Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2013
(n° 13/32 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/21312
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/02052
APPELANT
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
représenté par : Me Patricia HARDOUIN de la SELARL HJYH Avocats à la cour (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056)
assisté de : Me Van VU NGOC plaidant pour le Cabinet Alain LABERIBE (avocat au barreau de PARIS, toque : E1217)
INTIMES
Monsieur [T] [X]
[Adresse 2]
Représenté par : Me Micheline SZWEC-GELLER (avocat au barreau de PARIS, toque : D0684)
Monsieur [S] [R] [U]
[Adresse 1]
Chez Madame [N] [H] - [Adresse 1]
défaillant
Madame [Z] [F]
[Adresse 3]
Chez Madame [L] [G] - [Adresse 3]
défaillante
REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente, entendue en son rapport
Madame Régine BERTRAND-ROYER, Conseillère
Madame Claudette NICOLETIS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI
ARRÊT : PAR DÉFAUT
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, président et par Mme Nadia DAHMANI, greffier présent lors du prononcé.
****
Le 3 décembre 2006, [T] [X] qui circulait en scooter a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par [S] [U], appartenant à [Z] [F] et non assuré.
Par jugement du 16 juillet 2007, le TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE PARIS a déclaré [S] [U] coupable de blessures involontaires, non-assistance à personne en danger, établissement d'une attestation ou d'un certificat inexact, usage d'une attestation ou d'un certificat inexact, inobservation d'un feu rouge et, [Z] [F] coupable de non-assistance à personne en danger, circulation d'une voiture sans assurance et a reçu les constitutions de parties civiles de [T] [X] et de [O] [X] et a réservé leurs droits.
[T] [X] a fait l'objet d'un examen amiable contradictoire réalisé à la demande du FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO) par les docteurs [Y] [V] et [A] [E].
Ces médecins ont établi un rapport daté du 28 mai 2009.
Par jugement du 17 octobre 2011, le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS (19e chambre) , a pour l'essentiel :
-reçu l'intervention volontaire du FGAO,
-condamné in solidum [S] [U] et [Z] [F] à payer à [T] [X] la somme de 291'369,95 € en réparation de son préjudice corporel, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
-déclaré le jugement commun au RSI Assurances Maladie des Professions Libérales d'[Localité 7] et opposable au FGAO,
-condamné in solidum [S] [U] et [Z] [F] aux dépens et à payer à [T] [X] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le FGAO a relevé appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2012, le FGAO demande à la cour:
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué une indemnité de 212'196,34 € au titre des pertes de gains professionnels futurs et, statuant à nouveau, de rejeter toute demande au titre de ce poste, seule une indemnité au titre de l'incidence professionnelle de 15'000 € pouvant être retenue,
-de confirmer le jugement pour le surplus,
-de débouter [T] [X] de son appel incident,
-de condamner [T] [X], ou toute autre partie succombante, aux entiers dépens.
[T] [X], dans ses dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2012 fait valoir que certaines indemnités accordées sont insuffisantes et demande, en réparation de son préjudice, les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous.
TRIBUNAL
OFFRES
DEMANDES
Préjudices patrimoniaux:
¿ temporaires :
- dépenses de santé actuelles :
* exposées par les organismes sociaux :
RSI: 11'687,70 €
confirmer
* demeurées à la charge de la victime :
639,87 €
confirmer
confirmer
- frais divers restés à la charge de la victime :
3597,21 €
confirmer
confirmer
- perte de gains professionnels actuels :
- perte de de salaire: 35'614,53 €
-travailleur indépendant: rejet
confirmer
- perte de salaire : confirmer 35'614,53 €
-travailleur indépendant: 14'513,33 €
total : 50'127,86 €
¿ permanents :
- perte de gains professionnels futurs :
212'196,34 €
rejeter
confirmer
- incidence professionnelle :
15'000 €
confirmer
50'000 €
Préjudices extra-patrimoniaux :
¿ temporaires :
- déficit fonctionnel temporaire :
4822 €
confirmer
6'333 €
- souffrances :
5'000 €
confirmer
6'000 €
¿ permanents :
- déficit fonctionnel permanent :
8'000 €
confirmer
confirmer
- préjudice d'agrément :
2500 €
confirmer
8'000 €
- préjudice esthétique :
1500 €
confirmer
3000 €
- préjudice sexuel :
2500 €
confirmer
confirmer
Art.700 du code de procédure civile :
3000 €
-1ère instance: confirmer
-appel : rejeter
-1ère instance: confirmer
-appel : ' une indemnité complémentaire'
Le RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI), a fait savoir par courriers des 19 juillet et 27 septembre 2012 qu'il n'interviendra pas à l'instance et précisé avoir versé pour le compte de la victime des prestations en nature pour un montant total de 11'687,70 €.
[S] [U] et [Z] [F], assignés le premier selon les formes de l'article 659 du code de procédure civile et la seconde en l'étude de l'huissier, n'ont constitué ni avoué ni avocat.
CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :
Sur le préjudice
Il ressort du rapport d'examen amiable contradictoire des docteurs [Y] [V] et [A] [E] qu'à la suite de l'accident [T] [X] a présenté un traumatisme crânien sans lésion cérébrale qui a évolué de façon favorable et surtout une fracture diaphysaire de l'humérus droit qui a fait l'objet d'une ostéosynthèse au cours d'un séjour hospitalier du 3 au 11 décembre 2006, qu'une immobilisation a ensuite été nécessaire suivie d'une rééducation jusqu'en septembre 2007, qu'il n'y a pas eu d'autre soin; que le déficit fonctionnel temporaire total s'est étendu du 3 décembre 2006 au 3 mars 2007 et le déficit fonctionnel temporaire partiel du 4 mars 2007 au 24 septembre 2007 , date de la consolidation; que les médecins précisent qu'il y a eu arrêt temporaire des activités professionnelles du 3 décembre 2006 au 4 juin 2007; qu'il persiste une raideur modérée de l'amplitude des mouvements de l'épaule droite chez un sujet droitier (p 5 §10) gaucher (p 4 §1); que ces séquelles justifient un taux de déficit fonctionnel permanent de 6 %; que les souffrances sont de 3/7, le préjudice esthétique de 1,5/7 .
Après avoir noté que le patient signale que ses douleurs sont à l'origine d'une gêne dans la pratique de certains sports qu'il a dû abandonner, et dans la pratique sexuelle pour laquelle il est gêné ; il signale également que les douleurs du bras qui s'expriment principalement à la fatigue et aux efforts soutenus, le gênent pour son activité de joaillier, les docteurs [Y] [V] et [A] [E] ajoutent :
Répercussions des séquelles sur:
*les activités professionnelles : fatigabilité dans l'exercice professionnel que décrit le patient
*les activités d'agrément : fatigabilité et à la pratique des sports cités par le patient
*la vie sexuelle :gêne à la pratique de l'acte sexuel.
Au vu de ces éléments et de l'ensemble des pièces versées aux débats, le préjudice corporel de [T] [X] qui était âgé de 52 ans lors de l'accident et de 53 ans à la consolidation, et était inscrit à la Chambre de Métiers et de l'Artisanat de Paris en qualité d'artisan avec pour activité ' fabrication bijoux objets métaux précieux taille diamants bijouterie joaillerie', sera indemnisé comme suit :
Préjudices patrimoniaux :
¿ temporaires, avant consolidation :
- dépenses de santé actuelles :
Ce poste de préjudice est constitué d'une part, de la créance du RSI pour un montant de 11'687,70 € et, d'autre part des dépenses de santé restées à la charge de la victime pour un montant non discuté de 639,87 €.
Total :12'327,57 €
Préférence victime :.........................................................................................639,87 €
- frais divers :
Les parties ne remettent pas en cause le montant total alloué par le tribunal au titre des différents frais divers restés à la charge de la victime :................................ 3597,21 €
- perte de gains professionnels actuels :
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs précis, circonstanciés et pertinents qu'elle approuve et qu'elle fait siens, a exactement évalué l'indemnité revenant à la victime au titre de la perte de salaire laquelle n'est d'ailleurs pas contestée et rejeté la demande au titre de l'activité de travailleur indépendant :............................................................35'614,53 €
¿ permanents, après consolidation :
- perte de gains professionnels futurs :
[T] [X] demande l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs qu'il chiffre en fonction d'une perte mensuelle nette de 2457 €.
Il se prévaut à l'appui de sa demande de deux courriers émanant de la SARL EUROPE DIFFUSION 'qui le connaissait bien... et qui l'appréciait' , le premier du 15 novembre 2006 qui lui confirme son engagement à compter du 4 décembre 2006, soit le lendemain de l'accident, en qualité de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue moyennant une rémunération annuelle brute de 60'000 € ( soit 3957,17€ nets mensuels) ,et le second du 10 juillet 2007 indiquant que compte-tenu du certificat du Docteur [P] du 4 juin 2007 qu'il a transmis, cette société ne peut maintenir son offre initiale et lui propose un emploi de designer, dessinateur, au salaire mensuel brut de 1911,25 € (1500 € nets ). Il calcule donc son préjudice en fonction d'une perte mensuelle nette de 2457 € (3957 € -1500 €) jusqu'à l'âge de 60 ans , soit 212'196,34€ [2457 € x 12 x 7.197 (euro de rente pour un homme de 53 ans arrêté à 60 ans tel qu'il ressort du barème de la Gazette du Palais 2011)].
Le FGAO soutient essentiellement que [T] [X] ne démontre pas que les séquelles de l'accident l'empêchent d'exercer sa profession et souligne que le changement d'orientation de ce dernier résulte d'un choix personnel et qu'il a continué, parallèlement à son activité salariée, à gérer sa micro entreprise ce qui lui a procuré des revenus non négligeables.
Dans son certificat du 4 juin 2007, le docteur [P] a indiqué que [T] [X] 'aurait besoin d'un aménagement du poste de travail. Il ne peut pas travailler à son établit plus de 10 minutes'.
Toutefois, ce médecin qui n'est pas un médecin du travail, n'a procédé à aucune étude de poste et s'est manifestement prononcé en fonction des seuls éléments fournis par [T] [X].
D'autre part, il est étonnant que [T] [X] n'ait pas été apte à occuper l'emploi de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue alors qu'il indique lui-même dans ses dernières conclusions (p 6 et 9) qu'après avoir interrompu du fait de l'accident son activité de travailleur indépendant inscrit au Répertoire des Métiers, il a repris partiellement cette activité artisanale le 4 juin 2007 - soit précisément le jour où le docteur [P] certifiait qu'il ne pouvait travailler à son établi plus de 10 minutes - et a maintenu cette activité jusqu'au 8 octobre 2010 après avoir perçu une indemnité d'éviction transactionnelle.
En effet, s'il y a lieu de relever que [T] [X] ne produit aucune définition du poste de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue et notamment aucune pièce démontrant qu'il s'agit d'un travail à l'établi, il est en revanche certain que l'activité de travailleur indépendant exercée par [T] [X] laquelle consiste à créer et à fabriquer des bijoux dans le cadre de sa micro entreprise exige un travail sur établi.
Il convient également de constater que [T] [X] ne produit aucun avis de la médecine du travail le déclarant inapte au poste de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue antérieur au courrier de la société EUROPE DIFFUSION du 10 juillet 2007.
En outre, les seuls documents émanant de la médecine du travail versés aux débats sont les fiches d'aptitude des 19 février 2009 (et non 2008 comme indiqué par la victime) et 27 mai 2009 lesquelles ne concernent manifestement pas l'emploi de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue à la fois car elles sont postérieures de plus de 18 mois au courrier du 10 juillet 2007 qui revenait sur la proposition concernant cet emploi et également car elles déclarent [T] [X] apte à l'emploi de dessinateur tout en précisant qu'il doit éviter le travail sur établi.
Il y a lieu enfin, de rappeler que les docteurs [V] et [E], dont les conclusions ne sont pas contestées et qui ont examiné la victime le 28 mai 2009, ont -après avoir constaté que la mobilisation de l'épaule était limitée de 10° en élévation antérieure et latérale ainsi qu'en rotation interne, que la rotation externe était normale de même que la rétropulsion et l'adduction, que la flexion du coude était discrètement gênée en fin de course de même que la pronation qui était limitée de 10°, que la supination et l'extension sont complètes et que l'étude des mensurations périmétriques comparatives des deux membres supérieurs ne mettait en évidence aucune amyotrophie significative-, évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 6 % et ont uniquement retenu s'agissant des répercussions des séquelles sur les activités professionnelles, une fatigabilité dans l'exercice professionnel 'que décrit le patient' et non une inaptitude totale ou partielle à poursuivre l'activité professionnelle antérieure ou à donner suite à l'emploi de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue proposé antérieurement à l'accident par la SARL EUROPE DIFFUSION.
Il résulte de ces éléments, [T] [X] ne démontre pas que la perte de l'emploi de consultant en haute joaillerie-expert gemmologue est la conséquence de l'accident.
Il sera donc débouté de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs résultant de la perte de cet emploi.
- incidence professionnelle :
[T] [X] invoque à l'appui de sa demande au titre de l'incidence professionnelle la dévalorisation sur le marché du travail, l'obligation d'abandonner son activité de création ainsi que la fatigabilité dans l'exercice professionnel telle que retenue par l'expert.
Cependant, les docteurs [V] et [E] n'ont retenu qu'une fatigabilité dans l'exercice professionnel décrit par le patient et ce dernier n'a produit aucun document médical critiquant les conclusions de ces médecins.
Dans ces conditions, l'indemnité offerte en compensation de la fatigabilité accrue au travail est satisfactoire s'agissant d'une victime âgée de 53 ans à la consolidation, et sera retenue :.....................................................................................................15'000 €
Préjudices extra-patrimoniaux :
Les premiers juges ont par une motivation précise et circonstanciée que la cour fait sienne exactement évalué les postes de préjudice déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice d'agrément et préjudice esthétique permanent, de sorte que les indemnités les compensant, seront confirmées:
- déficit fonctionnel temporaire :...................................................................... 4 822 €
- souffrances endurées:...................................................................................... 5'000 €
- préjudice d'agrément :....................................................................................... 2 500 €
- préjudice esthétique permanent :...................................................................... 1 500 €
Par ailleurs, les parties ne remettent pas en cause les montants accordés au titre
des deux postes de préjudice suivants:
- déficit fonctionnel permanent :..........................................................................8'000 €
- préjudice sexuel :...............................................................................................2 500 € TOTAL : 79'173,61 €
[T] [X] recevra ainsi, en réparation de son préjudice corporel, une indemnité totale de 79'173,61 € , en deniers ou quittances.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
En première instance, il était inéquitable de laisser à la charge de [T] [X] l'intégralité des frais et honoraires exposés par lui et non compris dans les dépens. La somme fixée de ce chef par le premier juge sera confirmée.
En revanche, il n'y a lieu en cause d'appel de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à son profit.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du 17 octobre 2011 à l'exception de ses dispositions relatives à la recevabilité de l'intervention volontaire du FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO), au RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS (RSI), à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Et statuant à nouveau, dans cette limite :
Condamne in solidum [S] [U] et [Z] [F] à verser à [T] [X] la somme de 79'173,61 € en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions et somme versée en vertu de l'exécution provisoire non déduites, ladite somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci ;
Dit n'y avoir lieu à application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de [T] [X];
Condamne [T] [X] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile;
Dit le présent arrêt opposable au FGAO.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE