banque Rivaud en 1987 et une holding familiale dénommée Diafred, actionnaire très majoritaire de la société Clinique [1], laquelle a créée, en 1988, une seconde structure de participation en partenariat avec la CFEP, à l'époque filiale de la BRED, ' Medicus' ; que pour financer son développement, le groupe Cab a eu recours à un endettement bancaire, auprès notamment de la Bred, de la Banque Rivaud et d'Unicrédit (filiale du Crédit Agricole), à des augmentations de capital souscrites par des sociétés de capital-risque (notamment de filiales du Crédit Agricole et de la banque Rivaud), à une opération de lease-back 1 réalisée sur une partie des immeubles dans lesquels était exploitée la polyclinique de [Localité 6] ; que le Dr [K] [L], son épouse et son fils, avaient la maîtrise du groupe, puisqu'ils détenaient 98,20% des parts de la holding Diafred, au capital de deux cent cinquante mille francs (250.000 F), soit trente-huit mille cent douze euros et vingt-cinq centimes (38.112,25 €), laquelle détenait 75% des actions de la principale société, la société anonyme clinique [1],-CAB-au capital de quarante cinq millions cinq cent mille trois cents francs (45.500.300 F), soit aujourd'hui six millions neuf cent trente-six mille quatre cent soixante-seize euros et deux centimes (6.936.476,02 €) ; que la Bred était actionnaire, au côté de la holding de la famille [L], de la société Clinique [1], (Cab) ;

Considérant que la Bred a consenti à la société Clinique [1] des concours financiers très importants, soit le 16 septembre 1986, un prêt de deux millions six cent mille francs (2.600.000 F), soit trois cent quatre-vingt-seize mille trois cent soixante-sept euros quarante-quatre centimes (396.367,44 €), le 26 juin 1990, un prêt de onze millions de francs (11.000.000 F), soit un million six cent soixante-seize mille neuf cent trente-neuf euros et dix-neuf centimes (1.676.939,19 €) pour l'acquisition des titres de la société Holding de Montreuil, propriétaire de la polyclinique de cette ville, le 12 janvier 1992, un prêt d'un montant de dix-sept millions six cent mille francs (17.600.000 F), soit deux millions six cent quatre-vingt-trois mille cent deux euros et soixante-dix centimes (2.683.102,70 €), sur une durée de 96 mois avec franchise de remboursement pendant douze (12) mois, en avril 1992, un prêt de dix-huit millions huit cent mille francs (18.800.000 F), soit deux millions sept cent quarante-quatre mille quatre-vingt-deux euros et trente-et-un centimes (2.744.082,31 €), dénommé crédit relais, 'dans l'attente des cessions d'actifs', le 10 juin 1992, un prêt dit de 'consolidation de trésorerie' d'un montant de dix-sept millions six cent mille francs (17.600.000F), soit deux millions six cent quatre-vingt-trois mille cent deux euros et soixante-dix centimes (2.683.102,70 €), remboursable in fine en principal et intérêts, le 16 juin 1996, les fonds étant versés par la Banque sur le compte ouvert au nom de l'emprunteur ; que d'autre part, la banque a consenti à M. [L], le 2 janvier 1992, un prêt de deux millions cinq cent mille francs (2.500.000 F), soit trois cent quatre-vingt un mille cent vingt-deux euros et cinquante-quatre centimes (381.122,54 €), avec franchise totale de remboursement pendant deux ans et engagement de M. [L] de l'affecter à son compte courant dans les livres de la société Clinique [1] ; qu'au cours du second semestre 1991, elle a maintenu ses concours à la société Clinique [1], alors que la banque avait antérieurement plusieurs fois reporté le délai accordé pour revenir dans le cadre de l'autorisation de découvert, puis dénoncé son concours ; qu'elle a, en juin 1992, accordé un moratoire à la filiale Medicus pour le remboursement d'un prêt de quinze millions de francs (15.000.000 F), soit deux millions deux cent quatre-vingt-six mille sept cent trente-cinq euros et vingt-six centimes (2.286.735,26 €) consenti le 15 novembre 1989 et dont l'emprunteur n'assumait plus les échéances ;

Considérant que dès 1990 des difficultés se sont manifestées ; que le plan de restructuration qui devait être mis en place, a échoué ; que la société Clinique [1], a demandé la désignation d'un mandataire ad hoc en février 1995 ; que le 7 mars 1996, le tribunal de commerce, sur saisine d'office, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de cette société ; que Me [B] a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Me [U] comme représentant des créanciers ; que par jugement du 7 mars 1997, confirmé par la cour d'appel de Paris, le 4 novembre 1997, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté le plan de cession partielle des actifs de la SA Clinique [1] au profit de la société Générale de Santé Cliniques et nommé Me [B] commissaire à l'exécution du plan de cession ;

Considérant que le 1er mars 2000, Me [B], ès qualités, a assigné la Bred pour soutien abusif de la CAB, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, aux fins notamment de la voir condamner à lui payer une somme égale aux pertes cumulées de la CAB pendant la période du 10 juin 1992 au 7 mars 1996 et de voir ordonner une expertise comptable aux fins de chiffrer le montant de ces pertes ; que le 17 avril 2000, M. [K] [L], Mme [D] [I] épouse [L] et M. [T] [W] [L], administrateurs de la CAB, sont intervenus volontairement à l'instance et ont sollicité, notamment, la condamnation de la Bred au paiement de l'insuffisance d'actif de la clinique [1] ; que le 4 octobre 2000, la Bred a assigné en garantie le partenaire économique de la CAB, le groupe GSC, pris en trois des sociétés le composant, à savoir la société Hôpital Privé [1], la société Générale Santé Cliniques et la société Medifutur ; que Maître [B] a également assigné, sur le même fondement, et en formant les mêmes demandes que contre la Bred, l'ex banque Rivaud, devenue la société Socphipard ; que le 26 mai 2003, la Bred est intervenue volontairement à cette instance et a demandé sa jonction avec l'instance l'opposant à Maître [B] ; que par acte du 22/5/2002, la société Socphipard et Maître [B] ont conclu un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel, notamment, la société Socphipard a abandonné l'intégralité de sa créance à l'encontre de la société CAB, a remboursé l'acompte sur dividende qu'elle avait perçu, s'est engagée à verser 500.000FF ; que cette transaction a été homologuée par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 17/9/2002 ; que Maître [B] s'est désisté de l'action engagée contre la société Socphipard ; que la Bred a assigné la société Socphipard en intervention et garantie dans l'action intentée contre elle par Maître [B] ; que toutes ces procédures ont été jointes et ont abouti au jugement du 4/12/2006 ;

Considérant que, parallèlement, Me [B] a engagé une action en comblement de passif à l'encontre des administrateurs de la société Clinique [1], le Docteur [L], son épouse et leur fils ; que par jugement du 19 juin 2003, le tribunal de commerce de Créteil a condamné les consorts [L] à contribuer à l'insuffisance d'actif, évaluée à dire d'expert, à 1.797.693,33 euros, à hauteur de 1,3 millions d'euros, en ce compris une créance déclarée par les consorts [L] d'un montant de 303.631,65 euros ; que ce jugement a été frappé d'appel ; que la cour a sursis à statuer jusqu'à l'issue de la présente instance ;

Considérant que par arrêt du 10/9/2010, la cour a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Créteil et a déclaré que l'action de Maître [B] était recevable ; que sur le fond, la cour a retenu qu'il y a eu soutien abusif de la part de la Bred au 10 juin 1992 et que ce soutien abusif n'a pu qu'entraîner un préjudice ; qu'elle a ordonné une expertise aux fins d'obtenir tous les éléments pour déterminer l'aggravation de l'insuffisance d'actif ; que la cour a enfin déclaré la Bred irrecevable en ses demandes en garantie formées à l'encontre des sociétés du groupe GSG et de la société Socphipard, anciennement dénommée Banque Rivaud ;

Considérant que le pourvoi formé par la Bred contre cet arrêt a été rejeté par la cour de cassation de sorte qu'il est irrévocable ;

Considérant que Maître [B] expose qu'en ce qui concerne la fixation des dommages-intérêts ,' la discussion reste entière, non seulement en ce qui concerne les règles juridiques qui doivent être appliquées pour déterminer le montant de la condamnation qu'en ce qui concerne le montant lui-même' et que si la cour a bien indiqué dans les motifs de son arrêt que les établissements de crédit auxquels il est reproché d'avoir, par leurs agissements, retardé l'ouverture de la procédure collective, ne sont tenus que de réparer l'aggravation de l'insuffisance d'actif entre la date à laquelle leur soutien est devenu abusif, soit le 10/6/1992 et la date d'ouverture de la procédure collective, ce motif non repris dans le dispositif ne bénéficie pas de l'autorité de chose jugée ; qu'il rappelle que l'action en responsabilité qu'il diligente obéit aux règles générales du droit commun et qu'il a donc droit à la réparation intégrale, dès lors qu'en l'espèce, l'existence de la faute de la BRED (soutien abusif de la CAB) et le lien de causalité entre la faute et le préjudice subi du 10/6/1992 à la date d'ouverture de la procédure collective, 7/3/1996, ont été admis par une décision de justice bénéficiant de la force de chose irrémédiablement jugée ; qu'il admet que l'application de cette règle de droit commun est mise en échec par la législation spécifique relative aux procédures collectives et que la cour de cassation a cantonné l'obligation de réparation du créancier fautif à la seule aggravation de l'insuffisance d'actif que l'établissement de crédit a contribué à créer par sa faute, laquelle a conduit à retarder l'ouverture de la procédure collective ; qu'il reconnaît qu'organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers, il est sans qualité à représenter la personne morale débitrice; qu'il déclare que 'pour que soit reconnue une aggravation de l'insuffisance d'actif pendant la période de soutien abusif qui soit indemnisable, les conditions nécessaires et suffisantes sont, d'une part, l'existence in fine d'une insuffisance d'actif et, d'autre part, une diminution, pendant cette période, des capitaux propres du débiteur, l'actif de celui-ci étant moindre qu'il l'aurait été sans les agissements fautifs' ;

Qu'il reprend les chiffres de l'expertise de Monsieur [Q] qui estime que la situation nette de la CAB au 10 juin 1992 s'élevait à 33.659.226 FF et à - 55.982.700 FF au 7 mars 1996 et fixe à 89.641.920 FF l'aggravation de l'insuffisance d'actif entre le 10 juin 1992 et le 7 mars 1996 ;

Qu'il note que les 'sommes (qu'il a) déjà perçues' sont évaluées à 112.346.819 FF soit: 40.478.039 FF, représentant les créances BRED sur la CAB cédées par la BRED à la GSC pour le prix de 5.5 MF, abandonnées par la GSC, 23.510.976 FF, représentant le montant de son compte courant abandonné par la société HPAB, et 48.357.804 FF représentant le montant des sommes abandonnées par la société Socphipard ou versées par elle (abandon de créances : 45.591.965 FF restitutions de répartitions : 2.265.843 FF indemnité transactionnelle : 499.997FF);

Qu'il affirme que le dernier décompte est inexact car 'inclure à la fois l'abandon de créances en principal, pour son montant intégral, et la restitution des répartitions sur ce principal constitue un doublon intellectuel et comptable manifeste' ; qu'il conclut qu'il faut supprimer du décompte la somme de 2.265.843 FF , d'où un solde de 110.080.976€ et qu'en outre il est exclu d'admettre que les diminutions de passif (abandons de créances) et les recouvrements d'actifs (créances 'perçues'), survenues postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, viennent en diminution de l'aggravation de l'insuffisance d'actif provoquée par le soutien abusif de la BRED pendant la période définie par la Cour ;

Que pour calculer le montant actuel de l'insuffisance d'actif, il intègre les conclusions du rapport de Monsieur [F], auteur de l'expertise réalisée dans le cadre de l'action en comblement de passif engagée contre les dirigeants ; que cet expert a évalué le passif à la somme de 86.607.967 FF (13.203.299 €) et l'actif à 26.460.000FF(4.033.801€), ce qui conduit à une insuffisance d'actif (la différence entre les deux chiffres) de 60.147.967FF soit 9.169.498 € ; qu'il soutient que des modifications doivent être apportées à ce rapport et qu'il y a lieu de réduire du passif arrêté par Monsieur [F], tout d'abord, les créances Socphipard, mais non pas les restitutions correspondant (c'est à dire 7.026.675,28€), d'où une insuffisance d'actif réduite à 2.142.822,72€, ensuite, le dégrèvement d'office (diminué des honoraires d'avocats et frais) accordé par la Direction Générale des Impôts sur la créance déclarée au titre de la TVA, soit 1.023.859,80€, ce qui ramène l'insuffisance d'actif à 1.118.962,90€ , somme qui représente pour lui le montant des dommages-intérêts auxquels la BRED doit être condamnée ;

Considérant que la Bred soutient qu'il résulte du rapport de Monsieur [Q] qu'il n'y a plus d'insuffisance d'actif, ni en conséquence, de préjudice juridiquement réparable dont l'intérêt collectif des créanciers de la société CAB ait souffert ; qu'en effet l'expert a chiffré l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la CAB entre le 10/6/1992 et le 7/3/1996 à la somme de 89.641.926 FF et a dit que le montant des sommes recouvrées par la CAB s'élevait à celle de 112.346.819FF, soit une différence positive au bénéfice de la procédure collective de 22.704.893 FF soit 3.461.338€ ; qu'elle rappelle que l'action diligentée par Maître [B] ne peut l'être que dans l'intérêt collectif des créanciers de la CAB et a pour seule vocation à l'éventuelle part de l'insuffisance d'actif dont la Bred serait responsable afin d'être en tout ou partie remboursés, que cette action n'a pas pour objet de reconstituer un actif positif qui bénéficierait, sous forme de 'boni' aux actionnaires de la Cab, c'est à dire en l'espèce à ses dirigeants qui ont été condamnés à combler le passif ;

Considérant qu'il a été irrévocablement jugé que la Bred avait soutenu abusivement la CAB à compter du 10/6/1992 jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, c'est à dire jusqu'au 16/3/1996, et que la Bred était tenue de réparer le préjudice subi par Maître [B], ès qualités ;

Considérant que le préjudice causé par le soutien abusif de la Bred est constitué par l'aggravation de l'insuffisance d'actif entre la date à laquelle le soutien est devenu abusif et la date de l'ouverture de la procédure collective que ses agissements fautifs ont retardée ;

Considérant que la détermination de l'aggravation de l'insuffisance d'actif suppose que soit préalablement établie l'insuffisance d'actif ;

Considérant que l'existence et le montant de l'insuffisance d'actif doivent être appréciés au moment où la cour statue, en ce sens que l'actif est désormais totalement réalisé et que son chiffrage est définitif ;

Considérant que l'insuffisance d'actif est égale à la différence entre l'actif et le passif;

Considérant que l'actif est constitué par l'ensemble des avoirs de l'entreprise, tels qu'ils figurent au bilan, tels qu'ils ont été recensés par le commissaire priseur, en l'espèce tels qu'ils ont été réalisés et d'une manière générale de tous les fonds dont le mandataire judiciaire a bénéficié pour indemniser les créanciers ; que le passif est composé par les créances définitivement admises au passif de la procédure collective et qui n'ont fait l'objet d'aucune renonciation ;

Considérant que le préjudice indemnisable, dans le cas d'espèce, suppose que soit démontrée au préalable une insuffisance d'actif résiduelle, et une aggravation imputable au soutien fautif accordé par la Bred ;

Considérant que la cour a, dans l'arrêt du 10/9/2010, désigné Monsieur [Q] afin de disposer de tous éléments permettant de déterminer l'aggravation de l'insuffisance d'actif de la CAB du 10/6/1992 à la date d'ouverture de la procédure collective ; que cet expert (page 8 du rapport d'expertise) a posé en principe que le calcul de l'aggravation de l'insuffisance d'actif supposait de déterminer dans quelle mesure le montant des capitaux propres de la société CAB avait diminué entre le 10/6/1992 et le 7/3/1996 puis a estimé que le montant de la situation nette de la société CAB avait évolué d'un montant positif de 33.659.226 FF au 10/6/1992 à un montant négatif de 55.982.700FF au 7/3/1992 et a donc conclu que l'aggravation de l'insuffisance d'actif entre le 10/6/1992 et le 7/3/1996 représentait un montant de 89.641.926 FF;

Considérant que, ce faisant, l'expert a fait totalement abstraction des règles du droit des procédures collectives, qui ont été ci-dessus rappelées, qu'il a utilisé des notions comptables qui sont hors de propos et inadaptées au présent litige, qu'il a fait état de constatations et d'anomalies qui ne peuvent être imputées à faute à la Bred de sorte que ses calculs ne peuvent être utilisés pour chiffrer le préjudice que la banque a l'obligation de réparer ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que les conclusions du rapport de Monsieur [Q] doivent être écartées ;

Considérant qu'une expertise a été ordonnée par le tribunal de commerce de Créteil, dans le cadre de l'action engagée par Maître [B], ès qualités, contre les dirigeants de la société CAB sur le fondement de l'article L624-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et confiée à Monsieur [F] ;

Considérant que cet expert a correctement défini l'insuffisance d'actif ; que, cependant, ses travaux ne sont pas totalement utilisables par la cour dans le cadre de la présente instance pour deux raisons: d'abord, parce qu'ils ont été clôturés en 2002 et que depuis tous les actifs ont été réalisés, et que le mandataire judiciaire a perçu des fonds qui ont modifié le montant de l'insuffisance d'actif, ensuite, parce que le passif n'est pas daté et que, pour définir le montant des dommages-intérêts qui doivent être mis à la charge de la Bred, qui ne peut être déclarée responsable ni du passif né avant la date à laquelle elle aurait dû mettre fin à ses concours, ni de celui né postérieurement à l'ouverture de la procédure judiciaire, il faut déterminer quelles sont les créances qui ont pris naissance entre le 10/6/1992 et le 7/3/1996 ;

Considérant qu'il y a donc lieu de renvoyer l'affaire à la mise en état, d'inviter Maître [B] à produire un état complet des actifs réalisés et des sommes qu'il a perçues ainsi qu' un état du passif dans lequel il reprendra le tableau de Maître [F], en faisant abstraction des créances Socphipard, qui ne doivent plus être comptabilisées au passif, compte tenu de la transaction intervenue, et en mentionnant le nouveau montant de la créance fiscale, après dégrèvement d'office, et indiquera pour chaque créance sa date de naissance, ou la période à laquelle elle se rapporte ;

PAR CES MOTIFS

Révoque l'ordonnance de clôture, renvoie l'affaire à la mise en état,

Invite Maître [B], ès qualités, à accomplir les diligences indiquées aux motifs,

Dit que Maître [B], ès qualités, et La Bred devront conclure, compte tenu des nouvelles productions,

Dit que l'ordonnance de clôture pourra intervenir le 14/5/2013 à 14 heures et que l'audience des plaidoiries est fixée au 10/6/2013 à 9 heures.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 09/12698
Date de la décision : 14/03/2013
Sens de l'arrêt : Renvoi

Références :

Cour d'appel de Paris I6, arrêt n°09/12698 : Renvoi à une autre audience


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-14;09.12698 ?
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