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10/01/2013 | FRANCE | N°12/04782

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 10 janvier 2013, 12/04782


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 10 JANVIER 2013



(n° 3 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04782



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2012001166





APPELANTE



GFI SECURITIES LIMITED

Société de droit anglais prise en sa succursale immatriculée sous

le numéro d'identification unique 484 895 560 (RCS Paris), dont l'établissement principal est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant en France.

[Adresse 5]

[Adr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 10 JANVIER 2013

(n° 3 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/04782

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2012 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2012001166

APPELANTE

GFI SECURITIES LIMITED

Société de droit anglais prise en sa succursale immatriculée sous le numéro d'identification unique 484 895 560 (RCS Paris), dont l'établissement principal est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant en France.

[Adresse 5]

[Adresse 7]

Assistée de Me Christine SEVERE de la SCP SALANS & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0372)

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477)

INTIMEE

SA NEWEDGE GROUP

Représentée par son directeur général en exercice et/ou tout autre représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES (Me Anne-laure GERIGNY avocat au barreau de PARIS, toque : K0148)

Assistée de Me Philippe BOUCHEZ-EL GHOZI de la PUK PAUL HASTINGS JANOFSKY & WALKER (Europe) LLP (avocat au barreau de PARIS, toque : P0177)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Evelyne LOUYS, Présidente de chambre

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

Madame Nathalie PIGNON, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Evelyne LOUYS, président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

FAITS CONSTANTS':

La SA NEWEDGE GROUP (NEWEDGE) est une société de droit français ayant pour objet le courtage d'instruments financiers, qui intervient sur les marchés financiers français et internationaux. Elle est détenue à égalité par Crédit Agricole Corporate and Investment Bank (CA CIB) et la Société Générale, et a principalement une clientèle institutionnelle.

La société GFI SECURITIES LIMITED (GFI) est une société, de droit anglais, de courtage d'instruments financiers, qui appartient au groupe américain GFI. Elle est cotée en bourse et a ouvert une succursale à Paris en 2005.

Par lettre du 3 octobre 2011, NEWEDGE a reproché à GFI une «'vague de départ simultanés'» et d'avoir «'débauché'» de nombreux salariés.

Par ordonnance sur requête du 16 novembre 2011, NEWEDGE a obtenu du président du tribunal de commerce de Paris une mesure de constat dans les locaux de GFI, motif pris de débauchages, ayant entraîné une désorganisation de son activité.

Par acte du 13 janvier 2012, GFI a assigné NEWEDGE en rétractation de cette ordonnance.

Par ordonnance contradictoire du 2 mars 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, statuant en formation collégiale, a':

- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 16 novembre 2011,

- condamné GFI à payer à NEWEDGE la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné GFI aux dépens.

GFI a interjeté appel de cette décision le 14 mars 2012.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2012.

PRETENTIONS ET MOYENS DE GFI':

Par dernières conclusions du 14 novembre 2012, auxquelles il convient de se reporter, GFI fait valoir':

A titre principal, qu'il y a lieu de prononcer la rétractation totale de l'ordonnance sur requête du 16 novembre 2012, pour les motifs suivants':

. NEWEDGE a produit à l'appui de sa requête des pièces obtenues illicitement et déloyalement (messages SMS obtenus de manière illicite au regard de la règlementation financière invoquée par NEWEDGE, enregistrements de ces SMS à l'insu des personnes intéressées, enregistrements concernant d'autres personnes que les salariés de NEWEDGE, pièces reproduisant les échanges de SMS obtenues de manière déloyale, échanges de SMS attentatoires aux droits des personnes concernées),

. GFI est fondée à se prévaloir du caractère déloyal de ces éléments de preuve,

. une mesure d'instruction in futurum ne peut être ordonnée qu'à la condition qu'elle soit strictement nécessaire pour le requérant et s'il n'est pas en mesure d'obtenir lui-même des éléments de preuve, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la situation des salariés opérant sur les marchés financiers étant une information de nature publique,

. NEWEDGE a obtenu l'ordonnance sur la base d'une présentation trompeuse des faits, en ce que, notamment, elle a évoqué un débauchage par GFI, alors que la cause des départs est étrangère à cette dernière (réorganisation interne de NEWEDGE), et que NEWEDGE s'est prétendue à tort victime de la violation d'obligation de non-concurrence dans sa requête, que NEWEDGE a présenté ses effectifs de manière trompeuse (mention dans la requête de nombreux salariés non démissionnaires, mauvaise comptabilisation de ses équipes),

. il est d'usage, dans le secteur du courtage en bourse, de dispenser tout salarié démissionnaire de l'exécution de son préavis et qu'il n'y a donc aucun lien entre dispense de préavis et désorganisation,

. GFI est étrangère aux transferts de documents mentionnés par NEWEDGE,

A titre subsidiaire, qu'il existe des motifs de rétractation partielle,

. que la mesure ordonnée comporte un grave risque d'atteinte au secret bancaire et à la confidentialité de l'activité règlementée de courtage financier, que le secret professionnel est opposable au juge civil, qu'a minima devront être rétractés les chefs de mission qui impliquent la divulgation de l'identité de clients de GFI,

. que pour être légalement admissible, au sens de l'article 145 du CPC, la mesure ordonnée doit être définie de manière stricte et limitée aux seules investigations nécessaires à la preuve des faits litigieux,

. que la mission de l'huissier est trop largement définie quant aux personnes dont les ordinateurs étaient visés par les recherches et quant à l'étendue des recherches opérées sur les ordinateurs,

Sur l'effet de la rétractation, que la rétractation en son intégralité aura pour effet d'annuler les opérations de constat réalisées en son exécution, d'où l'obligation de restituer les documents recueillis en exécution de l'ordonnance.

Elle demande à la Cour':

A titre principal,

- d'infirmer intégralement l'ordonnance rendue le 2 mars 2012,

- de dire que l'ordonnance sur requête a été rendue au vu de pièces obtenues illicitement et déloyalement, qui devront être écartées des débats,

- de dire que NEWEDGE a présenté une requête afin de constat faisant état d'une présentation trompeuse des faits,

- de rétracter intégralement l'ordonnance rendue le 16 novembre 2011,

En conséquence,

- de dire que le procès-verbal de constat établi en exécution de ladite ordonnance est nul et non avenu,

- d'ordonner la restitution de la somme de 10'000 euros payée par GFI à NEWEDGE en application de l'ordonnance du 2 mars 2012 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- d'infirmer partiellement l'ordonnance en date du 2 mars 2012,

- de rétracter l'ordonnance rendue le 16 novembre 2011 dans les conditions suivantes':

. rétracter les chefs de mission (vii) et (viii) qui impliquent la divulgation de l'identité des clients de GFI,

. retirer les noms de [G] [HD], [EJ] [S], [C] [T], [Y] [NC], [MF] [JL] et «'Responsable IT/Télécoms'» des chefs de mission (i), (iv), (vi),

. réduire la date de départ des recherches au 1er juin 2011 pour le chef de mission (i),

. limiter les chefs de mission (i), (ii), (v), (viii) à la recherche des 20 noms suivants': [I] [VM], [EJ] [UM], [HO] [AX], [N] [B], [F] [UP], [L] [WJ], [BP] [IA], [X] [BC], [NZ] [GS], [P] [O], [GG] [LI], [D] [E], [U] [KI], [RT] [ZD], [PW] [W], [M] [YG] ([V])), [C] [J], [H] [K], [ST] [R], [U] [OZ],

. exclure expressément tout document relevant de l'activité de clearing du résultat des recherches,

. rétracter le chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à procéder à toute recherche sur tout support'(') »,

. rétracter le chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à contrôler si des fichiers en rapport avec les actes de concurrence déloyale ont été dissimulés ou supprimés'» (')'»,

. rétracter le chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à faire toute recherche et constatation utile afin de découvrir la preuve et l'étendue des actes de concurrence déloyale (')'»,

En conséquence,

- de dire que le procès-verbal de constat établi en exécution de ladite ordonnance est nul et non avenu pour les chefs de mission ainsi rétractés,

En toute hypothèse,

- de condamner NEWEDGE à lui régler la somme de 15'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner NEWEDGE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PRETENTIONS ET MOYENS DE NEWEDGE':

Par dernières conclusions du 13 novembre 2012, auxquelles il convient de se reporter, NEWEDGE fait valoir':

- Sur l'existence d'un motif légitime d'établir la preuve des actes de débauchage et de concurrence déloyale reprochés,

. qu'il y a eu un débauchage massif et orchestré en France et au Royaume-Uni, ainsi que dans le bureau de Dubaï, de ses courtiers par GFI, une appréhension illicite de fichiers, de rapports d'audit, de description de procédures et de listings d'opérations clients, effectuée directement par certains des salariés démissionnaires au profit présumé de GFI et que certains des salariés débauchés étaient liés à elle par des clauses de non-concurrence et de non-débauchage,

. qu'elle justifie du bien-fondé des présomptions de concurrence déloyale à l'encontre de GFI et de la nécessité de la mesure de constat sur le fondement de l'article 145 du CPC, et dément l'existence d'une prétendue incertitude de ses salariés sur leur avenir qui aurait motivé leur démission,

- Sur la licéité et la loyauté des éléments de preuve apportés à l'appui de sa requête,

. que le débauchage de ses salariés par GFI est établi par les échanges d'emails et de SMS effectués à partir d'équipements professionnels lui appartenant,

. que la Cour de cassation admet que l'employeur peut librement contrôler les messages adressés par un salarié à l'aide de la messagerie électronique de l'entreprise, sauf à ce que les salariés les aient identifiés comme personnels, qu'à défaut, ils sont présumés professionnels,

. que l'article 11 de son règlement intérieur précise que «'tout membre du personnel ne doit pas utiliser les outils de communication de la société NEWEDGE à des fins personnelles'» et que la Charte d'utilisation des moyens de communication électronique prévoit un usage privé limité,

.que d'une manière générale, les salariés concernés avaient connaissance de l'enregistrement de toutes leurs communications orales et écrites effectuées via les équipements professionnels, y compris les téléphones professionnels (art.11 Règlement intérieur et Charte précitée, notamment 4.4 prévoyant des audits dans le cadre du pouvoir général de contrôle de l'employeur sur l'activité de ses salariés),

. qu'elle n'a procédé à aucune violation du secret des correspondances puisque n'ont été examinés et produits aux débats que des échanges électroniques non identifiés comme étant «'personnels'» voire «'privés'» et, dès lors, non couverts par le secret des correspondances,

- Sur l'admissibilité de la mesure ordonnée,

. que l'ordonnance sur requête est à la fois définie et circonscrite dans le temps et dans son étendue à partir de mots-clés constitués des noms des salariés en cause et des parties en adéquation avec la situation dénoncée et l'établissement de faits précis dont la preuve est recherchée, sans qu'elle concerne des documents couverts par le secret bancaire,

.que dès lors que la mission était ainsi circonscrite, le volume de documents collectés indiffère peu, surtout au cas d'espèce où de nombreux salariés sont concernés,

. que la mesure de séquestre participe des droits de GFI.

Elle demande à la Cour':

- de confirmer l'ordonnance entreprise,

- de rejeter la demande de donner acte de GFI de ses protestations et réserves sur le bien-fondé de sa mise en cause,

- de rejeter toutes autres demandes de GFI,

- de condamner GFI à lui payer la somme de 25'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- de condamner GFI aux entiers dépens d'appel,

- de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR,

Considérant que selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé';

Qu'il résulte de cet article que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, mais qu'il doit justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions';

Que selon l'article 493 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse'; que selon l'article 496, alinéa 2, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance';

Considérant qu'à l'appui de sa requête, NEWEDGE a présenté les lettres de démission de 20 salariés, ces démissions s'échelonnant du 31 août 2011 au 10 octobre 2011';

Que ces démissions, par leur caractère massif, sur une période de temps rapprochée, ne peuvent, comme l'a relevé le premier juge, avoir été fortuites, alors au surplus, que la quasi-totalité des salariés se trouvaient sous la hiérarchie de M. [I] [VM], M. [BP] [IA] et M. [P] [O], eux-mêmes démissionnaires, et que le 3 octobre 2011, NEWEDGE avait envoyé à GFI une lettre recommandée avec avis de réception, faisant état d'une «'vague de départs simultanés et orchestrés de plusieurs de ses opérateurs'» qui «'font suite à celle d'un de ses responsables de desk, M. [I] [VM]'»';

Que les contrats de travail d'un certain nombre de ces salariés comportaient une clause de non-concurrence et/ou non-débauchage limitée dans le temps et dans l'espace (notamment': [GG] [LI], [D] [E], [PW] [W], [C] [J])';

Considérant que les documents, dossiers et fichiers créés ou détenus par un salarié mis à sa disposition dans le bureau de l'entreprise sont, sauf lorsqu'il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence'; qu'il en est ainsi des messages électroniques envoyés par courriels («'emails'») ou SMS («'short message service'»)';

Que l'utilisation de tels messages par l'employeur ne peut être assimilée à l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectuée à l'insu de l'auteur des propos invoqués, et ne constitue donc pas un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue';

Que les articles 4.1 «'Surveillance des courriers électroniques'» et 4.3 «'Collecte d'information'» de l'annexe 2 de la Charte d'utilisation des moyens de communication électronique de NEWEDGE, applicable à tous ses salariés, stipulent de manière claire, que les messages envoyés et reçus sont conservés et peuvent faire l'objet de recherches à partir de mots-clés, l'article 3 précisant qu'un message envoyé ou reçu depuis le poste de travail mis à la disposition de l'utilisateur revêt un caractère professionnel, tandis que le règlement intérieur impose à tout membre du personnel de ne pas utiliser les outils de communications de la société NEWEDGE à des fins personnelles'; que selon l'article 3.3 de la Charte, un usage raisonnable, à titre privé, des moyens de communication électronique est toléré, étant précisé que «'sont considérés comme privés ceux comportant, à l'émission ou à la réception, le mot clé «'personnel'», dans le champ objet'»';

Que le premier juge a exactement déduit de ces règles que tant les courriels que les SMS, à caractère non marqué «'personnel », émis et reçus sur du matériel appartenant à NEWEDGE étaient susceptibles de faire l'objet de recherches pour des motifs légitimes';

Que le procès-verbal de constat de Maître [TP], huissier de justice, du 25 octobre 2011, rapporte des échange entre des salariés de NEWEDGE et GFI faisant état d'un départ de plusieurs personnes de NEWEDGE vers, très probablement, GFI';

Que le procès-verbal de constat de Maître [Z], huissier de justice, du 24 octobre 2011, démontre que des documents à caractère professionnel appartenant à NEWEDGE ont été envoyés à des adresses électroniques personnelles de salariés de NEWEDGE, qui ont quitté cette société pour travailler au sein de GFI ;

Que ces constats d'huissier, annexés à la requête, qui en synthétisait le contenu, outre les éléments précités, accréditaient les allégations de NEWEDGE, qui justifiait ainsi d'un motif légitime à voir ordonner une mesure d'instruction';

Que NEWEDGE n'était pas en mesure d'obtenir par elle-même les éléments de preuve nécessaires à la mise en 'uvre d'un éventuel procès en concurrence déloyale';

Que le fait que le départ de tout ou partie des salariés concernés ait pu avoir pour cause une réorganisation interne à NEWEDGE, et non un débauchage, ou encore le préjudice subi par cette dernière à la suite de ces départs, relèvent de l'appréciation du juge du fond, les éléments précités corroborant suffisamment les suspicions de débauchage et/ou concurrence déloyale, de nature à légitimer la mesure de constat sollicitée, dans les limites ci-après précisées';

Considérant que le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile, dès lors que les mesures ordonnées procèdent d'un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées';

Considérant qu'en ordonnant la mise sous séquestre par l'huissier instrumentaire de toutes les copies de documents ou de fichiers réalisées dans le cadre de la mission et en précisant qu'il ne pourrait être procédé à la mainlevée du séquestre, à la demande de la partie la plus diligente, que par voie de référé, c'est-à-dire contradictoirement, le juge de la requête a assuré la préservation du respect du secret bancaire ou du secret des affaires et de la confidentialité';

Qu'il n'y a lieu, dans ces circonstances, de rétracter les chefs de mission (vii) et (viii), dont GFI soutient qu'ils impliqueraient la divulgation de l'identité de ses clients';

Que la demande de GFI tendant à voir «'exclure expressément tout document relevant de l'activité de clearing du résultat des recherches'» ne peut être examinée que dans le cadre de cette dernière procédure et non, s'agissant d'apprécier le «'résultat'» de la mesure ordonnée, dans le cadre du référé-rétractation';

Considérant que les mesures d'instruction sont, quelle que puisse être leur étendue, sont légalement admissibles, lorsqu'elles sont circonscrites aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige';

Considérant que dès lors qu'elle est circonscrite dans son objet et dans le temps, une mesure de saisie de documents est légalement admissible, peu important le volume de documents saisis';

Qu'en l'espèce, l'ordonnance sur requête est circonstanciée dans le temps et dans l'étendue des recherches, à partir de mots-clés, constitués par des noms de salariés et parties en cause, en adéquation avec la situation dénoncée et l'établissement de faits précis'; que le chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à contrôler (') si des fichiers en rapport avec les (et non des) actes de concurrence déloyale ont été dissimulés ou supprimés (')'» satisfait à cette exigence, dès lors qu'il se rapporte nécessairement aux actes de concurrence déloyale précisément définis et circonscrits dans la requête et l'ordonnance'; qu'il en est de même, pour la même raison, de celui autorisant l'huissier de justice «'à faire toute recherche et constatation utile afin de découvrir la preuve et l'étendue des actes de concurrence déloyale'(') »';

Qu'en revanche, le chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à procéder à toute recherche sur tout support'(...)» présente un caractère général, conduisant à ordonner sa rétractation';

Considérant, sur la date de départ des mesures sollicitées, que NEWEDGE ayant fait état, pièces à l'appui, de faits de débauchage dès décembre 2010, il n'y a lieu de réduire la date de départ des recherches au 1er juin 2011 pour le chef de mission (i)';

Considérant, sur les personnes dont les ordinateurs étaient visés par les recherches, que NEWEDGE a en outre légitimement sollicité que les recherches visent des personnes autres que les 20 salariés démissionnaires, en justifiant que d'autres personnes avaient été ou pu être contactées par d'anciens salariés de NEWEDGE en vue d'être embauchées par GFI, notamment M. [BE] [A], exerçant des responsabilités dans la succursale NEWEDGE à Dubaï';

Que pour les mêmes motifs -étant encore souligné que NEWEDGE indiquait dans sa requête envisager un éventuel procès en concurrence déloyale à raison des actes de débauchage imputés à GFI mais également de détournement d'éléments confidentiels et détournement d'une partie de sa clientèle- il n'y a lieu de limiter les chefs de mission cités par GFI aux 20 salariés démissionnaires, non plus que de retirer les noms de [G] [HD], [EJ] [S], [C] [T], [Y] [NC], [MF] [JL] et «'Responsable IT/Télécoms» des chefs de mission (i), (iv) et (vi), le premier et les quatre derniers exerçant par ailleurs «'des fonctions stratégiques'» chez GFI (conclusions GFI p 40), tandis que M. [HD] aurait, selon NEWEDGE, joué un rôle moteur dans le débauchage dénoncé, et que M. [S] avait quitté NEWEDGE en décembre 2010 avant d'être embauché par GFI'; que le fait que M. [HD] n'était plus salarié de NEWEDGE depuis 2007 et que M. [S] aurait quitté cette entreprise dans le cadre d'une rupture conventionnelle n'enlève pas son caractère légitime et admissible à la mesure ordonnée en ce qui les concerne';

Considérant, en conséquence, que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 16 novembre 2011, à l'exception du chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à procéder à toute recherche sur tout support'(...) »';

PAR CES MOTIFS'

CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance du 16 novembre 2011, en son chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à procéder à toute recherche sur tout support'(...) »,

Statuant à nouveau sur ce seul point,

RÉTRACTE l'ordonnance du 16 novembre 2011, en son chef de mission autorisant l'huissier de justice «'à procéder à toute recherche sur tout support'(...) »,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société'GFI Securities Limited, société de droit anglais, à payer à la SA NEWEDGE GROUP la somme de 10'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société'GFI Securities Limited, société de droit anglais, aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 12/04782
Date de la décision : 10/01/2013

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°12/04782 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-01-10;12.04782 ?
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