La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2012 | FRANCE | N°11/01031

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 20 décembre 2012, 11/01031


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 20 Décembre 2012

(n° 7 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01031



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section activités diverses - RG n° 08/00215





APPELANTE

SA IDETA

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mr Philippe BONNUIT (Président) en vertu d'un p

ouvoir général assisté de Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0837



INTIME

Monsieur [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 20 Décembre 2012

(n° 7 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01031

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - Section activités diverses - RG n° 08/00215

APPELANTE

SA IDETA

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Mr Philippe BONNUIT (Président) en vertu d'un pouvoir général assisté de Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0837

INTIME

Monsieur [M] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Sabrina ARIBI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0551

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] a été embauché par la société IDETA le 13 avril 2000, suivant contrat à durée indéterminée et à temps partiel, en qualité de dessinateur projeteur.

La convention collective applicable était celle des Bureaux d'études techniques (SYNTEC).

Il a été en arrêt maladie de manière ininterrompue entre le 14 mai 2004 et le 31 août 2006, date à laquelle il a été placé en invalidité.

Il a saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris à de nombreuses reprises au cours de l'année 2004, afin d'obtenir le paiement de salaires ou d'indemnités journalières. Il s'est désisté de l'ensemble des procédures, ayant obtenu les paiements sollicités, sauf de la dernière dont il a été débouté, le conseil statuant en référé, ayant retenu qu'elle se heurtait à une contestation sérieuse.

Il a saisi le Conseil des Prud'hommes de Paris, au fond le 10 novembre 2004 afin d'obtenir paiement de différents arriérés, en raison du retard mis dans le règlement de ses salaires et de ses indemnités journalières, ainsi qu'aux fins de résisaltion judiciaire de son contrat de travail.

Le Conseil ayant constaté le défaut de diligence de la partie demanderesse a radié l'affaire par décision du 26 octobre 2006.

La remise au rôle a été sollicitée par le conseil de Monsieur [T] le 24 janvier 2008.

Par lettre recommandée en date du 21 octobre 2009, Monsieur [T] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, auquel il a informé son employeur qu'il ne se présenterait pas compte tenu de son état de santé. Il a été licencié par lettre recommandée avec accusé de réception pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement le 13 novembre 2009.

Par jugement en date du 8 novembre 2010, le Conseil des Prud'hommes de Paris, statuant à la fois sur la demande initiale de résiliation du contrat de travail, et sur les demandes consécutives au licenciement, a notamment :

- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

- fixé le salaire moyen de Monsieur [T] à 1.908,58 euros.

- condamné la société IDETA à lui payer :

13.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail.

269,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

3.811,67 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

381,16 euros au titre des congés payés afférents.

1.981,20 euros au titre des congés payés pour la période du 1er juin 2003 au 13 août 2004.

1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- débouté Monsieur [T] du surplus de ses demandes.

- débouté la société IDETA de sa demande reconventionnelle.

En ce qui concerne la demande de résiliation judiciaire, le Conseil a retenu que Monsieur [T] s'était désisté de trois instances en référé ; qu'à l'occasion de la quatrième, il avait été relevé que l'employeur informait régulièrement le salarié des versements reçus au titre des indemnités journalières, et qu'il reversait les montants reçus avec un décalage normal et non abusif, et que les différents documents demandés avaient été remis ; que le dossier de Monsieur [T] présentait un certain nombre de difficultés, mais que l'employeur n'avait pas eu la volonté de ne pas respecter ses obligations contractuelles ; qu'il n'était pas justifié d'un préjudice résultant des retards de paiement.

En ce qui concerne le licenciement, le Conseil des Prud'hommes a notamment retenu que l'avis du médecin du travail déclarant l'intéressé inapte à tout emploi dans l'entreprise et indiquant qu'il n'y a pas de reclassement possible, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, l'information donnée au salarié de l'impossibilité de le reclasser deux jours après le second avis du médecin du travail démontre que l'employeur n'a pu mettre en oeuvre de mesures destinées au reclassement du salarié.

En ce qui concerne la demande en paiement d' indemnités de prévoyance dues par la société AXA, le conseil a estimé ne pas disposer des informations contractuelles nécessaires, et a invité le salarié à mettre en cause cette compagnie.

La société IDETA a interjeté appel de cette décision le 1er février 2011.

Représentée par Mr Philippe BONNUIT (Président) en vertu d'un pouvoir général assisté de Me Christine LECOMTE, La société IDETA a, à l'audience du 23 octobre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [T] les sommes rappelées plus haut.

- confirmer le jugement en ce qu'il débouté Monsieur [T] de l'intégralité de ses autres demandes.

- débouter Monsieur [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- le condamner aux dépens et au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Présent et assisté par son conseil, Monsieur [T] a, à l'audience du 23 octobre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles il demande à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquement graves de son employeur à ses obligations professionnelles, de paiement des indemnités de prévoyance, de complément d'indemnité de licenciement et de congés payés et, subsidiairement, le confirmer en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société IDETA au paiement de l'indemnité de préavis et des congés payé afférents.

- le recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions.

- les dire bien fondées.

- débouter la société IDETA de toutes ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence, à titre principal :

- dire et juger que la société IDETA n'a pas respecté ses obligations contractuelles en procédant avec retard au règlement des salaires, accessoires et indemnités journalières de prévoyance.

- dire et juger que les retards mis dans le règlement des salaires, accessoires et indemnités journalières de prévoyance suffisent à caractériser ses manquements graves.

- 'prononcer' la résiliation judiciaire du contrat de travail en date du 13 avril 2000, aux torts de l'employeur, devant s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- condamner la société IDETA à lui payer les sommes de :

34.300 euros au titre de la rupture abusive du contrat de travail.

2.286,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

3.811,67 euros au titre de l'indemnité de préavis.

381,16 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

20.735,44 euros bruts au titre de l'indemnité de prévoyance.

2.477,26 euros au titre des congés payés afférents.

10.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice résultant des retards de paiement.

Subsidiairement :

- dire et juger que la société IDETA n'a pas satisfait à son obligation de reclassement tant au sein de l'entreprise que du groupe.

- constater que le motif réel du licenciement est la suppression de son poste et que le motif du licenciement est donc économique.

- constater que la société IDETA a commis une faute en ne transmettant pas à la société AXA les éléments nécessaires pour lui permettre d'être rempli de l'intégralité de ses droits au titre du contrat de prévoyance.

- condamner la société IDETA à lui payer la somme de 20.735,44 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause :

- condamner la société IDETA à lui payer les sommes de :

34.300 euros au titre de la rupture abusive du contrat de travail.

2.286,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

3.811,67 euros au titre de l'indemnité de préavis.

381,16 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.

20.735,44 euros bruts au titre de l'indemnité de prévoyance.

2.477,26 euros au titre des congés payés afférents.

- dire que ces condamnation produiront intérêts de retard à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes.

- condamner la société IDETA à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère aux écritures, visées le 23 octobre 2012 , et réitérées oralement à l'audience.

DISCUSSION

- Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant des retards de paiement

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.

Toutefois, en l'espèce, contrairement à ce qu'il invoque dans ses écritures, Monsieur [T], lorsqu'il a saisi le Conseil des Prud'hommes au fond le 10 novembre 2004, n'a pas demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et il n'avait pas modifié ses demandes lors de la remise au rôle intervenue à sa demande en date du 30 janvier 2008.

A la suite de cette remise au rôle l'affaire a été renvoyée le 16 juin 2008, le 11 décembre 2008 et le 14 mai 2009, étant précisé qu'il était absent à ces trois audiences.

Le 14 décembre 2009, l'affaire a à nouveau été renvoyée, cette fois en présence de son conseil, lequel a annoncé qu'il devait faire de nouvelles demandes.

Et ce n'est qu'à l'audience suivante, le 28 juin 2010, que la demande de résiliation judiciaire a été formée.

A cette date, le contrat avait déjà été rompu à l'initiative de l'employeur, qui a prononcé le licenciement de Monsieur [T] le 13 novembre 2009. Le contrat de travail étant rompu par l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement, la demande postérieure du salarié tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de ce contrat est nécessairement sans objet. Il convient donc d'examiner les motifs développés par l'employeur au soutien de son licenciement, les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation n'ayant à être pris en considération que lorsqu'il apparaît qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation.

En l'espèce, il n'apparaît pas que les retards et incidents invoqués dans le paiement des salaires et indemnités journalières en 2004 soient de nature à nature à modifier l'appréciation portée sur le licenciement prononcé cinq années plus tard.

*

Toutefois, il convient d'examiner les griefs de Monsieur [T] à l'encontre de la société IDETA, dès lors qu'ils sont le fondement de sa demande de dommages et intérêts qu'il forme à hauteur de 10.000 euros.

Monsieur [T] fait valoir qu'il a systématiquement dû saisir le Conseil des Prud'hommes en sa formation de référés afin d'obtenir la paiement des sommes qui lui étaient dues, raison pour laquelle il s'est par la suite désisté ; que ces retards lui ont causé un préjudice, le mettant dans l'impossibilité de faire face à ses obligations (paiement de la pension alimentaire de ses enfants, loyer).

La société IDETA expose de son côté que l'ensemble de ses salaires a été payé rapidement à Monsieur [T], même si des retards limités ont pu avoir lieu en raison de la complexité du dossier, et du fait qu'elle n'employait à cette époque que trois salariés ; qu'à partir du 28 octobre 2004, il a été mis fin à la subrogation, les indemnités journalières étant perçues directement par Monsieur [T] ; que ce dernier lui adressait les relevés afin d'obtenir le paiement des indemnités de prévoyance par la compagnie AXA ; que ces sommes étaient versées entre les mains de l'employeur et sans délai ré-adressées au salarié, et ce jusqu'à ce que Monsieur [T] soit placé en invalidité.

Il convient de revenir sur l'historique des versements effectués par l'employeur et des démarches effectuées dans le cadre de la subrogation.

Monsieur [T] a été en arrêt de travail à compter du 14 mai 2004, et par application de la convention collective, son salaire a été maintenu à 100 % durant un mois, puis à 80 % durant les deux mois suivants.

- Il n'est pas contesté que le salaire du mois de Mai a été normalement payé.

- En ce qui concerne le salaire du mois de juin, l'employeur a fait savoir à Monsieur [T] qu'il était comme d'habitude tenu à sa disposition dans l'entreprise, étant précisé que l'arrêt de travail autorisait les sorties. Monsieur [T] n'ayant pas souhaité se déplacer son salaire lui a été adressé le 23 juillet 2004, en même temps que le solde du 13ème mois de l'année 2003 (879 euros) et la moitié du 13ème mois de l'année 2004 (879 euros). Entre temps, Monsieur [T] avait saisi le Conseil des Prud'hommes par courrier du 16 juillet 2003, et il s'est désisté de sa demande le 9 août 2004, en indiquant qu'il avait perçu ses salaires des mois de juin et juillet

- En ce qui concerne le mois d'août 2004, des difficultés se sont présentées à partir du 14, dans la mesure où le maintien de la rémunération a cessé, et où la prise en charge au titre des indemnités journalières a donc dû être mis en oeuvre. Après d'abondants échanges de courriers, dûs au fait que la société IDETA n'avait pas pris en compte le fait qu'elle était subrogée dans les droits du salarié, la situation a finalement été régularisée le 8 novembre 2004.

- Par la suite, les difficultés invoquées ne concernent plus les indemnités journalières, mais la prise en charge par le contrat prévoyance de AXA. Ces versements sont systématiquement intervenus avec un certain décalage, toutefois à l'exception du premier qui a été rétrocédé avec un mois et demi de retard, il n'apparaît pas que ces retards soient imputables à l'employeur. En effet, ces délais sont dûs à la nécessité d'attendre l'envoi par Monsieur [T] de son relevé d'indemnités journalières, de l'adresser à la compagnie, puis d'attendre que cette dernière reverse les indemnités de prévoyance avant de pouvoir les verser au salarié.

Ils n'apparaît pas que ces retards de paiement, pris dans leur ensemble, soient la conséquence du la mauvaise volonté ou même de la négligence de l'employeur. Toutefois, en tout cas pour ceux liés au versement des indemnités journalières et du salaire de juin, ils résultent de sa mauvaise connaissance des procédures, et lui sont donc à ce titre imputable. Ils ont manifestement causé au salarié un préjudice. En effet, ce dernier justifie de difficultés financières, qui, même si elles ne sont pas exclusivement, loin s'en faut, liées à ces retards, n'ont pu que s'en trouver aggravées. Un préjudice moral a également été subi, dès lors que Monsieur [T] a dû faire face à des poursuites de ses créanciers, dans une période où il était déjà déstabilisé psychologiquement.

Compte tenu de ces éléments, la Cour évalue ce préjudice à la somme de 2.000 euros.

- Sur le licenciement

Sur le caractère réel et sérieux du motif de licenciement

Monsieur [T] soutient que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que l'employeur n'a fait aucune recherche de reclassement comme il y est tenu, se contentant d'expliquer que la société ne comporte plus aucun salarié ; qu'il se déduit de ces explications que le licenciement a en fait été prononcé pour le motif économique de suppression de poste, et non en raison de l'inaptitude du salarié qui a été invoquée.

La société IDETA de son côté fait valoir que contrairement à ce qui est allégué, elle n'a pas fait connaitre au salarié l'impossibilité de le reclasser deux jours après l'avis de médecin du travail, mais quatre semaine après ; que ce n'est que la convocation à l'entretien qui a été adressée deux jours après cet avis, mais que les efforts faits en vue du reclassement du salarié doivent s'apprécier à la date du licenciement lui même.

Elle soutient qu'elle n'avait plus aucun salarié à la date du licenciement, ce qui rendait impossible le reclassement, et qu'il ressort des livres d'entrée et de sortie du personnel des quatre autres sociétés du groupe qu'il n'a été procédé à aucun recrutement qui aurait rendu possible une tentative de reclassement de Monsieur [T], étant précisé que ces autres sociétés avaient des domaines d'activité différents.

Monsieur [T] a été licencié au motif suivant, énoncé dans la lettre de licenciement :

'...Le 19 octobre, à l'issue de la seconde visite, le médecin du travail a émis l'avis suivant : 'Inapte définitif à tous les postes dans l'entreprise. Pas de reclassement possible dans l'entreprise'.

Nous avons cependant, conformément à nos obligations, examiné les solutions pour vous reclasser.

Cependant, la société n'a plus d'activité depuis le 30 mars 2009 et ne compte plus qu'un salarié : vous même.

Aussi, faute d'activité et de poste disponible nous sommes malheureusement dans l'impossibilité de vous reclasser'.

Monsieur [T] fait en premier lieu grief à son employeur de l'avoir licencié pour inaptitude professionnelle, alors qu'il ressort de ses propres allégations qu'il n'avait plus d'activité à la date du licenciement, et qu'ainsi il aurait dû mettre en oeuvre un licenciement pour motif économique.

Toutefois, dès lors qu'un avis d'inaptitude avait été donné par le médecin du travail, l'employeur ne pouvait en méconnaitre l'existence et prononcer un licenciement économique pour cessation de l'activité.

Il convient donc d'examiner le licenciement pour inaptitude qui a été prononcé, et qui est contesté, Monsieur [T] soutenant qu'aucun reclassement n'a été recherché.

L'avis médical, établi le 17 octobre 2009, soit plus de cinq ans après le début de l'arrêt de travail du salarié, est rédigé dans les termes suivants : inapte définitif à tous les postes dans l'entreprise. Pas de reclassement possible dans l'entreprise.

Pour autant, l'employeur avait l'obligation de rechercher un reclassement.

Monsieur [T] soutient que dès lors qu'il a été convoqué à un entretien préalable deux jours après cet avis d'inaptitude, il peut s'en déduire que l'employeur n'a fait aucune recherche de reclassement.

En réalité, l'absence de tentative de reclassement doit s'apprécier non à la date de la convocation, mais à la date de la notification du licenciement, qui n'a eu lieu que plusieurs semaines après l'entretien, de sorte que le seul calendrier ne permet pas de soutenir que l'employeur aurait manqué à ses obligations.

La société IDETA justifie de ce que l'entreprise était sans aucune activité à la date du licenciement, de sorte que le reclassement au sein de la société était impossible.

Par ailleurs, la société IDETA verse aux débats le livre d'entrée et de sortie du personnel des autres sociétés du groupe REPLEX, Marine ALPHAND, CPI et DOMON JEAGER), qui sont toutes de petites sociétés, et dont il ressort qu'elle n'ont procédé à aucun recrutement sur des postes pouvant convenir à Monsieur [T] au cours de la période litigieuse.

Il en ressort que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de reclassement, et que le licenciement pour inaptitude est justifié.

Le jugement du Conseil des Prud'hommes sera donc infirmé de ce chef.

Sur le montant des sommes dues au titre du licenciement

Monsieur [T] ayant été déclaré inapte à son poste, il n'était pas en mesure d'exécuter son préavis, de sorte qu'il ne peut obtenir d'indemnité de ce chef.

En revanche, en l'absence de licenciement pour faute grave le salarié a droit à l'indemnité de licenciement prévue par les articles 18 et 19 de la convention collective, soit 0,25 mois par année d'ancienneté.

En l'espèce Monsieur [T] a été engagé le 13 avril 2000 et son contrat de travail a été suspendu le 14 mai 2004. L'indemnité doit donc être calculée sur la base de 4 ans et un mois.

Son salaire brut mensuel était de 1759 euros, versés sur treize mois, soit 1906 euros (y compris le 1/2 13ème mois qui n'a été versé qu'en juillet 2004 mais qui doit être réintégré au mois de décembre 2003).

L'indemnité de licenciement est donc de 1906 x (0,25x4+1/12ème de 0,25) soit 1.945,70. Monsieur [T] ayant perçu la somme de 1.862,81 euros, il lui reste dû 82,9 euros, que la société IDETA sera condamnée à lui payer.

Sur les congés payés

Le Conseil des Prud'hommes a alloué à Monsieur [T] la somme de 1.981,20 euros au titre des congés payés pour la période du 1er juin 2003 au 13 août 2004. Cette disposition du jugement est critiquée par l'employeur.

Aux termes de l'article 27 de la convention collective, les période d'arrêt de travail donnant lieu à maintient de la rémunération par application de la convention collective ouvrent droit à congés payés.

Monsieur [T] qui n'a pas été en mesure de bénéficier des 25 jours d'arrêt de travail qu'il totalisait à la date de la suspension de son contrat de travail est donc fondé à en obtenir le paiement.

La décision du Conseil des Prud'hommes sera confirmée de ce chef.

- Sur la demande au titre de l'indemnité de prévoyance

Monsieur [T] sollicite la condamnation de l'employeur au paiement de la somme de 20.735,44 euros, cette somme représentant le complément de ce qu'il considère devoir percevoir au titre du complément des indemnités sécurité sociale durant la période d'arrêt de travail, et au titre du complément de la rente d'invalidité qu'il perçoit depuis 2006.

Toutefois, ainsi que l'a justement relevé le Conseil des Prud'hommes, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur, mais par la compagnie AXA, auprès de laquelle a été souscrit le contrat de prévoyance.

Les conditions générales et particulières de ce contrat faisaient partie de la communication de pièces du 2 décembre 2008, de sorte que Monsieur [T] ne peut prétendre qu'il ne serait pas en possession de ces éléments, et il sera débouté de sa demande aux fins d'en obtenir la remise sous astreinte.

Dans ces conditions, il lui appartient de saisir l'assureur de sa demande, s'il estime que les indemnités et rentes qui lui ont été versées sont erronées.

La décision du Conseil des Prud'hommes sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté le salarié de ce chef de demande.

*

Le jugement étant confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité au titre des congés payés à Monsieur [T], il le sera également en ce qui concerne l'indemnité de 1500 euros accordée à ce dernier sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Cour faisant droit partiellement aux demandes de chacune des parties, elles garderont l'une et l'autre la charge des dépens qu'elles ont exposés en cause d'appel.

L'équité ne commande pas à ce stade qu'il soit fait droit aux demandes d'indemnité de procédure formées de part et d'autre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement, sauf en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 1.981,20 euros au titre des congés payés pour la période allant du 1er juin 2003 au 13 août 2004, fait droit à la demande d'indemnité de procédure à hauteur de 1500 euros, et débouté Monsieur [T] de sa demande de résiliation judiciaire, de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre des indemnités de prévoyance.

Statuant à nouveau pour le surplus :

Dit que le licenciement est fondé sur un motif réel et sérieux.

Fixe le salaire moyen des 12 derniers mois de Monsieur [T] à la somme de 1.906 euros.

Condamne la société IDETA à payer à Monsieur [T] la somme de 82,9 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2010.

Condamne la société IDETA à payer à Monsieur [T] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des retards de paiement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Déboute Monsieur [T] du surplus de ses demandes.

Ajoutant au jugement :

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnités de procédure.

Condamne Monsieur [T] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/01031
Date de la décision : 20/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°11/01031 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-20;11.01031 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award