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12/02/2013 | FRANCE | N°10/02753

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 12 février 2013, 10/02753


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 Février 2013

(n° 7 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02753



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 09/03151









APPELANTE

SARL PARAPHE CONTACT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence

KESIC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0842







INTIMÉE

Madame [V] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Dimitri PRORELIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 Février 2013

(n° 7 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/02753

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 09/03151

APPELANTE

SARL PARAPHE CONTACT

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Florence KESIC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0842

INTIMÉE

Madame [V] [H]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Dimitri PRORELIS, avocat au barreau de PARIS, toque : R271

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseillère

Mme Catherine COSSON, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

[V] [H] engagée par la société PARAPHE CONTACT à compter du 11 septembre 2006 en qualité d'infographiste, a été licenciée pour faute grave par lettre du 16 novembre 2007 au motif énoncé suivant:

(...) Il est inadmissible d'avoir à supporter toutes vos accusations mensongères, votre refus de travailler et de vous soumettre au pouvoir disciplinaire de l'employeur, ou des personnes qu'il délègue dans les directives données pour l'exécution de vos tâches, telles que Madame [X] (...)

Par jugement du 12 janvier 2010 le conseil de prud'hommes de Paris a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la société PARAPHE CONTACT à payer à [V] [H] des indemnités de rupture.

La société PARAPHE CONTACT a relevé appel de cette décision.

Pour les prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions visées par le greffier et reprises oralement par les parties à l'audience des débats.

* *

*

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier:

- que par courrier du 5 octobre 2007 un avertissement était notifié à [V] [H] aux termes duquel des reproches étaient ainsi formulés:

Hier, jeudi 4 octobre 07, vous avez pour la troisième fois en deux mois, fait des allégations et sous-entendu que nous ne payons pas vos heures supplémentaires et que nous ne les déclarons pas (...) Plus généralement, depuis quelque temps, nous sentons un manque de motivation et constatons le peu de respect des règles de fonctionnement de l'entreprise; qu'au titre de ces manquements, l'employeur évoque des retards sans raison, des arrêt-maladie dont un non justifié, un travail non listé sur son agenda avec le temps passé, une certaine lenteur dans la réalisation de modifications simples, un certain nombre d'erreurs sur des travaux simples, des demandes d'aménagements d'horaires et de décalage de RTT, tous ces points démontrant une attitude immature et non-professionnelle;

- qu'à la suite d'un entretien entre le gérant et [V] [H] le mardi 9 octobre 2007, celle-ci a été absente pour maladie durant quinze jours à compter de cette date;

- qu'un second avertissement lui était notifié le 9 octobre 2007 en ces termes:

' 1. Vous vous permettez encore de revenir sur le point des heures supplémentaires (...)

2. Vous ne notez toujours pas les heures de travail et les travaux que vous effectuez sur votre agenda

3. Lorsque je vous fais un bilan négatif sur votre travail (...) Vous vous contentez pour tout commentaire de dire ' de toute façon, je ne veux plus travailler avec vous'

4. Lorsque je vous demande pourquoi(...) Vous mentez effrontément en m'accusant de vous avoir traité au cours de votre travail de 'conne', 'tortue sans cervelle',débile, etc (...)

5. Enfin, vous terminez en osant me faire du chantage en me demandant si je peux vous proposer un licenciement (...) 'Si vous ne me licenciez pas, je vous attaque pour harcèlement moral (..)

- que le 11 octobre 2007 [V] [H] a déposé une main-courante pour dénoncer les insultes du gérant , M [P];

- qu'[V] [H] a contesté les avertissements par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 24 octobre 2007, se plaignant des pressions psychologiques exercées: ordres et débriefings contradictoires, reproches sur les initiatives prises, travail déconsidéré par des dérisions et moqueries, insultes à plusieurs reprises;

- que par courrier du 26 octobre 2007, la société PARAPHE CONTACT a remis en main propre à [V] [H] une mise à pied de cinq jours aux termes de laquelle ' Depuis nos échanges de courrier et votre retour de congé maladie, votre attitude d'insoumission est devenue caractérisée.

En effet, hier à 16h30, je suis venu vous demander de scanner un visuel en vue de préparer la nouvelle carte de voeux pour notre client CTL/Tuboplast Hispania. Vous avez refusé.

Ce matin, à votre arrivée à 9h30, je vous ai demandé si vous étiez disposée à travailler (sic!). vous avez à nouveau répondu non! Vous avez simplement dit que vous faisiez acte de présence! (...)';

- que le 30 octobre 2007, l'employeur adressait à [V] [H] deux lettres recommandées avec accusé de réception , la première pour répondre à la lettre de la salariée en date du 25 octobre 2007, pour constater que depuis le refus de l'employeur d'octroyer une énorme augmentation fin juin 2007, elle a négligé son travail et pour lui demander de cesser son chantage et ses menaces d'attaque pour harcèlement moral, la seconde, pour convoquer la salariée à un entretien préalable en ces termes ' Le 26 octobre dernier, je vous ai notifié une mise à pied à titre disciplinaire et vous avez refusé de vous y soumettre en adoptant une attitude de nouvelle insubordination caractérisée et agressive.

Ce n'est que lorsque j'ai appelé la police pour vous faire quitter les lieux que vous êtes partie';

- que par courrier du 7 novembre 2007, [V] [H] a contesté les faits du 26 octobre , expliquant avoir quitté les lieux après avoir pu joindre la personne de son choix lui indiquant ses droits; que la société PARAPHE CONTACT a répondu le 13 novembre pour renouveler ses griefs;

- que par lettre du 16 novembre 2007, [V] [H] a été licenciée; que la lettre de licenciement rappelait les sanctions intervenues, l'ensemble des échanges d'écrit entre les parties et le motif du licenciement à savoir le fait pour [V] [H] d'avoir fait un scandale et refusé de se soumettre à la mise à pied: (...) Nous vous avons laissé le temps de lire la lettre ( de mise à pied ) , de la signer puis de quitter les lieux, mais au lieu de cela vous avez consulté vos livres de droit et passé des coups de téléphone personnels!

Lorsque [Y] [X] est venue vous rappeler que vous deviez obéir à votre employeur , vous avez été irrespectueuse à son égard, à plusieurs reprises, et lui avez lancé ' tu n'es pas le gérant, tu n'as pas à m'adresser la parole, tu n'a pas à me parler' (sic!...).

Vous avez refusé de partir tant que vous ne receviez pas les informations juridiques que vous prétendiez attendre! Cette attitude montre clairement vos intentions contentieuses à l'égard de l'entreprise .

Nous avons voulu vous permettre de parler à un professionnel des affaires juridiques, pour vous faire comprendre la nature et la procédure de mise à pied à titre disciplinaire mais sans succès!

Après toutes ces tentatives de négociation, la police a été notre dernier recours pour pouvoir à nouveau retrouver le calme et travailler!

Finalement c'est cette nouvelle agression qui nous a poussés à vous convoquer à une entretien préalable (...)

Considérant que la société PARAPHE CONTACT maintient que le licenciement d'[V] [H] pour faute grave se justifiait ; qu'elle fait valoir que le motif de la mise à pied (refus de travailler le 26 octobre 2007) est différent des motifs énoncés dans la lettre de licenciement ( refus de travailler le 25 octobre 2007, accusations mensongères et attitude agressive et irrespectueuse); qu'[V] [H] est suivie par un psychiatre depuis mars 2006, avant son embauche; qu'elle a recherché un emploi dès le mois d'août 2007; que, depuis septembre 2007, elle a systématiquement créé le conflit ainsi qu'en atteste le personnel; qu'elle n'a subi aucun harcèlement; qu'elle a bien refusé de travailler le 25 octobre 2007; qu'elle a toujours nourri une jalousie à l'encontre de Mme [X], sa supérieure hiérarchique, qu'elle a insulté lors de l'altercation du 26 octobre 2007 ; qu'elle a menti au sujet d'heures supplémentaires qui lui ont toutes été payées;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les heures supplémentaires effectuées par [V] [H] lui étaient réglées sous la forme de prime, ainsi qu'il est mentionné sur ses bulletins de salaire; que dans ces conditions, les demandes formulées par [V] [H] auprès de son employeur sur la mention express des heures supplémentaires sur les bulletins de salaire se justifiaient; que l'employeur ne pouvait reprocher à [V] [H] ses réclamations; que le 1er motif des avertissements notifiés les 5 et 9 octobre est injustifié; que la société ne peut davantage lui reprocher des arrêts-maladie dont elle a justifié; qu'il en va de même s'agissant des demandes d'aménagements d'horaire et de décalage de RTT; que la lenteur dans le travail et les erreurs sur travaux simples, relèvent de l'insuffisance professionnelle et non pas d'une sanction disciplinaire; qu'il n'est pas justifié que son employeur lui a donné des consignes sur la mention sur agenda du temps passé sur chaque travail ; qu'il est donc fait droit à la demande d'annulation de l'avertissement du 5 octobre 2007; qu'une somme de 300 € est attribuée à [V] [H] en réparation du préjudice moral en conséquence de cet avertissement;

Considérant qu'en revanche l'avertissement du 9 octobre 2007 se justifiait; que la société PARAPHE CONTACT avait demandé à [V] [H] de noter ses heures de travail sur son agenda à l'occasion de la notification de l'avertissement du 5 octobre 2007; qu'[V] [H] ne dément pas la réalité de ce reproche;

Considérant que la mise à pied du 26 octobre 2007 n'a été précédé d'aucune convocation à entretien préalable; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation; qu'une somme de 300 € est attribuée à [V] [H] au titre de son préjudice;

Considérant sur les motifs du licenciement, qu'en notifiant une mise à pied le 26 octobre 2007, l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire à cette date, sauf fait nouveau postérieur à cette notification; que la société PARAPHE CONTACT n'était donc pas recevable à sanctionner par un licenciement les faits reprochés qui se seraient produits avant la notification de la mise à pied disciplinaire de cinq jours, par remise en main propre le 26 octobre 2007; que par conséquent seules les reproches formulés à l'occasion de la remise de cette mise à pied peuvent être examinés;

Considérant qu'[V] [H] étant mise à pied et sommée de quitter le lieu de son travail le 26 octobre 2007, elle était fondée à vouloir prendre connaissance de ses droits et obligations à cette occasion; qu'à cette fin, elle était en droit de vouloir parler à la personne de son choix qu'elle cherchait à joindre; que l'employeur ne justifie d'aucune circonstance d'urgence ou de nécessité de faire appel à la police; que les termes de la lettre de licenciement établissent qu'en réalité la société PARAPHE CONTACT supportait mal de ne pas être immédiatement obéie dans l'exécution de cette mise à pied; que dans ces circonstances, les propos ' tu n'es pas le gérant, tu n'as pas à m'adresser la parole, tu n'as pas à me parler' tenus par [V] [H] à l'encontre de Mme [X] qui venait lui rappeler qu'elle devait obéir, doivent être relativisés; que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

Considérant qu'en application de l'article L1235-5 du code du travail qu'à la date du licenciement [V] [H] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne des six derniers mois complets de 1853 € , était âgée de 27 ans et bénéficiait d'une ancienneté de treize mois au sein de l'entreprise; que pour la période postérieure au licenciement, il est seulement produit un relevé de situation délivré par l' Assedic le 28 mars 2008 pour le versement d'une aide au retour à l'emploi pour la période du mois de mars 2008; qu'elle justifie de contrats de recrutement d'assistant d'éducation en mars 2009; que le montant des dommages-intérêts est fixé à la somme de 2000 € ;

Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que la société PARAPHE CONTACT a abusé de son pouvoir disciplinaire, sur une courte période d'octobre à mi novembre 2007, en notifiant un avertissement puis un licenciement injustifié dont [V] [H] a obtenu réparation, la mésentente établie par les écrits échangés entre les parties dont les sanctions et leur contestation, ne caractérisent pas des faits , même pris dans leur ensemble, de harcèlement moral; qu'[V] [H] est déboutée de sa demande tendant à voir déclarer nul son licenciement;

Considérant qu'en application des dispositions alors en vigueur, [V] [H] qui ne comptait pas deux années d'ancienneté, n'est pas fondée à demander une indemnité de licenciement;

Considérant que le montant du salaire de base en brut était de 1900 € ; que ce montant sert au calcul de l'indemnité de préavis;

Considérant qu'il ressort du bulletin de salaire du mois d'octobre 2007 que le montant de la somme retenue au titre de la mise à pied disciplinaire s'est élevée à la somme de 367 €; que cette somme est due à [V] [H] ainsi que celle de 1127,59 € au titre de la mise à pied conservatoire du 1er au 18 novembre 2007, soit une somme totale de 1494,59 € ; que la demande à hauteur de 1588,40 € , en ce compris l'indemnité de congés payés , est fondée

Considérant que le versement de prime est mentionnée sur les bulletins de salaire produits; que la société PARAPHE CONTACT ne conteste pas avoir réglé les heures supplémentaires sous forme de prime; que la demande de paiement d'une indemnité pour travail dissimulé est donc fondée; qu'elle est fixée à 11 118 € ;

Considérant que la société PARAPHE CONTACT devra remettre à [V] [H] des bulletins de salaire comprenant le nombre et le taux des heures supplémentaires accomplies pour la période de novembre 2006 à juin 2007;

Considérant qu'en étant licenciée, [V] [H] n'a pu formuler auprès de son employeur une demande au titre du DIF; qu'il lui est allouée une somme de 200 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance;

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement ,

CONDAMNE la société PARAPHE CONTACT à payer à [V] [H]:

- 1 588,40 € au titre des mises à pied et de l'indemnité de congés payés afférents

- 1900 € à titre d'indemnité de préavis,

- 190 € à titre de congés payés afférents

- 11 118 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 200 € en réparation du préjudice moral subi à l'occasion de l'avertissement annulé du 5 octobre 2007,

- 200 € en réparation du préjudice subi à l'occasion de la mise à pied irrégulière ,

- 2000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

- 200 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance au titre du DIF

- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE [V] [H] de sa demande en paiement d'indemnité de licenciement,

DIT que la société PARAPHE CONTACT doit remettre à [V] [H] des bulletins de salaire rectifiés dans le mois de la notification du présent arrêt, a défaut sous astreinte de 50 € par jour de retard,

MET les dépens à la charge de la société PARAPHE CONTACT,

REJETTE la demande de la société PARAPHE CONTACT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 10/02753
Date de la décision : 12/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°10/02753 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-12;10.02753 ?
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