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25/01/2013 | FRANCE | N°11/08977

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 25 janvier 2013, 11/08977


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 11









ARRET DU 25 JANVIER 2013



(n°14, 7 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 11/08977





Décision déférée à la Cour : jugement du 7 avril 2011 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n°08/04309







APPELANTE






S.A.S. SIEMENS LEASE SERVICES, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représentée par Me Didier CAM, avocat au barreau de PARIS, toque...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11

ARRET DU 25 JANVIER 2013

(n°14, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/08977

Décision déférée à la Cour : jugement du 7 avril 2011 - Tribunal de grande instance de PARIS - 5ème chambre 2ème section - RG n°08/04309

APPELANTE

S.A.S. SIEMENS LEASE SERVICES, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Didier CAM, avocat au barreau de PARIS, toque G 347

INTIMES

M. [V] [K] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN), avocat au barreau de PARIS, toque J 071

Assistée de Me Jérémie BOULAY, avocat au barreau de PARIS, toque D 748

S.E.L.A.R.L. MB ASSOCIES, devenue EMJ, représentée par Me [M] [T], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société CPL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Assignée à personne habilitée et n'ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 novembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Françoise CHANDELON, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Françoise CHANDELON a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Renaud BOULY de LESDAIN, Président

Françoise CHANDELON, Conseiller

Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller

Greffier lors des débats : Carole TREJAUT

ARRET :

Réputé contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

Signé par Françoise CHANDELON, Conseiller, Faisant Fonction de Président, en remplacement de Renaud BOULY de LESDAIN, Président, empêché, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

A une date non précisée, M. [K] [E], Docteur en médecine, a accepté l'offre de location émise par la société Concept Pro Lease (CPL) le 27 mars 2006, portant sur un appareil à lumière pulsée dénommé 'DermaSkin'.

Le 6 avril 2006 il a signé avec la société Siemens Lease Services, qui devait acquérir le bien le 22 mai 2006, un contrat de location financière d'une durée de 6 ans, moyennant des loyers mensuels de 1.394,93 €.

Le matériel a été livré le 22 mai 2006.

Après avoir, le 5 février 2007, notifié à la société CPL la résiliation du contrat à effet au 31 mai 2007, refusée par cette dernière le 2 mars 2007, M [E] a cessé de régler ses loyers à compter de l'échéance de juin 2007.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire, la société Siemens Lease Services a, par courriers recommandés des 10 juillet 2007 et 7 février 2008, mis en demeure M. [E] de lui régler les échéances restées impayées.

N'obtenant pas satisfaction, elle a engagé la présente procédure par exploit du 19 mars 2008.

Le 20 février 2009, M. [E] a appelé la société CPL en garantie.

Le 3 novembre 2009 le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société CPL et désigné M° [T] en qualité de liquidateur à qui M. [E] a délivré une assignation en intervention forcée le 5 janvier 2010.

Ces procédures ont été jointes et par jugement du 7 avril 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

- annulé le contrat de location financière,

- débouté la société Siemens Lease Services de ses demandes,

- condamné in solidum la société Siemens Lease Services et Maître [T], ès qualités à payer à M. [E] une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 13 mai 2011, la société Siemens Lease Services a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 15 novembre 2012, la société Siemens Lease Services demande principalement à la Cour de :

- infirmer le jugement,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat et condamner M. [E] à lui verser :

* 76.314,36 € portant intérêts au taux contractuel de 1,5% à compter

du 20 février 2008 et capitalisation des intérêts,

* 4.117,74 € au titre de l'indemnité de jouissance du 21 février 2008

au 14 mai 2008, date de la restitution du matériel

* 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du code de procédure civile, déposées le 28 novembre 2012, M. [E] demande principalement à la Cour de :

- confirmer le jugement,

- débouter la société Siemens Lease Services de ses demandes,

- condamner solidairement Maître [T] ès qualités et la société Siemens Lease Services à lui verser 10.000 € de dommages intérêts,

- fixer sa créance au passif de la société CPL à la somme de 10.000 € au titre de son préjudice moral,

- condamner la société Siemens Lease Services à le garantir de toute condamnation,

- prononcer la suppression des propos outrageants et injurieux de la société Siemens Lease Services,

- condamner solidairement Maître [T] ès qualités et la société Siemens Lease Services à lui verser une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître [T] n'a pas constitué Avocat.

Les parties s'accordant à reconnaître l'existence d'une cause sérieuse, l'ordonnance de clôture rendue le 8 novembre 2012 a été rabattue et reprise par arrêt du 30 novembre 2012.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Sur la nullité du contrat de location

Considérant que l'article L5211-1 du code de la santé publique définit le dispositif médical comme tout instrument, appareil, équipement... destiné par le fabriquant à être utilisé chez l'homme à des fins médicales...' ;

Que l'article R5211-1 précise que ces dispositifs sont destinés à être utilisés, notamment, dans le diagnostic, le traitement d'une maladie ou d'un handicap ;

Que selon l'alinéa 1 de l'article L.5211-3 du même code, 'Les dispositifs médicaux ne peuvent être importés, mis sur le marché ou utilisés, s'ils n'ont reçu, au préalable, un certificat attestant leurs performances ainsi que leur conformité à des exigences essentielles concernant la sécurité et la santé des patients, des utilisateurs et des tiers' ;

Considérant que l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), aujourd'hui disparue et remplacée par l'Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des Produits de Santé, était une unité d'évaluation et de contrôle du marché des dispositifs médicaux ;

Considérant qu'interrogée le 16 juin 2009 sur la conformité de la mise sur le marché de l'appareil Dermaskin, elle relevait que traitant l'acné et certains problèmes vasculaires comme les couperoses et télangiectasies, il avait une finalité médicale au sens des articles L5211-1 et R5211-1 du code de la santé publique ;

Que sa mise sur le marché était en conséquence soumise à une procédure de certification ainsi qu'à l'apposition d'un marquage CE et que la société CPL lui avait indiqué que n'ayant pas respecté ces obligations posées par les articles R5211-12 et R5211-14 du code de la santé publique, elle avait cessé sa commercialisation ;

Considérant que selon les dispositions de l'article 1128 du code civil, seules les choses qui sont dans le commerce peuvent faire l'objet de convention ;

Considérant qu'en l'absence de certification, un dispositif médical entre dans le champ de cette interdiction ;

Considérant que pour contester le jugement qui a annulé le contrat sur le fondement de l'erreur commise par M. [E], la société Siemens Lease Services soutient en premier lieu que l'AFSSAPS, interrogée le 6 décembre 2004 sur les appareils de lumière pulsée, ne semblait pas imposer un certificat de conformité CE ;

Qu'elle ajoute que le 26 octobre 2007, elle précisait même qu'il ne s'agissait pas d'un dispositif médical ;

Mais considérant que dans son avis du 6 décembre 2004, l'AFSSAPS distingue clairement les appareils de lumière pulsée destinées à des fins non médicales comme la photo-juvénisation et l'épilation des dispositifs dont l'objet est de traiter des pathologies ou lésions cutanées telles que le psoriasis et certaines tâches pigmentaires qui doivent obtenir un certificat de marquage CE attestant de leur conformité aux exigences de la directive 93/42/CEE ;

Et considérant qu'en l'espèce, la plaquette de présentation de l'appareil précisant qu'il est réservé aux médecins et traite des lésions pigmentaires ou vasculaires, cette dernière réglementation s'applique ;

Considérant que le courriel du 26 octobre 2007 dont le rédacteur n'est pas précisé, même s'il émane de la direction de l'évaluation des dispositifs médicaux de l'AFSSAPS, ne saurait remettre en cause l'analyse constante de cet organisme donné dans les autres avis produits sous la signature du Directeur de l'évaluation des dispositifs médicaux ;

Que c'est donc à tort que la société Siemens Lease Services fait état d'un revirement de l'agence de Santé ;

Considérant que la société Siemens Lease Services soutient encore que M. [E] avait l'obligation déontologique de s'informer sur la conformité du matériel dont il faisait l'acquisition aux différentes réglementations relatives à sa sécurité ;

Mais considérant que la plaquette versée aux débats par l'intimé mentionne 'Conformité CE' et qu'en l'absence de tout élément lui permettant de douter de la pertinence de cette information, il n'avait pas à en vérifier son exactitude même si le numéro d'immatriculation de l'organisme certificateur n'était pas précisé ;

Considérant qu'il en résulte qu'en signant un contrat de location portant sur une chose hors commerce, M. [E] a commis une erreur répondant aux exigences de l'article 1110 du contrat ;

Que s'il s'agit, comme le soutient la société Siemens Lease Services, d'une erreur de droit, elle n'en est pas moins substantielle, le médecin ayant pu légitimement croire acquérir un équipement régulièrement mis sur le marché qu'il pouvait l'utiliser dans le cadre de sa profession, ce qui n'était pas le cas ;

Que pour les raisons précitées, elle est excusable ;

Que c'est donc à bon droit que le jugement précité a prononcé la nullité de la convention signée ;

Considérant en conséquence que les moyens de la société Siemens Lease Services, tirés de la violation par M. [E] des dispositions des articles 1.2 et 1.4 du contrat sont inopérants ;

Considérant que la société Siemens Lease Services critique enfin le jugement en ce qu'il a affirmé qu'elle ne saurait se prévaloir d'une méconnaissance de ce manque de conformité affirmation qu'il considère sans fondement juridique, pragmatique ou économique ;

Mais considérant que cette motivation ne tend qu'à écarter sa propre argumentation sur sa méconnaissance de l'absence de certification pour échapper à la nullité du contrat signé et que le tribunal s'est borné à rappeler à l'établissement financier qu'il était soumis aux dispositions d'ordre public posées par l'article 1128 précité, de sorte qu'il n'encourt pas la critique formulée ;

Sur les autres demandes

Considérant que la société Siemens Lease Services sollicite, en cas de confirmation du jugement, la condamnation de M. [E] au paiement de la somme de 71.878,45 € de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1383 du code civil, correspondant à son préjudice lié à l'impossibilité de se prévaloir des dispositions du contrat annulé ;

Qu'il caractérise sa faute par la commande d'un matériel médical sans vérification de sa conformité à la réglementation ;

Considérant que cette prétention est, contrairement à ce que soutient M. [E], recevable, comme tendant aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges ;

Mais considérant que M. [E] n'ayant pas à vérifier la réalité de la certification affirmée par le fournisseur comme précisé ci-dessus, aucune faute ne peut être retenue contre lui ;

Considérant que la société Siemens Lease Services sollicite encore que sa créance au passif de la société CPL soit fixée à la somme de 82.630 € ;

Qu'elle justifie l'avoir régulièrement déclarée le 11 décembre 2009 ;

Considérant que cette somme correspond, à hauteur de 69.596,25 € au prix d'acquisition du matériel et pour le surplus, 13.033,83 €, à la perte du bénéfice qu'elle comptait retirer de sa location ;

Considérant que la nullité de la vente d'une chose hors commerce entraîne, selon les dispositions de l'article 1108 du code civil, l'anéantissement rétroactif du contrat ;

Qu'il en résulte que la société Siemens Lease Services est bien fondée à solliciter la fixation de sa créance au passif de la société CPL au montant du prix acquitté pour l'acquérir soit 69.596,25 € ;

Mais considérant qu'il lui appartient, pour solliciter une indemnisation complémentaire, de démontrer la responsabilité de son vendeur sur un fondement délictuel ou quasi délictuel ;

Et considérant que si la société CPL a commis une faute en distribuant le matériel litigieux, cette faute est dépourvue de lien de causalité avec le préjudice subi par la société Siemens Lease Services qui résulte de la nullité affectant le contrat de location ;

Qu'elle ne saurait ainsi prétendre à une créance née de son manque à gagner ;

Considérant que l'équité ne commande pas d'accueillir la demande qu'elle forme contre tout succombant sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que faute pour M. [E] de démontrer que par leurs comportements les sociétés CPL et la société Siemens Lease Services lui auraient causé un préjudice autre que celui d'exposer des frais pour défendre à cette procédure, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté ses demandes de dommages intérêts ;

Considérant que les dernières conclusions de la société Siemens Lease Services ne reprenant pas les expressions jugées diffamatoires par M. [E], sa demande de suppression est sans objet ;

Considérant enfin que l'équité commande d'allouer à l'intimé une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Fixe la créance de la société Siemens Lease Services au passif de la liquidation de la société CPL à la somme de 69.596,25 € ;

Condamne la société Siemens Lease Services à payer à M. [E] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Condamne les sociétés Siemens Lease Services et CPL, cette dernière représentée par Maître [T], liquidateur, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le Greffier P/ le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 11/08977
Date de la décision : 25/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris J2, arrêt n°11/08977 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-25;11.08977 ?
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