RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 14 Février 2013
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 12/04188
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Février 2012 par le conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° F10/7900
DEMANDEUR AU CONTREDIT
Monsieur [U] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0021
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
SA XD PRODUCTIONS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Evelyne HEIZMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0362
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LEBÉ, Président
Madame Catherine BÉZIO, Conseiller
Madame Martine CANTAT, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Irène LEBÉ, Président
- signé par Madame Irène LEBÉ, Président et par Madame FOULON, Greffier présent lors du prononcé.
**********
Statuant sur le contredit formé par M.[U] [M] à la suite du jugement en date du 15 février 2012 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré incompétent, au profit du tribunal de grande instance de Paris, pour statuer sur les demandes de M.[M] dirigées contre la société XD PRODUCTIONS';
Vu les écritures remises et soutenues à l'audience du 10 janvier 2013, par lesquelles M.[M], reprenant les termes de son contredit, prie la cour d'accueillir son contredit et, au regard du contrat de travail ayant existé entre lui et la société XD PRODUCTIONS, de déclarer le conseil de prud'hommes compétent et d'évoquer';
Vu les écritures développées à la barre par la société XD PRODUCTIONS qui sollicite le rejet du contredit et, subsidiairement, le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Paris, sans évocation';
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties qu'au mois d'août 2008, M.[M] est entré en relation avec la société XD PRODUCTIONS, productrice notamment de l'émission télévisée «'SCIENCE X'» diffusée sur la chaîne France 2';
qu'à l'occasion du trentième anniversaire de la première ascension française du mont Everest, M.[M] journaliste pigiste à l'hebdomadaire Le Point et alpiniste confirmé, a souhaité entreprendre à nouveau cette ascension, sans oxygène';
qu'une télécopie datée du 14 août 2008 adressée par le président de la société XD PRODUCTIONS informait en ces termes, les diverses personnes faisant partie de l'émission SCIENCE X':
«'Suite à la réunion du 13 08 avec M.[M] au sujet du tournage au Népal, ont été envisagés les éléments suivants : il est confirmé l'intérêt de XD et de [S] et [P] [E] pour la mise en 'uvre de 3 reportages d'environ 4 minutes relatant 1) la préparation 2) l'ascension et 3)le record de la victoire sur l'Everset «'sans bouteille'», présentés et exécutés par le journaliste alpiniste M.[M] (...) Sans sponsor nous ne pourrions pas suivre.5 (...)
Le planning, sous réserve de la confirmation de BASF (le sponsor le plus important) de cette opération, est le suivant':
-1)du 1er au 15 09 tournage France': préparation [U](...)
-2)du 15 09 au 15 10 Tournage Népal, ascension...
3)pour le 15 10 victoire pour l'anniversaire de la 1ère ascension et record du sommet sans oxygène
Outre de nombreuses questions à régler (qui peut représenter XD sur place, cadreur ou assistant, qui assure quoi, quand et jusqu'où).
Réunion semaine du 25 pour aller plus loin'»
qu'aucun élément n'est fourni sur la suite donnée à cette réunion'; que M.[M] , finançant lui-même son projet, tendant donc à atteindre le sommet de l'Everset sans bouteille d'oxygène, est arrivé mi septembre 2008 sur place, pour débuter l'ascension'; qu'étant en communication avec l'équipe de la société XD PRODUCTIONS, restée en France, il a réalisé deux reportages, envoyés à celle-ci par satellite , les 13 et 16 octobre 2008';
que le 17 octobre suivant, M.[M] a été pris et blessé dans une avalanche puis laissé, seul, plusieurs jours, par ses compagnons, avant de pouvoir regagner le camp de base et d'être rapatrié en France où il a subi, les 25 octobre et 11 novembre 2008, deux interventions chirurgicales, justifiées par une fracture de la clavicule et l'amputation des doigts de son pied droit';
que par lettre du simple du 16 novembre 2008, M.[M] a écrit au président de la société XD PRODUCTIONS la lettre suivante':
«'Comme convenu avant mon départ, je vous adresse les factures pour la prise de vue de l'expédition de l'Everest, ainsi que celle du taxi pour l'enregistrement des dernières émissions.J'ai également réglé 120 euros pour la réalisation du drapeau Science X dont la facture a dû vous être envoyée directement.
Par ailleurs, nous devons discuter de ma rétribution pour ma participation aux premières émissions de Science X(...)'»
que le 16 juin 2010, M.[M] a attrait la société XD PRODUCTIONS devant le conseil de prud'hommes de Paris, afin de voir juger qu'il existait un contrat de travail' entre lui et cette société et que cette dernière devait être condamnée à lui verser diverses sommes à titre, notamment, de salaire, d'indemnité pour travail dissimulé et de licenciement abusif';
que par le jugement actuellement frappé de contredit le conseil a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée, au profit du tribunal de grande instance de Paris, par la société XD PRODUCTIONS, après avoir déclaré que le contrat de travail allégué n'existait pas;
Considérant que pour justifier du contrat de travail -et, par conséquent, de la compétence de la juridiction prudhomale- qu'il invoque, M.[M] soutient qu'il bénéficie de la présomption de salariat édictée en faveur des journalistes et, qu'en tout état de cause, il démontre l'existence du contrat de travail l'ayant effectivement lié à la société XD PRODUCTIONS';
Considérant, qu'il revient à M.[M] -qui revendique la présomption de salariat édictée par l'article L 7112-1 du code du travail'en faveur des journalistes professionnels- d'établir qu'il avait bien la qualité de journaliste professionnel, au sens de l'article L 7111-3 du code du travail, à la date des faits litigieux mettant en cause la société XD PRODUCTIONS, soit en juillet-août 2008';
Considérant que ce dernier article définit comme journaliste professionnel, la personne qui «' a pour activité principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications, quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources'»';
que M.[M] fait valoir qu'il a exercé l'activité de journaliste professionnel, ayant été «'reporter'» au POINT jusqu'au mois d'août 2008'; qu ' «'il a en 2007, perçu à titre de rémunération la somme de 28 365 € nets'» et qu' «'au regard de sa déclaration de revenus pour 2008 il apparaît nettement que cette rémunération en qualité de journaliste constituait bien l'essentiel de ses ressources'»'(page 11 du contredit)';
Mais considérant -outre que ce sont les revenus perçus en 2008, et non en 2007, qui doivent être pris en considération- que M.[M] ne fournit aucun élément au soutien de ses affirmations et ne produit que la carte de presse qui lui a été délivrée en 2008, en qualité de journaliste stagiaire'; que dans ces conditions, M.[M] ne peut sérieusement prétendre bénéficier de la présomption énoncée par l'article L 7112-1 précité';
Et considérant que M.[M] s'avère tout aussi défaillant dans l'administration de la preuve du contrat de travail qui, selon lui, l'aurait lié à la société XD PRODUCTIONS';
Considérant qu'en effet, si -comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes- l'entreprise de l'ascension de l'Everest par M.[M] a coïncidé avec la réalisation des reportages télévisés -destinés à être intégrés dans l'émission SCIENCE X, produite par la société XD PRODUCTIONS- cette concomitance ne suffit pas à caractériser l'existence d'un lien de subordination entre les parties -étant rappelé que ce lien constitue l'élément essentiel permettant de qualifier une relation contractuelle, en contrat de travail';
que, certes, M.[M] invoque les prétendues directives et instructions qu'il aurait reçues de la part des techniciens de la société XD PRODUCTIONS, à travers divers courriels , relatifs
au contenu et au format des images qu'il devait filmer,
aux textes écrits pour lui qu'il devait dire à l'antenne
qu'il expose aussi avoir fait l'objet de contraintes d' horaires et de lieux ainsi que de contrôles, de la part de la société XD PRODUCTIONS, qui lui a d'ailleurs fourni la caméra utilisée pour réaliser le reportage;'
Considérant, cependant, qu'il ressort des divers écrits de M.[M], lui-même, publiés notamment sur son site internet, tant avant qu'après l'ascension litigieuse, que l'entreprise de cette audacieuse aventure (monter au sommet de l'Everest sans oxygène) est une initiative qui est propre à M.[M] -la société XD PRODUCTIONS étant totalement étrangère à ce qui relevait d'un «'défi personnel'», comme celle-ci le qualifie dans ses conclusions';
que, de même, M.[M] est mal venu à prétendre que le lieu de sa prestation de travail lui aurait été imposé, alors que ce lieu et la destination de son périple n'avaient été fixés que par lui, précisément à raison de l'enjeu qu'il avait assigné à ses capacités d'alpiniste et de sportif de haut niveau';
que force est également de constater que la société XD PRODUCTIONS s'avère étrangère à l'organisation matérielle et au financement de l'expédition de M.[M] , d'un coût d'environ 20 000 € exposés par l'intéressé', seul- à l'exception du prêt d'une caméra, remise à M.[M] par le prêteur auprès duquel la société XD PRODUCTIONS a, toutefois, refusé d'acquitter la facture par la suite, pour ne pas être à l'origine de la commande';
Considérant qu'ainsi, ayant eu, seul, l'initiative de la décision et des conditions de réalisation de son expédition au sommet de l'Everest, M.[M] ne peut invoquer avoir été lié à la société XD PRODUCTIONS par un lien de subordination, au seul motif qu'à l'occasion de son ascension il aurait accepté d'adresser à la société XD PRODUCTIONS quelques vues et brefs commentaires illustrant son aventure';
que ceux-étaient seulement destinés à composer les reportages dont la diffusion, au sein de l'émission de la société XD PRODUCTIONS, permettait aux deux parties de satisfaire leur intérêt respectif'; que la cour ne saurait en conséquence voir une subordination quelconque de M.[M] dans la réalisation des reportages en cause';
qu'en l'absence de preuve d'un lien de subordination effectif entre M.[M] et la société XD PRODUCTIONS le conseil de prud'hommes s'est à bon droit déclaré incompétent'; que le contredit de M.[M] sera dès lors rejeté, comme dit ci-après';
PAR CES MOTIFS
Rejette le contredit';
Dit que le greffe de cette chambre transmettra, au tribunal de grande instance de Paris, le dossier de l'affaire avec une copie du présent arrêt';
Met les frais du contredit à la charge de M.[M] .
LE GREFFIER LE PRESIDENT