RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 17 Janvier 2013
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08674
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY Section Commerce RG n° 09/00616
APPELANT
Monsieur [C] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparant en personne
assisté de Me Yves LEBEAU, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : B 212
INTIMEE
Monsieur [S] [W] exerçant sous l'enseigne TABAC 'LE RALLYE'
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne,
assistée de Me Marie JEANMONOD PELON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0639
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président
Monsieur Bruno BLANC, Conseiller
Monsieur Rémy LE DONGE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 24 février 2009, Monsieur [C] [G] saisissait le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de faire condamner monsieur [S] [W] à lui payer diverses sommes à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail , heures supplémentaires, congés payés afférents, 6ème semaine de congés payés et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 7 septembre 2010 le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Monsieur [C] [G] de toutes ses demandes.
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé contre cette décision par Monsieur [C] [G],
Monsieur [C] [G] a été engagé par monsieur [S] [W] exploitant en nom personnel un fonds de café tabac le 17 février 2003 en contrat à durée indéterminée en qualité de serveur .
Le 21 mars 2008, Monsieur [C] [G] était convoqué à un entretien préalable avant mesure disciplinaire;
Le 4 avril 2008 il lui était infligé une mise à pied;
Monsieur [C] [G] ne reprenait plus son travail après un arrêt maladie qui se terminait le 9 juin 2008; par lettre recommandée en date du 14 juin son employeur le mettait en demeure de reprendre son travail .
Par lettre recommandée en date du 25 juin, monsieur [S] [W] convoquait Monsieur [C] [G] à un entretien préalable avant licenciement,
Par courrier du 11 juillet , monsieur [S] [W] demandait à nouveau à Monsieur [C] [G] de reprendre son travail ;
Le 8 septembre 2008, Monsieur [C] [G] adressait à son employeur une lettre de démission;
L'entreprise employait à la date du licenciement moins de onze salariés.
La convention collective applicable est celle des Cafés hôtels restaurants;
Le salaire mensuel brut moyen des trois derniers mois était de 1627,39 €.
Monsieur [C] [G], par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, conclut à l'infirmation du jugement . Il demande à la cour de condamner monsieur [S] [W] à lui payer les sommes suivantes:
- 9000 € à titre de dommages intérêts pour rupture abusive
- 9000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
- 450,66 € à titre de salaire de mise à pied et 45,06 € pour les congés payés y afférents,
- 28 008,47 € au titre des heures supplémentaires
- 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Il expose essentiellement:
- s'agissant de la mise à pied , que monsieur [Y] a porté plainte le 3 avril 2008, lendemain de l'entretien préalable à sanction, alors que les faits remontaient au 8 mars,
- les propos tenus lors de cet entretien préalable n'ont rien eu d'insultant;
- s'agissant de la rupture, il demande la requalification de sa prise d'acte de rupture en licenciement au tort de l'employeur, en raison de l'attitude vexatoire de ce dernier et de son refus de lui payer ses heures supplémentaires,
- s'agissant des heures supplémentaires, il travaillait 54,30 heures par semaine; il verse de nombreux témoignages et fait observer que ceux versés par monsieur [S] [W] ne sont pas fiables, et que celui-ci était souvent absent de l'établissement.
Monsieur [S] [W], par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, conclut à la confirmation du jugement et au débouté de Monsieur [C] [G] en toutes ses demandes.
Il expose essentiellement que:
- monsieur [Y] a porté plainte pour des menaces proférées par Monsieur [C] [G]
- la lettre du 13 mars contenait des propos injurieux,
- deux attestations produites pour justifier de ses heures supplémentaires ont été rédigées par lui, une autre est un faux , les autres sont de complaisances,
- Monsieur [C] [G] a travaillé 39 heures par semaine dont 4 heures supplémentaires payées à 110%,
-Monsieur [C] [G] a employé le terme de 'démission' dans sa lettre du 8 septembre 2008; il n'apporte aucune preuve des motifs de sa démission et a été absent de manière continue depuis le 9 juin 2008,
- Monsieur [C] [G] a été payé de la 6ème semaine de congés payés pour les années 2005 et 2006 en mars 2008 ,
- la mise à pied de dix jours était justifiée,
- il n'y a rien de vexatoire à demander à un salarié de passer le balai et de ranger les étagères;
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise à pied
La mise à pied de Monsieur [C] [G] était prononcée pour les motifs suivants: comportement inadmissible sur le lieu de travail notamment à l'égard de monsieur [Y], et termes injurieux envers son employeur dans un courrier du 13 mars 2008.
Il ressort de la déposition de main courante de monsieur [Y] en date du 9 mars 2008 que celui-ci aurait reçu des menaces répétées de la part de Monsieur [C] [G] et d'une autre salariée de l'établissement, monsieur [Y] ayant repris et développé les termes de sa plainte dans une attestation versée au dossier; toutefois cette plainte, contestée, n'est corroborée par aucun élément, notamment témoignage autre que celui de l'intéressé et monsieur [S] [W], l'employeur ;
Par ailleurs les doléances contenues dans la lettre du 13 mars 2008 ne peuvent être considérées comme injurieuses du seul fait que monsieur [S] [W] les conteste, serait-ce à juste titre;
Il en résulte que la mise à pied prononcée par Monsieur [C] [G] n'est pas justifiée par les pièces du dossier et qu'elle sera annulée, les jours de mise à pied devant être payés;
Sur les heures supplémentaires
S'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Attendu que Monsieur [C] [G] n'a, dans aucun courrier, revendiqué le paiement d'heures supplémentaires, et que dans sa lettre de démission, il n'évoque que la 'régularisation de congés impayés',
Que les témoignages qu'il produit sont à juste titre critiqués par monsieur [S] [W] qui relève la contradiction entre le témoignage de madame [M] dans ce dossier avec celui qu'elle a produit dans un autre dossier prud'homal, les contradictions entre les deux témoignages de Madame [T], l'attestation de monsieur [E] qui déclare n'avoir jamais établi le témoignage produit par Monsieur [C] [G] , les contradictions des témoignages de Madame [R], la complaisance de témoignages de clients qui ne pouvaient être témoins de la présence de Monsieur [C] [G] sur toute une journée et ne peuvent avoir été des témoins directs des horaires allégués;
Que les relevés de caisse établissent que celle-ci était arrêtée chaque jour vers 20h30 et très rarement après 21h, sachant qu'elle n'était pas nécessairement arrêtée par Monsieur [C] [G] ;
Sur la rupture du contrat de travail
La démission s'entend d'une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin
au contrat de travail pour des raisons propres et extérieures à l'exécution même de ce contrat;
Si cette démission est concomitante ou postérieure à une manifestation du désaccord de son auteur sur l'exécution du contrat, cette expression d'une démission s'analyse en une prise d'acte de rupture du contrat et il appartient alors au juge de rechercher si les manquements de l'employeur sont établis et emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; à défaut la démission produit ses effets ;
Attendu que dans sa lettre du 8 septembre 2008, Monsieur [C] [G] emploi le terme de 'démission', évoquant à titre de différent avec son employeur: la dégradation de ses conditions de travail et la régularisation des congés impayés, faits déjà évoqués dans de précédents courriers,
Attendu que dans les conclusions qu'il verse, Monsieur [C] [G] ne forme toutefois aucune revendication concernant des congés demeurés impayés et précise que la 6ème semaine a été accordée fin mars 2008;
Que l'employeur affirme dans ses conclusions, sans être démenti, que les 6ème semaines pour 2005 et 2006 ont été régularisées en mars 2008 ;
Que les témoignages produits sont peu fiables compte tenu des critiques rappelées ci-dessus à propos des heures supplémentaires et que le fait de recevoir l'ordre de nettoyer le bar ne peut être vexatoire, la fréquence de cet ordre n'étant nullement établie;
Que le non paiement d'heures supplémentaires, développé dans les conclusions, ne peut être retenu, le cour en ayant rejeté la demande;
Qu' ainsi la lettre de démission de Monsieur [C] [G] ne peut constituer une lettre de prise d'acte de rupture;
Que ses demandes de ce chef seront rejetées;
Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé, sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du salaire de mise à pied ;
Monsieur [C] [G] doit être débouté de sa demande faite en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Dit recevable l'appel formé par Monsieur [C] [G] ,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bobigny , sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre du salaire de mise à pied ;
CONDAMNE Monsieur [S] [W] exerçant sous l'enseigne TABAC 'LE RALLYE' à payer à Monsieur [C] [G] la somme de 450,66 € au titre du salaire dû pendant la mise à pied , augmenté de la somme de 45,06 € au titre des congés payés y afférents ;
DIT que cette somme portera intérêt à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de sa demande;
REJETTE les autres demandes de Monsieur [C] [G]
CONDAMNE monsieur [S] [W] aux dépens.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,