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16/01/2013 | FRANCE | N°11/01856

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 16 janvier 2013, 11/01856


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 16 Janvier 2013



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01856 et 11/02752



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - RG n° 08/01159





APPELANTS

SCP BTSG prise en la personne de Me [K] [W] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. EMULSIA venant aux

droits de la SAS FRPC-CONQUET

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Georges PETIT, avocat au barreau de PARIS, J141



Me [V] [D] agissant en qualité d'administrateu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 16 Janvier 2013

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01856 et 11/02752

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de MEAUX - RG n° 08/01159

APPELANTS

SCP BTSG prise en la personne de Me [K] [W] agissant en qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. EMULSIA venant aux droits de la SAS FRPC-CONQUET

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Georges PETIT, avocat au barreau de PARIS, J141

Me [V] [D] agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. EMULSIA

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Georges PETIT, avocat au barreau de PARIS, J141

S.A.S. SN FRPC-CONQUET

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Véronique FODOR, avocate au barreau de PARIS, J122

INTIMÉ

Monsieur [D] [B]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

comparant en personne, assisté de Me Alexandre BOULANT, avocat au barreau de PARIS, P0083

PARTIE INTERVENANTE

L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA [Localité 9]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Pascal GOURDAIN, avocat au barreau de PARIS, D1205 substitué par Me Christine HEURTEAU, avocate au barreau des HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

qui en ont délibéré

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

M.[D] [B] a été embauché le 25 avril 2000 en qualité de directeur commercial France-export par la société Conquet qui est devenue ensuite la SAS FRPC Conquet, qui avait pour activité la fabrication et la commercialisation de produits chimiques pour notamment, la photographie, le cinéma et la radiologie.

Cette société a fait l'objet, le 2 novembre 2007, d'une fusion absorption par la SAS Emulsia.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la SAS Emulsia le 20 avril 2009 et Me [D] a été désigné en qualité d'administrateur, Me [W] en qualité de mandataire judiciaire.

Par la suite, le 7 juillet 2011, a été décidé une liquidation judiciaire et Me [W] a été désigné comme liquidateur.

M.[D] [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 27 juin 2007 tandis qu'il faisait l'objet d'une mise à pied conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre en date du 10 juillet 2007.

Le même jour, le fonds de commerce exploité par la SA S FRPC Conquet a été cédé à la SAS SN FRPC Conquet.

M.[D] [B] ayant saisi le conseil de prud'hommes de Meaux de différentes demandes, celui-ci a mis hors de cause la SAS SN FRPC Conquet par jugement en date du 27 janvier 2011.

Il a par ailleurs fixé la créance de M.[D] [B] au passif de la SAS Emulsia de la manière suivante :

- 18 286,41 € à titre de rappel de salaire

- 1 828,64 € au titre des congés payés afférents

- 1 188,97 € au titre de la période de mise à pied

- 118,09 € au titre des congés payés afférents

- 16 081,22 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

- 1 608 € au titre des congés payés afférents

- 9 599,62 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Toutes ces sommes avec intérêts légaux à compter de la convocation devant le bureau de jugement

- 42 883,20 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

- 900 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Le conseil de prud'hommes a également ordonné à Me [D] et à Me [W] de délivrer un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi et les bulletins de paie conformes au jugement.

Il a enfin déclaré le jugement opposable au Centre de Gestion et d'études d'[Localité 9] (CGEA), unité déconcentrée de l'UNEDIC , agissant en qualité de gestionnaire de l'Association pour la Gestion du régime d'assurance des créances des Salariés , dite AGS.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 23 février 2011, la SAS Emulsia a interjeté appel du jugement.

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception expédiée le 21 mars 2011, M.[D] [B] a lui-même fait appel incident.

Ces deux actes ont donné naissance à deux procédures distinctes enregistrées sous le numéro de répertoire général 11/01856 et 11/02752 qui devront donc donner lieu à une jonction.

La SAS Emulsia et Me [W], agissant en qualité de liquidateur de cette dernière, demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de M.[D] [B] à 18 286,41 € à titre de rappel de salaire et à 1828,64 € au titre des congés payés afférents et en ce qu'il a mis hors de cause la SAS SN FRPC Conquet.

Il concluent en revanche à sa réformation en ce que le jugement n'a pas retenu l'existence d'une faute grave et ils concluent en conséquence au rejet de l'ensemble des demandes formées par ce dernier ainsi qu'à sa condamnation à verser à la SAS SN FRPC Conquet (sic) la somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS SN FRPC Conquet conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et sollicite aussi le versement d'une indemnité de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour sa part, M.[D] [B] conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la SAS SN FRPC Conquet à lui payer les sommes suivantes :

- 130 798,74 € à titre de rappel de primes et 13 079,07 € au titre des congés payés afférents

- 3 836,27 € à titre de remboursement de frais professionnels

- 1 188,97 € de rappel de salaire pour la période de mise à pied et 118,09 € au titre des congés payés afférents

- 20 570,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2057,04 € au titre des congés payés afférents

- 9 599,62 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 2 500 € par application de l'article 700 code de procédure civile

Il demande également sa condamnation à lui remettre les différents documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document.

À titre subsidiaire, il conclut à la réformation du jugement en ce qui concerne les rappels de primes, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents et en conséquence, à ce que sa créance soit fixée au passif de la SAS Emulsia de la manière suivante :

- 130 790,74 € à titre de rappel de prime et13 079,07 € au titre des congés payés afférents

- 20 570,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2057,04 € au titre des congés payés afférents

- 3 836,26 € à titre de remboursement de frais professionnels

- 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Il conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et à la condamnation de la SAS Emulsia à lui remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document.

Le Centre de Gestion et d'études d'[Localité 9] (CGEA), unité déconcentrée de l'UNEDIC , agissant en qualité de gestionnaire de l'Association pour la Gestion du régime d'assurance des créances des Salariés , dite AGS, conclut au rejet des demandes formées par M.[D] [B], notamment en ce qu'elles sont dirigées contre la SAS Emulsia.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le transfert du contrat de travail

Le fonds de commerce exploité par la SAS Emulsia a été cédé à la SAS SN FRPC Conquet par acte sous-seing privé le 10 juillet 2010.

L'AGS en déduit qu'à cette date le contrat de travail dont était titulaire M.[D] [B] n'était pas rompu puisque si le licenciement a eu lieu le même jour, le contrat de travail était réputé être encore en cours jusqu'à la date de présentation de la lettre recommandée notifiant au salarié son licenciement, de telle sorte que par application de l'article L 1224-1 du code du travail, à la date de la cession, le contrat de travail avait été transféré de plein droit à la SAS SN FRPC Conquet.

Par conséquent, selon elle, le licenciement notifié par M.[D] [B] était sans effet et c'est donc à tort que le conseil de prud'hommes a inscrit au passif de la SAS Emulsia les différentes sommes liées à ce licenciement.

Mais s'il est bien exact qu'ainsi que le rappelle l'AGS, en cas de licenciement, le point de départ du préavis se situe au jour de la présentation de la lettre de licenciement, en revanche la date de la rupture du contrat de travail se situe au jour où l'employeur envoie au salarié la lettre recommandée avec demande d'accusé de réception lui notifiant son licenciement.

Par conséquent, dans le cas présent, le contrat de travail de M.[D] [B] a pris fin le 10 juillet 2007, c'est-à-dire le même jour que celui de la cession du fonds de commerce.

Il n'a donc pas été transféré à la SAS SN FRPC Conquet.

Sur la collusion frauduleuse entre la SAS Emulsia et la SAS SN FRPC Conquet

M.[D] [B] fait valoir de son côté que la SAS Emulsia et la SAS SN FRPC Conquet ont agi de manière frauduleuse de manière à faire échec aux dispositions de l'article 1224-1 du code du travail relatif au transfert de plein droit des contrats de travail en cas de modification dans la personne de l'employeur.

Il considére qu'en effet, à la date de son licenciement, le 10 juillet 2007, différents éléments permettaient de démontrer qu'en réalité, le dirigeant de la société cessionnaire se comportait déjà comme propriétaire et que c'est pour un motif fallacieux qu'il a été licencié précisément le jour même de la cession.

Mais, ainsi que le fait valoir la SAS SN FRPC Conquet, à la date de la cession et du licenciement, cette société ne disposait pas encore de la personnalité morale puisqu'elle n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 25 juillet 2007.

En effet, l'article L.210-6 du code du commerce dispose : « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.(...)

Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.

Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. ».

Par conséquent, à supposer que le dirigeant et créateur de la SAS SN FRPC Conquet se soit effectivement entendu avec la SAS Emulsia afin de faire prendre en charge par cette dernière le licenciement de M.[D] [B], ses agissements n'engageraient que sa propre responsabilité et non pas celle de la société en cours de formation, à moins qu'il soit démontré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'elle ait expressément entendu les reprendre à son compte.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes l'a mise hors de cause.

Sur les rappels de rémunération variable

Il est constant que selon le contrat de travail conclu le 25 avril 2000, il était prévu pour M.[D] [B] une rémunération comportant une partie fixe égale en dernier lieu à 3 360 € bruts pendant 13 mois avec une voiture de fonction représentant 450 € par mois et une partie variable calculée en fonction du chiffre d'affaires réalisé.

Cette partie variable représentait les sommes suivantes :

- 100 000 Fr. (15 244,90 €) pour une marge brute de 1,4 millions de francs (213 428,62 €)

- 125 000 Fr. (19 056,13 €) pour une marge brute de 1,75 millions de francs (266 765,78 €)

- 150 000 Fr. (16 22 867,35 €) pour une marge brute de 2,25 millions de francs (343 010,29 €)

- 175 000 Fr. (26 678,58 €) pour une marge brute de 2,75 millions de francs (419 234,80 €)

- 200 000 Fr. (30 489,80 €) pour une marge brute de 3,50 millions de francs (533 571,56 €)

M.[D] [B] fait valoir que cette clause contractuelle n'a jamais été appliquée par l'employeur qui s'est borné, au cours des années 2001 à à 2006, à ne lui verser que des primes partielles pour des montants qui n'étaient justifiés par aucun calcul précis.

Dans la mesure où l'employeur ne lui a jamais fourni le justificatif des résultats de la marge brute qu'il avait réalisée et qui permettait de calculer la rémunération variable à laquelle il avait droit, M.[D] [B] en déduit qu'il est en droit de réclamer le montant maximum de la prime prévue au contrat, déduction faite des sommes effectivement perçues ce qui représente donc un montant de 130 798,74 €.

Me [W], agissant en qualité de liquidateur, se borne à préciser que contrairement à ce qu'indique M.[D] [B], son salaire mensuel moyen ne s'élevait pas à 6856,80 € mais à 3810 € bruts, cette précision ne concernant en réalité que la partie fixe du salaire et étant donc étrangère à la question.

Il conclut par ailleurs à la confirmation sur ce point du jugement du conseil de prud'hommes qui a accordé à M.[D] [B] la somme de 18 286,41 € au titre des années 2003 à 2007 mais sans que l'on puisse comprendre de quels calculs cette somme est le résultat.

De son côté, l'AGS conclut au rejet de la demande en reprochant à M.[D] [B] de ne fournir aucun élément de preuve permettant d'établir le montant des primes variables au paiement desquelles il prétend alors qu'en application de l'article 1315 du Code civil, il lui incombe de rapporter l'existence et le montant de sa créance.

Mais ainsi que le rappelle justement M.[D] [B], lorsque l'employeur s'est engagé à verser une prime subordonnée à la réalisation d'objectifs, les salariés doivent pouvoir vérifier que le calcul de leur rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues dans le contrat, faute de quoi, cette conditions ne leur est pas opposable.

Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, l'employeur n'a jamais fourni à M.[D] [B] le moindre élément relatif au montant de la marge brute qu'il aurait réalisée et lui permettant de vérifier qu'il avait bien perçu le montant de primes variables auquel il avait droit.

Dès lors il ne peut qu'être considéré qu'il avait réalisé la marge brute correspondant à l'échelon le plus haut et, déduction faite des primes qu'il a déjà perçues, il est en droit de prétendre à la somme totale de 130 790,74 € telle qu'elle résulte des calculs détaillés qui figurent dans ses conclusions et qui ne sont pas contestés.

Il lui est dû également les congés payés afférents, soit la somme de 13 079,07 €.

Il y a lieu en revanche de débouter M.[D] [B] de sa demande tendant au paiement d'une somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, faute par lui de caractériser de quelque façon que ce soit en quoi l'employeur aurait agi de façon déloyale à son égard à ce sujet.

Sur les rappels de notes de frais

M.[D] [B], qui explique qu'en raison de ses fonctions de directeur commercial, il était amené à effectuer de très nombreux déplacements chez des fournisseurs et des clients et par conséquent, à faire l'avance de différentes dépenses, indique qu'à compter du mois de mars 2007, son employeur a commencé à refuser de procéder à leur remboursement.

Compte tenu de différents acomptes, il sollicite le paiement de la somme de 3836,26 €.

Pour s'opposer à la demande, Me [W], agissant ès qualités, fait valoir que certains des frais dont il s'agit correspondaient à des déplacements à l'étranger soumis à autorisation dont le demandeur ne justifie pas, que d'autres avaient trait à l'achat de matériels qui n'ont pas été restitués et qu'enfin, certains de ces frais représentaient des notes de restaurant à proximité immédiate du domicile de l'intéressé.

Mais alors que M.[D] [B] soutient qu'en raison de ses fonctions, il était amené à effectuer de nombreux déplacements qui n'avaient jamais été soumis par l'employeur à autorisation préalable, ce dernier ne démontre nullement qu'en effet, il y était tenu.

Par ailleurs, s'agissant du matériel, il résulte des pièces versées aux débats par M.[D] [B] que celui-ci a bien restitué à l'employeur l'ensemble des objets que celui-ci lui avait demandé de lui restituer ainsi qu'il résulte d'un manuscrit du 6 juillet 2007, signé sans réserves par le dirigeant de l'entreprise.

Enfin, M. [D] [B] explique de manière convaincante que n'ayant pas de bureau personnel au siège de la société, il pouvait lui arriver de recevoir des clients dans des restaurants proches de son propre domicile.

Dans ces conditions, le montant et la teneur des frais litigieux n'étant pas contestés en eux-mêmes, il y a lieu de faire droit à la demande.

Sur le licenciement

Dans la lettre de licenciement du 10 juillet 2007, les griefs suivants sont formulés à l'encontre de M.[D] [B] :

«Depuis le début du mois de juin, vous avez adopté un comportement négatif et fautif tant envers la société qu'envers ses clients.

En particulier, vous avez la charge de gérer notre client Bazile B, dont le chiffre d'affaires pour les cinq premiers mois s'établissait comme suit :

janvier 2007 : 1038 €

février 2007 : 3244 €

mars 2007 : 2899 €

avril 2007 : 1514 €

mai 2007 : 1610 €

soit une moyenne de 2061 € par mois.

Sur le début du mois de juin, Bazile B, entre-temps devenu PH Diffusion, commandait 7423 € de produits.

Le 14 juin, vous transmettiez par mail à la société une nouvelle commande de ce client, d'un montant de 14 497 €, réputée confirmée et attendue dès que possible par le client.

Cette commande n'a à ce jour donné lieu à aucun écrit de la part de notre client.

Vous avez ensuite appelé personnellement au téléphone le responsable de l'atelier, ainsi que l'un de ses adjoints, pour lui demander d'accélérer la production de cette commande.

J'ai été informé de ces faits le 25 juin 2007, et j'ai immédiatement donné instruction de bloquer la préparation de cette commande. Le 27 juin 2007, je vous ai mis à pied à titre conservatoire, vous demandant de me restituer immédiatement l'ordinateur et le téléphone portable que la société vous a confiés.

Contacté, le gérant de Bazile B a précisé que cette commande posait des problèmes financiers et logistiques, puisqu'il ne disposait ni de la trésorerie pour la payer ni de l'espace pour la stocker.

Il a également précisé que c'est vous qui l'aviez incité à passer une telle commande pour avoir le temps de changer de fournisseur puisque FRPC arrêtait son activité, et ce alors que vous aviez été informé que le fonds de commerce de la société faisait l'objet d'une promesse de cession.

Ce faisant, vous mettiez en péril à la fois l'activité de FRPC sur les mois à venir, mais également l'équilibre de la société Bazile B, dans l'hypothèse où finalement elle aurait assuré le paiement de la facture correspondante.

Vous êtes directeur commercial de la société, membre de comité de direction. Vous avez de ce fait la capacité d'engager la société vis-à-vis de ses clients, et les informations que vous pouvez leur communiquer quant à sa situation ou son devenir sont considérées comme fondées.

De ce fait, la gravité des agissements qui vous sont reprochés, ainsi que leurs conséquences tant sur les comptes de la société que sur la réussite de la cession du fonds de commerce actuellement au cours justifient l'impossibilité de maintenir davantage la relation contractuelle sans dommage pour l'entreprise.(...) ».

Il résulte donc des termes de cette lettre de licenciement et des explications de Me [W], ès qualités, qu'il était reproché à M.[D] [B] d'une part, d'avoir enregistré une commande et de l'avoir fait mettre à exécution dans des conditions hasardeuses de telle sorte qu'il a fallu l'intervention du président de la société pour en interrompre la réalisation et d'autre part, d'avoir divulgué des informations confidentielles sur les opérations de cession du fonds de commerce en cours.

Mais il résulte d'une attestation du dirigeant de la société PH Diffusion, M. [C] [O], que celui-ci entretenait depuis longtemps des relations commerciales avec la SAS Emulsia.

Par ailleurs, M.[D] [B] qui affirme qu'il disposait d'une commande ferme, n'avait certes pas en main un bon de commande écrit mais justifie au moins d'un message électronique émanant de la société du 7 juin 2007 comportant une demande de devis.

La SAS Emulsia ne démontre nullement que la société PH Diffusion aurait indiqué ne pas vouloir prendre la commande et ne l'aurait jamais confirmée pour des raisons financières et logistiques.

Bien au contraire, la consultation du grand livre général de la société Emulsia permet de constater que malgré l'annulation de la commande, à l'initiative de cette dernière, la société PH Diffusion a immédiatement passé de nouveau des commandes pour un montant de près de 8 000 € entre le 1er juillet et le 2 septembre 2007.

D'une façon plus générale, entre le 1er juillet 2007 et le 25 septembre 2008, elle a payé sans difficulté différentes livraisons pour un montant de 43 000 € environ.

Ainsi donc, à supposer que M.[D] [B] ait agit avec une certaine légèreté en enregistrant la commande litigieuse,d'un montant somme toute relativement faible, ce comportement a été sans incidence sur la situation financière de la société.

De la même manière, la divulgation de certaines informations par M.[D] [B] n'a eu aucune conséquence sur la pérennité des relations commerciales avec la société dont il s'agit.

De plus, celui-ci affirme, sans que la preuve contraire soit rapportée, qu'il n'avait fourni aucune information sur la possible cession du fonds de commerce de la société, s'étant simplement borné à prévenir ce client de longue date qu'il existait des incertitudes sur la production des produits dont celui-ci avait un besoin impératif et qui était susceptible de cesser, de sorte qu'il était préférable pour lui de passer une commande le plus vite possible.

En agissant ainsi, le salarié ne violait en aucune manière son obligation de confidentialité mais au contraire, assurait, auprès des clients fidèles, le service que ceux-ci étaient en droit d'attendre de la société.

Il apparaît donc que non seulement la faute grave n'est pas établie mais encore que le licenciement de M.[D] [B] ne répondait à aucune cause réelle ni sérieuse.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Il y a lieu de statuer sur cette demande bien qu'elle ne figure pas dans le dispositif des conclusions de M.[D] [B], dans la mesure où elle résulte expressément du corps de ces dernières.

La moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève bien à 6 856,80 € bruts compte tenu d'une rémunération fixe brute mensuelle de 3 360 € sur 13 mois, d'un avantage en nature évalué à 450 € par mois et des rémunérations variables et non pas seulement à 4 761,83 € comme le prétend l'AGS.

Aux termes de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M.[D] [B], de son âge (48 ans), de son ancienneté (7 ans et 5 mois révolus), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, la somme réclamée de 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les autres demandes

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qui concerne le rappel de salaire relatif à la période de mise à pied et aux congés payés afférents, dont le calcul ne fait l'objet d'aucune contestation.

En ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, dont le montant est égal à l'équivalent de trois mois de salaire en application de la convention collective, son montant est bien de 20 570,40 € et non pas de 16 081, 22 € comme l'a estimé le conseil de prud'hommes ni de 14 285,49 € comme le soutient l'AGS, si l'on tient compte du salaire moyen de M.[D] [B], en y intégrant notamment la part de rémunération variable à laquelle il avait droit.

Dès lors, l'indemnité compensatrice de congés payés afférente s'élève à la somme de 2 057,04 €.

La convention collective applicable, c'est-à-dire la convention collective de la chimie, prévoit, en ce qui concerne l'indemnité conventionnelle de licenciement pour les cadres, 4/10 de mois de salaire par année d'ancienneté lorsque celle-ci est inférieure à 10 ans, outre un mois de salaire pour les salariés âgés d'au moins de 45 ans et pouvant se prévaloir d'une ancienneté supérieure à cinq ans.

Conformément à ce calcul, il est bien dû à M.[D] [B], ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, une somme de 9599,62 € et non pas seulement de 4665 € comme le soutient l'AGS.

Sur la garantie des salaires

Compte tenu de la nature des sommes allouées, l'UNEDIC délégation AGS CGEA doit sa garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail.

Sur les conséquences de la procédure collective

Il résulte des articles L.622-21, L.622-22, L.625-3 et L.626-25 du code de commerce que les instances en cours devant la juridiction prudhommale à la date du jugement d'ouverture de la procédure collective ne sont pas suspendues mais sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance, ou du commissaire à l'exécution du plan, ou ceux-ci dûment appelés.

La procédure ne peut toutefois tendre qu'à la fixation du montant des créances qui, en raison de leur origine antérieure au jugement d'ouverture, restent soumises, même après l'adoption du plan de redressement par cession ou continuation, au régime de la procédure collective.

Sur les intérêts au taux légal

En ce qui concerne les rappels de salaire et de remboursements de frais, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité de licenciement et les indemnités de congés payés, qui ne sont pas laissés à l'appréciation du juge, mais qui résultent de l'application de la loi ou de la convention collective, les intérêts des sommes accordées au salarié courent, conformément à l'article 1153 du code civil, au jour de la demande, c'est-à-dire à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation , qui vaut mise en demeure, et non de la date de la décision ayant déterminé leur montant.

Par ailleurs le cours des intérêts est suspendu depuis le 20 avril 2009 , date d'ouverture de la procédure collective.

Sur la remise des documents sociaux

Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point sauf à préciser que les documents seront rectifiés en fonction des dispositions du présent arrêt.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Bien qu'ayant été mise hors de cause, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SAS SN FRPC Conquet les sommes qu'elle a exposées et qui ne sont pas comprises dans les dépens.

En revanche, il apparaît équitable d'accorder à M.[D] [B], qui a dû agir en justice pour faire valoir ses droits, une indemnité et d'un montant de 2500 €

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 11/01856 et 11/02752 ;

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux du 27 janvier 2011 ;

Statuant à nouveau,

FIXE la créance de M.[D] [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Emulsia de la manière suivante :

- 130 790,74 € à titre de rappel sur rémunération variable, outre 13 079,07 € au titre des congés payés afférents

- 3 826,26 € à titre de rappel sur des remboursements de frais

- 20 570,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2057,04 € au titre des congés payés afférents

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la SAS Emulsia devant le bureau de conciliation et jusqu'à la date du jugement ayant ouvert la procédure collective, c'est-à-dire jusqu'au 20 avril 2009 ;

- 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Meaux pour le surplus ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable au Centre de Gestion et d'études d'[Localité 9] (CGEA), unité déconcentrée de l'UNEDIC , agissant en qualité de gestionnaire de l'Association pour la Gestion du régime d'assurance des créances des Salariés, dite AGS, dans la limite de sa garantie légale ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Me [W], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Emulsia, à payer à M.[D] [B] la somme de 2 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/01856
Date de la décision : 16/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/01856 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-16;11.01856 ?
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