Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRET DU 23 JANVIER 2013
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/25354
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/09843
APPELANTE
SOCIÉTÉ SYNTECO SPA
[Adresse 14]
[Localité 3]
PV ITALIE
Représentée par Me Anne-marie OUDINOT (avocat au barreau de PARIS, toque : B0653)
assistée de Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : R156)
INTIMÉES
SAS LABORATOIRES NEGMA
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Anne-laure GERIGNY) (avocats au barreau de PARIS, toque : K0148)
assistée de Me Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : K0035)
SOCIÉTÉ LABORATOIRE MEDIDOM
prise en la personne de son Président
[Adresse 4]
Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)
assistée de Me Silvestre TANDEAU DE MARSAC de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0147)
SAS MYLAN
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Dominique OLIVIER de la AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG (avocat au barreau de PARIS, toque : L0069)
assistée de Me Karine ETIENNE (avocat au barreau de LYON, toque : T856)
(LAMY ET ASSOCIES)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre
Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****
Vu le jugement contradictoire du 12 novembre 2012 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu l'appel interjeté le 31 décembre 2010 par la société de droit italien SYNTECO SPA (ci-après dite SYNTECO),
Vu l'appel interjeté le 26 janvier 2011par la société MYLAN SAS (ci-après dite MYLAN),
Vu l'ordonnance de jonction des deux procédures d'appel du 8 novembre 2011,
Vu les dernières conclusions du 29 octobre 2012 de la société SYNTECO, appelante,
Vu les dernières conclusions du 1er octobre 2012 de la société MYLAN, appelante,
Vu les dernières conclusions du 16 octobre 2012 de la société de droit suisse LABORATOIRES NEGMA (ci-après dite NEGMA), intimée et incidemment appelante,
Vu les dernières conclusions du 15 octobre 2012 de la société LABORATOIRE MEDIDOM (ci-après dite MEDIDOM), intimée et incidemment appelante,
Vu l'ordonnance de clôture du 6 novembre 2012,
SUR CE, LA COUR,
Considérant que la société MEDIDOM était titulaire en France des droits sur un brevet européen, actuellement expiré, EP 520 414 sous priorité allemande du 25 juin 1991, déposé le 24 juin 1992 et publié le 13 mars 1996, intitulé 'PROCEDE D'OBTENTION DE DIACETHYLRHEINE', dont les revendications 1 à 13 se rapportent au procédé de préparation de ce produit ; que la revendication, de produit, 14 a été irrévocablement annulée (pour défaut de nouveauté) ensuite du rejet le 29 novembre 2011 par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du pourvoi formé par la société NEGMA, licenciée exclusive exploitant le brevet sur le marché français (par la commercialisation d'une spécialité dite ART 50), à l'encontre d'un arrêt de cette cour du 30 juin 2010 dans une instance, distincte, introduite le 12 décembre 2008 par la société BIOGARAN (société tierce, titulaire d'autorisations de mise sur le marché -AMM- pour des génériques de l'ART 50) ;
Considérant que, dans la présente instance, la société SYNTECO, qui fabrique et vend (aux sociétés BIOGARAN et MYLAN) la diacytlrhéine ou diacéréine, se prévalant d'un défaut de nouveauté et d'activité inventive du brevet a fait assigner la société MEDIDOM en nullité des 14 revendications de ce brevet le 11 juin 2007 ;
Que la société MYLAN, qui avait obtenu une AMM en septembre 2008 pour commercialiser une spécialité générique correspondant audit brevet, est intervenue volontairement à l'instance le 1er octobre 2008, et la société NEGMA, qui commercialisait ainsi que ci-dessus rappelé, l'ART50 (AMM du 12 août 1992) en vertu de sa licence d'exploitation du brevet, est également intervenue volontairement à l'instance le 8 avril 2009 ;
Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont essentiellement dit que les revendications 1 à 13 du brevet en cause sont nulles pour défaut d'activité inventive, constaté l'effet absolu de l'arrêt de la cour d'appel ayant prononcé la nullité de la revendication 14 dudit brevet pour défaut de nouveauté, et rejeté les demandes en dommages et intérêts des sociétés SYNTECO et MYLAN ; que ces dernières, appelantes, contestent le rejet de leurs demandes indemnitaires, tandis que les sociétés intimées revendiquent la validité des revendications du brevet ;
Considérant qu'il sera préalablement précisé qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société NEGMA tendant au rejet de la pièce 62 de la société SYNTECO, qui correspondrait à une série de factures produites au soutien de la demande indemnitaire, la lisibilité ou suffisante de ces documents, régulièrement produits aux débats, relevant de l'appréciation, le cas échéant, de leur portée probatoire ;
Sur le brevet
Considérant que la société MEDIDOM est mal fondée à demander d'écarter la nullité de la revendication 14, alors que celle-ci a été définitivement prononcée pour défaut de nouveauté et que le tribunal a justement rappelé que la décision d'annulation a un effet absolu sous réserve de tierce opposition, étant relevé que la société MEDIDOM (tout comme la société NEGMA) était partie à l'instance ayant entraîné l'annulation de cette revendication de produit, et que l'anéantissement de celle-ci est actuellement devenu irrévocable, comme précédemment exposé, en suite du rejet du pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de cette cour qui a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris ayant annulé, pour défaut de nouveauté, la revendication 14 de la partie française du brevet EP 520 414 ; que la décision entreprise ne saurait donc être infirmée de ce chef ;
Considérant que, s'agissant des autres revendications (1 à 13) de ce brevet, les appelantes demandent, à titre principal, de confirmer le jugement, qui a prononcé leur nullité pour défaut d'activité inventive ;
Considérant qu'à cet égard les premiers juges, ont, en particulier, retenu que :
- la revendication 1 : vise $gt; et qu'elle était dépourvue d'activité inventive au regard d'un document, dit D1 ('[W]') enseignant $gt;, pris en combinaison avec deux autres documents, dits respectivement D2 et D5 ('De Witte' décrivant la purification d'une diacéréine ne comprenant pas d'aloémodine, et demande de brevet GB 2 112 640 du 24 novembre 1982 décrivant une $gt;),
- les revendications 2 et 3 : qui $gt;, $gt; un document 'Van den Berg', dit D3 (décrivant $gt;) et les documents $gt;,
- les revendications 4 à 13 : $gt; et $gt; ;
Considérant que les sociétés intimées (MEDIDOM et NEGMA) soutiennent que la revendication principale 1 ne se limiterait pas à divulguer un procédé conventionnel de partage liquide-liquide, mais divulguerait un procédé particulier comportant des conditions opératoires spécifiques, pour la purification de la diacétylrhéine, combinaison qui ne serait pas évidente, au vu des documents antérieurs, pour l'homme du métier ;
Considérant que le procédé de préparation de diacétylrhéine est, selon la revendication 1 principale, caractérisé $gt; ;
Que les premiers juges ont exactement relevé que, selon le brevet, l'invention tend à mettre à disposition un procédé de préparation de diacétylrhéine se forme avec une pureté utilisable en pharmacie et avec une teneur résiduelle totale en dérivés d'aloémodine indésirables inférieure à 20 ppm$gt;$gt; (parties par millions) ;
Considérant que le problème posé était de permettre d'éviter les impuretés indésirables des dérivés de l'aloémodine, provenant d'une oxydation incomplète avec le trioxyde de chrome (qui au surplus créé des résidus de chrome) ou entraînés lors de l'extraction de la drogue de séné, impuretés qui ne pourraient être que très difficilement séparables, en raison de leurs quantités relativement faibles, par des opérations de purification classiques ; que l'invention porte sur un partage liquide- liquide particulier obtenu dans un solvant organique polaire, qui est tout au plus partiellement miscible à l'eau, une phase acqueuse à un pH déterminé et on récupère de façon classique la diacétylrhéine que l'on peut recristalliser le cas échéant ;
Considérant que l'homme du métier, chimiste spécialiste des principes thérapeutiques, ne pouvait ignorer les effets toxiques de l'aloémodine ensuite d'une publication de 1990 sur les travaux de 6 universitaires dont [C] [W] concernant la génotoxicité d'hydroxyanthraquinones d'origine naturelle (D1), ni les difficultés de purification de la diacétylrhéine en présence de constituants de type aloémodine ;
Qu'il n'est pas dénié que les documents D2 et D5 concernent un procédé d'extraction et visent des produits appartenant à la même famille que la diacéréine ; qu'il est cependant prétendu que selon ces documents l'homme du métier serait conduit à penser que la diacétylrhéine et l'aloémodine se retrouveraient dans la même phase, et non que la diacétylrhéine serait récupérée dans la phase acqueuse et l'aloémodine dans la phase organique ;
Considérant toutefois qu'il est admis que l'article publié en 1988 (document D2) sur la synthèse de la rhéine permet à un stade intermédiaire d'obtenir de la diacéréine, même s'il ne vise pas d'impureté de type aloémodine et suggère d'utiliser un solvant polaire organique partiellement miscible dans l'eau ( acétate d'éthyle) ; qu'à supposer que cet article comporte une erreur (selon rapport du professeur [Y] du 6 mars 2009 concluant que la synthèse de la diacétylrhéine ne permettrait pas en toute rigueur d'obtenir le résultat décrit) il indique que la suspension est extraite avec le solvant et lavée avec de l'eau avant élimination du solvant ;
Considérant, par ailleurs, que le procédé d'obtention de composés laxatifs à partir de drogue de séné (demande de brevet dite D5) enseigne la purification de la drogue de séné contenant notamment la rhéine et de l'aloémodine, après avoir rappelé que certains composés peuvent présenter un caractère toxique ; que cette invention a pour objet d'obtenir des substances avec un meilleur rendement contenant le moins de composants à effets secondaires indésirables possible, la drogue de séné étant extraite par le méthanol aqueux, dans un dispositif de percolation à contre-courant, le méthanol étant éliminé à l'aide d'un dispositif de distillation solide, et l'extrait obtenu étant purifié par extraction liquide-liquide à l'aide d'un solvant organique, qui peut être partiellement soluble dans l'eau le pH de la solution introduite étant d'environ 5,4 à 5,6, la substance raffinée ne contenant aucune impureté nocive, peut ensuite être cristallisée, le produit cristallisé rincé notamment par de l'eau pouvant, si cela est recherché, être recristallisé ;
Qu'ainsi que justement retenu par les premiers juges, l'homme du métier confronté à la nécessité de purifier un mélange de la même famille est naturellement amené à appliquer le procédé de partage liquide-liquide connu pour l'obtention de composés laxatifs afin de séparer un composé toxique (l'aloémodine) de la diacéréine, dont il a pu retenir qu'il pouvait l'isoler par un solvant organique polaire et la laver ;
Que le simple fait de modifier le pH de la solution (en l'augmentant un peu) pour permettre de séparer l'aloémodine de la diacéréine ne saurait relever d'une réelle activité inventive, s'agissant de l'adaptation logique d'un procédé de purification aux spécificités (taille ou structure) des composés (de la même famille) en cause ; qu'il ne saurait être retenu qu'il y aurait rupture incontestable avec l'art antérieur, alors que l'invention apparaît au contraire pouvoir être obtenue par une simple recherche rationnelle, à laquelle l'homme du métier était naturellement conduit, par ses connaissances générales des techniques d'extraction et des molécules en cause, au vu des enseignements antérieurement divulgués par les documents précités ;
Considérant que la décision entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a retenu que la revendication 1 s'avérait dépourvue d'activité inventive ;
Considérant que la société MEDIDOM ne conteste pas sérieusement que les étapes de synthèse et d'hémisynthèse caractérisant les revendications 2 et 3, qui concernent le procédé 'selon la revendication 1" , ont été divulguées par le document D3 précité, ce qui s'avère établi par l'examen de ce document (publication Van den Berg) sur la séparation par chromatographie liquide et n'est pas discuté par la société NEGMA ; que, la revendication 1 dont elles dépendent n'ayant par ailleurs pas été jugée valable, les premiers juges ont exactement prononcé également leur nullité pour défaut d'activité inventive ;
Considérant que, de même, ils ont à juste titre déclaré nulles les revendications 4 à 13 (ci après dites R4 à R13), dépendantes des précédentes, comme ne fixant que certains paramètres techniques, étant observé que la société MEDIDOM qui le conteste n'apporte aucun élément contraire permettant de retenir l'existence d'une activité inventive alors qu'il s'agit manifestement de simples précisions de choix, relevant des compétences normales d'un chimiste en 1991, quant à l'utilisation :
- d'un solvant organique polaire déterminé (R4),
- d'une phase acqueuse tamponnée à l'acétate (R5),
- d'un partage liquide-liquide à contre courant (R6) ,
- d'un sel de fer particulier comme agent d'oxydation (R7),
- de l'extraction de la drogue de séné (R8),
- d'un agent réducteur défini (R9) et d'un pH particulier en ce cas (R10),
- d'une réduction répétée (R11),
- de technique de recristallisation (R12),
- d'un solvant pour la recristallisation (R13) ;
Considérant, en définitive, que le jugement sera confirmé s'agissant de son appréciation des revendications 1 à 13 du brevet (annulation pour défaut d'activité inventive), sans qu'il y ait lieu d'examiner d'autre chef d'annulation ;
Sur les demandes indemnitaires
Considérant que le tribunal a estimé que :
- le préjudice invoqué par la société SYNTECO à l'encontre de la société NEGMA du fait de l'exécution d'une décision de référé du 10 mars 2009 interdisant à son client, la société BIOGARAN, de commercialiser des produits génériques de l'ART 50 jusqu'à l'infirmation de cette décision le 22 juin 2010 était trop indirect pour être indemnisable, et que la société NEGMA n'a commis aucun abus en défendant le brevet contre les fabricants de son produit en 2009, la revendication de produit n'ayant été annulée que postérieurement en 2010,
- la société MYLAN ne démontrait pas la faute qu'auraient commise les sociétés MEDIDOM et NEGMA en défendant le brevet avant l'annulation de la revendication de produit ;
Que les appelantes contestent cette appréciation ;
Sur les demandes de la société MYLAN
Considérant que la société MYLAN, agissant sur le fondement de la responsabilité délictuelle, soutient essentiellement que :
-les intimées auraient manifesté par leur comportement leur volonté fautive de maintenir artificiellement un monopole sur le marché de la diacéréine et de retarder le plus longtemps possible la commercialisation d'une spécialité générique,
-la société NEGMA aurait commis un abus de position dominante sur le marché de la spécialité, et ses agissements l'auraient amenée à faire application du principe de précaution en renonçant à commercialiser sa spécialité générique jusqu'à la décision d'annulation du brevet, ce qui lui aurait causé préjudice ;
Considérant, toutefois, que le seul fait que le titre de propriété soit en définitive totalement annulé ne saurait suffire à démontrer que, tant la société MEDIDOM, titulaire du brevet, que la société NEGMA, licenciée exclusif pour son exploitation en France, ne pouvaient ignorer que ce titre aurait été vicié alors même que sa validité n'a pour la première fois été contestée qu'en 2007, soit 15 ans après l'obtention en 1992 par la société NEGMA d'une AMM pour commercialiser un produit correspondant à celui breveté (revendication 14) ; que par ailleurs le fait que la société NEGMA ait obtenu en 2008 une AMM pour un 'auto générique' de ce produit ne saurait constituer une preuve de la connaissance d'une fragilité du titre exploité, alors qu'il apparaît relever d'une stratégie des 'génériqueurs' quatre ans avant l'expiration du titre, la société MYLAN ayant elle-même obtenu la même année (comme la société BIOGARAN) des AMM pour des spécialités génériques ;
Considérant que si la société NEGMA est intervenue auprès des autorités administratives de santé (AFSSAPS et CEPS), il ne saurait être retenu que la délivrance des AMM de la société MYLAN en a été retardée, alors que les courriers par elle adressés à l'AFSSAPS et au CEPS datés du 10 septembre 2008, faisant état de l'existence d'un brevet et de droits sur ce titre, sont postérieurs à la délivrance de ces AMM en date du 4 septembre 2008 ; que même si la société NEGMA a ensuite vainement saisi le Conseil d'Etat, en suspension et en annulation des autorisations délivrées, arguant notamment d'une erreur d'appréciation quant à la qualité de la substance active utilisée, la société MYLAN ne démontre pas avoir ainsi subi de préjudice alors que la demande de suspension a été rejetée le 12 décembre 2008 seulement quelques jours après qu'elle ait indiqué (le 27 novembre 2008) ne pas disposer de date de commercialisation, faute notamment de la fixation du prix de sa spécialité, et qu'elle ne conteste pas que le recours pour excès de pouvoir n'était pas suspensif ;
Considérant que, de même, si la société NEGMA a adressé des courriers, notamment à la société MYLAN, le 7 octobre 2008, ceux-ci ne sauraient caractériser une faute alors qu'ils se bornaient à rappeler la protection attachée à un brevet et à informer les destinataires que le licencié entendait empêcher, avant l'expiration de ses droits, la commercialisation de produits génériques ;
Considérant que, certes, la société MYLAN a personnellement choisi, dans ces circonstances, de ne pas prendre le risque de commercialiser, avant l'annulation du brevet, sa propre spécialité, d'autant que la société BIOGARAN faisait l'objet d'une mesure d'interdiction provisoire de commercialiser son produit qu'elle ne saurait cependant imputer à faute ce choix à la société NEGMA, laquelle s'est contentée de lui rappeler l'existence de ses droits à une époque où le brevet n'était pas encore annulé ;
Considérant, par ailleurs, qu'à supposer caractérisée la position dominante de la société NEGMA sur le marché de la diacéréine, ce qui est formellement contesté, il n'est nullement démontré l'existence d'un abus à raison du droit d'ester en justice, même si le recours pour excès de pouvoir a été rejeté, étant observé qu'aucune procédure judiciaire, en interdiction ou contrefaçon, n'a été intentée à l'encontre de la société MYLAN et que celle-ci ne démontre pas que les agissements reprochés n'ont eu raisonnablement que pour seul objet que d'éliminer la concurrence (et non de normalement faire valoir des droits, anciens, de licencié exclusif d'un produit encore protégé) ;
Considérant que la décision entreprise ne peut, en conséquence, qu'être approuvée en ce qu'elle a débouté la société MYLAN de sa demande en dommages et intérêts ;
Sur les demandes de SYNTECO
Considérant que la société SYNTECO, qui a contesté la validité du brevet antérieurement à l'action en interdiction de commercialisation intentée par la société NEGMA à l'encontre de la société BIOGARAN sur le fondement de la revendication de produit (revendication 14), soutient que, si elle n'a personnellement pas fait l'objet d'une mesure d'interdiction, elle en serait une victime par ricochet pour avoir subi un préjudice 'réfléchi' ; qu'elle fait valoir que du fait du comportement de la société NEGMA elle n'aurait pu fournir en France le principe actif à ses clients, savoir la société MYLAN, qui n'a pas commercialisé le générique jusqu'à l'annulation du brevet, et la société BIOGARAN, qui aurait cessé sa commercialisation jusqu'à la levée de l'interdiction ; qu'elle invoque une responsabilité pour risque ou sans faute, et une responsabilité pour faute ;
Considérant qu'il sera rappelé que :
- la société NEGMA qui commercialisait l'ART 50 a obtenu à l'encontre de la société BIOGARAN (qui l'avait assignée en nullité de la revendication 14 du brevet) une mesure d'interdiction sous astreinte de commercialiser trois produits génériques de l'ART 50, suivant ordonnance du juge des référé du tribunal de grande instance de Strasbourg du 10 mars 2009,
- la cour d'appel de Colmar a réformé cette décision, le 22 juin 2010 (retenant que la revendication 14 apparaissait abusive et avait été annulée par un jugement 31 mars 2010, même si celui était frappé d'appel et a reçu l'intervention en cause d'appel de la société SYNTECO au soutien des moyens de la société BIOGARAN),
- sur l'action en indemnisation ensuite intentée par la société BIOGARAN, le tribunal de grande instance de Paris a par jugement du 27 janvier 2012 :
' dit que la société NEGMA, qui avait signifié à la société BIOGARAN le 12 mars 2009 l'ordonnance de référé précitée, a exécuté celle-ci à ses risques et périls et était dès lors tenue d'en réparer les conséquences dommageables, la condamnant en conséquence à payer à la société BIOGARAN (qui a reconnu avoir exécuté spontanément l'ordonnance de référé ensuite infirmée) à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du rappel de ses produits génériques et de l'interdiction provisoire de les commercialiser, retenant que le législateur a entendu ouvrir un droit à réparation à tout débiteur,
' débouté la société BIOGARAN de ses demandes fondées sur l'article 1382 du Code civil à l'encontre des sociétés NEGMA et MEDIDOM pour manoeuvres fautives ;
Considérant qu'en réalité la société SYNTECO prétend, au visa des articles 31 de la loi du 9 juillet 1991 (L 111-10 du Code des procédures civiles d'exécution) et L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle, que la réparation reconnue par le jugement de 2012 précité, du seul fait de l'exécution de la décision de référé, s'imposerait également à son profit ;
Considérant, toutefois, que si l'exécution d'une décision de justice est poursuivie aux risques du créancier, sans qu'il y ait lieu de subordonner le droit à réparation à la démonstration d'une faute dans l'exécution, et si l'exécution en cause concerne une mesure provisoire en matière de brevet, l'ordonnance de référé qui a prononcé l'interdiction et le retrait du produit incriminé n'a, en tout état de cause, été signifiée qu'à la partie poursuivie et condamnée, savoir la société BIOGARAN, tenue de l'exécuter ; qu'il ne saurait être admis qu'un tiers, se prétendant victime par ricochet de cette exécution, serait recevable à agir sur le fondement de textes destinés à permettre de rétablir le débiteur de l'exécution, ou la partie poursuivie, dans ses droits (savoir en l'espèce la société BIOGARAN attraite par la société NEGMA aux fins d'empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon d'une revendication de produit) et non toute personne pouvant être affectée par la mesure provisoire ordonnée ; qu'il sera ajouté que si en appel, devant la cour de Colmar qui a infirmé l'ordonnance, la société SYNTECO a cru devoir soutenir la société poursuivie, cette intervention ne saurait lui conférer la qualité de débiteur ou de personne poursuivie alors même qu'il a alors été relevé que son intervention $gt; ; qu'en réalité les mesures provisoires ne visant pas le fournisseur du principe actif (SYNTECO), mais uniquement un des fabricants de produits génériques (BIOGARAN) c'est seulement à l'égard de ce dernier que la société NEGMA (créancière poursuivante) a pu prendre un risque ; qu'il en résulte que c'est avec pertinence que les premiers juges ont exclu la possibilité d'indemniser le préjudice invoqué par la société SYNTECO du seul fait de l'exécution poursuivie à l'encontre de la société BIOGARAN, qui, à la différence d'autres 'génériqueurs' avait décidé de commercialiser des génériques sans attendre qu'il soit statué sur la protection du produit reproduit ;
Considérant que la société SYNTECO maintient que la société NEGMA aurait, par ailleurs, commis une faute en :
- engageant des procédures judiciaires et retardant l'annulation du brevet, alors qu'en sa qualité de professionnelle elle n'aurait pu ignorer qu'il existait des moyens sérieux d'annulation et que l'absence de caractère inventif de la revendication de produit aurait été dissimulée à l'examinateur de l'OEB,
- informant la clientèle de la société BIOGARAN, menaçant la société MYLAN, et cherchant à évincer des concurrents du marché ;
Qu'il a été cependant ci-dessus jugé qu'aucune preuve d'un comportement fautif ne pouvait être retenue à l'égard de la société MYLAN, et le tribunal de grande instance de Paris n'a pas plus admis que la preuve d'un quelconque abus serait rapportée à l'égard de la société BIOGARAN, alors que la société NEGMA n'a fait que rappeler ou fait valoir ses droits ; que la société SYNTECO, à laquelle il incombe d'établir que le préjudice par elle invoqué serait réparable, au même titre que le préjudice immédiat, ne saurait se prévaloir que d'un préjudice résultant de dommages causés aux victimes directes, les sociétés MYLAN et BIOGARAN, en l'absence de faute en lien de causalité avec ces dommages (opposable tant à ces victimes qu'à une victime par ricochet) ;
Que'il n'est pas plus établi que la défense du brevet, en définitive annulé en toutes ses revendications, relèverait d'une intention de nuire ou d'une erreur grossière de la société NEGMA, alors que celle-ci avait paisiblement exploité le brevet pendant plusieurs années, avant qu'il fasse l'objet en 2007 et 2008 d'actions en nullité, étant ajouté que s'il a été jugé que la revendication de produit était nulle pour défaut de nouveauté, c'est à raison de la disponibilité du produit, au sens de l'article 54 de la CBE, dans tous les degrés de pureté$gt;$gt; et non d'une prétendue dissimulation d'études déniant toute toxicité à l'aloémodine ;
Qu'il n'est enfin pas démontré que la société NEGMA aurait abusivement cherché à évincer des concurrents, ou à prolonger une situation d'exclusivité, par son intervention au fond le 8 avril 2009, alors que celle-ci a été régularisée à peine plus de deux mois après un constat du 30 janvier 2009 de mise sur le marché d'un produit générique susceptible de lui porter préjudice en sa qualité de licencié exclusif du produit breveté, ni par le fait de s'être associée à une demande incidente d'expertise jugée tardive et inutile, ou à raison de l'envoi d'un courrier du 9 octobre 2008 rappelant simplement ses droits en l'état des procédures existantes ;
Qu'en définitive c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la société NEGMA n'avait commis aucun abus en défendant le brevet et la décision entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes indemnitaires de la société SYNTECO ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, ni de l'article 700 du dit code au titre des frais irrépétibles d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,