Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/08316
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007068868
APPELANTE
Société AGENCE EUROPÉENNE DE COMMUNICATION PUBLIQUE 'AECP', agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant: la SCP LAGOURGUE - OLIVIER (Me Charles-Hubert OLIVIER), avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistée de : Me Sophie LESIEUR CAZAVAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1092
INTIMÉE
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentant : SELARL HJYH (Me Patricia HARDOUIN), avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de : Me Viviane MULLER, plaidant pour le cabinet ROULLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : W05
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FÈVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : M. Sébastien PARESY
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par M. Sébastien PARESY, greffier présent lors du prononcé.
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Le 4 décembre 2003, la société AECP a ouvert un compte professionnel auprès de la SOCIETE GENERALE, prévoyant l'utilisation d'une carte business et une convention de trésorerie.
Suivant avenant à la convention de trésorerie en date du 24 juillet 2006, le montant de l'autorisation de découvert a été porté à 40.000 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2007, la SOCIETE GENERALE a dénoncé la facilité de caisse et a notifié la clôture du compte au terme d'un préavis de 60 jours. Par lettre du même jour, la SOCIETE GENERALE a demandé à la société AECP de ne plus utiliser la carte de crédit et de la restituer.
Par acte d'huissier du 10 octobre 2007, la société AECP a assigné la SOCIETE GENERALE devant le tribunal de commerce de PARIS.
Par jugement rendu le 17 février 2011, le tribunal de commerce de Paris a:
- dit que la SOCIETE GENERALE a commis une faute en déclarant, le 24 août 2007, au nom de la société AECP, un incident au fichier des cartes bancaires de la Banque de France et en ne rectifiant pas ensuite son erreur,
- condamné la SOCIETE GENERALE à payer à la société AECP la somme de 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
- débouté la société AECP de ses autres demandes principales,
- condamné la société AECP à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 42.617,84 euros en principal, à majorer des intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2008,
- ordonné la compensation entres ces deux condamnations arrêtées à la date du jugement,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société AECP aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la Cour le 31 mai 2011, la société AECP a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 novembre 2012, la société AECP demande à la Cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que la SOCIETE GENERALE a commis une faute en déclarant, le 24 août 2007, au nom de la société AECP un incident au fichier des cartes bancaires de la Banque de France et en ne rectifiant pas ensuite son erreur,
- condamné la SOCIETE GENERALE à lui payer la somme de 10.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en assortissant cette condamnation de l'intérêt légal à compter du jugement,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses autres demandes ,
- de constater la rupture brutale et injustifiée de la convention de trésorerie du 24 juillet 2006 par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2007,
- de dire que cette rupture intervenue sans motif constitue une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle,
- de constater que la SOCIETE GENERALE a également commis un abus de droit en modifiant unilatéralement sans préavis ni motif les conditions de débit de la carte bancaire dont elle avait usage,
- de débouter la SOCIETE GENERALE de ses demandes,
- de dire que par ses manquements fautifs la SOCIETE GENERALE a occasionné un préjudice dont elle est fondée à demander réparation,
- de déclarer irrecevable la demande de la SOCIETE GENERALE en paiement d'intérêts conventionnels appliquée à sa demande reconventionnelle en application de l'article 524 du Code de procédure civile,
- de condamner la SOCIETE GENERALE à lui verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2007,
- d'ordonner la compensation entre les dommages et intérêts et la somme éventuellement allouée à la SOCIETE GENERALE,
- de condamner la SOCIETE GENERALE à lui verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 27 novembre 2012, la SOCIETE GENERALE demande à la Cour:
- de dire qu'elle ne forme aucune nouvelle demande devant la cour,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle avait commis une faute lors de la déclaration de l'usage abusif de la carte,
- de dire qu'elle a respecté ses obligations,
- de dire qu'il n'y a pas lieu à levée de l'inscription du retrait au fichier des cartes bancaires de la Banque de France,
- de dire que la société AECP ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité,
- de débouter la société AECP de ses demandes,
- de confirmer le jugement pour le surplus notamment en ce qu'il a retenu que la décision de dénonciation de la facilité de caisse et de clôture du compte était régulière et en ce qu'il a condamné la société AECP à payer la somme de 42.617,84 euros en principal,
- y ajoutant:
- d'assortir la condamnation de la société AECP au paiement du solde débiteur de compte, des intérêts au taux contractuel majorés et capitalisés, portant le montant à 67.110,74 euros au 26 novembre 2012, sauf à parfaire,
- de condamner la société AECP à payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
SUR CE
Considérant que la société AECP soutient que la SOCIETE GENERALE a commis un abus de droit en utilisant le délai minimal de 60 jours en plein mois d'août et en procédant simultanément à la rupture du contrat d'affacturage, à la rupture de la convention de trésorerie, à la clôture du compte courant et au retrait de la carte bancaire ; qu'elle prétend également que la SOCIETE GENERALE a appliqué le débit immédiat pour la carte bancaire dès sa lettre du 24 août 2007, alors que le débit différé était prévu au 5 septembre 2007 et que le dépassement du découvert autorisé est dû à la banque qui a brutalement opéré un changement du débit différé en débit immédiat ; qu'elle estime que son image de marque et sa réputation commerciale ont été considérablement entachées, notamment à cause de l'inscription au fichier des cartes bancaires, que sa trésorerie a été déséquilibrée et qu'elle a été privée de la cotation SFAC ; que sur la demande reconventionnelle de la SOCIETE GENERALE, elle se prévaut de l'irrecevabilité de la demande d'intérêts au taux contractuel;
Considérant qu'en réponse, la SOCIETE GENERALE fait valoir qu'elle s'est conformée à ses obligations lors de la résiliation de la convention de trésorerie et de la clôture du compte, en respectant un délai de préavis de 60 jours, qu'elle était en droit de retirer la carte bancaire à tout moment et qu'à la date d'arrêté de l'encours le 26 août 2007, le solde débiteur était supérieur au découvert autorisé ; qu'elle allègue que le non respect de la limite du découvert autorisé est constitutif d'un usage abusif de la carte qui a entraîné la déclaration d'incident; qu'elle ajoute qu'au lieu de procéder à la régularisation de la situation en septembre 2007, comme elle s'y était engagée, la société AECP a au contraire fait à nouveau usage de sa carte les 15 septembre et 11 octobre 2007 ; qu'elle considère que l'attestation de l'expert comptable de la société AECP est dépourvue de tout valeur probante et que la société AECP ne démontre pas l'existence d'un préjudice puisqu'un délai supplémentaire ne lui aurait pas permis une régularisation, de sorte que l'incident de paiement aurait nécessairement été déclaré ; qu'elle indique enfin que la demande en paiement des intérêts conventionnels était comprise dans le montant des demandes soumises aux premiers juges et que cette demande, qui est l'accessoire du principal, est recevable en application de l'article 567 du Code de procédure civile;
- Sur les demandes de la société AECP:
Considérant qu'aux termes de l'avenant du 24 juillet 2006, autorisant un découvert de 40.000 euros, il est prévu que le contrat est conclu pour une durée indéterminée et que la SOCIETE GENERALE peut, sans avoir à motiver sa décision, résilier à tout moment l'ouverture de crédit, en respectant un délai de préavis de 60 jours ; qu'il est précisé que le préavis court à compter de la date d'envoi d'une notification par lettre recommandée avec accusé de réception; qu'il est également mentionné qu'en ce cas la SOCIETE GENERALE peut clôturer le compte courant du client;
Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 août 2007, la SOCIETE GENERALE a dénoncé la facilité de caisse et a notifié la clôture du compte, au terme d'un préavis de 60 jours, soit le 24 octobre 2007;
Considérant que la SOCIETE GENERALE s'est ainsi conformée aux stipulations contractuelles concernant la facilité de caisse;
Considérant qu'à défaut de délai de préavis mentionné dans la convention de compte professionnel pour la clôture du compte courant, le délai de 60 jours, appliqué en l'espèce à compter du 24 août, constitue un délai raisonnable qui permettait à la société AECP de prendre les dispositions nécessaires pour rechercher une nouvelle banque;
Considérant dans ces conditions que la société AECP ne rapporte pas la preuve d'un abus commis par la SOCIETE GENERALE dans l'exercice de son droit;
Considérant que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a considéré que les décisions de résiliation du concours et de clôture du compte courant étaient régulières et qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la banque de ce fait;
Considérant que la société AECP reproche également à la SOCIETE GENERALE de ne pas avoir respecté ses obligations lors du retrait de la carte bancaire et d'avoir déclaré sans raison un incident à la banque de France;
Considérant que par lettre du 24 août 2007, la SOCIETE GENERALE a demandé à la société AECP de ne plus utiliser la carte de crédit et de la restituer et elle l'a informée de l'inscription de l'incident au fichier des cartes bancaires de la banque de France ; que dans sa lettre, la SOCIETE GENERALE indique que la situation du compte n'a pas permis de couvrir les opérations effectuées à l'aide de la carte fonctionnant sur ce compte et que cette utilisation n'est pas conforme aux conditions générales de fonctionnement des cartes;
Considérant que la SOCIETE GENERALE prétend qu'à la date d'arrêté de l'encours le 26 août 2007, le solde débiteur était supérieur au découvert autorisé et que lorsqu'elle a prélevé l'encours le 29 août 2007, trois jours après la date habituelle, le solde débiteur était de 45.437,50 euros;
Considérant que le montant, mentionné par la banque, de 6.181,38 euros de l'encours de débit différé de la carte pour l'échéance du mois d'août 2007, n'excédait pas la limite autorisée de 8.000 euros;
Considérant qu'il ressort des relevés de compte produits par la SOCIETE GENERALE qu'à la date du 24 août 2007, le solde était débiteur de 39.216,62 euros et qu'il ne dépassait pas l'autorisation de découvert de 40.000 euros;
Considérant qu'il résulte également des relevés de compte que l'échéance carte bleue était prélevée le 4 de chaque mois;
Considérant dans ces conditions qu'à la date du 24 août 2007, la SOCIETE GENERALE ne pouvait pas prétendre que la situation du compte ne permettait pas de couvrir les opérations effectuées avec la carte, puisque le débit ne devait intervenir que le 4 septembre 2007;
Considérant, alors qu'aucune utilisation abusive de sa carte n'avait été faite par la société AECP à la date du 24 août 2007, que la SOCIETE GENERALE a décidé à la fois de retirer la carte bleue de la société AECP, de rendre immédiatement exigibles les opérations effectuées avec cette carte, de considérer l'absence de couverture en résultant comme une utilisation abusive et de déclarer l'incident à la Banque de France;
Considérant que le caractère simultané et sans préavis de ces décisions, dont la société AECP n'a eu connaissance qu'à réception des lettres le 30 août 2007, ne permettait manifestement pas à cette dernière de régulariser sa situation;
Considérant en conséquence que la SOCIETE GENERALE a agi de manière fautive et qu'elle a procédé sans motif légitime à la déclaration de l'incident à la Banque de France le 24 août 2007 ; qu'il résulte en outre du déroulement des faits qu'elle n'a pas modifié sa décision, malgré l'envoi par la société AECP d'une lettre en date du 13 septembre 2007, contestant ces agissements;
Considérant que cette inscription au fichier des cartes bancaires a porté atteinte à la réputation commerciale de la société AECP et l'a privée de tout recours au crédit de trésorerie SFAC;
Considérant que l'attestation de l'expert comptable de la société AECP, datée du 22 novembre 2012, s'il atteste du montant des chiffres d'affaires réalisés en 2007, 2008 et 2009 par la société AECP, n'apporte aucun renseignement fiable sur les difficultés alléguées de la société AECP et ne démontre pas l'existence du préjudice autre que celui résultant du discrédit causé par l'inscription injustifiée à la Banque de France;
Considérant en conséquence que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a alloué à la société AECP la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef et que la société AECP doit être déboutée du surplus de sa demande de dommages et intérêts;
- Sur les demandes de la SOCIETE GENERALE:
Considérant qu'en première instance, la SOCIETE GENERALE a demandé le paiement de la somme de 42.617,84 euros, au titre du solde débiteur du compte courant, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 janvier 2008 et que le tribunal a fait droit à sa demande à compter du 12 mars 2008, date d'arrêté de compte;
Considérant que la société AECP n'avait pas contesté le montant réclamé qui comprenait la somme due à la date de la clôture du compte, ainsi que les intérêts au taux contractuel arrêtés au 12 mars 2008;
Considérant que la demande en paiement des intérêts est l'accessoire de la demande en paiement de la créance principale ; qu'en l'espèce la demande des intérêts au taux contractuel tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges et qu'en outre il s'agit d'une demande reconventionnelle formulée par la SOCIETE GENERALE;
Considérant que cette demande est dès lors recevable;
Considérant que la SOCIETE GENERALE est donc fondée à réclamer le paiement de la somme de 42.617,84 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 12 mars 2008;
Considérant que le décompte versé aux débats par la banque, arrêté au 26 novembre 2012, ne tient pas compte de la compensation ordonnée à bon droit par le tribunal à la date du jugement et qu'il fait application de la capitalisation des intérêts qui n'a pas été prononcée;
Considérant que ce décompte ne peut être retenu et qu'il convient donc de confirmer le jugement, sauf à dire que les intérêts sont dûs au taux contractuel à compter du 12 mars 2008;
Considérant que la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande judiciaire qui en est formée et dès lors qu'il s'agit d'intérêts dûs au moins pour une année entière; qu'il convient d'ordonner cette capitalisation des intérêts à compter des conclusions du 28 septembre 2011, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil;
Considérant par ailleurs que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société AECP aux dépens;
Considérant que la société AECP, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens d'appel;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SOCIETE GENERALE les frais non compris dans les dépens, exposés en appel et qu'il convient de condamner la société AECP à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formulée en appel par la SOCIETE GENERALE.
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à dire que les intérêts sont dûs au taux contractuel à compter du 12 mars 2008, sur la somme de 42.617,84 euros.
Y ajoutant,
Ordonne la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière, à compter du 28 septembre 2011, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Condamne la société AECP à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes autres demandes.
Condamne la société AECP aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Grefier Le Président