RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 14 Février 2013
(n° 15 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/12437
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Créteil RG n° 07/02553
APPELANTE
Madame [R] [C]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647
INTIMEE
SA SAVAS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le le 20 décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Renaud BLANQUART, Président
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Anne MÉNARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [C] a été engagée par la société SAVAS en vertu d'un contrat à durée indéterminée à effet au 3 mai 1999, en qualité de VRP MULTICARTES, afin de proposer à la vente des vins de la région de Bordeaux auprès d'une clientèle de la grande distribution.
Elle était rémunérée exclusivement à la commission, sur la base de 5% du chiffre d'affaires HT des ordres directs et indirects.
Le 8 décembre 2000, Madame [C] a été victime d'un accident du travail, et son contrat de travail a été suspendu jusqu'au premier juin 2007.
Lors de la visite de reprise qui s'est déroulée le 18 juillet 2007, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de la salariée, et aucun reclassement n'ayant pu être trouvé, cette dernière a été licenciée le 4 septembre 2007.
Estimant qu'elle n'avait pas été remplie de ses droits à l'occasion de ce licenciement, Madame [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL le 27 décembre 2007, lequel, par jugement en date du 21 janvier 2010, a :
- condamné la SA SAVAS à payer à Madame [C], dont la moyenne des trois derniers salaires s'élève à 4.581,50 euros, les sommes suivantes :
2.326,67 euros à titre de complément de salaire pour la période du 19 juillet au 4 septembre 2007.
232,66 euros au titre des congés payés afférents.
8.004,45 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis.
800,44 euros au titre des congés payés afférents.
2.882,03 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement.
1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- ordonné la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme.
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
- condamné la société SAVAS aux dépens.
Madame [C] a interjeté appel de cette décision le 6 mai 2010.
Présente et assistée par son Conseil, Madame [C] a, à l'audience du 20 décembre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour :
- d'infirmer la décision déférée.
- statuant à nouveau de condamner la SA SAVAS à lui payer les sommes suivantes :
2.717,22 euros, ou subsidiairement 2.326,67 euros à titre de complément de rémunération du 19 juillet 2007 au 4 septembre 2007.
271,72 ou subsidiairement 232,66 euros au titre des congés payés afférents.
19.946 euros, ou subsidiairement 8.007,47 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis.
1.994,60 euros ou subsidiairement 800,74 euros au titre des congés payés afférents.
43.025 euros à titre d'indemnité de clientèle, dont à déduire l'indemnité de licenciement versée à hauteur de 3.828,26 euros.
subsidiairement 10.470 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, ou plus subsidiairement 3.823 euros.
3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
- d'ordonner la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme, faisant apparaître au titre des salaires des douze derniers mois civils précédents le dernier jour travaillé les mois de décembre 1999 et novembre 2000, incluant le rappel de 11.940,72 euros, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
- de dire que l'ensemble des condamnations sera assorti des intérêts légaux à compter de l'introduction de l'instance.
Elle fait valoir que la moyenne de ses salaires doit être calculée sur la base des commissions perçues durant les 12 mois ayant précédé la rupture de son contrat de travail ; qu'il doit être ajouté à ces rémunérations le montant de 11.940,72 euros, qui a été perçu en janvier 2001, mais qui correspondait à des commissions exigibles au mois de décembre 2000, pour des ventes réalisées avant son arrêt de travail.
En ce qui concerne sa demande d'indemnité de clientèle, elle expose que lorsqu'elle a pris ses fonctions, il ne lui a été remis aucun fichier client de sorte que toute la clientèle qui a généré les commissions qui lui ont été versées a été apportée par elle-même ; que l'indemnité qui lui est due doit, donc, être calculée sur la base de la totalité du chiffre d'affaire qu'elle a réalisé au cours de la dernière année.
Réprésentée par son Conseil, la société SAVAS a, à l'audience du 20 décembre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, elle demande à la Cour :
- d'infirmer partiellement le jugement entrepris, sur les demandes relatives au préavis, congés payés sur préavis, rappel de salaire et complément d'indemnité de licenciement.
- de confirmer le jugement sur le surplus.
- en conséquence, de débouter Madame [C] de toutes ses demandes.
- de la condamner au paiement de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
En ce qui concerne la moyenne des salaires à retenir, l'employeur fait valoir qu'elle doit être calculée sur la base des mois d'octobre à décembre 2000, sans tenir compte des commissions versées au mois de janvier 2001, lesquelles n'étant payables qu'à l'occasion de l'encaissement des ventes réalisées en 2000.
En ce qui concerne l'indemnité de clientèle, elle fait valoir qu'elle ne serait dûe que si la salariée avait perdu le bénéfice de cette clientèle pour l'avenir, ce qui n'est pas le cas puisque le contrat prévoit expressément qu'en cas de rupture, la salariée ne pourrait prétendre à aucune indemnisation, étant donné qu'elle garderait la propriété de sa clientèle ; que compte tenu des spécificités de la clientèle de la grande distribution, il est impossible d'y pénétrer sans disposer d'un solide carnet d'adresse, ce qui était le cas de Madame [C], et qu'ainsi la clientèle n'a pas été conservée après le départ de cette dernière. Elle soutient que la perte de la clientèle subie par Madame [C] n'est pas la conséquence de son licenciement, mais de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de poursuivre son activité professionnelle.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux dernières écritures des parties, visées par le greffier, et réitérées oralement à l'audience.
DISCUSSION
- Sur la moyenne des salaires des douze derniers mois
Les demandes formées par Madame [C] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et du salaire du 19 juillet au 4 septembre 2009 se fondent sur une contestation relative à la moyenne de salaire. Elle demande à ce que soient prises en compte les commissions versées au mois de janvier 2001, en faisant valoir qu'elles sont nécessairement afférentes à des ventes réalisées avant son accident, le 7 décembre 2010.
Il ressort des pièces produites par Madame [C] que pour les mois d'octobre et de novembre 2010, les commissions qui lui ont été versées correspondent aux ventes réalisées. Il s'en déduit que le commissionnement est payé lorsque la vente est conclue, et non à la date de l'encaissement. Dans ces conditions, les sommes payées à Madame [C] au mois de janvier 2001 correspondent nécessairement à des ventes réalisées avant son arrêt de travail, et doivent être prises en compte au titre des salaires perçus pour l'année 2000.
Toutefois, force est de constater que Madame [C] soulignant elle-même qu'elle a été payée de toutes les ventes réalisées en octobre et novembre 2000, les sommes versées en janvier correspondent nécessairement aux commissions du mois de décembre 2000. Ainsi, si elles sont prises en compte dans la moyenne des salaires, ce mode de calcul étant plus favorable à la salariée, il convient néanmoins de retrancher les salaires perçus au cours du mois de décembre 1999, à défaut de quoi les salaires de treize mois consécutifs seraient pris en compte pour calculer la moyenne des douze derniers mois.
Les sommes perçues entre janvier et décembre 2000, majorées de celles perçues en janvier 2001 mais afférentes à décembre 2000, s'élèvent au total à 40.652,69 euros, soit une moyenne de salaires de 3.387,72 euros, telle que l'a retenu le Conseil de Prud'hommes.
- Sur le salaire dû du 19 juillet au 4 septembre 2007
Il n'est pas contesté que l'employeur n'ayant pas procédé au licenciement de Madame [C] dans le mois suivant la déclaration d'inaptitude, il doit payer les salaires afférents à la période postérieure.
L'employeur a payé de ce chef une somme de 3.019,42 euros, sur la base d'une moyenne de salaires de 1.913,35 euros.
Le jugement du Conseil de Prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a condamné la société SAVAS au paiement d'une somme complémentaire de 2.326,67 euros, outre 232,66 euros au titre des congés payés afférents, sur la base du salaire de référence retenu, soit 3.387,72 euros.
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Par application de l'article L1226-14 du Code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu en raison d'une inaptitude consécutive à un accident du travail, le salarié a droit à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 du Code du travail..
Par application de l'article L1226-16 du même Code, cette indemnité est calculée sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle. Pour le calcul de cette indemnité, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.
En l'espèce, s'agissant de paiement de commissions, le salaire qui aurait été perçu si la salariée avait continué à travailler doit être calculé sur la base de la moyenne des 12 derniers mois travaillés.
Cette indemnité aurait donc dû être de 10.163,17 euros, et il a été payé 5.740,05 euros, de sorte qu'il sera fait droit à la demande de paiement d'un complément d'indemnité dans la limite de 4.423,12 euros, outre 442,31 euros au titre des congés payés afférents.
- Sur la demande d'indemnité de clientèle
Si la qualité de VRP de Madame [C] n'apparaît pas sur son contrat de travail, il convient de relever que c'est cette fonction que est mentionnée sur le certificat de travail de l'appelante, et qui correspond aux missions qui lui étaient confiées.
L'article L7313-13 du Code du travail stipule :
'En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en l'absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.
Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.
Ces dispositions s'appliquent également en cas de rupture du contrat de travail par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié'.
Cette indemnité ayant un caractère d'ordre public, elle ne peut être écartée par une clause du contrat, de sorte que l'employeur ne peut se prévaloir des dispositions contractuelles stipulant que la salariée ne pourrait prétendre à aucune indemnisation, la clientèle demeurant sa propriété.
En outre, il n'est pas contesté que Madame [C] a cessé son activité de VRP à la suite de son accident en décembre 2000, de sorte qu'elle n'a, de toute évidence, pas conservé sa clientèle.
Il n'est pas non plus contesté qu'elle a apporté elle-même à la société la totalité des clients pour lesquels des commissionnement lui ont été versées durant son activité salariée, de sorte qu'elle est fondée à obtenir le paiement d'une indemnité de clientèle, peu important à cet égard que son employeur n'ait pas su ou pas pu conserver la dite clientèle, cet élément étant extérieur aux conditions légales.
Compte tenu du chiffre d'affaire réalisé au cours de l'année 2000, il convient de fixer cette indemnité à la somme de 40.000 euros, et d'en déduire le montant de l'indemnité de licenciement versée lors de la rupture du contrat de travail, soit 3.828,26 euros, les deux indemnités ne se cumulant pas.
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La remise d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision sera ordonnée, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.
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Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [C] la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel.
Il lui sera alloué 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement, sauf en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre du complément de salaire du 19 juillet au 4 septembre 2007 y compris les congés payés, au titre de l'indemnité de procédure allouée à la salariée, et au titre des dépens.
Statuant à nouveau sur le surplus,
Condamne la société SAVAS à payer à Madame [C] les sommes suivantes :
4.423,12 euros, outre 442,31 euros au titre des congés payés afférents, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2009.
36.171,74 euros au titre de l'indemnité de clientèle, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Ordonne la remise par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision.
Ajoutant au jugement,
Condamne la société SAVAS à payer à Madame [C] la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société SAVAS aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT