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06/02/2013 | FRANCE | N°09/14940

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 06 février 2013, 09/14940


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2013



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14940



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 07/4760





APPELANTE



La S.A. LABORATOIRE HEPATOUM, anciennement dénommée LABORATOIRE FUCA, prise en la personne de

ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Adresse 14]

94732 [Localité 21]



représentée par Me Christian BREMOND de l'ASS BREMOND VAISSE RAMBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2013

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/14940

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Mai 2009 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 07/4760

APPELANTE

La S.A. LABORATOIRE HEPATOUM, anciennement dénommée LABORATOIRE FUCA, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 1]

[Adresse 14]

94732 [Localité 21]

représentée par Me Christian BREMOND de l'ASS BREMOND VAISSE RAMBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R038,

INTIMÉS

Monsieur [D] [G]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Madame [W] [I] épouse [G]

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentés par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

assistés de Me Eric ALLAIN de la SCP A.K.P.R, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC19, avocat plaidant

La S.C.I. BRENOR, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 4]

[Localité 9]

Monsieur [H] [R], agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de dirigeant de la SCI BRENOR,

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentés par Me Edmond FROMANTIN de la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant

assistés de Me Véronique DURAND, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN291, avocat plaidant

Me [X] [P]

Intimé provoqué

[Adresse 6]

[Localité 11]

représenté par la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : , avocat postulant

assisté de Me François DE MOUSTIER du Cabinet KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P90, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Madame Chantal BARTHOLIN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente

Madame Odile BLUM, Conseillère

Madame Isabelle REGHI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE:

Suivant bail commercial signé le 24 janvier 1997, la société Laboratoire Fuca devenue Hepatoum a pris à bail des locaux à usage de bureaux appartenant à M. et Mme [G] et situés à [Adresse 23] pour une durée de neuf ans comportant un droit de préemption au profit du locataire.

Un congé avec offre de renouvellement a été signifié au preneur le 13 janvier 2006. Ce dernier a accepté ladite offre le 14 février 2006 et un acte de renouvellement a été régularisé le 20 juillet 2006 à effet au 24 janvier 2006 incluant le droit de préemption.

Concomitamment, les époux [G] ont souhaité vendre la totalité de l'ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux donnés à bail. La société Laboratoire Hepatoum informée des projets des bailleurs a manifesté son intention de se prévaloir de son droit de préemption tant auprès des propriétaires que du futur acquéreur.

Suivant acte reçu le 29 septembre 2006 par Me [P] notaire, l'immeuble a été vendu en son intégralité à la sci Brenor représentée par son gérant, M [R] moyennant le prix de 1.650.000 €. Le prix étant stipulé payable comptant à concurrence de 825.000 € entre les mains de Mme [G] et à hauteur de 100.000 € entre les mains de monsieur [G], le surplus payable par dation de divers biens immobiliers situés à [Localité 21].

L'acte rappelle l'existence d'un droit de préemption contractuel au profit de la société Laboratoire Hepatoum et l'acquéreur a déclaré faire son affaire personnelle de toute conséquence qui résulterait d'une éventuelle action du locataire sur le fondement du droit de préemption.

Par acte d'huissier du 10 avril 2007, la société Laboratoire Hepatoum considérant que cette vente a eu lieu en fraude à son droit contractuel de préemption, a assigné les bailleurs, les époux [G], M [H] [R], à titre personnel et en sa qualité de dirigeant de la sci Brenor devant le Tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir prononcer la nullité de la vente, et avant dire droit désigner un expert aux fins d'évaluer la valeur des locaux litigieux.

La sci Brenor et M [R] ont assigné en garantie Me [P].

Par un jugement du 05 mai 2009, le Tribunal de grande instance de Créteil a :

- débouté la société Laboratoire Hepatoum de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les époux [G], la sci Brenor et M [R] de leur demande en dommages intérêts, pour procédure abusive,

- dit sans objet l'appel en garantie formé contre Me [B] [Y] [P],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Laboratoire Hepatoum aux dépens.

La société Laboratoire Hepatoum anciennement dénommée Laboratoire Fuca a relevé appel de ce jugement par déclaration d'appel déposée au Greffe le 1er juillet 2009.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 04 octobre 2012, la société Laboratoire Hepatoum demande à la Cour de la recevoir en son appel, la dire bien fondée et :

Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté

les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts des époux et de la sci Brenor,

Constater l'existence du droit de préemption contractuel de la société Laboratoire Hepatoum sur les locaux objets du contrat de bail conclu le 14 janvier 1997, renouvelé par acte du 20 juillet 2006,

Dire que la société Laboratoire Hepatoum est en droit de se prévaloir de son droit de préemption sur les locaux objets du contrat de bail conclu le 24 janvier 1997, renouvelé par acte du 20 juillet 2006,

Avant dire droit sur le prononcé de la nullité et la substitution de la société Laboratoire Hepatoum à la sci Brenor dans la vente des locaux objets du contrat de bail,

Ordonner une expertise aux fins d'évaluation du prix de vente à la société Laboratoire Hepatoum des locaux objets du contrat de bail conclu le 24 janvier 1997, enregistrés au cadastre sous la référence Section G n°[Cadastre 3], bâtiment D n°8, pour permettre à la société Laboratoire Hepatoum d'exercer son droit de préemption,

Après expertise,

Donner acte à la société Laboratoire Hepatoum qu'après fixation du prix de vente des locaux objets du contrat de bail, elle pourra rétracter son consentement à la vente, par voie de conclusions,

Prononcer la nullité de l'acte de vente conclu en date du 29 septembre 2007 entre M et Mme [G] et la sci Brenor, représentée par Monsieur [H] [R], portant sur l'immeuble dans lequel se situent les locaux visés par le droit de préemption de la société Laboratoire Hepatoum, publié à la Conservation des Hypothèques le 17 octobre 2006 sous les références 2006 D N°13201, volume P n°7725,

Condamner solidairement M et Mme [G], la sci Brenor et M [H] [R] à verser à la société Laboratoire Hepatoum la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner solidairement M et Mme [G], la sci Brenor et M [H] [R] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 21 septembre 2011, M et Mme [G] demandent à la Cour de :

A titre principal,

Déclarer irrecevable tant l'action en nullité que l'action en exécution du pacte de préférence,

Débouter la société Laboratoire Hepatoum de toutes ses demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevable ou à tout le moins infondée la demande d'expertise formée par la société Laboratoire Hepatoum,

Débouter la société Laboratoire Hepatoum de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Débouter lasci Brenor et Monsieur [R] de leur demande de garantie formée à l'encontre de Monsieur et Madame [G],

En tout état de cause,

Condamner la société Laboratoire Hepatoum à payer à Monsieur et Madame [G] la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Laboratoire Hepatoum aux entiers dépens d'appel dont distraction dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 15 juin 2012, la sci Brenor et M [H] [R] demandent à la Cour de :

A titre liminaire,

Dire et juger que la société Laboratoire Hepatoum prive d'intérêt sa demande en

nullité de l'acte de vente du 29/09/2006 faute de volonté de se substituer dans les droits du tiers acquéreur, la sci Brenor, en conséquence,

Déclarer la société Laboratoire Hepatoum irrecevable et mal fondée en son appel du jugement sus énoncé, l'en débouter,

Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

A titre principal,

Dire et juger que la société Laboratoire Hepatoum ne peut se prévaloir d'un droit de préemption, en conséquence,

Débouter la société Laboratoire Hepatoum de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande de nullité de la vente intervenue entre la sci Brenor et les époux [G] et de sa demande d'expertise dénuée de fondement,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour annulerait la vente du 29 septembre 2006,

Condamner in solidum M et Mme [G] sur le fondement des articles 1134 et suivants du Code civil, et Me [P] sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, à garantir la sci Brenor et en tant que de besoin, M. [R], de la restitution du prix de vente, majorée des frais, honoraires et des droits qu'ils ont dû payer, et ce, à hauteur de la somme de 2.013.500 € avec intérêts au taux légal à compter de la vente et, de façon générale, les condamner in solidum, à relever et garantir la sci Brenor et M. [R] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre par l'arrêt à intervenir,

En toutes hypothèses,

Condamner la société Laboratoire Hepatoum à payer à la sci Brenor à M. [R] la somme de 320.860,08 € en réparation de son préjudice financier et économique, au visa de l'article 1382 du Code civil outre celle de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société Laboratoire Hepatoum aux dépens et autoriser pour ceux la concernant, le recouvrement direct selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 18 octobre 2012, Me [B] [Y] [P] demande à la Cour de :

Débouter la société Laboratoire Hepatoum de son appel et la sci Brenor et M [R] de leur appel en garantie,

Confirmer le jugement entrepris,

Constater l'absence de faute de Me [P],

Constater l'absence de preuve d'un préjudice actuel, certain et direct et d'un lien de causalité entre faute et préjudice,

Débouter la sci Brenor et M [R] de leur appel en garantie contre Me [P],

Débouter M [R] et la sci Brenor de toutes leurs demandes dirigées contre Me [P],

Condamner in solidum M [R] et la sci Brenor à payer à Me [P] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamner M [R] et la sci Brenor aux entiers dépens, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Le tribunal a considéré que le droit de préférence doit s'interpréter restrictivement, s'agissant d'une stipulation exceptionnelle limitant le droit de propriété et la libre disposition du bien, qu'en l'espèce, la rédaction de la clause valant acte de préférence vise expressément les locaux objets du bail, et précisait « que le bailleur devra fournir au preneur une copie de l'offre d'achat qui lui est faite pour les locaux loués », impliquant que la vente projetée porte uniquement sur les locaux objet du bail, qu'une interprétation plus large ne peut être déduite de ce seul droit de préférence en ce qu'elle imposerait au propriétaire de renoncer à vendre en bloc et de procéder à la division préalable de son bien pour le vendre par lots.

Il ajoute que la seule connaissance par l'acquéreur du droit de préférence stipulé au profit du locataire ne peut suffire à caractériser la fraude qui exigerait de démontrer que la vente en bloc ait été conclue de manière artificielle dans le but de faire échec aux droits du preneur, les éléments versés aux débats étant loin de caractériser cette intention frauduleuse mais témoignant au contraire de la volonté des vendeurs de sortir de l'indivision avec l'opportunité pour l'un des co-indivisaires de recevoir en paiement de prix des biens immobiliers de rapport.

La société Laboratoire Hepatoum critique cette décision et soutient :

*sur le prétendu non respect de conditions de publicité au bureau des hypothèques de la demande d'annulation de la vente soulevée en appel par les époux [G], que la publication de l'assignation initiale est suffisante pour emporter le respect des conditions de publicité issues du décret 55-82 telles qu'envisagées par la jurisprudence,

*sur le prétendu défaut d'intérêt à agir qui lui est reproché, que le droit de préemption contractuel suffit à lui conférer intérêt à agir pour le faire respecter, qu'elle a bien la volonté d'acquérir les murs des locaux exploités et que la faculté de se rétracter au vu du prix proposé par l'expert ne fait que pallier le non respect par les époux [G] des modalités qui auraient permis à la société Laboratoire Hepatoum un exercice concret du droit de préemption, à savoir notifier un document comportant une offre de prix pour les locaux objets du bail,

*sur l'existence de son droit de préemption, sa validité et son application, que la bonne foi requise dans l'exécution de tout engagement contractuel suppose que le débiteur d'une obligation se mette non seulement en situation de l'exécuter, mais encore de l'exécuter de la façon la plus utile possible, que le tribunal s'est trompé en jugeant du contraire et en considérant que les choix du débiteur de l'obligation pouvaient évincer celle-ci, attribuant ainsi à l'obligation un caractère purement potestatif qu'elle ne doit pas avoir, qu'en outre ce dernier n'avait pas à se placer sur le terrain de l'interprétation et a ainsi méconnu le caractère clair et précis de la clause de préférence et s'est livré à une dénaturation de cette stipulation en procédant à une interprétation de surcroit restrictive au mépris de l'article 1134 du Code civil, ce qui aboutit en outre à priver d'effet la stipulation pourtant parfaitement licite et fréquente en matière de baux commerciaux, qu'il suffisait pourtant que les locaux loués fassent l'objet d'une vente pour que le droit de préemption ainsi reconnu trouve application, quand bien même la vente porterait sur l'immeuble dans sa totalité, ce qui a été confirmé notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 1970 dans le cadre d'un pacte de préférence transposable en l'espèce, que les premiers juges ont ainsi méconnu la portée et l'effet obligatoire de la clause et dénaturé la volonté des parties,

*sur la violation de son droit de préemption par le tiers acquéreur, la sci Brenor, que la fraude n'est pas une condition requise pour opposer l'exécution du droit de préférence à l'acquéreur, la jurisprudence s'étant limitée à requérir une violation consciente par le propriétaire et l'acquéreur potentiel du droit de préférence, ce qui est le cas en l'espèce, que les époux [G], après avoir refusé de proposer le bien à la vente à la société Laboratoire Hepatoum ont délibérément conclu un contrat de vente avec la sci Brenor qui était parfaitement informée de la situation ainsi qu'il résulte de l'acte de vente lui-même,

* elle s'estime en conséquence fondée à solliciter la nullité de la vente conclue au profit de la sci Brenor et lui être substituée, pour les locaux de son contrat de bail et alors qu'aucune offre d'achat ne lui a été présentée, à demander avant dire droit une expertise aux fins d'évaluer, sur le prix global de la vente, la part imputable aux locaux objets du contrat de bail et à réclamer en raison de la particulière mauvaise foi des intimés et de leur collusion frauduleuse, une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts,

Les époux [G] répliquent :

*que si l'assignation en justice délivrée le 10 juin 2007 a été valablement publiée, la cour n'est saisie que par les conclusions et non par l'assignation, que la société Laboratoire Hepatoum ne justifie pas de la publication des conclusions d'appel, que la demande en nullité de la vente est donc irrecevable au visa de l'article 122 du Code de procédure civile .

*que la demande de la société Hepatoum n'a pas de cause puisqu'elle n'exprime pas de manière irrévocable sa volonté de se substituer à l'acquéreur, alors que la volonté de préempter ne peut être effectuée sous réserves ou conditions non prévues par les parties, qu'en se réservant la faculté de renoncer à la substitution après la fixation du prix à dire d'expert, la société Laboratoire Hepatoum reconnaît être dépourvue d'intérêt à agir,

*que la clause instituant le droit de préemption du preneur prévoit qu'il doit y avoir identité entre les biens donnés à bail au preneur bénéficiaire de la clause de préférence et les biens objets de la vente immobilière, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'aucune offre d'achat n'a été faite aux consorts [G] sur les seuls locaux donnés à bail, que l'exercice du droit de préemption ne peut avoir pour effet de contraindre les propriétaires à renoncer à la vente de l'intégralité de l'immeuble, et de lui imposer sa division par lot pour permettre l'exercice du droit de préemption,

*que la société Laboratoire Hepatoum n'exprime pas sa volonté de se voir substituer à la sci Brenor, que cette volonté est équivoque et non définitive et qu'il ne peut y avoir discussion sur l'étendue de la substitution et encore moins sur le montant de la vente, que la demande d'expertise est dénuée de fondement.

La sci Brenor et M [R] soutiennent à leur tour que la société Laboratoire Hepatoum est irrecevable à agir pour défaut d'intérêt caractérisé par son indécision à exercer de façon irrévocable son droit de préemption et sur le fond, que son droit de préemption ne peut trouver à s'exercer dès lors que l'objet du droit est différent de celui de la vente, que la connaissance de la clause instituant le droit de préemption ne peut suffire à caractériser une intention frauduleuse, condition de l'annulation de la vente, d'autant que ce droit de préférence subsiste au profit de la société Laboratoire Hepatoum, ce qui exclut de plus fort toute fraude aux droits du preneur ;

Sur la recevabilité des demandes de la société laboratoire Hepatoum :

A bon droit, la société Laboratoire Hepatoum fait -elle valoir qu'elle est recevable à agir en annulation de la vente dès lors qu'elle a fait procéder à la publication de l'assignation initiale saisissant le juge de première instance permettant de satisfaire à l'exigence requise par l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, l'absence de publication de ses conclusions récapitulatives en cause d'appel étant sans portée à cet égard.

La société Laboratoire Hepatoum qui revendique, à l'occasion de la vente de l'ensemble immobilier emportant vente des locaux donnés à bail, l'application à son profit du droit de préemption institué par une clause du bail dont elle est titulaire a un intérêt légitime à agir de sorte que la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt doit être rejetée.

Sur le fond :

Le bail commercial signé entre les époux [G] porte sur des locaux à usage de bureaux et annexes d'une contenance d'environ 300 m² sur deux niveaux et de 150 m² de mansarde, dans un immeuble sis à [Adresse 22], cadastré section G n° [Cadastre 3] Bâtiment D et contient une clause dite de droit de préemption suivant laquelle le bailleur accordera un tel droit au profit du preneur en cas de vente des locaux faisant l'objet du bail et lui fournira à cette occasion une copie de l'offre d'achat qui lui est faite pour les locaux, le preneur disposant d'un délai d'un mois à compter de la réception de ce document pour se déterminer à acheter au prix proposé. A défaut, il sera réputé avoir renoncé à exercer son droit de préemption.

Or la vente que les époux [G] ont envisagée puis réalisée est celle de la totalité de l'ensemble immobilier abritant pour partie les locaux donnés à bail.

Les premiers juges, pour apprécier s'il y a eu à cette occasion inexécution du droit de préférence ainsi que le soutient la société Laboratoire Hepatoum, ont justement rappelé que le droit de préférence constitue une limitation pour le propriétaire d'un bien de contracter librement et cette limitation contractuelle doit donc s'appliquer strictement ;

L'objet de la vente et celui du droit de préemption au profit du preneur à bail étant différents, l'application de la clause instituant un tel droit ne saurait conduire en l'espèce à imposer aux propriétaires de diviser leur bien en vue de le céder à des personnes distinctes alors que l'ensemble immobilier objet de la vente, composé de bâtiments pour partie à usage d'habitation et pour partie à usage de commerce et d'une cour, cadastrés sous la même référence G [Cadastre 3] de la ville de [Localité 21], constitue une entité autonome ainsi qu'il résulte du plan ancien des lieux dressé par un géomètre expert et qui porte sur ' une propriété sise [Adresse 19] ' dont les époux [G] ont fait l'acquisition par acte unique du 21 mars 1986 ;

Vainement, la société Laboratoire Hepatoum allègue-t-elle que la clause contractuelle revêt alors un caractère purement potestatif dont la mise en oeuvre ne dépend en définitive que de la seule volonté des bailleurs alors que leur volonté de vendre le bien leur appartenant et constituant une entité autonome dans sa globalité ne révèle aucune intention délibérée de mettre en échec le droit de préférence circonscrit aux seuls locaux donnés à bail, accordé à la société Laboratoire Hapatoum et qui, inclus dans le bail, subsiste à son profit ;

En ce qu'il a jugé que la société laboratoire Hepatoum n'était donc pas fondée à revendiquer l'exercice de son droit de référence à l'occasion de la vente intervenue entre les époux [G] et la sci Brenor, le jugement sera confirmé, la demande avant dire droit d'expertise présentée par la société Laboratoire Hepatoum devenant sans objet.

En ce qu'il a jugé au surplus que la seule connaissance par l'acquéreur de la clause de préférence, utile au demeurant à l'efficacité de la vente ainsi conclue, ne pouvait être sanctionnée par l'annulation de la vente sans la démonstration d'une fraude qui n'est aucunement établie et qu'aucune faute du promettant et/ou de l'acquéreur pouvant engager leur responsabilité respective n'était au surplus rapportée en conséquence de l'inapplication du droit de préemption revendiqué, le jugement sera également confirmé.

L'action en garantie devient également sans objet.

Sur la demande reconventionnelle de la sci Brenor :

La sci Brenor et M [R] font valoir que la procédure diligentée par la société Laboratoire Hepatoum ne leur a pas permis d'obtenir un crédit adossé à une garantie hypothécaire inscrite sur le bien, notamment auprès de leur banque HSBC de sorte qu'ils ont été durant plus de deux ans en débit non autorisé dans les livres de la banque pour plus de deux millions d'euros avec des agios de découvert non négociés de plus de 247 000 €, que M [R] a dû consentir des garanties à hauteur de 1 150 000 € et 300 000 € sur des fonds propres lui appartenant, outre 850 000 € de fonds bloqués auprès de la Banque Rothschild avec délivrance d'une garantie à première demande au profit de la Banque HSBC, que cette mobilisation a fortement compromis le bon fonctionnement de la sci Brenor et affecté M [R] tant à titre personnel qu'au travers d'autres sociétés qui lui appartiennent.

Or, la vente ayant été conclue entre la sci Brenor et les époux [G] au prix de 1 650 000€ payée pour partie à hauteur de 825 000 € au moyen d'une dation en paiement de divers biens au profit de M [G], la sci Brenor ou encore M [R] échoue à démontrer n'avoir pu obtenir de prêt hypothécaire pour financer le solde de l'opération que la sci Brenor a déclaré à l'acte acquitter au comptant sans indication de la souscription d'un prêt bancaire ; la sci Brenor et M [R] ne produisent aucun élément concernant le montage financier de l'opération et les garanties sollicitées permettant d'établir la preuve d'un lien de causalité entre ceux-ci et l'instance introduite par la société Laboratoire Hepatoum.

Ils seront en conséquence déboutés de leur demande en dommages-intérêts.

Sur les autres demandes :

La société Laboratoire Hepatoum supportera les entiers dépens et paiera aux époux [G] d'une part et à la sci Brenor et M [R] d'autre part la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens liés à la mise en cause de Me [P] restant supportés par la sci Brenor et M [R] qui lui paieront in solidum la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejetant les fins de non recevoir et recevant la société laboratoire Hepatoum en ses demandes,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Ajoutant,

Déboute la sci Brenor et M [R] de leur demande en dommages intérêts,

Condamne la société Laboratoire Hepatoum à payer aux époux [G] d'une part et à la sci Brenor et M [R] d'autre part la somme de 12 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel, à l'exclusion de ceux liés à la mise en cause de Me [P] auquel la sci Brenor et M [R] paieront in solidum la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/14940
Date de la décision : 06/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°09/14940 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-06;09.14940 ?
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