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17/01/2013 | FRANCE | N°11/10099

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 17 janvier 2013, 11/10099


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 17 JANVIER 2013



(n° 20 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10099



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 mai 2011 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2009/01590





APPELANTE



SA LABORATOIRE ARGILETZ agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

A

yant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139

Assistée de Me Cyrille ACHACHE, avocat au barreau de PARI...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 17 JANVIER 2013

(n° 20 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10099

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 mai 2011 - Tribunal de Commerce de MEAUX - RG n° 2009/01590

APPELANTE

SA LABORATOIRE ARGILETZ agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Lionel MELUN, avocat au barreau de PARIS, toque : J139

Assistée de Me Cyrille ACHACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E 499

INTIMÉE

Madame [X] [D]

Demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistée de Me Montasser CHARNI, avocat au barreau de BOBIGNY, toque : 184

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d'instruire l'affaire

Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

La société Laboratoire Argiletz (la société Argiletz) produit et commercialise de l'argile pour maison de régime, ainsi que des produits de parfumerie, d'hygiène et de beauté à base d'argile.

Aux termes d'un acte sous seing privé signé à [Localité 8] en date du 23 janvier 1997, la société Argiletz a conclu avec Mme [X] [D] un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée à partir du 1er décembre 1996. Le mandat portait sur tous les produits Argiletz présent et à venir. Le secteur géographique accordé à Mme [D] était initialement limité au département 75.

Mme [D] affirme que les autres départements de l'[Localité 5] lui ont été octroyés car elle a fait des ventes sur ces secteurs, mais la société Argiletz conteste cette extension territoriale du mandat.

Par avenant du 1er mai 1997, la commission d'agent initialement fixée à 12 % du montant HT des factures, a été portée à 15% du même montant.

Pendant de nombreuses années, les relations entre les parties se sont déroulées sans difficulté. Fin 2006, Mme [D] s'est aperçue qu'elle ne percevait plus de commissions sur des clients importants.

Après étude et voulant avoir des explications, elle a adressé le 15 mai 2007, une lettre recommandée avec accusé de réception à la société Argiletz. Le 11 juillet 2007, la société Argiletz lui a répondu que les relevés mensuels de commissions étaient exacts et que la société Biomarkus ne faisait pas partie de sa clientèle et travaillait en direct avec elle.

Les rapports entre les deux protagonistes s'étant dégradés et la société Argiletz ayant manifesté sa volonté de s'orienter vers les grossistes, Mme [D] a assigné la société Argiletz le 29 novembre 2007 pour obtenir le paiement des commissions qu'elle estime lui être dues et demander l'indemnisation des préjudices qu'elle considère avoir subis.

Par ordonnance de référé du 25 janvier 2008, le président du tribunal de commerce de Meaux a désigné M. [N] en qualité d'expert avec comme mission notamment de déterminer les conditions accordées aux grossistes, et d'évaluer les éventuels préjudices subis.

Le 1er avril 2008, la société Argiletz a mis fin unilatéralement au contrat d'agent commercial de Mme [D].

M. [N] a déposé son rapport le 28 novembre 2008, indiquant notamment que Mme [D] devait percevoir des indemnités au titre des commissions impayées du 1er janvier 2002 au 31 mars 2008 avec les intérêts de retard, faisant état d'un manque à gagner sur le client Naturalia et d'un préjudice avéré subi par Mme [D] du fait des conditions commerciales importantes accordées en direct aux grossistes. L'expert a retenu quatre versions ou options possibles qu'il a soumises à l'appréciation du tribunal.

Par acte du 4 août 2009, Mme [D] a assigné la société Argiletz devant le tribunal de commerce de Meaux aux fins d'obtenir le paiement des commissions et la réparation de ses préjudices.

Par un jugement en date du 3 mai 2011, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Meaux a :

- reçu Mme [D] en ses demandes, au fond les a dit bien fondées,

- reçu la société Argiletz en sa demande reconventionnelle, au fond l'a dit mal fondée et l'en a déboutée,

En conséquence,

- condamné la société Argiletz à payer à Mme [D] les sommes suivantes :

. 24.497,10 euros TTC au titre des commissions impayées, augmentées des intérêts légaux à compter de leur date respective d'exigibilité et constaté que ces intérêts s'élèveraient à la date du rapport d'expertise à la somme de 417,14 euros et continueront à courir jusqu'à parfaite exécution,

. 20.000 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi à raison des pratiques déloyales de la société Argiletz,

. 5.000 euros TTC à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral à raison des pratiques déloyales de la société Argiletz,

. 22.666 euros TTC au titre de l'indemnité légale de rupture du contrat d'agent commercial, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008,

. 2.833 euros TTC au titre de l'indemnité légale de préavis majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008.

- condamné la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 1.500 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 26 mai 2011 par la société Argiletz contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 octobre 2012, par lesquelles la société Argiletz demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,

A titre reconventionnel,

- la condamner à payer la société Argiletz au titre de la répétition de l'indu la somme de 2.238 euros,

- la condamner à payer à la société Argiletz une indemnité de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

- condamner Mme [D], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à communiquer à la société Argiletz les pièces suivantes :

. ses revenus de 2002 à 2009

. les extraits de son livre journal pour les années 2002 à 2009 faisant apparaître le nom de ses mandants.

La société Argiletz soutient que le secteur de Mme [D] était limité au département 75, en se fondant sur le contrat d'agence commerciale.

La société Argiletz prétend que le client Naturalia a été apporté par Mme [E], qu'il s'agit d'un grossiste et qu'elle n'est pour rien dans le changement de mode de distribution de cette société.

La société Argiletz affirme que le contrat a été rompu en raison de la faute grave commise par Mme [D] dans l'exécution de son contrat d'agence commerciale. Selon elle, Mme [D] a fait preuve d'une insuffisance chronique dans ses activités et d'une négligence totale dans ses obligations de prospection de clientèle.

Subsidiairement, la société Argiletz fait valoir que Mme [D] ne rapporte pas la preuve de son préjudice, puisqu'étant multicarte, elle n'établit pas que ses revenus ont baissé, raison pour laquelle elle demande la communication de certaines pièces.

La société Argiletz rappelle que préalablement à l'entrée en fonction de Mme [D], elle travaillait avec des grossistes, ce dont Mme [D] était parfaitement informée dès son entrée en fonction.

Enfin, la société Argiletz affirme n'avoir jamais changé de politique commerciale et n'avoir fait que s'adapter aux contraintes du marché, estimant ne pas être responsable de la politique de revente des grossistes.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 2 novembre 2012, par lesquelles Mme [D] demande à la Cour de :

- recevoir Mme [D] en ses conclusions, emportant appel incident, et l'en dire bien fondée,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu le 3 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Meaux en ce qu'il a condamné la société Argiletz à payer à Mme [D] diverses sommes et notamment une somme de 24.497,10 euros au titre des commission impayées et en ce qu'il a débouté la société Argiletz de sa demande reconventionnelle au titre de la répétition de l'indu,

- infirmer le jugement rendu le 3 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Meaux en ce qui concerne le quantum des autres condamnations prononcées,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi à raison de ses pratiques déloyales,

- condamner la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi à raison de ses pratiques déloyales,

- condamner la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 26.497,31 euros à titre de l'indemnité légale de rupture du contrat d'agent commercial, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008,

- condamner la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 3.312,16 euros au titre de l'indemnité légale de préavis majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008,

Subsidiairement,

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 3 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Meaux,

En tout état de cause,

- débouter purement et simplement la société Argiletz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Argiletz à payer à Mme [D] la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 d code de procédure civile.

Mme [D] soutient que la période à prendre en considération pour déterminer le montant de sa créance commence à compter du 1er janvier 2002.

Selon elle, la société Argiletz n'a pas exécuté ses obligations contractuelles relatives au paiement des commissions et a fait preuve d'un comportement déloyal.

Mme [D] fait également valoir que le contrat d'agent commercial a été abusivement rompu par la société Argiletz, justifiant le paiement de l'indemnité légale de rupture et de l'indemnité de préavis.

Enfin, Mme [D] considère que la société Argiletz fait preuve de mauvaise foi quand elle affirme que son secteur géographique était limité au seul département du 75. Elle précise que la société Naturalia est un détaillant et non un grossiste.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société Argiletz n'a présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

-Sur les commissions réclamées par Mme [D] :

L'ordonnance de référé du 25 janvier 2008 a donné pour mission à l'expert de déterminer les commissions réellement dues à Mme [D] à compter du 1er janvier 2002.

La société Argiletz ne saurait se prévaloir de la prescription quinquennale de l'ancien article 2277 du code civil pour estimer que la période à prendre en considération devrait débuter au 1er décembre 2002 alors que, d'une part, cet article ne s'applique pas à des commissions d'agent commercial qui n'entrent pas dans la définition des actions concernées par ce texte, d'autre part, la créance est en litige entre les parties et dépend d'éléments qui n'étaient pas connus de Mme [D].

En conséquence, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu'il a jugé que la période à prendre en compte pour le calcul des commissions dues à Mme [D] s'étendait du 1er janvier 2002 au 31 mars 2008.

Aux termes des dispositions du code de commerce, la commission de l'agent commercial est calculée sur toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, lorsque l'opération a été conclue grâce à l'intervention de l'agent ou lorsqu'elle a été conclue avec un tiers dont l'agent a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre et, lorsque l'agent est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, la commission est perçue sur toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe.

En l'espèce, le contrat d'agence prévoyait à son article 3 relatif au secteur et à la clientèle que :

'1- le secteur dans lequel l'agent est chargé du mandat est constitué par les départements suivants : 75;

2- la clientèle est composée par les pharmacies indépendantes, les espaces de pharmacies dans les hypermarchés, les espaces de pharmacies dans les magasins populaires, les espaces de pharmacies dans les grands magasins, les magasins de diététiques et les pharmacies;

3- dans l'univers ainsi défini, le mandant s'interdit de concurrencer l'action de l'agent par des entreprises dans lesquelles il aurait des intérêts directs ou indirects.'

Le rapport d'expertise de M. [N] du 28 novembre 2008 a mis en exergue le fait que l'exclusivité accordée à Mme [D] par ce contrat avait, de fait et d'un commun accord entre les parties, été étendue à l'ensemble des départements d'[Localité 5].

La société Argiletz ne saurait se retrancher derrière l'article 12-4 du contrat d'agence intitulé 'Transmission du contrat par l'agent', qui dispose que 'toute modification au présent contrat devra être constatée par un écrit signé des deux parties', dans la mesure où Mme [D] a traité pendant près de huit ans avec des clients hors secteur avec l'approbation de son mandant et que c'est par son intervention que les ventes avec ces clients ont eu lieu, de sorte qu'il est indéniable qu'elle doit percevoir ses commissions sur l'ensemble de sa clientèle de la région parisienne.

En outre, il résulte des pièces comptables de la société Argiletz examinées par l'expert que la société Naturalia était un client de Mme [D], pour lequel elle avait été commissionnée pendant la presque totalité de la durée de son contrat d'agence. Or, la société Argiletz n'a plus transmis aucune facture de ce client à son agent commercial depuis la fin de l'année 2006 sans avertissement ou explication préalable.

Dans le cadre de la présente procédure, la société Argiletz a soutenu que la société Naturalia était un grossiste et non un magasin de diététique et qu'elle échappait donc, de ce fait, à la clientèle génératrice de commissions pour Mme [D]. Pourtant, une telle analyse ne saurait être suivie alors que la société Naturalia, qui est un détaillant vendant au consommateur final avec un réseau très développé de magasins ouverts au public, ne peut être considérée comme un grossiste qui est l'intermédiaire entre le producteur et le détaillant.

Dès lors, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il a considéré que le client Naturalia, qui a été régulièrement démarché par Mme [D] pendant la période contractuelle, faisait partie de son portefeuille d'agent commercial.

L'expert judiciaire a relevé, après analyse des éléments comptables qui lui ont été transmis par la société Argiletz, de nombreuses irrégularités concernant le versement des commissions dues à Mme [D] :

-les commissions n'ont pas toutes été versées dans le mois de la facture, rendant difficile le suivi des commissions,

-le chiffre d'affaires hors taxe commissionné ne correspond pas au chiffre d'affaires hors taxe de la facture,

-l'exclusivité accordé à Mme [D] n'a pas été respectée puisqu'un grand nombre de factures a été émis aux clients de la société Argiletz dans le secteur accordé à Mme [D] sans avoir été reportées sur les relevés destinés à cette dernière, étant en outre précisé que le nom de l'agent commercial n'a pas été indiqué sur les factures concernées.

Il résulte du rapport d'expertise que les commissions impayées s'établissent de la manière suivante :

*pour l'ensemble des clients autres que la société Naturalia : 12.999,05 €

*pour le client Naturalia depuis 2007 : 11.498,05 €

Le jugement dont appel doit donc être confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [D] la somme totale de 24.497,10 € au titre des commissions impayées outre les intérêts légaux à compter de leur date respective d'exigibilité et constaté que ces intérêts s'élevaient, à la date du rapport d'expertise, à la somme de 417,14 € et continueront à courir jusqu'à parfaite exécution. Il doit également l'être en ce qu'il a débouté la société Argiletz de sa demande en répétition de l'indu au titre des commissions.

-Sur l'exécution du contrat d'agence :

Mme [D] s'est plainte à juste titre du comportement déloyal de la société Argiletz dans l'exécution du contrat d'agent commercial en violation des dispositions de l'article 5-1 dudit contrat aux termes duquel 'les rapports entre l'agent et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information. L'agent s'engage à exécuter son mandat en bon professionnel et le mandant s'engage à mettre l'agent en mesure d'exécuter ce mandat'.

Effectivement, les témoignages d'un autre agent commercial, M. [U], de clients de Mme [D], Mme [S], Mme [J], M. [L] et Mme [B] et les constatations de l'expert judiciaire démontrent que la société Argiletz a mis en place une politique visant à écarter ses agents commerciaux et à procurer à de nombreux grossistes des remises sur les prix supérieures à celles que Mme [D] était autorisée à proposer. Une telle politique lui a permis d'augmenter ses profits au détriment de ses agents commerciaux, dont l'intimée, dans la mesure où les grossistes, contrairement aux agents commerciaux, ne sont pas commissionnés sur les ventes qu'ils réalisent.

M. [U] explique ainsi que 'cette société pratique des conditions d'achat plus favorables pour les grossistes que pour nous-même tant pour le prix d'achat que par le conditionnement; elle cherche délibérément à éliminer les commerciaux de son secteur.'

Mme [S] précise : 'J'ai arrêté de travailler en direct avec Argiletz alors que j'appréciais leur commerciale car les conditions commerciales étaient de moins en moins intéressantes et m'obligeaient à stocker des produits pour plusieurs mois alors que chez les grossistes les prix sont plus bas à l'unité'.

Mme [J] atteste ne plus passer 'volontairement de commande à Mme [D], représentant la société Argiletz' mais continuer à vendre cette marque dans son magasin par l'intermédiaire d'un grossiste qui revend l'argile à l'unité au même prix que la société Argiletz, soit en réalité, compte tenu des quantités imposées dans le cas d'achat par l'intermédiaire de Mme [D], avec des remises plus importantes que celles pratiquées par cette dernière.

L'expert, quant à lui, relève que 'pour les mêmes produits, le laboratoire Argiletz pratique en moyenne une remise tarifaire pour ses grossistes de 26 % par rapport aux tarifs qu'il fait appliquer par ses agents commerciaux' et que 'pour des quantités quasiment similaires de commande...les tarifs appliqués par le laboratoire pour ses grossistes sont toujours plus avantageux que ceux appliqués après remise par ses agents commerciaux'.

Cette attitude déloyale a, à l'évidence, désavantagé Mme [D], et les premiers juges ont justement évalué à la somme de 20.000 € au titre du préjudice matériel correspondant au manque à gagner résultant du comportement du mandant et à celle de 5.000 € au titre du préjudice moral, les dommages et intérêts alloués à cette dernière

-Sur la rupture du contrat d'agence :

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L 134-11 du code de commerce, chacune des parties peut mettre fin au contrat d'agent commercial à durée indéterminée moyennant un préavis, d'une durée d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes, sauf dispositions contractuelles prévoyant un délai plus long, ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou la survenance d'un cas de force majeure.

L'article L 134-12 du code de commerce dispose, qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Compte tenu du comportement de la société Argiletz, tel qu'il a été exposé ci-dessus, et des attestations versées par Mme [D], qui démontrent qu'elle a exercé sa mission contractuelle avec sérieux et professionnalisme, l'appelante ne peut soutenir que la cessation du contrat a été provoquée par la faute grave de l'agent commercial, qui seule pourrait priver Mme [D] de l'indemnité de rupture en application de l'article L 134-13 du même code.

La société Argiletz procède par pures affirmations, qui ne sont étayées par aucune preuve, lorsqu'elle soutient que Mme [D] n'aurait pas exécuté son contrat en bon professionnel. Elle ne s'est d'ailleurs jamais plainte des résultats obtenus par son agent commercial pendant toute la durée du mandat, soit pendant plus de dix ans. Les quelques e-mails auxquels elle fait référence, qui émanent de ses services et qui ne sont corroborés par aucun témoignage ou courrier de clients qui se seraient plaints de l'activité de Mme [D], ne sauraient permettre d'établir une quelconque défaillance de cette dernière dans l'accomplissement de son mandat.

Enfin, la société Argiletz ne saurait tirer argument du refus de Mme [D] de lui communiquer les pièces relatives à ses revenus pour les années 2002 à 2009 et les extraits de son livre journal alors que celle-ci n'a aucune obligation de communiquer des pièces étrangères au litige, en l'absence du moindre commencement de preuve fourni par l'appelante relatif à l'allégation selon laquelle l'intimée aurait pris une carte concurrente sans l'accord de sa mandante, pour pallier la carence de la société Argiletz dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'une faute de son cocontractant.

La société Argiletz doit donc être déboutée de sa demande de production de pièces sous astreinte.

L'indemnité de rupture due à l'agent commercial doit réparer le préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.

Il est d'usage de calculer l'indemnité de cessation du contrat sur la base de la moyenne des trois dernières années d'exercice normal du contrat. Les premiers juges ont retenu, à juste titre, le montant établi par l'expert pour les trois années entières 2005, 2006 et 2007 et 5.785,45 € pour l'année partielle 2008, incluant les commissions non versées, soit un total de 39.745,97 €, qu'ils ont ramené à la somme de 34.000 € comme base de calcul, le chiffre de l'expert prenant en compte plus de trois ans d'activité.

Sur cette base, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Mme [D] une somme de 22.666 € au titre de l'indemnité de rupture représentant deux années de commissions et une somme de 2.833 €au titre de l'indemnité de préavis, ces indemnités étant majorées des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2008.

L'équité commande d'allouer à Mme [D] une indemnité de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DEBOUTE la société Laboratoire Argiletz de toutes ses demandes,

CONDAMNE la société Laboratoire Argiletz à payer à Mme [X] [D] une indemnité de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Laboratoire Argiletz aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Le GreffierLa Présidente

E.DAMAREYC. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/10099
Date de la décision : 17/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/10099 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-17;11.10099 ?
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