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06/02/2013 | FRANCE | N°11/10584

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 06 février 2013, 11/10584


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 06 Février 2013



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10584



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 Octobre 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - section encadrement - RG n° 08/01040





APPELANTE

S.A.S. ALKOPHARM venant aux droits de la S.A.S. LABORATOIRES GENOPHARM

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[L

ocalité 1]

représentée par Me Olivier LAERI, avocat au barreau de PARIS, D1927





INTIMÉ

Monsieur [H] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean Clau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 06 Février 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/10584

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 Octobre 2009 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - section encadrement - RG n° 08/01040

APPELANTE

S.A.S. ALKOPHARM venant aux droits de la S.A.S. LABORATOIRES GENOPHARM

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 1]

représentée par Me Olivier LAERI, avocat au barreau de PARIS, D1927

INTIMÉ

Monsieur [H] [A]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean Claude SOBRERO, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [H] [A] a été embauché par la société Laboratoires GENOPHARM, devenue ALKOPHARM, par contrat à durée indéterminée à compter du 9 décembre 2002, en qualité de manager hospitalier.

Après avoir été nommé directeur du marketing à compter du 1er juillet 2007, il a été licencié pour faute grave le 18 avril 2008.

Considérant qu'il avait fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse d'une part et que d'autre part, il avait été licencié dans des conditions vexatoires, il a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux de diverses demandes.

Par jugement en date du 5 octobre 2009, ce dernier a condamné la SAS Laboratoires GENOPHARM à lui payer les sommes suivantes :

- 13 713,93 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 1 371 € au titre des congés payés afférents

- 7 199,81 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

ces sommes assorties des intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de conciliation

- 27 427,86 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 900 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Le conseil de prud'hommes l'a débouté du surplus de ses demandes.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 10 décembre 2009, la SAS Laboratoires GENOPHARM en a interjeté appel et demandé à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

M. [H] [A] demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a condamné la SAS Laboratoires GENOPHARM à lui verser les sommes de 13 713,93 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et de 7199,81 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Il demande par ailleurs l'infirmation du jugement pour le surplus et la condamnation de la SAS ALKOPHARM, venant aux droits de la SAS Laboratoires GENOPHARM, à lui verser les sommes de :

- 132 500 € au titre des commissions prévues par le contrat de travail

- 137 139 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 40 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'un harcèlement moral

- 5 000 € au titre du préjudice moral

- 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Toutes ces sommes avec intérêts à compter de l'enregistrement de la requête introductive d'instance le 26 août 2008, outre la capitalisation des intérêts.

Pour sa part, la SAS ALKOPHARM conclut au rejet de l'intégralité des demandes formées à son encontre.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société Laboratoires GENOPHARM appartenait à un groupe pharmaceutique et avait pour activité l'exploitation, la commercialisation et le développement pour la France des médicaments du groupe.

M. [H] [A] a été embauché le 9 décembre 2002, en qualité de manager hospitalier alors que le groupe débutait son développement.

Par la suite, il a été nommé directeur manager hospitalier et avait, notamment, la responsabilité du recrutement et de l'animation des managers hospitaliers sur l'ensemble du territoire.

À compter du 1er juillet 2007, il a été nommé directeur marketing.

Il était placé sous l'autorité du directeur général qui, à compter de 2007, était M. [W].

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 18 avril 2008 est motivée de la façon suivante :

«(...) Par conséquent, nous sommes dans l'obligation de vous signifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, au motif de fausses déclarations vous ayant permis le remboursement abusif de pièces, de fausses visites et de faux déplacements professionnels ayant entraîné, tant auprès du manager de la région [Localité 5] que du réseau tout entier, une absence totale du contrôle de leur activité, dont vous aviez la charge.

Enfin, l'utilisation des moyens de la société à des fins personnelles, ainsi que les débours de frais fictifs seront mentionnés dans les rapports extraordinaires de clôture d'exercice de l'année 2007 du commissaire aux comptes et du dirigeant de la société.

En effet, à l'occasion des contrôles exercés par le contrôleur de gestion, la direction générale, l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, il est apparu des anomalies flagrantes dans l'énoncé des frais que vous avez émis à remboursement, en relation avec les déplacements que vous avez effectués dans l'exercice des responsabilités qui vous étaient confiées.

En effet, à cette époque, vous étiez en charge de supporter une équipe de 6 managers hospitaliers répartis par région sur la France, et pour lesquels votre responsabilité était l'information, le coaching ainsi que la validation des supports commerciaux à l'ensemble du groupe, et durant l'exercice 2006-2007 vous avez :

- Vous avez effectué, en 2006, 22 déplacements en [Localité 5] plus 3 déplacement en Normandie ce qui représente 25 déplacements auprès de M. [K], manager région Ouest ([Localité 5]), pour un total de 20 949 km et des péages s'élevant à 936,90 €.

- Pour cette même année, vous avez visité une seule fois chacune des régions : Centre ([Localité 7]), Est ([Localité 12]), Nord ([Localité 4]) et Sud ([Localité 9]) soit 7762 km avec des péages s'élevant à 210,80 €.

- Pour les 5 premiers mois de 2007, vous avez effectué sur la [Localité 5] 6 journées de recrutement et 6 déplacements pour un total de 5165 km et 452,30 € de péage, alors que dans le même temps vous êtes allés 1journée en région Centre, 4 en région Est, 3 en région Nord et 3 en région Sud et aucun déplacement région hors recrutement ce qui représente un total de 4122 km et 143,70 € de péage.(...)

Par ailleurs, ces nombreux allers-retours en [Localité 5] ne concordaient pas, loin s'en faut, avec des rencontres terrain avec le manager local, puisque aucune concordance n'est retrouvée pour 18 remboursements kilométriques en 2006 et 5 en 2007.

Il ressort de cette analyse qu'au titre des 31 déplacements que vous avez effectués pour votre activité, 27 (hors déplacement de recrutement) le furent pour la seule région Ouest de la France, où il est établi que vous résidez d'une manière récurrente dans cette région, et vous allongiez ainsi votre week-end du vendredi au lundi inclus.

Le préjudice financier évalué par l'expert-comptable, sur la base des montants qui ont été payés à l'occasion de vos déplacements, fait apparaître une somme de 14 100 € représentant la différence des sommes engagées dans les autres régions, par rapport à celle où vous avez l'habitude de séjourner dans votre ville de villégiature.

Pour réaliser ces faits constitutifs du délit d'abus de confiance, vous avez usé et abusé de la confiance, à la fois de la direction générale et des services de comptabilité, et vous avez porté, auprès du personnel qui vous était dévoué, un sentiment de trahison et de colère, eu égard à la responsabilité qui vous avait été confiée au sein de cette entreprise.

L'absence de visite auprès des autres managers a non seulement entraîné une baisse sensible du niveau d'information et d'appréciation de la prise en charge des pathologies, mais également un dysfonctionnement dans le traitement et la gestion de l'information, à l'intérieur du groupe.

Vous avez mis en cause la qualité opérationnelle du groupe dont vous aviez la responsabilité, et vous avez abusé de la confiance qui vous a été portée, en faisant croire à des déplacements professionnels alors même que, renseignements pris auprès de M. [Y] [K], dont vous avez à maintes reprises annoncé sur vos feuilles de frais des visites pour lesquelles les recoupements de ses propres activités ne pouvaient pas correspondre à la réalité des faits, indépendamment des frais ainsi supposés être portés à votre activité et qui, pour le moins, ne furent que des coûts remboursés pour des intérêts personnels pour lesquels vous avez trompé votre direction générale, voire impliqué dans vos agissements déloyaux un collaborateur. ».

Les griefs articulés à l'égard de M. [H] [A] sont résumés par l'employeur en deux catégories, à savoir : l'utilisation des moyens mis à sa disposition par la société à des fins personnelles ainsi que le remboursement de frais fictifs et l'absence de visites auprès de 4 des 6 managers hospitaliers régionaux de la société qui a entraîné un dysfonctionnement dans le traitement et la gestion de l'information à l'intérieur du groupe.

Il est constant que les faits reprochés se situent courant 2006 et au cours des cinq premiers mois de 2007.

M. [H] [A] invoque la prescription prévue par l 'article L.1332-4 du code du travail qui dispose : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même temps à des poursuites pénales. ».

La procédure disciplinaire ayant été engagée le 17 mars 2008, date de la convocation de M. [H] [A] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, la SAS ALKOPHARM considère que la prescription n'était alors pas acquise puisque les faits n'auraient été découverts que fin février 2008.

Cependant, lorsqu'un fait fautif a été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de ce qu'il n'en n'a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

A cette fin, l'employeur verse au débat une attestation rédigée par un membre du cabinet NB Audit, commissaire aux comptes, qui se borne à attester au vu des éléments fournis par la société Genopharm, de la réalité des déplacements effectués par M. [H] [A] et pris en charge pour la période du 1er janvier 2006 au 31 mai 2007 mais ne se prononce aucunement sur la date à laquelle les faits reprochés auraient été découverts.

La SAS ALKOPHARM produit également aux débats deux attestations du 11 février et du 2 avril 2009 aux termes desquelles M. [W], le directeur général, atteste avoir contrôlé et relevé des anomalies dans les notes de frais de M. [H] [A], dans le courant de la dernière semaine de février 2008.

Mais outre le fait que ces attestations émanent certes pas du président de la société qui a signé la lettre de licenciement mais néanmoins d'un cadre dirigeant, investi du pouvoir disciplinaire et qui était chargé de mener l'entretien préalable à l'éventuel licenciement de M. [H] [A] ainsi qu'il résulte de la lettre de convocation qui lui a été adressée le 31 mars 2008, ces mentions entrent en contradiction avec celles de la lettre de licenciement du 18 avril 2008 dont il résulte que les faits auraient été découverts à la faveur de contrôles exercés non seulement par la direction générale mais également par le contrôleur de gestion, l'expert-comptable et le commissaire aux comptes, aucune précision n'étant apportée sur la date à laquelle ces derniers ont effectué leurs propres contrôles.

Par ailleurs, les attestations du directeur général sont contredites par de nombreux éléments produits par le salarié.

En premier lieu, M. [H] [A] fait remarquer que les demandes de remboursement de frais litigieuses étaient nécessairement connues de l'entreprise puisqu'elles avaient donné lieu, en leur temps, à des remboursements.

Par ailleurs et surtout, il apparaît que dès le mois de mai ou juin 2007, l'employeur s'était penché attentivement sur les déplacements de M. [H] [A], les jugeant inopportuns et injustifiés et procédant à une remise en cause des pratiques dont M. [H] [A] usait jusqu'alors.

Ainsi, dans une attestation du 11 avril 2009, M. [I] [R] indique avoir été surpris d'apprendre « qu'après son premier accident coronarien (avril 2007), à son retour de convalescence en mai 2007, le nouveau directeur général (M. [W]), avait fait preuve d'agressivité (à l'égard de M. [H] [A]), lui reprochant des déplacements injustifiés et lui interdisant de se déplacer sur le terrain. ».

De la même manière, le 2 juin 2011, M. [F] [P] rédigeait une attestation dans laquelle il indiquait qu'en janvier 2008, il était « responsable du réseau de visite médicale en remplacement de [H] [A] auquel on avait retiré l'encadrement des équipes suite à un différend avec M. [B] [W] au sujet de ses notes de frais... » et qu'il occupait cette fonction depuis septembre 2007.

Enfin, dans une note de service dont il n'est pas contesté qu'elle date du mois de juin 2007, qui s'adressait à M. [H] [A] dans le cadre de ses nouvelles fonctions de directeur du marketing, le directeur général indiquait :

« le déplacement sur le terrain de façon erratique, non analysé de façon précise selon les besoins des managers, sans retour d'information ne peut plus se concevoir en termes de management efficace.

Si ces déplacements ne sont pas remis en cause dans leur principe, ils doivent être limités au strict minimum et s'intégrer dans un véritable plan de travail, préparé à l'avance' »;

«Dans ces conditions, nous ne serons pas 6 mois sans visite ce qui me paraît plus que suffisant, un événement particulier et impactant réellement le business pouvant seul justifier un déplacement exceptionnel (sur ce point, votre prochain passage auprès de [G] [O] n'a pas vraiment de logique et encore moins dans le contexte d'une absence prolongée du siège). ».

Au vu de ces éléments, l'employeur n'établit donc pas la preuve de ce qu'il n'a eu connaissance des faits reprochés à son salarié qu'en février 2008 et, plus généralement, dans le délai de la prescription.

Dans ces conditions, ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, la prescription doit être considérée comme acquise de sorte que le licenciement, fondé exclusivement sur des faits prescrits, ne peut qu'être jugé comme dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les sommes dues au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de congés payés qui s'y rapporte et l'indemnité conventionnelle de licenciement dont le mode de calcul ne fait l'objet d'aucune contestation.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise (plus de dix salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] [A] (moyenne de 4571,31 €), de son âge (56 ans), de son ancienneté (5 ans et 7 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard (toujours au chômage en 2012), tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des allocations chômage

Aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail,en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse ou nul et lorsque le salarié disposait d'une ancienneté au moins égale à deux années dans une entreprise comportant au moins onze salariés, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Il sera donc fait application de ces dispositions, dans la limite de six mois de versement.

Sur le rappel de commissions

M. [H] [A] fait valoir que selon l'article 6 du contrat de travail, il était prévu non seulement le versement d'un salaire fixe d'un montant initial de 2 750 € mais également d'un somme variable calculée sur la base de 2 % du chiffre d'affaires, sans limitation de seuil.

Il ajoute que, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, il s'agissait de l'ensemble du chiffre d'affaires de l'entreprise et non pas seulement du secteur hospitalier, notamment parce qu'à partir de 2007, il était directeur des opérations et supervisait donc tous les réseaux.

Il réfute également l'application de la prescription quinquennale invoquée par l'employeur dans la mesure où, selon lui, cette prescription n'est pas opposable à un salarié créancier de commissions sur le chiffre d'affaires lorsque ce salarié s'est trouvé dans l'impossibilité d'avoir connaissance des éléments permettant de calculer sa créance.

Pour s'opposer à cette demande, la SAS ALKOPHARM fait valoir en premier lieu qu'il convient d'appliquer la prescription de cinq ans prévue par l'article L.3245-1 du code du travail.

En second lieu, elle soutient qu'il convient d'interpréter le contrat à la lumière de la commune intention des parties.

Or, selon elle, lorsque le contrat a été signé, il avait été envisagé plusieurs pourcentages d'intéressement sur le chiffre d'affaires, décroissant en fonction du salaire fixe de telle sorte que ce pourcentage devenait inexistant si le salarié choisissait un salaire fixe de 3049 €.

Elle en déduit que dès lors qu'à compter de juillet 2003, M. [H] [A] a perçu un salaire de 4502,60 €, il ne pouvait plus prétendre à une rémunération variable.

Elle ajoute enfin qu'en tout état de cause, seul peut être pris en considération le chiffre d'affaires généré par le secteur hospitalier.

Le contrat de travail signé le 9 décembre 2012 prévoyait que M. [H] [A] était engagé en qualité de manager hospitalier.

Il précisait dans l'article 3, relatif à ses fonctions et attributions, que ces dernières étaient notamment les suivantes : « gestion d'un portefeuille de clients hospitaliers, publics et privés, de cliniques, de dispensaires de soins ou de tout autre organisme dispensant des soins ou des secours. ».

Dans le même paragraphe, il était ajouté, plus loin, « que dans l'exercice de sa fonction, M. [H] [A] doit réaliser un objectif de chiffre d'affaires, sur son secteur géographique, que son salaire dépend pour partie d'un pourcentage directement lié à son chiffre d'affaires, que le non-paiement d'un client sur son secteur nouveau ou ancien est directement sous sa responsabilité.(...)

M. [H] [A] accepte l'objectif qui lui est fixé de parvenir en 18 mois à réaliser sur son secteur un CA de 1,5 millions d'€, entendu que son secteur produit aujourd'hui un CA de 686 000 €. ».

Dans l'article 5 relatif à la rémunération, il était indiqué : « en contrepartie de son travail, M. [H] [A] percevra une rémunération mensuelle brute comme établie ci-après :

CA à réaliser dans son secteur 686 000 €

montant fixe : 2750 € mensuels sur base de 12 mois

pourcentage sur le CA à réaliser : 2 % sans limitation de seuil ».

Il en résulte que même s'il a pu être envisagé, lors de la négociation du contrat de travail, que le montant du salaire fixe pourrait être plus ou moins important en fonction du pourcentage retenu au titre de la rémunération variable, c'est-à-dire inversement proportionnel, les termes clairs et précis du contrat ne permettent nullement d'en déduire que par la suite, l'évolution du salaire fixe pourrait conduire à une modification du pourcentage des commissions.

Il résulte également clairement de ce contrat que les commissions devaient être calculées sur le seul chiffre d'affaires fixé comme objectif au salarié et non pas sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise.

Or, le contrat de travail précise, sans ambiguïté possible, que le secteur qui lui est dévolu est le secteur hospitalier.

M. [H] [A] indique lui-même que sur les bulletins de salaire de juillet 2003, il est mentionné comme directeur manager hospitalier et qu'entre 2004 et 2007 il est devenu directeur business unit hôpital et directeur unité hospitalière.

S'il affirme qu'à compter du 1er janvier 2007, il exerçait, dans les faits, la responsabilité de directeur des opérations et qu'il faisait partie du comité exécutif de direction de l'entreprise, il ne démontre pas pour autant qu'il avait en charge la progression du chiffre d'affaires lié au réseau des pharmacies.

Il est constant par ailleurs qu'à compter du 1er juillet 2007, il était devenu directeur du marketing et n'avait donc plus la responsabilité des managers.

Il apparaît donc que le seul chiffre d'affaires sur lequel devaient être calculées les commissions dues à M. [H] [A] était le chiffre d'affaires généré par le secteur hospitalier et dont il avait nécessairement connaissance puisqu'il s'agissait du chiffre d'affaires qu'il avait la charge de faire progresser.

Au demeurant, M. [H] [A] ne conteste pas qu'il avait bien connaissance du montant de ce chiffre d'affaires de telle sorte qu'il était en mesure de faire valoir ses droits à rémunération puisque dans ses conclusions, pour conclure au rejet de la prescription, il affirme qu'il ne connaissait pas la totalité du montant des ventes dans la mesure où il n'avait aucun accès aux ventes faites aux grossistes répartiteurs. (Produits vendus en pharmacie).

Dans ces conditions, il y a lieu de dire que la prescription de cinq ans prévue par l'article L3245-1 du code du travail doit s'appliquer.

La demande de paiement des commissions ayant été formulée par conclusions déposées au greffe le 22 juin 2011 et portées à la connaissance de l'employeur lors de l'audience du 27 juin 2011, seuls peuvent donner lieu à réclamation les salaires exigibles postérieurement au 27 juin 2006.

Faute par M. [H] [A] de produire des éléments d'évaluation différents, il convient de retenir celle proposée par l'employeur pour la période du 27 juin 2006 au 1er juillet 2007 et dont il résulte que l'application d'un pourcentage de 2 % sur le chiffre d'affaires généré par le secteur hospitalier devait aboutir à une commission de 70 700 €.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Parmi les nombreux éléments invoqués à M. [H] [A] il y a lieu de retenir, comme établis, les suivants :

- Un malaise cardiaque survenu le 11 avril 2007 et ayant nécessité une évacuation dans un service d'urgence ainsi qu'un arrêt de travail jusqu'au 9 mai 2007

- Un malaise cardiaque survenu le 5 juin 2007

- Un certificat médical du 15 avril 2009 établi par un cardiologue indiquant : « il est évident que les stress répétés subis par M. [A] au cours de la dernière année de son activité professionnelle n'ont pu avoir qu'un retentissement négatif sur le cours de sa maladie coronarienne.

Il est vraisemblable que ces derniers ont contribué à la survenue de nouveaux problèmes coronariens et à la nécessité d'une nouvelle intervention coronarienne le 4 mars 2009. »

- Un résumé de l'histoire de la maladie de M. [H] [A] rédigé le 16 mai 2011 par un autre praticien, précisant notamment : « En mars 2008, j'examine le patient à [Localité 8] et je suis alors surpris par l'intensité du stress psychologique qui explique, l'impossibilité pour le patient de prendre en charge, de façon sereine et efficace, les facteurs de risque cardio-vasculaire.(...)

Il s'agit donc d'une maladie coronarienne ayant débuté en 2007, chez un homme alors âgé de 55 ans, qui présentait certes des facteurs de risque (discret surpoids, dyslipidémie, hérédité) sur lesquels est venu se surajouter un stress psychologique et professionnel majeur qui n'a pas permis au patient de se soigner et de prendre en charge les facteurs de risque dans des conditions optimales. »

- La note de service déjà citée, adressée à M. [H] [A] peu après son retour à la suite de son premier arrêt de travail et mettant en cause les déplacements qu'il effectuait jusqu'alors

- La nomination de M. [H] [A] en qualité de directeur de marketing

- Une attestation de Mme [D], en date du 28 avril 2009 indiquant qu'après avoir été recrutée en février 2007 par M. [H] [A] qui lui avait expliqué quelles étaient ses fonctions, elle avait constaté ensuite « que les rapports avec la hiérarchie et l'organisation de notre travail n'avait plus qu'un lointain rapport avec ce qui nous avait été présenté par M. [A] lors des entretiens de recrutement.

A l'évidence, M. [A] n'avait plus le pouvoir en ce qui concernait le management des équipes sur le terrain et sa mise au placard ne faisait plus de doute pour personne.

Au retour des vacances, en septembre 2007, un nouvel organigramme nous était communiqué par les managers : un nouveau responsable des équipes (M. [P]) avait été nommé et M. [A] ne s'occuperait plus (que') du marketing. »

Elle indiquait également : « et dans le courant du mois de juin M. [W] nous faisait savoir qu'il était dès lors fermement déconseillé de communiquer directement avec M. [A] sous peine de sanctions pour nous. ».

- Dans une attestation déjà citée, M.[P], successeur de M. [H] [A] en ce qui concerne la gestion des managers, indiquait qu'on avait retiré à M. [H] [A] « l'encadrement des équipes suite à un différend avec le Dr [B] [W] au sujet de ses notes de frais. Il ne gardait alors que la responsabilité du marketing' ».

M. [H] [A] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

Or, l'employeur se borne à s'expliquer sur les circonstances de la rupture, qualifiées par M. [H] [A] de vexatoires, qui avaient donné lieu à une demande spécifique devant le conseil de prud'hommes aujourd'hui abandonnée, et ne fournit aucun élément de nature à renverser la présomption de harcèlement moral.

Celui-ci est donc établi.

Il y a donc lieu d'allouer à l'intimé une somme de 30 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande formée en réparation d'un préjudice moral

Il y a lieu de rejeter cette demande qui ne fait l'objet d'aucune explication de la part de l'intimé et dont il n'est pas précisé en particulier en quoi elle réparerait un préjudice distinct de ceux pour lesquels des indemnisations ont déjà été accordées.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'accorder à M. [H] [A], qui a dû agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité d'un montant de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les intérêts au taux légal

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement, l'indemnité de congés payés et le rappel de commissions qui ne sont pas laissées à l'appréciation du juge, mais qui résultent de l'application de la loi ou de la convention collective, les intérêts des sommes accordées au salarié courent, conformément à l'article 1153 du code civil, au jour de la demande, c'est-à-dire pour les trois premières, à compter du 28 août 2008, date de convocation devant le bureau de conciliation , ainsi que l'a justement précisé le conseil de prud'hommes et en ce qui concerne le rappel de salaire, à compter du 27 juin 2011.

Pour le surplus les sommes allouées à l'intimé étant de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal ne courront qu'à compter du présent arrêt en application de l'article 1153-1 du Code civil.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 5 octobre 2009 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS ALKOPHARM à payer à M. [H] [A] la somme de 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

CONFIRME pour le surplus le jugement frappé d'appel ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS ALKOPHARM à payer à M. [H] [A] la somme de 70 700 € à titre de rappel de salaire, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2011 ;

CONDAMNE la SAS ALKOPHARM à payer à M. [H] [A] la somme de 30 000 € en réparation d'un harcèlement moral ;

ORDONNE à la SAS ALKOPHARM de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [H] [A] dans la limite de six mois ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts par années entières ;

CONDAMNE la SAS ALKOPHARM à payer à M. [H] [A] la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/10584
Date de la décision : 06/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/10584 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-06;11.10584 ?
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