Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 13 MARS 2013
(no 89, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 18553
Décision déférée à la Cour :
jugement du 5 octobre 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 10/ 10583
APPELANTE
SARL SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS GEORGE-Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
263 rue de Pont-à-Mousson
57950 MONTIGNY-LES-METZ
représentée et assistée la SCP SCP FISSELIER (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044) qui a déposé son dossier
INTIMES
Monsieur Guy X...
...
57000 METZ
SA AXA FRANCE IARD
313 TERRASSES DE L'ARCHE
92727 NANTERRE CEDEX
représentés et assistés de la SCP SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0111) et de Me Irène GABRIELIAN substituant Me Dominique DOLLOIS de la SELARL ARIANE (avocats au barreau de PARIS, toque : D1538)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2013, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marguerite-Marie MARION, Conseiller chargé d'instruire l'affaire, en présence de Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de présidentMadame Dominique GUEGUEN, Conseiller
Madame Marie-Sophie RICHARD, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement du 20 décembre 2012 portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 7 janvier 2013, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire
-rendu publiquement par Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de président
-signé par Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier présent lors du prononcé.
***
La Sarl Société d'exploitation des Etablissements George, ci-après la société George, a reproché à M. Guy X..., son avocat, d'avoir manqué à son égard à son devoir de conseil et d'information concernant les chances de succès d'un pourvoi en cassation, la privant ainsi d'espérer recevoir, devant les juridictions françaises, une indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial sur le fondement du droit français et non du droit italien.
C'est dans ces conditions que la Société George, a recherché devant le tribunal de grande instance de Paris la responsabilité civile professionnelle de M. X... et de sa compagnie d'assurances et a demandé leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 141 939, 63 € en réparation de son préjudice, correspondant à la proportion de dommages-intérêts eu égard au " degré de chance perdu " après application d'un coefficient de 0, 9 sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent pouvant être légitimement réclamée (157 710, 76 €) ainsi que la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 5 octobre 2011, le tribunal a :
- mis hors de cause le GIE Axa France,
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Axa France Iard,
- débouté la société d'exploitation des Etablissements George de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société d'exploitation des Etablissements George aux dépens.
CELA ETANT EXPOSE, la COUR :
Vu l'appel interjeté le 17 octobre 2011 par la Sarl Société d'exploitation des Etablissements George,
Vu les conclusions déposées le 10 février 2012 par l'appelante qui demande de :
- confirmer partiellement le jugement en ce qu'il établit que Maître X... a engagé sa responsabilité civile professionnelle au titre du défaut d'information et de conseil à l'égard de sa cliente, la Sarl George,
- réformer ledit jugement quant au débouté des demandes indemnitaires de la Sarl George,
en conséquence,
- condamner Maître X... et Axa France à lui régler la somme de 110 397 € outre les intérêts au taux légal, correspondant à la proportion de dommages-intérêts eu égard au " degré de chance perdu " après application d'un coefficient de 0, 7 sur l'indemnité de rupture du contrat d'agent pouvant être légitimement réclamée (157 710, 76 € outre les intérêts au taux légal),
- condamner Maître X... et Axa France à lui régler la somme de 7000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les condamner en tous les dépens,
Vu les conclusions déposées le 17 avril 2012 par M. Guy X... et la compagnie Axa France Iard qui demandent de :
en l'absence de faute professionnelle imputable à Maître X... et en tout état de cause, en l'absence de tout préjudice résultant pour la société appelante de la faute qui serait susceptible d'être retenue à l'encontre de Maître X...,
- confirmer le jugement entrepris,
y ajoutant,
- condamner la société appelante à leur payer la somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société appelante aux entiers dépens.
SUR CE :
Considérant que les faits de l'espèce ont été exactement rappelés par le tribunal aux termes d'un exposé auquel la cour se réfère expressément ; qu'il sera seulement rappelé que le litige dont M. X... était chargé portait sur le contrat d'agent commercial conclu le 1er Mars 1997 entre la société italienne Ermes Fontana et la société George et rompu à l'initiative de cette dernière laquelle entendait obtenir, en application de la loi française, une indemnité de fin de contrat correspondant à deux années de commissions, tandis que la société Ermes Fontana soutenait que le droit applicable était le droit italien et le tribunal compétent, celui de Parme, ce qui ressortait selon elle du contrat d'agent commercial ; que par jugement en date du 4 décembre 2007, le tribunal de Metz s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige au profit des juridictions italiennes, décision confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Metz du 14 avril 2008 ;
Sur la faute :
Considérant que le reproche fait par la société George à M. X... porte sur le fait, qu'alors qu'elle avait souhaité former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt précité du 14 avril 2008 et qu'elle avait sollicité expressément en ce sens M. X... par télécopie du 18 avril 2008, son avocat, qui lui a répondu par courrier du 28 avril 2008, n'a pas exécuté les instructions de sa cliente et a déconseillé tout pourvoi en cassation sans avoir fait la recherche de jurisprudence nécessaire quant aux chances de succès d'un tel pourvoi, lesquelles chances étaient fortes au regard d'une jurisprudence favorable ; qu'ainsi il a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de sa cliente, ne prenant pas attache auprès d'un avocat à la cour de cassation pour lui transmettre la décision devant faire l'objet du pourvoi ;
Considérant que dans la télécopie du 18 avril 2008, la société George a indiqué à M. X... :
" D'ores et déjà, je vous demande de faire appel à cette décision.
Ce dossier sera transféré à l'avocat de la Fédération des Agents Commerciaux dont je vous transmettrai les coordonnées ultérieurement. " ;
Considérant que par une seconde télécopie du 24 avril 2008, la société George a écrit à son avocat :
" Je fais suite à ma télécopie du 18 courant.
Après réflexion, je pense qu'il est souhaitable d'arriver à une transaction avec la société Fontana.
En effet, l'arrêt parle d'une indemnité de clientèle (...).
Il me semble intéressant pour les deux parties d'éviter de continuer à dépenser des sommes importantes en honoraires d'Avocats (Avocats français vers la Cour de Cassation, Avocats italiens et éventuels appels en Italie).
En conséquence et étant donné que la loi italienne prévoit une année d'indemnité et que la loi française prévoit deux ans, vous m'avez toujours dit qu'une transaction s'effectuait à 50 % entre les parties. En conséquence, je propose 18 mois de commissions pour régler l'indemnité qui nous est due.
Je reste bien évidemment à votre écoute et très attentif à votre avis sur notre proposition. " ;
Considérant que le courrier du 28 avril 2008 de M. X... est ainsi rédigé :
" J'ai pris connaissance de votre fax en date du 24 avril dernier.
Je pense qu'il est inutile de former un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt rendu le 8 avril 2008.
En l'état, la juridiction parmesane reste donc compétente.
Je vous remercie de bien vouloir m'indiquer les coordonnées précises de l'avocat de la Fédération des Agents Commerciaux dont vous m'avez parlé afin que je puisse lui transmettre l'entier dossier de cette affaire. " ;
Considérant qu'après cet échange, par un fax du 6 mai suivant, la société George a répondu en ces termes :
" Je fais suite à votre télécopie du 28 avril 2008.
Je me permets de vous rappeler ma précédente télécopie qui vous proposait de rentrer dans une phase de négociation sur une base de 18 mois et pour laquelle vous ne faites pas allusion dans votre courrier.
Dans le cas où vous auriez la nécessité d'un avocat italien, je pense qu'il serait utile de transférer tous les éléments au même avocat en charge du dossier Salumi d'Emilia, ex Rossini, et de nous en entretenir auparavant.
Dans l'attente de vos observations, (...) " ;
Considérant que M. X... a, quelques jours plus tard, dès le 9 mai 2008, engagé des négociations avec un confrère parisien, conseil de la société Ermes Fontana ; qu'il n'a pas été informé de la suite donnée à sa correspondance du 29 mai 2008 par laquelle il transférait le dossier à un confrère italien ;
Considérant qu'il résulte du texte clair des correspondances sus rappelées que M. X... fait pertinemment valoir que la société George n'a pas manifesté auprès de lui sa volonté ferme de voir inscrire un pourvoi en cassation, alors qu'au contraire elle a expressément insisté sur sa volonté d'économiser des frais de justice et de mettre en oeuvre un processus transactionnel ;
Qu'elle a pris cette nouvelle position, " Après réflexion ", non pas comme elle le soutient, pour n'avoir pas eu de réponse de son conseil à sa demande relative à un pourvoi, mais le 24 avril 2008, soit avant d'avoir reçu la réponse dudit conseil qui n'est établie que le 28 avril 2008 ;
Que certes, une recherche de transaction n'est pas exclusive d'un pourvoi, dont le délai était alors encore ouvert pour plus d'un mois, mais que faute d'instructions expresses de la cliente, alors que l'avocat lui avait donné un avis défavorable et alors qu'elle lui faisait part de sa volonté d'éviter des frais de procédure, mentionnant spécialement souhaiter éviter les frais d'un " avocat français vers la cour de cassation ", ce dernier n'avait, n'ayant pas été destinataire d'une quelconque nouvelle demande évoquant à nouveau cet aspect, aucun motif ni obligation de faire inscrire ce pourvoi ;
Qu'en outre, il sera relevé, ce que l'intimé fait justement observer, que la dernière correspondance émanant de la société George, sa cliente, ne fait pas mention d'une quelconque intention de lui communiquer les coordonnées de l'avocat de la Fédération des Agents Commerciaux mais envisage au contraire le transfert du dossier au confrère italien de la société, ce qui confirme que la société George était parfaitement consciente qu'aucun pourvoi n'avait été régularisé et qu'elle renonçait à tout pourvoi ; que dans ces conditions, en présence d'un avis donné par l'avocat sur la non opportunité d'un pourvoi et en l'absence de toute ambiguïté pouvant exister dans l'esprit du client, il n'incombait pas davantage à M. X... de rechercher plus avant les chances d'un pourvoi en procédant à une étude de jurisprudence, que l'appelante n'établit pas en conséquence de manquement de l'avocat à ses obligations professionnelles d'information et de conseil ;
Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la société George de l'ensemble de ses demandes ;
Considérant que l'appelante succombant en ses prétentions supportera les dépens d'appel ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce au profit des intimés des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Dit que M. Guy X... n'a pas commis de manquement à ses obligations professionnelles,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société d'exploitation des Etablissements George aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT