Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 4
ARRET DU 11 FEVRIER 2013
(n° 58 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06131
Décision déférée à la Cour : Décision de rejet du 03 Décembre 2009 du Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante de [Localité 8] - Réf : 08-58801-00/1/RBO
DEMANDERESSE
Madame [G] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Monsieur [D] [Y]
Mineur représenté par son représentant légal, Madame [G] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentés par Maître HAAS Marion de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS, toque : P0503)
DEFENDEUR
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[Adresse 12]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représenté par Me Julien TSOUDEROS (avocat au barreau de PARIS, toque : D1215)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Jean BOYER, Président chargé du rapport, en la présence de Line TARDIF, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Jean BOYER, président
Line TARDIF, conseillère
Claudette NICOLETTIS, conseillère
Greffier, lors des débats : Sylvie Bénardeau
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean BOYER, président et par Sylvie BENARDEAU, greffière présente lors du prononcé.
Dans un arrêt rendu le 28 février 2011, la présente cour a rappelé :
Monsieur [F] [Y] né le [Date naissance 3] 1949, est décédé le [Date décès 2] 2007 d'un cancer broncho-pulmonaire diagnostiqué le 14 novembre 2006.
Madame [G] [Y], sa veuve, a saisi le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FlVA) d'une demande d'indemnisation des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux de son époux et à titre personnel.
La maladie de Monsieur [F] [Y] n'ayant pas été prise en charge au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles, le FIVA a transmis le dossier à la Commission d'Examen des Circonstances d'Exposition à l'amiante (C.E.C.E.A.).
Dans son avis du 30 novembre 2009, la C.E.C.E.A. a dit que le lien entre la maladie et l'exposition à l'amiante n'est pas établi.
Par lettre recommandée datée du 3 décembre 2009, le FlVA lui a notifié une décision de rejet.
Madame [G] [Y] a contesté cette décision par lettre recommandée reçue au greffe de la Cour le 12 janvier 2010.
Par dernières conclusions reçues au Greffe de la Cour et soutenues oralement à l'audience par son avocat, Madame [G] [Y] demande à la Cour d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer s'il existe un lien de causalité entre son exposition à l'amiante et le cancer broncho-pulmonaire qu'a développé son époux, de fixer la date de première constatation de la maladie et de donner tous les éléments permettant de déterminer les préjudices patrimoniaux temporaires et permanents ainsi que les préjudices extra-patrimoniaux.
Madame [G] [Y] soutient que la C.E.C.E.A. n'est pas indépendante et que son époux a été exposé aux poussières d'amiante puisqu'il était chauffagiste, plombier et manutentionnaire.
Par conclusions récapitulatives reçues au Greffe de la Cour le 27 décembre 2010 et soutenues oralement par son avocat, le FIVA demande à la Cour de prendre de confirmer la décision de rejet et, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale confiée à un
expert spécialiste en cancérologie qui pourrait s'adjoindre un sapiteur spécialisé en exposition professionnelle.
L'expert a diligenté ses opérations et déposé son rapport.
Il analyse ainsi les faits et conclut :
'En ce qui concerne les éléments pouvant être à l'origine de ce cancer, il est évident que le tabagisme important et actif de Monsieur [Y] a été le principal facteur causal.
La question posée est de savoir si une éventuelle exposition asbestosique peut être également retenue comme co-facteur.
Notons tout d'abord une contradiction nette entre les certificats du Docteur [U] [N] et le document rempli par la veuve de Monsieur [Y].
En effet, le certificat du 12 Janvier 2009 du Docteur [U] [N] est basé sur le fait que Monsieur [F] [Y] avait « signalé avoir travaillé comme chauffagiste de 1963 à 1980». Or, sur le document rédigé par la veuve de Monsieur [Y], on retrouve bien l'existence d'un apprentissage comme plombier chauffagiste de Janvier 1965 à Novembre 1966, de travaux de chauffage de Mars à Septembre 1970, de chauffagiste et coursier de Mai à Décembre 1972 et de plombier de 2003 à Septembre 2004.
Pour le reste, on retrouve des activités diverses : cariste, manutentionnaire, chauffeur ambulancier, travail à la chaîne chez Fiat. De plus, la période comprise entre Décembre 1972 et 2003 n'est pas indiquée alors que Madame [Y] écrit, par ailleurs que de 1965 à 1981, son mari a été exposé de diverses manières à l'amiante.
Il y a donc là un élément d'incertitude quant à la réalité des activités professionnelles effectuées par Monsieur [Y]. Notons à propos du document rempli par Madame [Y], que son mari aurait participé à la rénovation de tuyaux de plomberie à la bibliothèque [H] [P] à [Localité 11] et que de ce fait, il aurait été exposé à l'amiante sans protection de la part de son employeur. Il faut relativiser ce propos car on trouve sur le site du Nouvel Observateur en date du 14 Septembre 2000, l'évaluation des joints de litaflex 25 impliqués: 6,5 m2 au total. C'est-à-dire bien peu de choses.
Quant à la concentration anormale de fibres d'amiante dans cette bibliothèque, elle est en rapport avec l'importation de livres provenant d'un dépôt situé à [Localité 13] et lui-même fortement amianté. Ce sont donc les livres qui ont amené l'amiante en condition significative dans cette bibliothèque et le travail du désamiantage des livres ne relève pas, jusqu'à nouvel ordre, des travaux de plomberie et de chauffagisme ... Outre qu'elle est trop récente pour avoir pu induire un cancer du poumon, on voit que l'éventuelle (manque un mot participation ') à la Bibliothèque [H] [P] était minime et non significative.
Néanmoins, et en dépit de ces incertitudes et des contradictions des informations recueillies, il apparaît néanmoins que Monsieur [F] [Y] a, soit comme apprenti, soit comme travailleur, participé à des travaux de chauffagiste pendant plusieurs années.
Il est également possible que lors des autres activités professionnelles qu'il a exercées, il ait eu une exposition professionnelle régulière à l'amiante.
Dans ces conditions, et bien que les éléments recueillis restent, malgré tout, discutables, l'expert retient l'existence d'une exposition asbestosique professionnelle. Etant donné que le cancer pulmonaire fait partie, dans ce cadre, des maladies imputables à cette exposition,
il reconnaît le lien entre les deux.
Conclusion :
Monsieur [F] [Y] est décédé des suites d'un cancer du poumon et de ses traitements qui sont en rapport avec son exposition à l'amiante.
La première constatation médicale peut être fixée au 13 Novembre 2006, date du compte rendu d'examen histologique effectué à [Localité 9].
L'IPP peut être fixée à 100 % selon le barème indicatif du FIVA.
Le tabagisme relevé s'élevait à 60 paquets année.
L'expert restait dubitatif sur les causes du décès : 'il semble donc et bien qu'on ait aucun renseignement quant aux conditions du décès de Monsieur [Y] , que l'ensemble des éléments qui ont été en rapport avec ce décès ait été en rapport avec le cancer du poumon et, vraisemblablement, le traitement de ce cancer' sans retenir aucune faute à la charge des praticiens.
Au dépôt de ce rapport, les consorts [Y] demandent de :
Entériner les conclusions du rapport d'expertise,
En conséquence,
- Fixer la date de première constatation médicale de la maladie de Monsieur [F] [Y] au 13 novembre 2006,
- Fixer le taux d'incapacité de Monsieur [F] [Y] à 100% du 13 novembre 2006 au [Date décès 2] 2007,
' Fixer aux sommes suivantes l'indemnisation des préjudices subis par Monsieur [F] [Y] de son vivant, à verser à sa succession
Préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle ......................3.207,82 euros
Préjudice physique .....................................................60.000,00 euros
Préjudice moral .........................................................150.000,00 euros
Préjudice d'agrément................................................... 40.000,00 euros
Préjudice esthétique ....................................................10.000,00 euros
' Fixer aux sommes suivantes l'indemnisation du préjudice moral et d'accompagnement subi par les consorts [Y]:
Pour son épouse, Madame [G] [Y] : .....70.000,00 Euros
Pour son fils, Monsieur [O] [Y] ........40.000,00 Euros
Pour son fils, Monsieur [D] [Y] ....50.000,00 Euros
' Dire et juger que l'ensemble des sommes allouées portera intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
' Condamner le Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante au paiement d'une somme de 3.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante conclut ainsi :
A TITRE PRINCIPAL
CONSTATER l'absence de lien de causalité direct et certain entre le cancer broncho pulmonaire présenté par Monsieur [Y] et une exposition à l'amiante;
En conséquence,
CONFIRMER le bien fondé de la décision du 3 décembre 2009 par laquelle le FIVA a rejeté la demande d'indemnisation des Consorts [Y].
A TITRE SUBSIDIAIRE
ORDONNER le renvoi du dossier des requérants au FIVA pour l'établissement d'une offre relative à leur préjudice personnel et au préjudice extrapatrimonial du défunt.
En tout état de cause,
DEBOUTER les Consorts [Y] de leur demande fondée sur l'article 700 du CPC.
L'exposé des moyens et prétentions des parties est réalisé sous la forme du visa prévu par l'article 455 du Code de procédure civile,
SUR QUOI
L'expert n'est clairement affirmatif que sur un point :
En ce qui concerne les éléments pouvant être à l'origine de ce cancer, il est évident que le tabagisme important et actif de Monsieur [Y] a été le principal facteur causal.
Le reste de son étude tend à établir que l'exposition à l'amiante a pu participer au développement du cancer étant observé que le cancer constitue le lien nécessaire avec l'affection par l'amiante.
Pour le surplus, l'expert fait ressortir toutes les incertitudes du dossier ; ces incertitudes portent sur les conditions mêmes du décès, le lien avec le cancer et ses soins étant même une forte probabilité plutôt qu'une donnée acquise.
Les activités professionnelles de M. [F] [Y] font apparaître encore plus d'incertitudes et, sur son éventuelle contamination à l'occasion de la construction de la bibliothèque [H] [P], d'invraisemblance.
La logique du rapport et du dossier conduisent à attribuer le décès de [F] [Y] au tabagisme qu'il pratiquait, l'exposition à l'amiante ne constituant qu'une circonstance adjuvante dans l'hypothèse la plus favorable à la thèse des consorts [Y].
C'est insuffisant pour retenir un lien entre une exposition à l'amiante et l'affection dont est décédé M. [F] [Y].
PAR CES MOTIFS
Déboute les consorts [Y] de leurs demandes,
Laisse les dépens à la charge du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
La greffière Le Président