La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/01/2013 | FRANCE | N°11/09503

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 30 janvier 2013, 11/09503


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 30 Janvier 2013



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09503



Décision déférée à la cour : RENVOI APRES CASSATION - Arrêt du 28 avril 2011 rendu par la cour de Cassation à l'encontre d'un arrêt du 27 octobre 2009 rendu par la cour d'appel de VERSAILLES suite à un jugement rendu le 28 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de CHARTRES - section encadremen

t - RG n° 06/00185





APPELANT

Monsieur [N] [I] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Christine BORDET LESUEUR, avocate au barrea...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 30 Janvier 2013

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09503

Décision déférée à la cour : RENVOI APRES CASSATION - Arrêt du 28 avril 2011 rendu par la cour de Cassation à l'encontre d'un arrêt du 27 octobre 2009 rendu par la cour d'appel de VERSAILLES suite à un jugement rendu le 28 septembre 2007 par le conseil de prud'hommes de CHARTRES - section encadrement - RG n° 06/00185

APPELANT

Monsieur [N] [I] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Christine BORDET LESUEUR, avocate au barreau de CHARTRES

INTIMÉE

S.A.S. SAGAL

[Adresse 6]

[Localité 3]

En présence de Madame [D], D.R.H.

représentée par Me Sarah TORDJMAN, avocate au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par jugement du 28 septembre 2007, le conseil de prud'hommes de Chartres a débouté M. [J] [R] de toutes ses demandes et laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

M. [J] [R] a relevé appel de cette décision le 5 novembre 2007 devant la cour de Versailles qui, par un arrêt du 27 octobre 2009, a :

- infirmé le jugement entrepris

- statuant à nouveau,

condamné la SAS SAGAL à payer à M. [J] [R] la somme de 135 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal partant du jugement déféré

ordonné le remboursement par la SAS SAGAL aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [J] [R] dans la limite de 6 mois

condamné la SAS SAGAL à verser à M. [J] [R] la somme de 1 100 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d'un arrêt du 28 avril 2011, la Cour de cassation a censuré en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la cour d'appel de Versailles, et renvoyé la cause et les parties devant le cour d'appel de Paris.

Le conseil de M. [J] [R] a sollicité par un courrier du 21 juillet 2011 la convocation des parties devant la cour d'appel de Paris en tant que cour de renvoi.

A l'audience du 5 décembre 2012, par des conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, M. [J] [R] a demandé à la cour de condamner la SAS SAGAL à lui régler la somme de 215 400 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme indemnitaire de 53 850 € pour préjudice moral et celle de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A cette même audience, aux termes de conclusions auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la SAS SAGAL a sollicité la confirmation du jugement critiqué et la condamnation de M. [J] [R] à lui verser la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

La SAS SAGAL a embauché M. [J] [R] en vertu d'un contrat de travail à durée indéterminée du 23 juillet 1982 ayant pris effet le 2 novembre suivant en qualité d'ingénieur de production au coefficient 400 de la convention collective nationale des industries chimiques et activités connexes, moyennant un salaire de 11 000 francs bruts.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [J] [R] occupait un emploi de directeur général lui procurant un salaire de 9 176,03 € bruts mensuels (catégorie cadre-indice A-coefficient 880-échelon 2).

En décembre 1999, la société SAGAL a été rachetée par la société FINANCIÈRE BEAUTÉ, société-mère de la société INTER COSMÉTIQUES.

Sur le licenciement

Par lettre du 29 mars 2006, la SAS SAGAL a convoqué M. [J] [R] à un entretien préalable prévu le 10 avril, avant de lui notifier le 3 mai 2006 son licenciement pour motif économique en raison des «résultats de Sagal pour l'année 2005 (qui) démontrent des pertes importantes (du) chiffre d'affaires : - 15,6% par rapport à 2004 (et) -17,3% rapport au budget (ainsi que du) résultat d'exploitation : 1,43% par rapport au chiffre d'affaires (soit) 45 200 € pour un chiffre d'affaires de 3 124 874 €», avec une baisse constatée de son activité de production, étant encore relevé pour ce qui concerne la SAS INTERCOSMETIQUES que «(ses) résultats en 2005 ne comblent pas les pertes des années précédentes (puisque) la trésorerie reste très tendue et les prévisions de Chiffre d'Affaires en 2006 sont très inférieures à celles de 2001 et 2002», situation la conduisant à une décision de restructuration interne «afin de faire face à ces difficultés et tenter de sauvegarder (sa) compétitivité», avec comme conséquence la suppression de 7 emplois dont celui de directeur général qu'il occupe.

Au soutien de la contestation de son licenciement, M. [J] [R] rappelle que la SAS SAGAL opère une confusion entre les notions de chiffre d'affaires et de résultat, que la situation financière doit être examinée au niveau du groupe FINANCIERE BEAUTE auquel elle appartient, qu'elle doit «alimenter la société HOLDING FINANCIERE BEAUTE par l'allocation d'une redevance de 5% (de son) chiffre d'affaires grevant largement (son) résultat», que néanmoins au 31 décembre 2005 elle affichait un résultat encore positif de 183 252 €, que l'exercice suivant sur l'année 2006 est tout autant positif de 124 802 €, qu'il importe peu en définitive que le chiffre d'affaires baisse dès lors que seule l'affectation au titre du résultat dégagé est à prendre en considération en vue de justifier un licenciement pour motif économique, qu'il n'est fourni aucun élément sur la situation économique du groupe FINANCIERE BEAUTE, qu'il n'y a eu en réalité aucune réorganisation qui aurait été rendue nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'intimée, et que cette dernière n'a de fait entrepris aucune démarche concrète en vue d'assurer son reclassement personnalisé au sein dudit groupe, cette recherche d'un poste en reclassement requérant de la part de l'employeur une totale bonne foi qui a fait défaut en l'espèce.

En réponse, la SAS SAGAL indique que pour éviter des difficultés économiques à venir et limiter le nombre des licenciements, elle se devait de prendre des mesures de réorganisation impliquant la suppression de 9 emplois dont celui de M. [J], que ces licenciements étaient «incontournables pour préserver la compétitivité au niveau de l'entreprise et du secteur d'activité du groupe tout entier», qu'il existait bien une menace sur sa compétitivité (situation financière des sociétés SAGAL et INTER COSMETIQUES, difficultés et pertes croissantes, perte de clients, dégradation prévisible de la situation, décision du commissaire aux comptes d'enclencher une procédure d'alerte), qu'elle se positionne sur le marché du savon qui s'est «effondré», que sur les exercices 2005/2006, son chiffre d'affaires a encore baissé de 3 166 000 € à 2 372 205 € avec un résultat net d'exploitation passant de + 45 220 € à ' 353 973 €, que ces difficultés économiques particulièrement sérieuses ont pour explication notamment la perte d'un client important (SPONTEX) confronté lui-même à un ralentissement de son activité en raison de la conjoncture, que la situation de la holding FINANCIERE BEAUTE est indifférente dès lors que l'on se situe dans le cadre d'un licenciement prononcé au motif d'une menace pesant sur la compétitivité d'un secteur d'activité, que cette holding, qui ne génère aucun chiffre d'affaires, intervient dans un secteur d'activité différent de celui de la société SAGAL comme celui de la société INTER COSMETIQUES qui se positionnent sur le marché de la parfumerie et des cosmétiques, qu'il était ainsi indispensable de procéder à une telle restructuration pour sauvegarder la compétitivité et la pérennité tant de l'entreprise que du secteur d'activité du groupe, et qu'elle a adressé à M. [J] [R] plusieurs offres de reclassement écrites (son courrier du 13 mars 2006), personnalisées et détaillées au sein du groupe constitué de l'autre société filiale INTER COSMETIQUES.

L'intimée est une composante du groupe INTERCOSMETIQUES-SAGAL dont l'unique secteur d'activité est celui de la parfumerie et des cosmétiques, groupe précisément constitué de la SAS SAGAL et de la SAS INTERCOSMETIQUES (pièce 34 de la SAS SAGAL).

La lettre de licenciement précitée, qui fixe les limites du débat judiciaire, énonce que la suppression de l'emploi de M. [J] [R] s'inscrit dans le cadre d'une opération de restructuration interne de la SAS SAGAL en raison des difficultés économiques qu'elle rencontre et de la nécessité de tenter de sauvegarder sa compétitivité.

La SAS SAGAL faisant partie intégrante du groupe INTERCOSMETIQUES-SAGAL, les difficultés économiques et la nécessité d'une sauvegarde de la compétitivité, telles que mentionnées dans lettre de rupture, doivent s'apprécier au niveau dudit groupe ayant pour secteur d'activité unique celui de la parfumerie et des produits cosmétiques.

L'examen des comptes de résultat des sociétés SAGAL et INTERCOSMETIQUES qui appartiennent au groupe INTERCOSMETIQUES-SAGAL, sur l'exercice 2006 correspondant à l'année du licenciement de M. [J] [R], laisse apparaître :

- pour la SAS SAGAL, un bénéfice de + 124 802 € (§5) qui prend en compte un résultat exceptionnel net de + 487 271 € (§4) renvoyant à un choix de gestion qu'il n'appartient pas à la cour de commenter (sa pièce 40) ;

- pour la SAS INTERCOSMETIQUES, un bénéfice de + 286 225 € (§5) en hausse par rapport à l'année 2005 qui affichait un résultat de + 195 756 € (pièce 41 de l'intimée).

La présentation comptable, telle qu'opérée par la SAS SAGAL, ne caractérise pas l'existence de réelles difficultés économiques au niveau du groupe d'appartenance INTERCOSMETIQUES-SAGAL et pour lequel, contrairement encore à ce qu'elle soutient, il n'est pas davantage démontré la nécessité d'une restructuration interne afin de sauvegarder sa compétitivité au niveau du secteur d'activité concerné.

Il s'en déduit que le licenciement pour motif économique de M. [J] [R] n'est pas justifié.

Infirmant le jugement entrepris, la SAS SAGAL sera en conséquence condamnée à payer à l'appelant la somme de 212 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, représentant 23 mois de salaires, compte tenu de son ancienneté (23 ans) et de son âge (56 ans), avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt.

L'application de l'article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L.1235-4 concernant le remboursement par l'employeur aux organismes concernée des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois.

Sur le préjudice moral

M. [G] [R], nonobstant les dénégations de l'intimée sur ce point, établit que son nom n'est plus mentionné sur la plaquette d'information du groupe INTERCOSMETIQUES-SAGAL dès l'année 2005 (sa pièce 34) et que celle-ci, par une série de courriers datés du 24 mars 2006 ayant été adressés à certains de ses contacts du secteur, annonçait la suppression de son poste de directeur général avant même de l'avoir convoqué à un entretien préalable (pièces 14 à 20), ce qui lui causé un préjudice moral distinct de celui consécutif à la perte injustifiée de son emploi.

Infirmant tout autant le jugement critiqué sur ce point, la SAS SAGAL sera ainsi condamnée à lui régler la somme indemnitaire à ce titre de 20 000 € majorée des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La SAS SAGAL sera condamnée en équité à verser à l'appelant la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS SAGAL à payer à M. [J] [R] les sommes suivantes :

- 212 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 20 000 € à titre d'indemnité pour préjudice moral

avec intérêts au taux légal partant du présent arrêt ;

Y ajoutant :

ORDONNE le remboursement par la SAS SAGAL aux organismes concernés de la totalité des indemnités de chômage versées à M. [J] [R] dans la limite de 6 mois

CONDAMNE la SAS SAGAL à régler à M. [J] [R] la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS SAGAL aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/09503
Date de la décision : 30/01/2013

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-30;11.09503 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award