RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 27 Février 2013
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03601
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 Mars 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° 07/12897
APPELANT
Monsieur [F] [M]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Sabine MOUGENOT, avocate au barreau de PARIS, E0406 et en présence de M. Michel ROUSSON (délégué syndical ouvrier dûment mandaté)
INTIMÉES
S.A. EDF
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, G 891
CNIEG
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Julie LE BOURHIS, avocate au barreau de NANTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2013, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 10 mars 2010 ayant débouté de l'ensemble de ses demandes M. [F] [M] et l'ayant condamné aux dépens ;
Vu la déclaration d'appel de M. [F] [M] reçue au greffe de la cour le 26 avril 2010 ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 9 janvier 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [F] [M] qui demande à la cour :
d'infirmer le jugement entrepris
statuant à nouveau,
de condamner la SA EDF à titre principal à lui payer les sommes indemnitaires de 350 000 € pour discrimination ainsi que violation du principe d'égalité de traitement et 50 000 € pour préjudice moral tout en ordonnant son repositionnement à effet au 1er juillet 2008 sur le NR IA (coefficient 1030,8 / salaire brut moyen de 10 316 € mensuels) avec la condamnation de la CNIEG à régulariser les pensions de retraite servies et à servir à compter du 1er juillet 2008 sur l'assiette du salaire ainsi fixé, et subsidiairement à lui régler les sommes indemnitaires de 950 000 € (discrimination / égalité de traitement) ainsi que 50 000 € (préjudice moral)
de juger que la rupture du contrat de travail intervenue du 1er juillet 2008 produit les effets d'un «licenciement nul» en condamnant en conséquence la SA EDF à lui verser les sommes de 169 677,26 € d'«indemnité spéciale de licenciement» (demande nouvelle), 20 356 € et 2 035 € de congés payés afférents au titre de l'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis / 2 mois de salaires, 399 782,57 € d'indemnité pour violation du statut protecteur ainsi que 950 000 € d'indemnité pour licenciement nul
de condamner en tout état de cause la SA EDF à lui régler 14 718,78 € de rappel sur solde de tout compte régularisé au 1er juillet 2008 ainsi que 50 000 € d'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, outre la remise des documents conformes sous astreinte définitive de 50 € par jour de retard, la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les intérêts au taux légal avec capitalisation sur l'ensemble des sommes lui étant allouées ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 9 janvier 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la SA EDF qui demande à la cour de confirmer le jugement déféré ;
La CNIEG, représentée par son conseil à l'audience du 9 janvier 2013, accepte le désistement de M. [F] [M] à son égard.
MOTIFS
M. [F] [M] a été recruté par la SA EDF le 17 janvier 1979 en qualité d'agent stagiaire (catégorie 10 ' classe B ' échelon 2) avant d'être titularisé le 12 mai 1980 avec effet rétroactif à son entrée dans l'entreprise, et a occupé au sein de celle-ci différentes fonctions (ingénieur de janvier 1981 à janvier 1986, ingénieur études de février 1986 à juillet 1989, cadres études d'août 1989 à décembre 1991, chef de division études de janvier 1992 à décembre 1994, chef de projet études de janvier 1995 à décembre 2002, chef de projet contrôle de gestion de janvier 2003 à mars 2005 et chef de projet ingénieur d'études économiques à compter d'avril 2005) dans divers services.
M. [F] [M] a été désigné le 10 octobre 2006 représentant syndical Force Ouvrière au sein du CHSCT de la direction production-ingénierie et a été élu le 29 novembre 2007 délégué du personnel suppléant du collège unique de l'établissement «moyens centraux DPI et DOAAT».
Aux termes d'un courrier du 24 septembre 2007 adressé à son employeur, M. [F] [M] a demandé sa mise en inactivité avant de saisir aux mêmes fins dès le lendemain, 25 septembre, le conseil de prud'hommes de Paris en référé.
Par une ordonnance de référé du 19 février 2008, cette juridiction a enjoint à la SA EDF de prononcer la mise en inactivité de Monsieur [F] [M] en application de l'article 3 de l'annexe 3 du statut du personnel des industries électriques et gazières ainsi que du § 112-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions de personnel EDF-GDF.
En exécution de cette décision, la SA EDF a notifié à M. [F] [M] par un courrier du 5 juin 2008 sa mise en inactivité à compter du 1er juillet 2008.
Sur la discrimination et la violation du principe d'égalité de traitement
M. [F] [M] :
- invoque les dispositions de l'article L.1152-2 du code du travail interdisant toute mesure discriminatoire envers un salarié, notamment en matière de rémunération, pour avoir subi «des agissements répétés de harcèlement moral», d'une part, et le principe «à travail égal, salaire égal» obligeant l'employeur à assurer un même niveau de rémunération entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale, d'autre part ;
- revendique la réparation intégrale du préjudice en résultant avec, à titre principal, l'octroi d'une indemnité équivalente aux salaires et accessoires qu'il aurait dû percevoir déduction faite des rémunérations perçues avec son «repositionnement» au 1er juillet 2008 et, subsidiairement, une réparation pécuniaire par équivalence ayant la nature de dommages-intérêts ;
- sur sa reconstitution de carrière au plan salarial, en partant d'un traitement discriminatoire à compter du 1er janvier 1998 et en se comparant à un groupe d'«homologues» (salariés comparables du point de vue de l'âge, de la formation, de la date de recrutement, du métier exercé et de l'unité de rattachement), évalue sa perte globale de rémunération (salaire de base + rémunération de la performance contractualisée et de la disponibilité / cadres + primes de formation) à la somme de 350 000 € entre 1998/2008 ;
- sur son «repositionnement» à compter du 1er juillet 2008 - rupture du contrat de travail - avec la reconnaissance d'un NR (Niveau de Rémunération) IA au coefficient 1030,8, sollicite la fixation d'un salaire moyen de référence de 10 316 € bruts mensuels ;
- dans l'hypothèse où la CNIEG n'aurait pas à régulariser les montants des pensions de retraite servies et à servir postérieurement au 1er juillet 2008 sur la base salariale susvisée, réclame la somme supplémentaire de 600 000 € au titre de son préjudice matériel, soit un total de 950 000 € (600 000 € + 350 000 €).
En réponse, pour s'opposer à ces demandes, la SA EDF considère que la démonstration de M. [F] [M] repose sur une reconstitution de carrière «déraisonnable», rappelle que les dispositions statutaires internes comportent des tableaux d'évolution des rémunérations par collèges ou catégories d'agent et que l'appelant a normalement atteint le GF (Groupe Fonctionnel) 19 à compter du 1er janvier 1999, indique qu'au sein du GF 19 la moyenne d'obtention d'un NR (Niveau de Rémunération) sur les 10 dernières années a été de 2,3 ans, et conteste le «repositionnement» qu'il sollicite sur un niveau de rémunération IA (coefficient 1030,8) à compter du 1er juillet 2008 dans la mesure où cela correspond au classement des cadres dirigeants U2 ou U3, catégorie fonctionnelle à laquelle il n'a jamais appartenu.
1/ La reconstitution de carrière et ses incidences salariales sur la période 1998/2008
M. [F] [M] retient dans ses écritures (page 41) un panel d'«homologues» concernant précisément neuf collègues de travail auxquels il entend se comparer et dont quatre occupent des fonctions de cadre de direction (Messieurs [L] / directeur gestion délégué réseau gaz, [B] / directeur programme SDIN, [S] / directeur des ressources humaines EDF FRANCE, [C] / directeur) ne relevant pas de sa catégorie professionnelle d'appartenance (GF 19).
Dans ces conditions, la méthodologie qu'il entend suivre n'apparaît pas pertinente, ce qui fragilise sa démonstration (ses conclusions, pages 42-47).
Force est ainsi de constater que M. [F] [M] n'apporte pas dans le débat des éléments de fait suffisants de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination ou d'une atteinte au principe d'égalité de traitement, dès lors qu'il se compare à certains salariés ne se trouvant pas dans une situation identique d'un point de vue hiérarchique.
M. [F] [M] sera en conséquence débouté de ses demandes indemnitaires nouvelles tant à titre principal que subsidiairement pour «traitement discriminatoire et violation du principe d'égalité de traitement» (ses écritures pages 44 à 48 et 61).
2/ Le «repositionnement» à compter du 1er juillet 2008
La SA EDF produit (ses pièces 25-26) les grilles indiciaires applicables aux rémunérations des agents des industries électriques et gazières répartis en groupes fonctionnels dont celui correspondant au collège des cadres classés de 12 à 19, étant précisé que le GF 19 représente pour les cadres le niveau le plus élevé (ingénieurs en chef) avant l'accession à la catégorie supérieure hors classe des directeurs ou cadres dirigeants.
M. [F] [M], en revendiquant le NR IA / classification U2-U3, entend ainsi se voir reconnaître un des échelons les plus élevés de l'annexe 3 «grille des chefs d'unité» à la convention du 31 mars 1982 modifiée en 2006 (renvoi à la pièce 28 de l'intimée).
Comme le rappelle sur ce point la SA EDF, la promotion des agents se traduit par le passage d'un GF à un GF plus élevé dans une même catégorie d'emploi ou une catégorie différente, et l'accession au niveau le plus élevé des chefs d'unité ou cadres dirigeants se fait au choix, de manière non automatique, en considération des qualités managériales reconnues parmi les cadres détectés en interne comme à «haut potentiel» et susceptibles de se voir confier des responsabilités de «dirigeant du groupe (au-delà du niveau directeur d'unité ou équivalent»(pièce 42 de l'intimée).
Il s'en déduit que M. [F] [M], qui n'est pas passé du GF 19 à la catégorie supérieure des chefs d'unité ou cadres dirigeants, ne peut pas solliciter un «repositionnement» sur la base d'un NR IA - coefficient 1030,8 à compter du 1er juillet 2008.
La cour le déboutera ainsi de cette demande nouvelle.
Sur le harcèlement moral
Pour se considérer comme ayant été victime d'un harcèlement moral de la part de l'intimée, M. [F] [M] précise qu'il a été porté atteinte à son droit statutaire à un poste correspondant à son niveau de qualification, que de fait il a été placé en «étoffement-extinction» hors organigramme et sans affectation de 1997 à 2008 avec des affectations d'office sans logique administrative, que plus précisément sur ladite période, il a été confronté à une absence totale de poste jusqu'en juillet 2006 et au-delà, à de prétendues mutations sur des emplois fictifs, qu'après sa nomination en GF (Groupe Fonctionnel) 19 en 1999 il n'a plus eu d'avancement et d'entretien d'évaluation avec fixation d'objectifs ce qui l'a pénalisé dans son niveau de rémunération variable et le bénéfice de certains avantages comme les «jours supplémentaires de disponibilité Cadres», que courant 2006 il lui a été décompté unilatéralement quatre demi-journées de congés payés, que sa demande de départ en retraite anticipée du 24 septembre 2007 a tout d'abord été ignorée puis refusée par EDF qui a repoussé jusqu'au 1er juillet 2008 son effectivité malgré la procédure prud'homale introduite, qu'il a subi un arrêt brutal de son déroulement de carrière de 1997 à 2006 puisqu'il n'a eu sur cette période aucune évolution promotionnelle en dépit des formations qualifiantes suivies, et que ces agissements répétés ont eu pour conséquence une aggravation sensible de son état de santé tant physique que mentale à l'origine d'un préjudice moral dont il demande réparation à concurrence de la somme de 50 000 €.
Pour contester toute pratique de harcèlement moral sur la personne de l'appelant, la SA EDF rappelle qu'a été classée sans suite la plainte déposée par M. [F] [M] auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Bobigny, qu'il lui a été attribué des emplois après avoir passé normalement des entretiens et bilans de compétence jusqu'en 2006, que dans la mesure où celui-ci a refusé à la fin de l'année 2006 une nouvelle mission sur le management des risques, il a été décidé en janvier 2007 de saisir la Direction Production Ingénierie d'une demande de recherche d'un emploi en dehors de la Division Combustible Nucléaire, qu'ayant atteint en janvier 1999 le GF 19 qui correspond au plus haut niveau fonctionnel des cadres il ne pouvait pas pour autant être promu chef d'unité ou cadre dirigeant - avancement au choix - en raison de certaines carences comportementales incompatibles avec des responsabilités dans le management, qu'il n'a jamais subi des mesures vexatoires en matière de jours de congés payés, et que sa demande de retraite anticipée dans le contexte réglementaire de 2007 a été traitée de la même manière que celles de ses autres collègues de travail concernés.
L'article L.1154-1 du code du travail dispose que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du même code, et qu'au vu de ces éléments il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [F] [M] produit notamment aux débats les pièces suivantes :
- les courriers qu'il a reçus de différentes directions internes (EDF PRODUCTION TRANSPORT / Délégation aux combustibles / Moyens centraux ; EDF POLE INDUSTRIE / Division combustibles) l'informant qu'il est placé à compter de septembre 1997 en «étoffement-extinction» qui correspond à la situation d'un agent «disponible» mais sorti de l'organigramme, position qu'il occupera de fait jusqu'en 2008 (97 à 102) ;
- la déposition de M. [R], directeur de division, lors de l'enquête préliminaire de police courant 2009 qui confirme avoir obtenu en 2000 son inscription «sur la liste des cadres disponibles afin qu'il exerce une opportunité de travail dans une autre unité», ce qui renvoie implicitement à la position dite d'«étoffement-extinction» hors organigramme interne (105) ;
- celle de M. [V], ingénieur et collègue de travail, qui précise : «M. [M] est un cadre supérieur qui travaillait à la division combustible nucléaire à laquelle je suis rattaché également. Il avait une situation problématique pour qu'il puisse trouver un point de chute. Il n'avait aucun poste fixe dans l'organigramme ' Il y avait peut-être un problème relationnel avec la direction qui avait quelques réticences à lui donner un poste en adéquation avec ses compétences et ses responsabilités ' C'est une personne compétente, très intelligente, il ne tournait pas autour du pot. En fait, à l'époque, si nous n'étions pas d'accord avec le management, nous étions vite placardisé, mis à l'écart» (114) ;
- celle de M. [Z], directeur des ressources humaines, qui, à la question : «En votre qualité de DRH, pourquoi Monsieur [M] n'a pas eu d'avancement professionnel pendant 10 ans '», répondra : «Il arrive au bout, nous ne pouvions pas faire plus pour lui» (115) ;
- celle de M. [P], directeur adjoint, qui, à la question : «(M.[M]) a-t-il fait l'objet de sanction '», donnera la réponse suivante : «L'absence de prime et d'avancement était déjà une forme de sanction mais il n'y a pas eu de note écrite» (107) ;
- les documents réglementaires internes sur l'évaluation professionnelle (pièces 120 à 122) à laquelle il n'a pas été soumis durant ses 10 dernières années d'activité professionnelle sans aucune perspective d'évolution professionnelle (renvoi à l'appréciation du directeur des ressources humaines, pièce 115 susvisée) ;
- le courriel du 16 juin 2008 d'un de ses collègues de travail (M. [G]) avec lequel il partageait le même bureau et dans lequel celui-ci fait part à la direction de leurs conditions de travail dégradées au plan matériel (112) ;
- les données médicales sur les atteintes portées à son état de santé d'origine professionnelle (65, 31, 37, 51,73) avec, notamment, le courriel adressé le 29 mars 2007 par le médecin du travail à l'employeur en ces termes : «Suite à la rencontre ' avec monsieur [F] [M], dans le cadre d'une visite de pré-reprise ' je me permets d'attirer votre attention sur sa situation professionnelle très préoccupante. Le 17 janvier ' le Directeur de la DCN (Division à laquelle il est rattaché), monsieur [R], mentionnait dans un courrier la demande de recherche d'emploi ' hors de la DCN pour cet agent ' Cette demande qui me paraît légitime et adaptée semble aujourd'hui sans suite. Le retentissement de cette situation sur la santé de monsieur [M] est très inquiétant ' Il me paraît donc nécessaire d'activer cette recherche» (40).
Force est de constater que la SA EDF, qui se contente de généralités, se réfère essentiellement à la décision de classement sans suite au pénal par les services du parquet du tribunal de grande instance de Bobigny, et cherche à exploiter les propres pièces de l'appelant en les assortissant de commentaires qui en dénaturent le contenu, sans être elle-même en mesure de convaincre la cour que sa pratique managériale vis-à-vis de M. [F] [M] n'était pas constitutive de harcèlement moral et que ses décisions le concernant sur les 10 dernières années de leur collaboration reposaient exclusivement sur des considérations objectives étrangères à tout harcèlement au sens des dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail.
Infirmant le jugement déféré, la SA EDF sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
Au soutien de sa demande visant à faire juger que la rupture de son contrat de travail intervenue le 1er juillet 2008 produit les conséquences indemnitaires d'un licenciement nul, M. [F] [M] précise qu'en raison de ses mandats électifs et syndicaux la SA EDF aurait dû solliciter l'autorisation préalable de l'inspection du travail pour le mettre en inactivité suite à l'ordonnance de référé précitée, qu'en toute hypothèse il ressort que sa demande à cette fin par courrier du 24 septembre 2007 manifeste que la rupture de son contrat de travail est fondée sur des griefs imputables à l'employeur, rupture devant ainsi être qualifiée de licenciement puisqu'intervenue alors qu'il refusait de subir des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral ayant altéré son état de santé comme précédemment démontré, et que dans un tel contexte il est en droit de prétendre à diverses indemnités (indemnité spéciale de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnités pour violation du statut protecteur et pour licenciement nul).
Considérant qu'aucune pratique de harcèlement moral ne peut lui être imputée, la SA EDF, pour s'opposer à ces réclamations indemnitaires, se borne à indiquer que la demande en inactivité - départ à la retraite - formulée par M. [F] [M] dans un courrier du 24 septembre 2007 a été normalement traitée.
L'article L.1152-3 du code du travail dispose que : «Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul».
La mise en inactivité à la demande de M. [F] [M] s'analysant en une mesure équivalente à un départ à la retraite qui constitue un mode spécifique de rupture du contrat de travail, laquelle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral comme précédemment démontré, il y a lieu ainsi de la juger nulle en application du texte précité.
M. [F] [M] ne demandant pas sa réintégration, a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité de son préjudice résultant du caractère illicite de celle-ci et d'un montant au moins égal à 6 mois de salaires par renvoi aux dispositions de l'article L.1235-3 du même code.
Infirmant le jugement querellé, la SA EDF sera ainsi condamnée à payer à l'appelant les sommes suivantes calculées sur la base du dernier salaire de référence (5 925,84 € bruts mensuels / GF 19 ' NR 300) :
- 205 000 € d'indemnité représentant l'équivalent de 35 mois de salaires eu égard à son ancienneté (29 ans) en application de l'article L.1235-3 du code du travail, avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;
- 169 677,26 € d'indemnité spéciale de licenciement égale au double de l'indemnité légale - arrêts de travail consécutifs à un accident du travail - et non contestée dans son quantum, avec intérêts au taux légal partant du 12 décembre 2007, date de réception par l'employeur de la convocation en bureau de conciliation ;
- 11 851,68 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis (2 mois de salaires) et 1 185,16 € d'incidence congés payés avec intérêts au taux légal partant du 12 décembre 2007.
La rupture du contrat de travail étant consécutive à une mise en inactivité qui correspond à un départ à la retraite, ce qui ne nécessitait pas une autorisation administrative préalable nonobstant les mandats électifs et syndicaux de M. [F] [M], le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire pour «violation du statut protecteur» portée devant la cour à la somme de 399 782,57 €.
Sur les demandes au titre de la régularisation du reçu pour solde de tout compte et pour violation de l'obligation de sécurité de résultat
Le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] [M] de sa demande en paiement d'un rappel d'indemnités au titre d'une régularisation du reçu pour solde de tout compte qui n'a pas lieu d'être dans la mesure où, comme précédemment démontré, il ne peut pas prétendre à une reconstitution de carrière avec une incidence salariale sur la période de 1998 / 2008.
La SA EDF ayant manqué à son obligation générale de sécurité de résultat vis-à-vis de M. [F] [M], victime en son sein de harcèlement moral durant plusieurs années, la cour la condamnera à lui payer en réparation du préjudice qu'il a subi la somme indemnitaire de 10 000 € majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt (demande nouvelle).
Sur la remise des documents conformes
M. [F] [M] verra rejetée sa réclamation aux fins de délivrance de nouveaux bulletins de paie et documents de fin de contrat sous astreinte.
Sur la capitalisation des intérêts
Il sera ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal dans les conditions de l'article 1154 du code civil.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La SA EDF sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] [M] de ses demandes d'indemnité pour violation du statut protecteur et au titre de la régularisation du reçu pour solde de tout compte ;
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau, condamne la SA EDF à régler à M. [F] [M] les sommes suivantes :
50 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral
205 000 € d'indemnité sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail
avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt,
169 677,26 € d'indemnité spéciale de licenciement
11 851,68 € d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis et 1 185,16 € d'incidence congés payés
avec intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2007 ;
Y ajoutant :
DÉBOUTE M. [F] [M] de ses demandes pour discrimination et violation du principe d'égalité de traitement (reconstitution de carrière 1998/2008 et «repositionnement» à compter du 1er juillet 2008) ;
CONDAMNE la SA EDF à payer à M. [F] [M] la somme indemnitaire de 10 000 € pour manquement à son obligation de sécurité de résultat avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;
DIT n'y avoir lieu à la remise par la SA EDF à M. [F] [M] de nouveaux bulletins de paie et documents de fin de contrat ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts au taux légal dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
CONDAMNE la SA EDF à verser à M. [F] [M] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA EDF aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE