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01/02/2013 | FRANCE | N°13/00045

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 12, 01 février 2013, 13/00045


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 12



SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT





ORDONNANCE DU 01 FÉVRIER 2013



(n°54 /2013, 5 pages)





N° du répertoire général : 13/00045



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Janvier 2013 - juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 13/00206



L'audience a été prise

au siège de la juridiction, en audience publique, le 31 janvier 2013.



Décision contradictoire.





COMPOSITION



Anne VIDAL, président de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 12

SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

ORDONNANCE DU 01 FÉVRIER 2013

(n°54 /2013, 5 pages)

N° du répertoire général : 13/00045

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Janvier 2013 - juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 13/00206

L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 31 janvier 2013.

Décision contradictoire.

COMPOSITION

Anne VIDAL, président de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant sur délégation du premier président de cette cour,

assistée de Camille PIAT, greffier lors des débats et du prononcé de la décision, et en présence de Patricia LE ROCH, greffier stagiaire.

APPELANTS:

Monsieur le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris

[Adresse 3]

Représenté par Madame Martine TRAPERO, substitut général.

Monsieur le Préfet de Police de [Localité 9]

[Adresse 2]

représenté par Me Géraldine LESIEUR, avocat au barreau de Paris, toque A0304

INTIMES :

Madame se disant [V] [N] épouse [B] (personne faisant l'objet des soins)

Née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 8] (CANADA)

Sans domicile connu

actuellement hospitalisée à l'Hôpital [7]

comparante en personne assistée de Me Renan BUDET, avocat au barreau de PARIS, commis d'office, toque P178 et de Monsieur [I] [L], interprète en langue anglaise, ayant prêté serment préalablement à l'audience.

ETABLISSEMENT D'HOSPITALISATION :

Hôpital [7]

[Adresse 1]

***

Mme se disant [V] [N] épouse [B] a été admise en soins psychiatriques à l'Hôpital [7] suivant arrêté du Préfet de police de [Localité 9] en date du 15 janvier 2013 sur le fondement des dispositions de l'article L 3213-1 du code de la santé publique au regard des circonstances de l'intervention des pompiers le 14 janvier 2013, venus porter assistance à l'intéressée, au vu d'un procès-verbal de police en date du 15 janvier 2013 et en l'état d'un certificat médical du même jour établi par le Dr [F] à l'infirmerie de la Préfecture de police, retenant que l'état de santé de celle-ci nécessitait des soins psychiatriques en raison de troubles mentaux qui compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte de façon grave à l'ordre public.

Suivant requête en date du 25 janvier 2013, le Préfet de police de Paris a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, en application des dispositions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique, d'une demande de maintien de la prise en charge en hospitalisation complète de l'intéressée.

Par ordonnance en date du 29 janvier 2013, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la mainlevée de la mesure d'hospitalisation dont Mme [B] fait l'objet depuis le 15 janvier 2013, considérant que la procédure qui lui était soumise en application des dispositions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique était irrégulière, à défaut de décision prise par le Préfet en application de l'article L 3213-1 II à l'issue du délai d'observation de 72 heures.

Suivant déclaration en date du 29 janvier 2013 à 19 h, le procureur de la république adjoint près le tribunal de grande instance de Paris a interjeté appel suspensif de cette décision.

Par ordonnance en date du 30 janvier 2013, le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel de Paris, statuant sur l'effet suspensif de l'appel interjeté par le ministère public, a déclaré cet appel suspensif et ordonné le maintien de Mme [B] à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué au fond, le dossier étant renvoyé pour ce faire à l'audience du jeudi 31 janvier 2013 à 9 h 30.

Suivant déclaration motivée en date du 30 janvier 2013, Monsieur le Préfet de police de [Localité 9] a également interjeté appel de la décision du juge des libertés et de la détention et a sollicité l'infirmation de la décision déférée et la poursuite de la mesure de soins en hospitalisation complète.

Conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique, les parties ont été avisées de la date de l'audience qui se tiendrait au siège de la cour.

L'audience s'est tenue le 31 janvier 2013 au siège de la juridiction, en audience publique, conformément aux dispositions de l'article L 3211-12-2 du code de la santé publique.

Ont été entendus à l'audience :

Mme [B], qui a expliqué qu'elle avait été séparée de ses parents naturels lorsqu'elle était bébé mais qu'elle avait pu retrouver des traces de ses parents biologiques et qu'elle était descendante en ligne directe de [X] [U] et d'[S] ; qu'elle était mariée avec le demi-frère du Président OBAMA, que son époux vivait avec elle à [Localité 9], mais qu'elle ne pouvait en donner l'adresse pour des raisons de sécurité ; qu'elle effectuait des travaux de recherche sur l'environnement au profit d'un tribunal de commerce et de l'UNESCO ; qu'actuellement, elle mangeait au restaurant du c'ur et dormait un peu partout, ses travaux lui ayant été volés à plusieurs reprises ; qu'à l'hôpital, elle prend ses médicaments et se comporte bien avec tout le monde ; que c'est bien elle qui a porté les différentes mentions sur la notification de l'arrêté préfectoral ;

Le Parquet général qui a fait valoir que la lecture des articles L 3213-1 et L 3213-4 du code de la santé publique permet de considérer qu'il n'y a pas besoin d'un arrêté préfectoral à l'issue du délai de 72 heures, sauf lorsque la prise en charge ne

se fait plus sous la forme d'une hospitalisation complète mais sous la forme d'un programme de soins ; qu'en tout état de cause, la personne hospitalisée a été informée de la mesure d'hospitalisation complète par la notification de l'arrêté intervenue le 18 janvier 2013 et par l'information donnée, lors de l'établissement du certificat de 72 heures, selon les formes appropriées à son état ; qu'il n'existe donc pas d'irrégularité ayant porté atteinte aux droits de la personne hospitalisée ;

Me LESIEUR, avocat représentant le Préfet de police de [Localité 9], qui a demandé à la cour de rejeter le moyen de nullité de la procédure soulevé en constatant que l'arrêté du 15 janvier 2013 a ordonné le placement de Mme [B] en soins psychiatriques et aux termes du même arrêté en son article 3 sous la forme d'une hospitalisation complète, de constater que cette mesure a été notifiée à Mme [B] et que cette dernière a été mise en mesure de faire valoir sa situation juridique et ses droits de recours, ainsi que cela résulte de la notification qui lui en a été faite le 18 janvier 2013, et au fond, d'ordonner le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète au regard des troubles psychiatriques de l'intéressée et des risques d'atteinte grave à l'intégrité de la malade ou d'autrui ;

Me BUDET, avocat assistant Mme [B], qui a soutenu que l'arrêté préfectoral décide de l'admission en soins psychiatriques qui ne peut intervenir, pendant les 72 premières heures, que sous la forme d'une hospitalisation complète et que ce n'est qu'à l'issue de cette période d'observation que le préfet peut décider de la forme de la prise en charge, ce qui ne peut passer que par un arrêté de maintien ; qu'en l'espèce, aucun arrêté de maintien n'a été pris et n'a été notifié à Mme [B], ce qui porte nécessairement atteinte à ses droits puisqu'elle n'a pas été informée de sa situation juridique et de ses droits et voies de recours ; que la décision de première instance doit donc être confirmée.

Mme [B] a eu la parole en dernier et a tenu à montrer son cahier de recherches sur lequel il a pu être constaté que les pages étaient couvertes de mentions et graffitis identiques à ceux portés en marge de l'attestation de notification de l'arrêté préfectoral.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la mainlevée de la mesure à raison de l'irrégularité de la procédure d'admission :

Aux termes de l'article L 3213-1 I du code de la santé publique, le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Par ailleurs, l'article L 3213-1 II prévoit que, dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical de 72 heures, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de la prise en charge prévue à l'article L 3211-2-1 en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L 3211-2-2, c'est à dire, le cas échéant, sous la forme d'un programme de soins, et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public.

Enfin, l'article L 3213-4 dispose : 'Dans les trois derniers jours du premier mois suivant la décision d'admission en soins psychiatriques mentionnée au I de l'article L 3213-1 (...), le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer, au vu du certificat médical ou de l'avis médical mentionné à l'article L 3213-3, le maintien de la mesure de soins pour une nouvelle durée de trois mois. Il se prononce le cas échéant, sur la forme de la prise en charge du patient dans les conditions prévues à l'article L3213-3. Au-delà de cette durée, la mesure de soins peut être maintenue par le représentant de l'Etat dans le département pour des périodes maximales de six mois renouvelables selon les mêmes modalités.'

'Faute de décision du représentant de l'Etat à l'issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.'

Il ressort de la lecture de ces textes que le représentant de l'Etat dans le département 'prononce' l'admission par un arrêté répondant à des conditions de forme strictes et 'prononce' le maintien de la mesure à l'issue des différents délais prévus par l'article L 3213-4, c'est à dire à l'issue du premier mois de la décision d'admission, puis à trois mois et ensuite à six mois, à peine de mainlevée de la mesure. A contrario, à l'issue du délai d'observation de 72 h, le représentant de l'Etat dans le département 'décide' de la forme de la prise en charge, sans qu'aucune forme et aucune sanction ne soient prévues de manière expresse.

C'est donc en vain que la patiente et son conseil soutiennent qu'une irrégularité formelle aurait été commise au regard des dispositions de l'article L 3213-1 II du code de la santé publique, à raison du défaut de formalisation de la décision du représentant de l'Etat sur la prise en charge de la patiente en hospitalisation complète à l'issue du délai de 72 heures.

Par ailleurs, le conseil du Préfet de police de [Localité 9] fait justement observer que l'arrêté d'admission de la patiente en date du 15 janvier 2013 prononce l'admission de celle-ci en soins psychiatriques à l'hôpital [7] pour une durée d'un mois et dit qu'elle se déroulera sous forme d'hospitalisation complète, sous réserve de la prolongation au-delà de 15 jours sur décision du juge des libertés et de la détention, de sorte qu'il n'existait aucun motif pour prendre, à l'issue de la période d'observation, un nouvel arrêté tendant aux mêmes fins puisque le certificat de 72 heures confirme la nécessité de maintenir l'intéressée en hospitalisation complète.

Il convient, en tout état de cause, de constater :

Qu'il est avéré, à la lecture des certificats médicaux et à l'audition de la patiente à l'audience, que Mme [B] présente un délire à thème mégalomaniaque et de filiation qui nécessite des soins psychiatriques ;

Que les dispositions de l'article L 3211-3 du code de la santé publique qui prévoient que la personne hospitalisée doit être informée, le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions prononçant le maintien des soins ou définissant la forme de la prise en charge ainsi que de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours et des garanties qui lui sont offertes, ont été respectées. En effet, Mme [B] a reçu notification de l'arrêté préfectoral du 15 janvier 2013, que cette notification lui a été faite le 18 janvier, soit à l'issue de la période de 72 heures, et que l'intéressée a alors été informée de ses droits et des délais et voies de recours, même si son état de santé ne lui permettait pas de signer l'attestation de notification et d'en comprendre tous les termes, ainsi qu'en attestent les deux témoins et l'apposition par l'intéressée de divers graffitis et mentions en marge. Le certificat de 72 heures en date du 18 janvier 2013 mentionne également que la patiente a été informée par le médecin, le Dr [G], de manière adaptée à son état, de ce que la mesure de soins sous contrainte en hospitalisation complète devait être maintenue.

Il ne peut donc être soutenu qu'il résulterait de l'absence de formalisation de la décision de maintien de la mesure sous la forme de l'hospitalisation complète une atteinte aux droits de la personne hospitalisée.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a ordonné la mainlevée de la mesure de soins sous la forme d'une hospitalisation complète prise à l'égard de Mme [B] en considération du caractère irrégulier de la procédure et de l'atteinte portée à ses droits.

Sur le fond :

Il ressort du certificat médical en date du 15 janvier 2013, établi par le Dr [F], que Mme [B] présentait alors un état d'errance pathologique, exprimant un vaste délire à thème mégalomaniaque, de persécution et pseudo-scientifique et se déclarant l'épouse d'un demi-frère du président [B], avec anosognosie, tous troubles justifiant la prise en charge de l'intéressée en soins psychiatriques à raison de risques d'atteinte à la sûreté des personnes, de la patiente elle-même mais également des tiers compte tenu des circonstances de l'intervention des pompiers venus lui porter assistance.

Les différents certificats médicaux établis à 24 heures, à 72 heures et à huitaine mentionnent que l'état délirant persiste et que la patiente n'adhère pas au traitement. Le Dr [G] note, dans son certificat du 16 janvier 2013, une psychose ancienne avec errance en Europe et incurie. L'avis conjoint donné par le 28 janvier 2013 par le Dr [G] et le Dr [D], médecin ne participant pas à la prise en charge de la patiente, indique qu'elle présente toujours la même thématique délirante de filiation ne permettant pas de connaître sa réelle identité, qu'elle ne présente aucune critique de cette symptomatologie et qu'elle souhaite sortir alors qu'elle est démunie de tout papier et de tous soins.

L'ensemble de ces constatations médicales permet de retenir que Mme [B] présente des troubles nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète à défaut desquels il existerait un risque grave d'atteinte à l'intégrité de la malade elle-même qui se trouverait totalement démunie sur le plan mental et sur le plan matériel, à défaut de toute identification et de tout papier, et dans un état d'incurie totale.

Il y a lieu en conséquence d'ordonner la poursuite des soins dispensés à Mme [B] sous la forme d'une hospitalisation complète.

Il convient, conformément aux dispositions des articles R 93 et R 93-2 du code de procédure pénale, de laisser les dépens à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégataire du premier président de la cour d'appel, après débats en audience publique, statuant publiquement au siège de la cour d'appel, par décision contradictoire,

ORDONNE la jonction des deux procédures ouvertes sur l'appel du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris sous le n°13/00045 et sur l'appel du Préfet de police de Paris sous le n°13/00047 ;

INFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris ;

ORDONNE la poursuite de la mesure d'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme se disant [V] [N] épouse [B] ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.

Ordonnance rendue le 01 FÉVRIER 2013 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 13/00045
Date de la décision : 01/02/2013

Références :

Cour d'appel de Paris D3, arrêt n°13/00045 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-02-01;13.00045 ?
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