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06/02/2013 | FRANCE | N°11/09831

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 06 février 2013, 11/09831


COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 6 FÉVRIER 2013 (no 42, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 09831
Décision déférée à la Cour : jugement du 6 Avril 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 06998

APPELANTS

Monsieur Alain-Charles X......... VIETNAM

Monsieur Serge Y...... ...VIETNAM

Monsieur Paul Z...... ...-BRESIL

représentés et assistés de la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044) et de Me Anne COVILLARD (avocat au bar

reau de LYON) LAMY et Associés

INTIME

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR... 75013 PARIS

représent...

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 6 FÉVRIER 2013 (no 42, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 09831
Décision déférée à la Cour : jugement du 6 Avril 2011- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 09/ 06998

APPELANTS

Monsieur Alain-Charles X......... VIETNAM

Monsieur Serge Y...... ...VIETNAM

Monsieur Paul Z...... ...-BRESIL

représentés et assistés de la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044) et de Me Anne COVILLARD (avocat au barreau de LYON) LAMY et Associés

INTIME

Monsieur L'AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR... 75013 PARIS

représenté et assisté de Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998) et de la SCP CHAIGNE et ASSOCIES (Me Alexandre de JORNA) (avocats au barreau de PARIS, toque : P0278)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de président Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 2 septembre 2012, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Affirmant qu'une décision de justice rendue à la suite d'une procédure pénale les avait privés de leur droit à être indemnisés de l'escroquerie dont ils avaient été victimes, Messieurs Alain-Charles X..., Serge Y... et Paul Z... ont fait assigner " l'Agent Judiciaire du Trésor " aux fins de réparation de leurs préjudices devant le Tribunal de grande instance de Paris par exploit d'huissier de Justice du 17 avril 2009 ;

Par jugement contradictoire du 6 avril 2011, le Tribunal de grande instance de PARIS a :- débouté M. Alain-Charles X..., M. Serge Y... et M. Paul Z... de leurs demandes,- les a condamnés in solidum à payer à " l'Agent Judiciaire du Trésor " la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- les a condamnés aux dépens ;

Par déclaration du 24 mai 2011, Messieurs Alain-Charles X..., Serge Y... et Paul Z... ont interjeté appel de ce jugement ; Dans leurs dernières conclusions déposées le 13 novembre 2012, ils demandent à la Cour de :- " dire l'appel recevable et bien fondé ",- " réformer le jugement rendu le 6 avril 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris ",- " dire et juger que le prononcé de la peine de confiscation des tableaux qui annihile le droit des victimes à pouvoir être indemnisées à hauteur de leur préjudice engage la responsabilité de l'Etat ",- " déclarer inconventionnel l'article 131-21 du Code pénal au regard de l'article 1er du protocole no 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ",- " déclarer inconventionnel l'article 131-21 du Code pénal au regard de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ",- " condamner l'Etat français à verser à Monsieur X... la somme de 980 838, 47 € en réparation de son préjudice matériel ainsi que la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral ",- " condamner l'Etat français à verser à Monsieur Y... la somme de 980 838, 47 € en réparation de son préjudice matériel ainsi que la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral ",- " condamner l'Etat français à verser à Monsieur Z... la somme de 523 113, 87 € en réparation de son préjudice matériel ainsi que la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice moral ",- " condamner l'Etat français aux entiers dépens ",- " condamner l'Etat français à verser à Messieurs X..., Y... et Z..., chacun, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du CPC et en tous les dépens " ;

Dans ses seules conclusions déposées le 29 octobre 2011, l'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR, actuellement dénommé AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, demande à la Cour de :- " débouter Messieurs X..., Y... et Z... de leur appel ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions ", " Vu l'article L 141-1 du Code de l'Organisation Judiciaire ", " Vu les moyens de fait et de droit ", " Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de : "- " débouter Messieurs X..., Y... et Z... de toutes leurs demandes, fins et conclusions ",- " les condamner solidairement à payer la somme de 5 000 € à l'Agent Judiciaire du Trésor au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens " ;

Par conclusions déposées le 18 septembre 2012 et régulièrement signifiées aux appelants, le Ministère Public conclut à la confirmation de la décision déférée,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2012 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant que le 27 novembre 1995, Messieurs Alain-Charles X... et Serge Y... (Messieurs X... et Y...) ont signé dans des locaux loués pour l'occasion par Maître François A..., avocat (Maître A...), avec la société de droit luxembourgeois NSDLC Investissement S. A. (la société NSDLC), contrôlée par Messieurs Daniel B... et Jean-Claude C... (Messieurs B... et C...) un contrat aux termes duquel ils se proposaient d'apporter leur aide financière à la mise en oeuvre d'une expédition maritime visant à récupérer des cargaisons d'épaves de galions espagnols coulés dans la zone des Caraïbes ; qu'en contrepartie du financement du projet à hauteur de 1 500 000 $ US, ils faisaient l'acquisition de 12, 5 % du capital de la société leur donnant vocation à percevoir 12, 5 % des bénéfices distribués ;
Que Monsieur Paul Z... (Monsieur Z...) indique avoir également signé un contrat " sensiblement identique " en exécution duquel il a versé la somme de 400 000 $ US ;
Qu'en mars 1996, il est apparu que la société NSDLC ne pouvait réaliser l'opération ; que le 14 août 1996 en raison de l'échec de diverses tractations pour récupérer les fonds avancés, Messieurs X..., Y... et Z... ont déposé plainte avec constitution de partie civile contre Messieurs B... et C... et Maître A..., entre les mains du Doyen des Juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Grenoble, pour escroquerie et abus de confiance ;
Que l'information, étendue en mars 2000 à des faits de recel, établissait que Messieurs B..., C... et Maître A... étaient administrateurs d'une société de droit luxembourgeois dénommée GICAF INVESTMENT HOLDING (la société GICAF) constituée le 10 octobre 1995, domiciliée, comme la société NSDLC dont Monsieur B... disposait de la signature, auprès de la société FIDUCIAIRE EUROPÉENNE, détenant un compte alimenté, notamment, par le transfert des sommes reçues de Messieurs X..., Y... et Z... et avec lequel ont été acquis successivement un tableau attribué à PICASSO (" Café cantante en el Paralelo ") au prix de 1 170 000 $ US et un tableau attribué à RAPAHËL ou son école (" la Madone de Sienne "), au prix 600 000 $ US, respectivement mis en dépôt à ZURICH chez MAT SECURITAS EXPRESS A. G. et WELTI FURRER FINE ART, où ils ont été saisis ;
Que, renvoyés par ordonnance du 10 janvier 2003 et ordonnance rectificative du 12 mars 2003 devant le Tribunal correctionnel, celui-ci, par jugement du 2 juin 2003 a : déclaré Monsieur C... coupable des faits d'escroquerie et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve à hauteur de deux ans durant trois ans avec obligation d'indemniser les victimes, déclaré Maître A... coupable des faits de complicité d'escroquerie et d'abus de confiance commis par Monsieur B... et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve à hauteur de deux ans durant trois ans avec obligation d'indemniser les victimes, outre la peine complémentaire, assortie de l'exécution provisoire, d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant trois ans, déclaré Monsieur B... coupable des faits d'abus de confiance et d'escroquerie et l'a condamné à la peine de trois ans d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve à hauteur de deux ans durant trois ans avec obligation d'indemniser les victimes, ordonné la confiscation des tableaux saisis et placés sous scellés par application des articles 314-10 et 131-19 du Code pénal, condamné in solidum Messieurs B... et C... et Maître A... à payer aux parties civiles reçues en leur action civile, toutes causes de préjudices confondues, assorties de l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre 10 000 € en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale :- à Messieurs X... et Y... la contre-valeur en € de la somme de 2 000 000 $ US,- à Monsieur Z... la contre-valeur en € de la somme de 550 000 $ US, rejeté toutes autres demandes des parties civiles ;

Que Messieurs X..., Y... et Z... ont été déboutés de leur requête aux fins d'appréhension des deux tableaux par ordonnance du Juge de l'exécution de Grenoble rendue le 23 septembre 2004, notamment dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel ;
Que sur appel du Ministère Public et des prévenus, la Cour d'appel de Grenoble, par arrêt du 14 janvier 2005, a : sur l'action publique,- confirmé le jugement sur la culpabilité,- infirmé le jugement pour le surplus et : ¤ relaxé Monsieur B... du délit d'abus de confiance et Monsieur A... du délit de recel d'abus de confiance,- condamné Monsieur B..., Monsieur C... et Monsieur A..., chacun, à la peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis et une amende de 15 000 €,- condamné Monsieur A... à la peine complémentaire, assortie de l'exécution provisoire, d'interdiction d'exercer la profession d'avocat pendant deux ans,- ordonné la confiscation des tableaux saisis et placés sous scellés par application des articles 313-7 4o et 131-21 du Code pénal, sur l'action civile,- confirmé les dispositions civiles,- rejeté la demande en restitution des tableaux formée par les parties civiles ;

Que, le pourvoi des prévenus et des parties civiles ayant été joints, la Cour de Cassation (Chambre criminelle), a, dans un arrêt du 25 janvier 2006 :- rejeté les pourvois de Messieurs B... et C... et de Messieurs X..., Y... et Z... en l'absence de moyens produits,- rejeté le pourvoi de Monsieur A... en particulier, s'agissant de la confiscation au motif que " Pour prononcer la confiscation au profit de l'Etat des tableaux " Madone de Sienne " attribué à Raphaël ou à son école et " Cafe cantante el paralelo " de Picasso, l'arrêt relève que ces deux toiles ont été achetées avec les fonds provenant de l'escroquerie ; " ;

Que Messieurs X..., Y... et Z... ont de nouveau été déboutés de leur requête aux fins de saisie-revendication, en l'absence d'une décision définitive passée en force de chose jugée, par ordonnance du Juge de l'exécution de Lyon rendue le 1er avril 2008 ;
Que par acte des 7, 20 et 25 février 2009, Messieurs X..., Y... et Z... ont fait signifier à Messieurs B... et C... et Maître A... le jugement du 2 juin 2003 et l'arrêt du 14 janvier 2005 avec commandement aux fins de saisie-vente, resté infructueux ;
Que c'est dans ce contexte que Messieurs X..., Y... et Z... ont saisi le Tribunal de grande instance de Paris qui a rendu la décision dont appel ;
SUR QUOI,
Considérant que Messieurs X..., Y... et Z... estiment que la responsabilité de l'Etat est engagée " pour faute dans le dysfonctionnement défectueux du service de la Justice " : 1o dans la procédure d'instruction, en relevant l'inaction du Juge d'instruction, la lenteur de la procédure et ses nullités, " l'absence de contrôle du contrôle judiciaire et des garanties ordonnées ", l'absence de renvoi devant le Tribunal correctionnel des sociétés NSDLC et GICAF, 2o " tenant à la décision quant à la peine de confiscation "- en ce qu'elle se fonde sur une affirmation factuelle inexacte à savoir que la société GICAF serait propriétaire des tableaux alors que ceux-ci ont été acquis avec les fonds leur appartenant, déposés sur le compte de la société NSDLC, et qu'en conséquence cette acquisition n'a pu être faite qu'à leur profit,- en ce qu'elle commet une erreur en prononçant la confiscation, peine complémentaire non prévue pour le délit d'escroquerie et qui ne pouvait être prononcée contre une personne morale d'ailleurs non poursuivie en raison du refus du Procureur sur ce point alors qu'ils étaient dans l'impossibilité de faire citer directement ces sociétés étrangères devant le Tribunal correctionnel ; qu'en outre, au regard des dispositions de l'article 131-21 alinéa 2 et 3 du Code pénal, hormis les cas de confiscation obligatoire, il ne peut y avoir confiscation que sur les biens ayant servi à commettre l'infraction ou destinés à la commettre et qui sont la propriété des condamnés sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ayant la libre disposition de ces biens et que de la même manière s'il peut y avoir confiscation des biens objet ou produit direct ou indirect de l'infraction, c'est à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime qui a la libre disposition des biens concernés ; qu'ils soutiennent par ailleurs que les fonds destinés à la prospection et au renflouement de l'épave n'ont été remis à la société NSDLC qu'à titre de dépôt, dans un but déterminé sans que cela induise un transfert de la propriété de ces fonds au détenteur ou dépositaire, d'une part, d'autre part, que ce transfert est rendu impossible par le caractère infractionnel du détournement des fonds de leur destination ; que dépossédés, du fait de l'escroquerie, des fonds dont ils étaient propriétaires, leur droit de propriété pouvant porter sur d'autres choses que celles dont ils ont été dépossédés, ce droit s'est reporté sur les tableaux acquis avec ces fonds, sur les fondements de la subrogation réelle et du transfert de propriété inhérent à la vente des tableaux ; qu'enfin, cette propriété étant opposable aux tiers qui doivent vérifier si celui qui possède un bien agit pour son compte ou pour autrui, en condamnant les escrocs à une peine de confiscation, c'est-à-dire un transfert forcé de propriété au profit de l'Etat sans vérifier qu'ils détenaient ce bien pour le compte de leurs victimes, l'Etat a indubitablement commis une faute ; 3o constitutive d'une faute lourde ou d'un déni de justice en raison de l'atteinte portée aux droits des victimes-en ce que les décisions juridictionnelles critiquées ont créé une situation excessivement défavorable à leur exécution concernant l'indemnisation des victimes et un enrichissement indu pour l'Etat ; qu'en cela, ces décisions sont fautives voire constitutives d'un déni de justice qui doit s'interpréter plus largement que la définition étroite donnée par le législateur,- en ce que le mépris du droit des victimes à pouvoir être indemnisées, notamment par le refus ou l'omission de poursuivre GICAF et l'absence d'exigence de garantie pour Monsieur A..., est une faute qui confine au déni de justice, l'indemnisation des victimes étant une mission essentielle du service public de la justice,- en ce qu'il est manifeste que ces décisions ont été prononcées dans l'indifférence la plus totale de la garantie des droits des victimes à être indemnisées par la suppression du sursis avec mise à l'épreuve qui mettait à la charge des escrocs l'indemnisation des victimes et en citant les dispositions de l'article 131-21 du Code pénal alors que ces décisions ne pouvaient ignorer que Messieurs X..., Y... et Z... ne disposaient d'aucune sûreté réelle en garantie de leur créance,- en ce que l'absence de considération de l'autorité judiciaire eu égard au droit le plus légitime des victimes de se voir un jour indemnisées est un véritable déni de justice alors que la préservation de leurs droits pécuniaires est cependant une garantie fondamentale de bonne justice ; 4o subsidiairement-que la constitutionnalité de l'article 131-21 du Code pénal n'a été reconnue par le Conseil constitutionnel que parce qu'il préserve le droit de propriété des tiers de bonne foi, ce qui n'a pas été le cas de l'espèce et qu'ainsi, cet article est inconventionnel en ce qu'il est contraire à l'article 1er du Protocole no 1 à la Convention Européenne des droits de l'homme qui organise la protection de la propriété ainsi qu'à l'article 17 alinéa 1er de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne entrée en vigueur avec le traité de Lisbonne le 1er décembre 2009 qui protège également le droit de propriété ; que dès lors, soit la confiscation est jugée régulière et l'article 131-21 est inconventionnel en ce qu'il porte atteinte au droit de propriété soit la confiscation est irrégulièrement prononcée en violation de l'article 1er du Protocole de la Convention Européenne des droits de l'homme et constitue une faute lourde voire un déni de justice,- qu'en reprochant aux appelants de ne pas avoir cru devoir engager des poursuites à l'encontre des deux sociétés luxembourgeoises et perdu par cette omission malencontreuse toute chance d'engager une procédure en recouvrement, les premiers juges n'ont pas respecté le principe du contradictoire puisque cette affirmation, fausse, n'avait jamais fait l'objet d'aucune discussion alors qu'ils auraient pu apporter, et apportent devant la Cour, la preuve de leurs diligences contre les sociétés NSDLC et GICAF ce qui justifie la réformation de ce jugement ;

Considérant que l'Agent Judiciaire de l'Etat, dans ses seules conclusions déposées le 21 octobre 2011 sans répondre aux dernières conclusions des appelants, estime que Messieurs X..., Y... et Z..., en considérant que la confiscation constituerait d'une part, un déni de justice puisque démontrant l'absence de considération de l'autorité judiciaire eu égard à leur droit le plus légitime de se voir un jour indemnisés et, d'autre part une faute lourde puisque les empêchant d'espérer un jour être indemnisées à hauteur de leur préjudice, tentent de remettre en cause les décisions prises par les juges du Siège qui ne peuvent être attaquées que par l'exercice des voies de recours existantes ; qu'en l'espèce, les premiers juges par leur décision confirmée par la Cour d'appel de Grenoble ont fait une application souveraine de l'article 131-21 et 313-7 4o du Code pénal confortée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 25 janvier 2006 et qu'ainsi en l'absence de toute erreur de droit et toute faute, la demande doit être considérée comme une voie de recours extraordinaire au mépris de l'autorité de la chose jugée et du respect des décisions juridictionnelles définitives ;
Considérant que le Ministère Public relève que les fonds versés par Messieurs X..., Y... et Z... ont permis d'acquérir 12, 5 % du capital de la société NSDLC et non les deux tableaux propriété de GICAF et de la société NSDLC, que par ailleurs, outre que la contrepartie des fonds était constituée de parts sociales, ils ne démontrent pas que les tableaux auraient été achetés au moyen des fonds versés par eux à la société NSDLC et uniquement avec ceux-ci, que Monsieur Z..., quant à lui, ne démontre pas la preuve de son versement à la société NSDLC, qu'en conséquence, ces tableaux n'ont jamais été la propriété des appelants qui ne peuvent les revendiquer ; qu'il estime, sur la faute lourde, que, pour être protégée, la propriété doit être démontrée ce qui n'est pas le cas et relève que les textes de la confiscation réservant les droits des propriétaires de bonne foi ne sont donc pas contraires tant à la Constitution qu'aux conventions internationales ; qu'en outre, les appelants n'ont jamais déposé plainte contre les deux sociétés en cause et ont ainsi participé à leur dommage ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 141-1 du Code de l'organisation judiciaire l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice, sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice ;
Que constitue une faute lourde l'acte qui révèle une erreur manifeste et grossière d'appréciation des éléments de droit ou de fait soumis et qui procède d'un comportement anormalement déficient, erreur caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission dont il est investi et qui doit s'apprécier non au regard des événements postérieurement survenus et non prévisibles à la date de la décision, mais dans le contexte soumis au juge ;
Que si, prises séparément, aucune des éventuelles négligences relevées ne s'analyse en une faute lourde, le fonctionnement défectueux du service de la justice peut découler de l'addition de celles-ci et ainsi caractériser une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Que le déni de justice doit s'entendre plus largement que le refus de répondre aux requêtes ou la négligence à juger une affaire en état de l'être en englobant également tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridique de l'individu ;
Considérant, alors qu'ils fondent essentiellement leur action en responsabilité de l'Etat sur la faute lourde que constitue, selon eux, l'erreur de fait et de droit des décisions rendues tant par le Tribunal correctionnel que par la Cour d'appel sur la question de la détermination du propriétaire des tableaux litigieux et, par voie de conséquence, le déni de justice résultant de l'irrégularité alléguée et des résultats de la confiscation qui en a été ordonnée, Messieurs X..., Y... et Z... dénoncent également l'inaction du Juge d'instruction, la lenteur de la procédure, les nullités de celles-ci et l'absence de contrôle du contrôle judiciaire de Maître A... ;
Qu'il est exact, alors que la plainte a été déposée le 14 août 1996, que l'ordonnance de consignation n'a été rendue que le 14 avril 1997 et le juge d'instruction désigné le 3 juillet 1997 lequel, ayant été remplacé, n'a réellement commencé ses investigations qu'en octobre 1997 ; qu'en revanche, la commission rogatoire internationale lancée en 1998 et la saisine de la Chambre d'Accusation en octobre et novembre 1999 aux fins d'annulation de plusieurs pièces de la procédure, relèvent des vicissitudes éventuelles du déroulement d'une information ; qu'en tout état de cause, Messieurs X..., Y... et Z... ne tirent aucune conséquence quant à l'incidence de ces faits, notamment, sur les décisions critiquées par ailleurs ;
Que, s'agissant de l'absence de contrôle de l'obligation faite à Maître A... de constituer des sûretés réelles pour garantir les droits des victimes, il y a lieu d'observer, d'une part, que cette indication (garantir les droits des victimes) a été abrogée par la loi du 15 juin 2000 avec effet au 1er janvier 2001 alors que l'ordonnance du Juge d'instruction est du 15 novembre 2000 et l'arrêt de la Chambre de l'instruction du 3 janvier 2001, d'autre part, que le décret d'application n'est intervenu que le 27 septembre 2004 ; que par ailleurs, la seule sanction du non-respect de cette obligation, à le supposer volontaire de la part du prévenu, aurait été une révocation de ce contrôle judiciaire et son placement en détention, ce qui n'était pas de nature à garantir les droits des appelants qui, par ailleurs ne démontrent pas l'existence d'autres mesures de substitution et encore moins avoir alerté le Juge d'instruction sur les conséquences de cette abrogation ;
Considérant, s'agissant de l'erreur de fait et de droit sur la question de la propriété des tableaux, constitutive de la faute lourde alléguée, et à supposer que la société GICAF n'ait été qu'un prête-nom, que la question demeure néanmoins à l'égard de la société NSDLC ;
Qu'en l'espèce, étant acquis par les décisions critiquées que Monsieur Z... a effectivement versé la somme de 400 000 €, il y a lieu de relever que les fonds versés ont permis aux appelants d'acquérir 12, 5 % du capital de la société NSDLC donc les parts sociales correspondantes, ainsi que 12, 5 % des bénéfices distribués ; que par ailleurs, outre que la contrepartie des fonds versés est précisément constituée de parts sociales, les appelants ne démontrent pas que ces tableaux ont été acquis non seulement avec les fonds qu'ils ont versés mais également uniquement avec ceux-ci ; que dès lors, les conditions d'une subrogation réelle ne sont pas réunies et que les appelants ne pouvant être les propriétaires des tableaux aux lieu et place de la société NSDLC, ne pouvaient les revendiquer ;
Que par ailleurs, Messieurs X..., Y... et Z..., d'une part, n'ont demandé au Procureur de la République de Grenoble de faire citer la société NSDLC que le 23 février et 11 mars 2003 alors que l'ordonnance de renvoi avait été rendue le 10 janvier 2003 suivie d'une ordonnance rectificative le 12 mars 2003, d'autre part, n'ont pas déposé plainte contre la société NSDLC ni usé des facultés offertes par les articles 81, 82-1 voire des articles 85 et 86 du Code de procédure pénale pour obtenir l'extension de l'information à celle-ci ;
Qu'il sera également observé, quoique les appelants ne versent pas aux débats leurs écritures de première instance, que si les premiers juges se sont prononcés sur ce point qui n'aurait jamais été abordé par les parties, la discussion contradictoire de cette absence de mise en cause de la société NSDLC et de l'opposition alléguée du Procureur de la République est soumise en son en entier à la Cour par l'effet dévolutif de l'appel ce qui rend sans objet la critique du jugement sur ce point ;
Qu'il résulte donc de ce qui précède, qu'en l'absence de droit de propriété de Messieurs X..., Y... et Z... sur les tableaux litigieux, la confiscation, peine complémentaire expressément prévue pour le délit d'escroquerie par l'article 313-7 4o du Code pénal, prononcée par le Tribunal correctionnel puis la Cour d'appel dont la Cour de Cassation a indiqué qu'elle avait justifié sa décision sur ce point, n'était pas susceptible de porter atteinte à la libre disposition des biens des appelants donc de porter atteinte aux droits des victimes ;
Que, par voie de conséquence, la constitutionnalité de l'article 131-21 du Code pénal qui fonde cette confiscation, d'ailleurs reconnue par le Conseil constitutionnel, ne peut être remise en cause et que cet article ne peut être inconventionnel dès lors, comme le soulignent précisément les appelants, qu'il prévoit que la chose confisquée demeure grevée, à concurrence de sa valeur, des droits réels licitement constitués au profit des tiers ce qui suppose que ceux-ci établissent leur droit de propriété ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de toute erreur de droit et de déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission dont il est investi, la demande de Messieurs X..., Y... et Z... constituant en réalité une voie de recours extraordinaire contre des décisions juridictionnelles définitives, ne peut aboutir ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré ;
Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que succombant en leur appel, Messieurs X..., Y... et Z... devront supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum Messieurs Alain-Charles X..., Serge Y... et Paul Z... à verser à l'Agent Judiciaire de l'Etat la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Messieurs Alain-Charles X..., Serge Y... et Paul Z... au paiement des dépens avec admission de l'avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/09831
Date de la décision : 06/02/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2013-02-06;11.09831 ?
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