Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 30 JANVIER 2013
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/04161
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Janvier 2011 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 09/06600
APPELANTES
La SARL BYRON ELYSEES INVESTISSEMENT venant aux droits de la SCI DES CHARDONNERETS, prise en la personne de ses représentants légaux,
Intimée dans le RG 11/6110
[Adresse 1]
[Localité 4]
La SCI DES CHARDONNERETS, prise en la personne de ses représentants légaux,
Intimée dans le RG 11/6110
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-Philippe AUTIER de la SCP AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053, avocat postulant
assistée de Me Laurent DIXSAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1139, avocat plaidant
INTIMÉE
La Société ANIXTER FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Appelante dans le RG 11/6110
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, avocat postulant
assistée de Me Clothilde NORMAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P445, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Décembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Isabelle REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSE DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé à effet du 1er mars 2000, la société des Chardonnerets a donné en location à la société Anixter France des locaux, situés [Adresse 11], d'une superficie totale d'environ 5920 m2, composés d'entrepôts et de bureaux et divisés en 4 lots distincts et divisibles, pour une durée de 9 ans.
Suivant acte sous seing privé du 13 septembre 2005, les parties ont conclu un bail à effet du 1er mars 2006 pour une durée d'un an pour les mêmes lieux, soumis aux dispositions de l'article L145-5 du code de commerce. Il y est précisé que le bail à effet du 1er mars 2000 a été résilié par acte extrajudiciaire du 4 août 2005 prenant effet le 28 février 2006.
La société Anixter France a quitté les lieux le 23 février 2007. L'état des lieux et la remise des clés ont eu lieu le 5 mars 2007.
Par acte du 3 avril 2009, la société Anixter France a fait assigner la société des Chardonnerets en restitution du dépôt de garantie devant le tribunal de grande instance de Bobigny. La société des Chardonnerets a, reconventionnellement, demandé notamment de dire que le bail du 13 septembre 2005 était un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux.
Le tribunal de grande instance de Bobigny, par jugement du 18 janvier 2011, assorti de l'exécution provisoire, a :
- condamné la société Anixter France au paiement de la somme de 1 211 970,50 €,
- condamné la société Anixter France au paiement de la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par déclaration du 4 mars 2011, la société des Chardonnerets a fait appel du jugement.
Par déclaration du 18 mars 2011, la société Byron Elysées investissement, venant aux droits de la société des Chardonnerets par transmission universelle de patrimoine du 23 novembre 2010, a fait appel du jugement.
Par ordonnance du 30 mars 2011, les affaires ont été jointes.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 11 décembre 2012, la société Byron Elysées investissement demande :
- l'infirmation du jugement,
- d'écarter des débats l'ensemble des pièces communiquées par la société Anixter France,
- l'irrecevabilité de ses demandes et en tout état de cause, leur débouté,
- de dire que le bail du 13 septembre 2005 à effet du 1er mars 2006, est un bail de 9 ans soumis au statut des baux commerciaux,
subsidiairement :
- de dire que le 1er mars 2007, le bail du 13 septembre 2005 a été renouvelé en bail de 9 ans soumis au statut des baux commerciaux,
- la condamnation de la société Anixter France au paiement de la somme de 3 387 691,40 €, au titre des loyers et des charges, subsidiairement au titre d'indemnités d'occupation,
subsidiairement :
- la condamnation de la société Anixter France au paiement de la somme de 3 387 691,40 €, au titre des loyers et des charges, subsidiairement au titre d'indemnités d'occupation, dus entre le 6 mars 2007 et le 17 décembre 2012,
- la condamnation de la société Anixter France à payer l'entier montant des loyers et charges restant à devoir au titre du bail commercial liant les parties jusqu'à son terme, sa résiliation ou son anéantissement, subsidiairement à titre d'indemnité d'occupation,
- de dire la société Anixter France responsable de l'entier prétendu préjudice invoqué par elle et de dire que sa responsabilité viendra absorber en totalité celle éventuellement retenue à son égard,
- le cas échéant, de prononcer la compensation entre les créances de responsabilité,
à titre infiniment subsidiaire :
- la condamnation de la société Anixter France à payer la somme de 14 103,63 €,
- sa condamnation au paiement de la somme de 25 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 5 décembre 2012, la société Anixter France demande :
- de dire recevable l'intégralité des 28 pièces communiquées,
- l'infirmation du jugement,
- de dire valable le bail dérogatoire du 13 septembre 2005,
- de dire qu'elle a régulièrement libéré les lieux à l'issue du bail,
- le débouté des demandes de la société Byron Elysées investissement,
à titre subsidiaire :
- la condamnation de la société Byron Elysées investissement à indemniser son préjudice et fixer le montant de l'indemnité à celui des loyers et charges dont le paiement est sollicité par la société Byron Elysées investissement,
- d'ordonner la compensation entre les sommes dues du même montant,
en tout état de cause :
- la condamnation de la société Byron Elysées investissement au paiement de la somme de 116 898,87 €, montant du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2007,
- sa condamnation au paiement de la somme de 80 000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 décembre 2012.
CELA EXPOSE,
Considérant que la société Byron Elysées investissement fait valoir que la société Anixter France n'a pas, dans la première affaire, communiqué ses pièces en même temps que ses conclusions du 30 juin 2011, alors que l'avis de la Cour de cassation du 25 juin 2012 impose la simultanéité ; que, dans la seconde affaire, elle n'a pas régularisé ses conclusions dans le délai de deux mois, un avis d'irrecevabilité lui ayant été adressé le 29 août 2011 ;
Considérant que la société Anixter France réplique qu'un avis de la Cour de cassation ne lie pas la juridiction qui a formulé la demande et n'a aucune autorité à l'égard des autres juridictions ; qu'en outre, en l'espèce, les pièces ont été communiquées seulement deux jours après la signification des conclusions ; que l'intégralité des pièces simultanément aux conclusions a été communiquée le 23 octobre 2012 ;
Considérant que si les pièces n'ont effectivement pas été communiquées simultanément avec les conclusions initiales du 30 juin 2011, elles l'ont été lors des conclusions du 23 octobre 2012 et avec les dernières conclusions ; que le principe de la contradiction a ainsi été respecté ;
Considérant que la société Byron Elysées investissement soutient qu'à la suite d'un congé délivré par la société Anixter France valant résiliation triennale du bail commercial, celle-ci ne trouvant pas de local de substitution, un bail dérogatoire a été conclu à des conditions identiques à celles du bail résilié ; que cependant un tel bail ne pouvait pas être conclu, n'étant possible qu'en tant que bail initial, lors de l'entrée dans les lieux ; qu'il n'était, en outre, pas possible de conclure plusieurs baux dérogatoires avant l'intervention de la loi de 2008 ; qu'il est exclu également qu'un bail dérogatoire soit conclu à la suite ou en renouvellement d'un bail commercial assujetti au statut ; que les parties n'ont pas expressément et valablement entendu renoncer au bénéficie du statut postérieurement à la signature du bail dérogatoire et le bailleur, tout comme le locataire, est bien fondé à en invoquer le bénéfice ; qu'il doit être rappelé que le caractère de protection des dispositions de l'article L145-5 du code de commerce doit profiter tant au locataire qu'au bailleur ; que le bail doit donc être qualifié de bail commercial
Considérant que la société Anixter France fait valoir que l'entrée dans les lieux au sens de l'article L145-5 du code de commerce est un concept juridique abstrait qui ne coïncide pas nécessairement avec la première entrée physique dans les lieux, ainsi que le souligne la consultation qu'elle a faite auprès du professeur [U] ; que si le statut des baux commerciaux est un ordre public de protection, il n'y a pas, en l'espèce, d'intérêt à protéger, elle-même ayant signifié un congé au bailleur et celui-ci ayant recouvré la disposition de ses locaux ; qu'ainsi il n'y a aucune raison de limiter la liberté contractuelle des parties qui pouvaient ou non s'engager dans un bail de courte durée, aucune renonciation n'étant exigée de leur part ;
Considérant que le bail conclu le 13 septembre 2005 fait expressément référence aux dispositions de l'article L145-5 du code de commerce ; que, cependant, dans la mesure où la société Anixter France a régulièrement occupé les lieux suivant bail commercial à effet du 1er mars 2000 auquel il a été régulièrement mis fin par acte du 4 août 2005 prenant effet le 28 février 2006, les dispositions de l'article L145-5, qui visent la faculté pour les parties de déroger au statut des baux commerciaux lors de l'entrée dans les lieux du preneur, ne pouvaient trouver à s'appliquer ; que, pour autant, la convention conclue n'est pas nulle mais doit être autrement qualifiée, conformément à la commune intention des parties ;
Considérant qu'il résulte des termes de ce bail du 13 septembre 2005 qu'il a été conclu pour une durée de un an et manifeste l'accord explicite des parties pour écarter toute soumission au statut des baux commerciaux, interdisant au preneur de se prévaloir d'un droit à renouvellement ou à une indemnité d'éviction et, d'une manière générale, de tous droits autres que ceux résultant de la convention, cette stipulation étant considérée comme la condition déterminante du contrat sans laquelle il n'aurait pas été conclu ; que les parties ont ainsi expressément renoncé, ensemble, à l'application du statut des baux commerciaux en termes clairs et précis, dénués de toute équivoque ; qu'en effet, la convention ne constitue pas, ainsi qu'il a été dit, le bail dérogatoire prévu à l'article L145-5 du code de commerce qui, seul, peut se poursuivre par un bail commercial quand le preneur reste dans les lieux et à l'expiration duquel seulement une renonciation valable au droit acquis au statut peut être invoquée ; qu'il s'agit, en l'espèce, d'une simple convention d'occupation temporaire, acceptée par l'une et l'autre des parties dans un intérêt pratique, la société Anixter France n'ayant pas trouvé de locaux susceptibles de l'accueillir et c'est donc la conclusion même de cette convention qui constitue la renonciation au statut des baux commerciaux, dont le droit se trouvait acquis à compter de la résiliation du bail commercial ;
Considérant que la société Byron Elysées investissement fait valoir, à titre subsidiaire, que la locataire est restée dans les lieux plusieurs jours après l'expiration de la convention ; qu'en application de l'article L145-5 du code de commerce, si le preneur est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux ;
Considérant toutefois que les dispositions de l'article L145-5 du code de commerce n'étant pas applicables, la société Byron Elysées investissement ne peut les invoquer au soutien de sa demande subsidiaire ; que la convention ayant prévu que la locataire s'engageait à quitter les lieux à l'issue de la convention, la société Anixter France, qui ne conteste pas n'avoir remis les clés que le 5 mars 2007, ainsi qu'il résulte de l'état des lieux de sortie établi le 5 mars 2007 produit par la bailleresse constatant la remise des clés, reste donc redevable d'une indemnité d'occupation du 1er au 5 mars 2007 ; qu'il convient de fixer le montant de cette indemnité à celui du dernier loyer et des charges ; que la société Byron Elysées investissement produit une quittance faisant figurer le prorata du loyer et des charges pour cette période d'un montant de 7 987,78 €, outre la taxe pour bureau restant due au 28 février 2007 et celle due du 1er au 5 mars 2007, pour les sommes de 2 711,09 et 229,75 €, outre une provision sur la taxe foncière de 2007 pour un montant de 12 391,90 €, soit au total pour la période considérée, la somme de 23 320,52 € au paiement de laquelle la société Anixter France doit être condamnée, cette dernière n'ayant aucunement contesté le calcul ainsi effectué ; que le surplus des demandes en paiement à ce titre de la société Byron Elysées investissement doit être rejeté ;
Considérant que la société Byron Elysées investissement demande le paiement de travaux de remise en état des lieux pour un montant de 131 302,60 € ;
Considérant toutefois que c'est exactement que la société Anixter France invoque l'article 11 de la convention qui précise que l'état des lieux devra comporter le relevé des réparations à effectuer incombant au preneur, celui-ci devant dans les 8 jours de la notification des devis établis par des entreprises agréées par le bailleur donner son accord pour les dits devis ; que l'état des lieux, qui fait figurer en commentaires de simples appréciations sur l'état des divers équipements, ne comporte pas le relevé des réparations qui incomberaient au preneur, tel qu'il est prévu au contrat ; qu'aucun devis n'a, par ailleurs, été adressé à la société Anixter France ; que la demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée ;
Considérant que la société Anixter France est fondée à demander la restitution du dépôt de garantie d'un montant de 116 898,87 €, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2007, la compensation avec la somme qu'elle reste devoir étant ordonnée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu à paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société Anixter France succombant partiellement dans ses prétentions, elle doit être condamnée au paiement du quart des dépens de première instance et d'appel, la société Byron Elysées investissement étant condamnée au paiement des trois quarts restants.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Dit que le bail conclu le 13 septembre 2005 est une convention d'occupation qui a pris fin le 28 février 2007,
Constate que la remise des clés par la société Anixter France a eu lieu le 5 mars 2007,
Fixe l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer outre les charges,
Condamne la société Anixter France à payer à la société Byron Elysées investissement pour l'occupation des lieux du 1er au 5 mars 2007, la somme de 23 320,52 € au titre de l'indemnité d'occupation,
Condamne la société Byron Elysées investissement à payer à la société Anixter France la somme de 116 898,87 € au titre de la restitution du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2007,
Ordonne la compensation entre les sommes dues,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit n'y avoir lieu à paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Anixter France au quart des dépens de première instance et d'appel et la société Byron Elysées investissement aux trois quarts restants, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE