La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2013 | FRANCE | N°10/06252

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 20 février 2013, 10/06252


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 20 Février 2013



(n° , 10 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06252



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 08/04342





APPELANT

Monsieur [X] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Bruno SCARDINA, avocat au barreau d

'ANGERS





INTIMÉE

S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS, P0259





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 20 Février 2013

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06252

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section commerce - RG n° 08/04342

APPELANT

Monsieur [X] [W]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Bruno SCARDINA, avocat au barreau d'ANGERS

INTIMÉE

S.A.S. UFIFRANCE PATRIMOINE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Eric PERES, avocat au barreau de PARIS, P0259

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Janvier 2013, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [X] [W] a été embauché par la SAS Ufifrance Patrimoine le 22 avril 2009 en qualité de démarcheur.

À la faveur de différentes modifications de son contrat de travail, il est devenu conseiller en gestion de patrimoine.

Le 23 novembre 2007, il a adressé à l'employeur une lettre dans laquelle il prenait acte de la rupture de son contrat de travail en raison de différents manquements dont il considérait qu'ils avaient pour effet de rendre la rupture imputable à ce dernier.

C'est dans ces conditions qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de Paris en vue de se voir allouer diverses sommes.

Par jugement en date du 11 juin 2010, ce dernier a considéré que la lettre du 23 novembre 2007 constituait une démission et a condamné la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1153 du code civil.

Il a également condamné M. [X] [W] à payer à la SAS Ufifrance Patrimoine la somme de 13 060 € à titre de dommages et intérêts pour brusque rupture.

Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 16 juillet 2010, M. [X] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Il demande à la cour :

- de condamner la SAS Ufifrance Patrimoine à lui payer pour la période courant de mars 1998 à février 2003 une somme mensuelle de 1500 € par mois travaillé à titre de remboursement des frais exposés dans le cadre de l'exécution de son travail

- de condamner également la SAS Ufifrance Patrimoine à lui payer, à titre de remboursement des frais professionnels qu'il a exposés et qui n'ont pas été remboursés les sommes suivantes :

18 232,80 € pour l'année 2003

24 392 € pour l'année 2004

21 691,96 € pour l'année 2005

31 892 € pour l'année 2006

34 476,67 € pour l'année 2007

Le tout avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et avec capitalisation.

- de condamner la SAS Ufifrance Patrimoine à lui payer :

la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail

la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

la somme de 13 060,23 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 306 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

14 217,13 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage subi en raison du maintien abusif dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle

5 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

De son côté, la SAS Ufifrance Patrimoine conclut au rejet de l'ensemble des demandes formées à son encontre et reconventionnellement, sollicite la condamnation de M. [X] [W] à lui payer la somme de 13 060 € à titre de dommages intérêts pour brusque rupture et celle de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par le salarié dans les mois ayant précédé son départ.

Elle demande également sa condamnation à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le contrat de travail du 4 septembre 1989 aux termes duquel M. [X] [W] était embauché comme démarcheur stagiaire puis, selon conditions particulières du 22 avril 1991, en qualité de titulaire, prévoyait :

- un traitement mensuel fixe égal au SMIC majoré de 1/10e au titre des congés payés mais constituant une simple avance donnant lieu à report et imputation le mois suivant sur la rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires

- une rémunération brute proportionnelle au chiffre d'affaires, calculée selon un barème incluant les congés payés, après déduction du traitement fixe, étant précisé que les traitements fixes et commissions versées couvraient tous les frais, avances et débours que le salarié pouvait être amené à exposer

- une clause de non-concurrence aux termes de laquelle, après résiliation de son contrat, le salarié s'interdisait de reprendre contact avec les clients de la société qu'il avait démarchés, conseillés ou suivis dans le cadre de ses fonctions, en vue de leur proposer une formule de placement de quelque nature que ce soit pendant une durée de 24 mois à compter de la cessation effective de son activité

Un nouveau contrat de travail a été signé entre les parties le 2 octobre 1992, prévoyant pour l'essentiel les mêmes dispositions et ajoutant une clause dite de « non débauchage » prévoyant que dans le cas où après le départ du salarié de la société, celui-ci aurait la qualité d'associé, ou une qualité semblable, ou un rôle de dirigeant de fait ou de droit dans une entreprise concurrente, il serait tenu, personnellement et au nom de cette entreprise, de ne pas engager dans celle-ci du personnel de la société ou du personnel ayant travaillé au sein de la société au cours des 12 derniers mois, et cela pendant deux ans après son départ.

Cependant, un arrêt de la Cour de Cassation du 25 février 1998 a posé le principe « que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC».

Cette solution a été répétée, notamment dans un arrêt du 24 octobre 2001 à propos d'un litige opposant à la SAS Ufifrance Patrimoine, l'un de ses salariés.

À la suite d'un accord d'entreprise signée le 28 février 2003, les parties ont établi un nouveau contrat de travail le 3 mars 2003.

Celui-ci prévoyait, notamment, au titre de la rémunération :

Que le salarié percevrait « une rémunération annuelle forfaitaire, incluant une majoration de 10 % au titre de l'indemnité de congés payés, et correspondant à l'horaire annuel maximal de travail fixé au présent contrat. Elle se compose d'une partie fixe et une partie variable.

La partie fixe, appelée également traitement de base, est constitué d'un salaire de base égal au SMIC mensuel, majoré d'une indemnité brute de 10 % au titre des congés payés et de la somme brute de 230 € correspondant au remboursement forfaitaire des frais professionnels.

La partie variable est constituée d'une commission de production directe et/ou indirecte « initiation » et de gratifications (bonus d'activité et rémunération suivi client).

Les commissions et gratifications,dont les barèmes figurent en annexe, ne seront versées que lorsque les objectifs d'activité tels que fixés à l'article 1.3 du contrat de travail seront atteints, et pour la fraction générée excédant le seuil de déclenchement fixé à 100 % du traitement de base.

En cas de non atteinte du seuil mensuel applicable, les commissions générées ne donneront pas lieu à règlement.

Dans l'hypothèse où, le seuil de déclenchement mensuel ne serait pas atteint, le différentiel en résultant serait alors imputé sur la partie variable générée le ou les mois suivants, pour la détermination du déclenchement de la fraction excédentaire de la partie variable et du montant à régler au collaborateur.

Les versements au titre de la partie variable incluront une indemnité de 10 % correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels et une indemnité de 10 % au titre des congés payés. ».

Ce contrat prévoyait à nouveau une clause de non-concurrence aux termes de laquelle le salarié s'interdisait « d'entrer en relation, directement ou indirectement, et selon quelque procédé que ce soit, avec les clients de la société dont il a eu la charge, et pour lesquels il aura perçu une commission de production directe et des gratifications durant les 12 mois précédant son départ en vue de leur proposer une formule de placement, pendant une durée de 24 mois, à compter de sa date de sortie des effectifs. ».

I - Sur la prescription

Considérant que les clauses des différents contrats de travail successifs relatives à l'imputation des frais sur les commissions ou à un remboursement forfaitaire devaient être considérées comme nulles, M. [X] [W] réclame le remboursement de l'intégralité des frais qu'il a exposés depuis l'origine dans le cadre de son activité.

La SAS Ufifrance Patrimoine lui oppose une prescription de cinq années de telle sorte que la demande ayant été introduite devant le conseil de prud'hommes 14 avril 2008, sa créance éventuelle serait prescrite pour toute la période antérieure au 14 avril 2003.

M. [X] [W] fait valoir d'une part que l'accord d'entreprise du 28 février 2003 et la modification du contrat de travail qui s'en est suivie le 3 mars 2003 doivent être considérés comme la reconnaissance par l'employeur de son droit de créance de sorte que par application de l'article 2248 du Code civil, la prescription s'est trouvée interrompue.

D'autre part, il invoque l'article 2224 du code civil dont il résulte que la prescription n'a pas commencé à courir contre celui qui ignorait l'existence de son droit puisqu'en effet selon lui, la nullité des clauses litigieuses résultait d'arrêts de la Cour de cassation du 25 février 1998 et du 24 octobre 2001, décisions que non seulement l'employeur n'a pas porté à sa connaissance mais a au contraire, délibérément ignoré en maintenant en vigueur des dispositions contractuelles qui se trouvaient en contrariété avec elles.

L'article L3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l'article 2224 du Code civil.

Il n'est pas contesté que la prescription dont il s'agit est applicable en l'espèce puisque la notion d'action en paiement des salaires s'entend de toute action concernant les sommes liées à l'exécution du contrat de travail.

Il convient de préciser à ce sujet que si selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription, ce n'est qu'à la condition qu'elle ait été signifiée au débiteur, de telle sorte que dans le cas présent, la prescription n'a pas pu être interrompue par la seule saisine du conseil de prud'hommes le 14 avril 2008 mais par la date à laquelle la convocation devant le conseil a été remise à l'employeur, c'est-à-dire le 22 avril 2008.

Si l'écoulement de la prescription peut être interrompu par la reconnaissance que le débiteur fait de la créance concernée, ni l'accord d'entreprise du 28 février 2003 ni le contrat de travail du 3 mars 2003 ne comportent une reconnaissance quelconque d'une créance éventuelle de remboursement de frais professionnels même s'ils avaient effectivement pour objet de tirer les conséquences des arrêts de la Cour de cassation précisant le régime de ces remboursements et posant le principe du droit pour le salarié d'obtenir un tel remboursement, fût-ce de manière forfaitaire.

En tout état de cause, ainsi que l'a parfaitement retenu le conseil de prud'hommes, à supposer que l'accord d'entreprise du 28 février 2003 ou le contrat de travail du 3 mars 2003 aient pu opérer interruption de prescription, un nouveau délai aurait commencé à courir dès le lendemain, c'est-à-dire dès le 4 mars 2003 et aurait nécessairement pris fin le 3 mars 2008 de telle sorte que la prescription aurait été acquise à la date à laquelle la demande en justice a été portée à la connaissance de l'employeur, le 22 avril suivant.

Par ailleurs, l'article 2234 du code civil prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, la convention ou de la force majeure.

Mais c'est, par application de ce texte, l'ignorance de l'existence d'un droit subjectif qui peut éventuellement être une cause de suspension de la prescription à la condition toutefois que celle-ci soit légitime et raisonnable.

Dans le cas présent, ce qu'allègue l'appelant est l'ignorance du droit positif, c'est-à-dire de l'état du droit, ce qui ne peut constituer une cause de suspension de la prescription.

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la prescription est acquise pour tous les faits antérieurs de plus de cinq années à la date du 22 avril 2008.

II - Sur la nullité de la clause 2.3 du contrat de travail du 3 mars 2003

Cette clause prévoit, in fine, que « les versements au titre de la partie variable incluront une indemnité de 10 % correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels et une indemnité de 10 % au titre des congés payés. ».

M. [X] [W] considère que cette clause doit être considérée comme nulle en ce qu'elle est contraire aux exigences de la Cour de cassation qui prohibe l'intégration des frais professionnels dans les commissions et en ce qu'elle interdit au salarié de connaître à l'avance l'ampleur du remboursement auquel il aura droit puisqu'il ne connaît qu'en fin de mois son chiffre d'affaires et ses commissions.

En premier lieu, même si cette disposition ne fixe pas de manière précise le montant forfaitaire du remboursement des frais dû au salarié, ces modalités lui permettent néanmoins d'en avoir connaissance en considération de son chiffre d'affaires et de ses commissions.

En second lieu, si comme le prétend l'appelant en se fondant sur un arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2011, il appartient au juge de vérifier si le montant de la part variable de la rémunération liée au chiffre d'affaires réalisé était calculé selon les modalités prévues par le contrat de travail, indépendamment de tout remboursement de frais professionnels, il n'en résulte pas pour autant que la clause dont il s'agit, qui était celle en cause dans cette affaire, doit être déclarée comme illicite.

En effet, même si cette clause peut apparaître comme quelque peu ambiguë, elle doit s'interpréter de telle manière qu'elle ait une signification.

Or, déduire de cette clause, comme le fait l'appelant, que l'indemnité de 10 % correspondant à un complément de remboursement forfaitaire des frais professionnels s'imputerait sur les commissions elles-mêmes revient en réalité à nier l'existence d'une telle indemnité de 10 % et à décider qu'hormis l'indemnité forfaitaire de 230 € qui s'ajoute au salaire fixe, la totalité des frais professionnels est prise en charge par le salarié sur ses propres commissions.

Cette clause ne peut donc que s'interpréter que comme instituant, en sus des commissions, une indemnité égale à 10 % de ces dernières au titre des frais professionnels.

Elle est donc licite et ne prête pas le flanc à l'annulation.

III - Sur les remboursements de frais pour la période postérieure au 22 mars 2003

Il est constant que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise doivent être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération du travail proprement dite reste au moins égale au SMIC.

Ainsi qu'il a été vu, les dispositions contractuelles du 3 mars 2003 relatives au remboursement des frais professionnels doivent être considérées comme licites et par conséquent, M. [X] [W] ne peut réclamer, comme il le fait, l'intégralité des frais professionnels qu'il a pu exposer depuis 2003.

Par conséquent, il ne peut réclamer que le paiement du forfait prévu par le contrat mais aussi, le cas échéant, la différence entre le SMIC garanti et la rémunération qu'il a effectivement perçue après déduction des frais professionnels réels lorsque celle-ci lui est inférieure.

En l'espèce, M. [X] [W] se borne à calculer le montant total des frais qu'il a exposés chaque année entre 2003 et 2007 mais il ne prétend nullement et en tout cas, ne démontre pas, que certains mois, sa rémunération effective, déduction faite des frais réels, était inférieure au SMIC, seul cas l'autorisant à réclamer un remboursement de frais excédant les forfaits prévus par le contrat et à hauteur seulement de la différence ainsi constatée.

Mais il apparaît en revanche que l'employeur n'a lui-même pas respecté les clauses du contrat de travail puisque l'on peut constater qu'aucun remboursement de frais n'a été opéré en sus des commissions.

Aux termes du contrat, la structure de la rémunération du salarié doit être la suivante :

salaire de base égal au SMIC mensuel

+ 10 % congés payés

+ forfait remboursement de frais de 230 €

+ portion des commissions excédant ce traitement de base (seuil de déclenchement)

+ indemnité forfaitaire complémentaire de 10 %

Or, si comme l'employeur l'affirme, les feuilles de paie font bien apparaître les différentes composantes de cette rémunération totale, cette présentation est purement factice ainsi qu'il résulte de la comparaison des feuilles de paie avec les relevés de commissions que M. [X] [W] produit aux débats.

On constate en effet que la rémunération totale figurant sur les bulletins de paie est toujours égale au montant des commissions brutes dues au salarié (dans l'hypothèse bien entendu où celles-ci dépassent le minimum garanti égal au SMIC).

L'examen attentif de ces documents révèle que le montant des commissions indiqué sur les bulletins de paie, au lieu d'être égal à celui figurant sur les relevés de commissions calculées en fonction du chiffre d'affaires et déduction faite de la rémunération de base (salaire de base + Congés payés + forfait 230 €) comme le prévoit le contrat, est artificiellement déterminé en déduisant en outre l'indemnité complémentaire de 10 % alors que celle-ci doit s'y ajouter.

Par conséquent, M. [X] [W] peut prétendre au remboursement des indemnités forfaitaires de remboursement de frais qui ont été à tort intégrées dans les commissions.

Cela représente donc, selon les propres calculs de l'employeur qui affirme avoir payé cette somme à titre de remboursement des frais professionnels depuis 2003, un montant de 39 285,70 € (conclusions page 9).

IV - Sur la nullité de la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence insérée dans les différents contrats et avenants signés par le salarié, et en particulier celle figurant dans le contrat du 3 mars 2003 était incontestablement nulle ne serait-ce que parce qu'elle ne prévoyait aucune contrepartie financière.

Or, M. [X] [W] fait observer à juste titre que dès le 10 juillet 2002, la Cour de cassation avait précisé qu'une clause de non-concurrence n'était licite que si elle était indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tenait compte des spécificités de l'emploi du salarié et comportait l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Il établit que l'employeur en a eu connaissance très vite puisque dès le 17 juillet 2002, un message électronique était diffusé au sein de l'entreprise par un responsable juridique pour attirer l'attention sur cette exigence et concluait: « notre clause n'est plus valable et nous ne sommes plus fondés à présent à invoquer la violation de cette clause dans nos contentieux pour concurrence déloyale.

Nous devons donc renégocier ces clauses et déterminer la contrepartie financière qui sera le cas échéant contrôlée par le juge. ».

C'est donc en toute connaissance de cause que l'employeur a néanmoins choisi d'insérer à nouveau une clause de non-concurrence ne prévoyant aucune contrepartie financière dans le contrat du 3 mars 2003.

L'existence d'une telle clause cause nécessairement un préjudice au salarié quand bien même, comme en l'espèce, il en aurait été délié non pas dès la rupture du contrat de travail le 23 novembre 2007, mais seulement le 31 décembre suivant, puisque, au cours de l'exécution du contrat de travail, cette clause a pour effet de dissuader le salarié de quitter l'entreprise en l'empêchant de postuler dans des entreprises concurrentes et d'accepter d'elles des offres d'embauche.

Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de M. [X] [W] tendant à se voir allouer une indemnité d'un montant de 5000 € en réparation de ce préjudice.

V - Sur la rupture du contrat de travail

Dans sa lettre de prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, M. [X] [W] énumérait certain nombre de griefs mais il suffit de constater:

- que malgré les arrêts répétés de la Cour de cassation et en particulier l'arrêt du 20 octobre 2001 concernant directement l'intimée, l'accord d'entreprise qu'elle a signé le 28 février 2003 et les propres termes du contrat de travail qu'elle a établi le 3 mars 2003, celle-ci a continué à imputer intégralement les frais professionnels sur les commissions dues aux salariés, annihilant ainsi le forfait supplémentaire de 10 % qu'elle avait elle-même institué.

- que de la même façon, elle a inclu dans ce contrat de travail une clause de non-concurrence qu'elle savait pertinemment être nulle.

Il y a donc lieu d'en déduire qu'en raison de ces manquements graves, la rupture du contrat de travail lui était imputable et devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

Dans ces conditions, le salarié peut prétendre aux sommes suivantes, étant précisé que la moyenne des salaires bruts des 12 derniers mois telle qu'elle résulte de l'attestation ASSEDIC s'établit à 6530,12 € :

- indemnité compensatrice de préavis calculée sur la base de deux mois de salaire en application de l'article 1234-1du code du travail en l'absence de convention collective applicable : 13 060,23 €, outre 1306 € au titre des congés payés afférents

- indemnité légale de licenciement : 14 217,13 € selon un calcul précis proposé par le salarié, conforme à la législation alors applicable et non contesté

- indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse pour un salarié totalisant 18 ans et quatre mois d'ancienneté : 40 000 €

Il découle nécessairement ce qui précède que la rupture du contrat de travail ne s'analysant pas en une démission, la demande de l'employeur tendant à voir condamner le salarié à lui payer des dommages-intérêts en raison de l'absence d'exécution du préavis ne peut qu'être rejetée.

VI - Sur le remboursement des allocations chômage

Aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail,en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou nul et lorsque le salarié disposait d'une ancienneté au moins égale à deux années dans une entreprise comportant au moins onze salariés, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Il sera donc fait application de ces dispositions, dans la limite de six mois de versement.

VII - Sur les dommages et intérêts en réparation d'un préjudice distinct lié au manquement de l'employeur à son obligation de bonne foi

Ainsi qu'il a été vu, l'employeur a manifestement manqué à son obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi en faisant sorte de priver le salarié de tout remboursement de frais professionnels et ce, malgré des décisions de justice l'ayant condamné dans des cas semblables et malgré les propres termes de son contrat de travail, rédigé, sans doute à dessein, de manière ambiguë.

Il en a été de même lorsqu'il a persisté à inclure une clause de non-concurrence dont il ne pouvait ignorer qu'elle était nulle.

Il en est bien résulté pour l'appelant un préjudice distinct de tous ceux réparés par ailleurs ainsi que des intérêts moratoires dans la mesure en particulier où l'absence de remboursement des frais professionnels a nécessairement atteint les capacités d'épargne de l'appelant ainsi que son niveau de vie.

Il y a donc lieu de lui accorder à ce titre la somme de 10 000 € de dommages et intérêts.

VIII - Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail

La SAS Ufifrance Patrimoine sollicite la condamnation de M. [X] [W] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts en faisant valoir qu'à la suite du départ de ce dernier, en novembre 2007, elle a pu constater des rachats très importants sur la clientèle qui était suivie par ce dernier, à hauteur d'une somme de 4 581 967,95 € jusqu'en octobre 2008.

Elle en déduit que cela était le résultat des agissements du salarié avant même sa démission, celui-ci ayant profité des rendez-vous auquel il procédait avec sa clientèle pour le compte de l'employeur pour les informer de son prochain départ.

Mais si en effet, les pièces produites par l'employeur, qui ne sont que des documents internes, font bien apparaître des rachats de contrat pour des montants dont la moyenne mensuelle était bien supérieure après le départ de M. [X] [W] qu'avant celui-ci, la preuve n'est néanmoins pas rapportée que cette circonstance serait imputable à des agissements de l'intéressé au cours de l'exécution de son contrat de travail et ce d'autant moins que celui-ci démontre qu'il a certes créé une société ayant une activité concurrente mais plus d'un an plus tard, c'est-à-dire le 19 janvier 2009.

Cette demande doit donc être rejetée.

IX - Sur les intérêts au taux légal

En ce qui concerne les rappels de remboursements de frais, les intérêts des sommes accordées au salarié courent, conformément à l'article 1153 du code civil, au jour de la demande, c'est-à-dire à compter du 22 avril 2008, date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation , qui vaut mise en demeure, et non de la date de la décision ayant déterminé leur montant.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

X - Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît équitable d'accorder à M. [X] [W], qui a dû agir en justice pour ses droits, une indemnité d'un montant de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes du 11 juin 2010 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] la somme de 39 285,70 € à titre de rappel d'indemnités de remboursement de frais, avec intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2008, capitalisables par année entière ;

CONDAMNE la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] la somme de 5 000 € à titre de dommages intérêts en raison du préjudice lié à la nullité de la clause de non-concurrence ;

DÉCLARE la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur et en conséquence, condamne la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] les sommes suivantes :

- 13 060,23 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1306 € au titre des congés payés afférents

- 14 217,13 € au titre de l'indemnité légale de licenciement

- 40 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

CONDAMNE la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] la somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;

DÉBOUTE la SAS Ufifrance Patrimoine de ses demandes en dommages et intérêts ;

ORDONNE le remboursement par la SAS Ufifrance Patrimoine à Pôle emploi des indemnités de chômage dans la limite de six mois de versement ;

CONDAMNE la SAS Ufifrance Patrimoine à payer à M. [X] [W] la somme de 4 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/06252
Date de la décision : 20/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/06252 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-20;10.06252 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award