RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 17 Janvier 2013
(n° 14 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/02274
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de Evry - Section commerce - RG n° 09/01063
APPELANTE
Madame [G] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Pierre-robert AKAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0673
INTIMÉES
Me [K] [O] - Mandataire liquidateur de GS TECHNOLOGIES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représenté par Me Julien BESLAY, avocat au barreau de PARIS, toque : J133
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1205
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Renaud BLANQUART, Président
Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère
Madame Anne MÉNARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [G] [I], employée depuis le 20 novembre 1995, en dernier lieu en qualité de responsable administrative, par la société GS Technologies, laquelle avait une activité de négoce de machines-outils pour l'industrie, a, à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 27 avril 2009 désignant Me [T] en qualité d'administrateur judiciaire, été licenciée pour motif économique sur autorisation du juge commissaire le 8 septembre 2009.
Elle a saisi la juridiction prud'homale le 12 octobre 2009 d'une demande tendant à la fixation au passif de la société de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure et de ses droits à une couverture santé et prévoyance et pour paiement tardif de son solde de tout compte, outre le remboursement de salaire indûment prélevés au titre de la mutuelle.
Par jugement du 28 janvier 2011 notifié le 16 février 2011, le conseil de prud'hommes d'Evry a fixé sa créance salariale au passif de la société GE Technologies garantie par l'AGS à la somme de 515 € demandée au titre de la répétition des salaires indûment prélevés et l'a déboutée du surplus de sa demande.
Un plan de cession a été arrêté par jugement du tribunal de commerce d'Evry du 18 octobre 2010 chargeant Me [O], en sa qualité de mandataire judiciaire de la société GE Technologies, des missions dévolues au liquidateur dans le cadre de la cession.
Mme [I] a interjeté appel de cette décision le 7 mars 2011.
Représentée par son conseil à l'audience du 13 novembre 2012, elle demande la fixation au passif de la SAS GS Technologies des sommes de :
- 538,64 € au titre de la répétition des salaires indûment prélevés, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil,
- 3000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1134 du code civil,
- 2119,73 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, soit un mois de salaire,
- et 12718,38 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif
avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
outre 1500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que les cotisations au titre de la mutuelle Capaves prévoyance ont continué à lui être prélevées sur ses derniers salaires alors même que l'employeur l'avait radiée du bénéfice de la mutuelle à compter du 30 août 2009, ce qui justifie sa demande de remboursement à laquelle il a été fait droit partiellement en première instance, d'où un solde dû de 23,64 €. Elle soutient également que la radiation prématurée de la mutuelle, l'établissement d'un solde de tout compte erroné, le non-respect de la portabilité de son droit individuel à la formation et la notification d'une durée de préavis erronée lui ont causé un véritable préjudice, tout comme le défaut de consultation du représentant des salariés sur son licenciement en application de l'article L.621-4 du code de commerce alors que son licenciement ne s'imposait pas. Elle estime au demeurant que celui-ci se trouve privé de cause réelle et sérieuse faute de proposition de reclassement.
La SCP [O] prise en la personne de Me [K] [O], ès-qualités de mandataire de la SAS GS Technologies, sollicite la mise hors de cause de Me [T], en sa qualité d'administrateur judiciaire, et la confirmation du jugement, et, s'en rapportant sur la demande de rappel de salaire, le débouté du surplus des demandes.
Elle répond que s'agissant de la portabilité des droits à la couverture santé et prévoyance, les droits de la salariée ont été rétablis après plusieurs échanges de courriers si bien qu'elle ne justifie d'aucun préjudice et que les erreurs relevées ont été régularisées rapidement. Elle soutient que si le représentant des salariés doit être consulté sur les licenciements envisagés, ce qui a été fait en l'espèce, cette consultation peut se faire en dehors des formes prévues par le code du travail puisqu'il n'est pas une institution représentative du personnel au sens de ce code. Enfin, s'agissant de l'obligation de reclassement, elle rappelle que faute de pouvoir procéder à un reclassement interne ce qui était le cas aucun recours n'ayant été interjeté à l'encontre du juge commissaire autorisant les deux licenciements, il ne pourrait y avoir manquement qu'en cas d'existence d'un groupe ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
L'AGS indique qu'elle ne doit pas sa garantie pour les dommages-intérêts sollicités au titre du préjudice résultant de l'exécution de mauvaise foi par l'employeur de ses obligations comme de l'exercice de la mission du mandataire, demande de constater que la procédure est régulière, le représentant des salariés n'ayant pas à être consulté, et s'en rapporte sur le solde de salaire à hauteur de 23,64 €, en rappelant en tout état de cause les limites de sa garantie.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Attendu préalablement que la demande de répétition des cotisations indûment prélevées sur les salaires de Mme [I] correspond en réalité à un rappel de cotisations impayées qui a été réclamé à l'intéressée par l'institution interprofessionnelle de prévoyance Capaves Prévoyance le 2 juillet 2010 pour un montant de 538,64 € ; que la demande n'étant discutée ni dans son principe ni dans son quantum et ayant été en partie réglée en exécution du jugement prud'homal, il y a lieu d'ajouter à celui-ci en faisant droit à la demande nouvelle relative à un solde de 23,64 € ;
Attendu par ailleurs que Mme [I] se plaint d'avoir été, elle et sa famille, radiée prématurément au 31 août 2009 du bénéfice de la mutuelle alors que ses cotisations ont été prélevées jusqu'au 30 octobre, et du retard mis à la régularisation de la portabilité de sa garantie santé jusqu'au 13 août 2010 dont elle a demandé à bénéficier le 7 octobre 2009, l'obligeant à régler elle-même la somme susvisée ainsi qu'à faire l'avance de ses dépenses de santé ; qu'elle invoque également le préjudice que lui aurait causé l'erreur entachant son solde de tout compte à hauteur de 303,90€ régularisée dans les deux mois de sa réclamation, son intervention pour faire porter de un à deux mois la durée du préavis qui lui avait été notifié, et l'absence de réponse à sa demande de bénéficier de son droit individuel à la formation le 22 septembre puis à sa demande d'inscription à une formation spécifique le 10 novembre 2009 ;
que ses carences ne sont pas contestées et que la négligence apportée à remplir la salariée de ses droits, qui l'a obligée à en faire l'avance ou les lui a fait perdre en ce qui concerne ceux relatifs à la formation qui s'élevaient à 46 heures, sera justement indemnisée par l'allocation d'une somme de 600 € qui sera fixée au passif de la société; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
que cette créance ne résultant pas de la mauvaise foi de l'employeur mais de sa simple négligence, elle est bien garantie par l'AGS en vertu de l'article L.3253-8 du code du travail ;
Attendu que l'appelante invoque également le non-respect de la procédure de licenciement du fait de l'absence de consultation régulière du représentant des salariés et de l'absence de caractère urgent, indispensable et inévitable de son licenciement ;
Mais attendu, d'abord, qu'en l'absence de tout recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire, les conditions auxquelles doivent répondre les licenciements ainsi autorisés ne peuvent plus être discutées ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte de l'application combinée des articles L.621-4, L.621-9 et L.631-17 du code de commerce que lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur doit, préalablement à la saisine du juge-commissaire pour être autorisé à y procéder, consulter le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L.1233-58 du code du travail, et, en l'absence de comité d'entreprise et de délégué du personnel, le représentant des salariés qui exerce les fonctions dévolues à ces institutions ; que cette consultation doit être faite, selon ce dernier texte spécifique au 'licenciement économique dans le cadre d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire', dans les conditions des articles L.2323-15 et L.1233-8 du code du travail pour un licenciement collectif de moins de dix salariés ; qu'aux termes de l'article L.1235-12 du même code, en cas de non-respect par l'employeur des procédures de consultation des représentants du personnel, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité calculée en fonction du préjudice subi;
qu'en l'espèce, il résulte de l'avis écrit donné le 13 juillet 2009 par le représentant des salariés, M. [L], qui avait assisté à l'audience du tribunal de commerce, que celui-ci a été consulté au cours d'un entretien téléphonique avec l'administrateur judiciaire sans être convoqué selon la procédure de l'article L.1233-10 du code du travail ; que cependant, l'intéressé indique qu'ayant été informé et consulté sur le projet de licenciement pour motif économique concernant les postes d'assistante commerciale et de responsable administratif, il n'a aucune remarque à apporter ; que dès lors, le seul manquement aux conditions de forme cause un préjudice à la salariée nécessairement moindre qu'une absence totale de consultation et sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 200 € à titre de dommages-intérêts ;
que le paiement de celle-ci sera pareillement garanti par l'AGS s'agissant d'une créance résultant de la rupture intervenue pendant la période d'observation ;
Attendu que l'introduction de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux par application des dispositions de l'article L.622-28 du code de commerce ;
Attendu enfin qu'en ce qui concerne les possibilités de reclassement dans l'entreprise, il résulte des jugements du tribunal de commerce d'Evry qu'au moment du licenciement, l'entreprise comptait sept salariés et qu'à la date du plan de cession, elle n'en comptait plus que deux, si bien qu'en l'absence de poste disponible dans l'entreprise dont il n'est pas justifié qu'elle faisait partie d'un groupe, il ne pouvait être proposé d'offre de reclassement à la salariée, cette obligation n'étant qu'une obligation de moyen ; que la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est donc pas justifiée et le jugement sera confirmé sur ce point ;
Et attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la totalité des frais de procédure qu'elle a dû engager ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [G] [I] de ses demandes de dommages-intérêts ;
Statuant de nouveau,
Fixe la créance de Mme [I] au passif de la SAS GS Technologies représentée par son mandataire judiciaire, la SCP [N] prise en la personne de Me [O], aux sommes de :
- 200 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de consultation du représentant des salariés,
- et 600 € à titre de dommages-intérêts pour manquements postérieurs au licenciement;
Dit que cette créance sera garantie par l'AGS CGEA IDF EST dans la limite du plafond légal applicable;
Le confirme pour le surplus ;
Y ajoutant,
Met hors de cause Me [T] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS GS Technologies ;
Fixe la créance de Mme [I] au passif de la société GS Technologies représentée par la SCP [O] ès-qualités à la somme supplémentaire de 23,64 € au titre de rappel de cotisations, avec la garantie de l'AGS CGEA IDF EST ;
Déboute Mme [I] du surplus de sa demande ;
Condamne la SCP [O], ès-qualités, à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCP, ès-qualités, aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT