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18/12/2012 | FRANCE | N°11/08980

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 18 décembre 2012, 11/08980


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08980



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section RG n° 07/08199



APPELANT

Monsieur [T] [P]

Ayant élu domicile au cabinet de Me THUDOT-DESFONTAINES

[Adresse 7]

[Localité 4]

comparant en person

ne,

assisté de Me Françoise THUDOT-DESFONTAINES, avocat au barreau de PARIS, toque : L001





INTIMEES

SELAFA MJA prise en la personne de Me [C] [J] es qualité de mandataire ad hoc d...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08980

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Juillet 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section RG n° 07/08199

APPELANT

Monsieur [T] [P]

Ayant élu domicile au cabinet de Me THUDOT-DESFONTAINES

[Adresse 7]

[Localité 4]

comparant en personne,

assisté de Me Françoise THUDOT-DESFONTAINES, avocat au barreau de PARIS, toque : L001

INTIMEES

SELAFA MJA prise en la personne de Me [C] [J] es qualité de mandataire ad hoc de la SAS BOOST OIL SERVICES

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Philippe RAYER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1250 substitué par Me Janie LEVY AMSELLEM, avocat au barreau de PARIS, toque : C0721

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 3]

[Localité 6]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Leslie HARVEY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Mars 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Elisabeth PANTHOU-RENARD, Présidente

Madame Michèle MARTINEZ, Conseillère

Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Melle Claire CHESNEAU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Guy POILÂNE, Conseiller pour la Présidente empêchée et par Mademoiselle Claire CHESNEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Boost oil services, qui a pour objet social la participation à l'exploitation d'opérations pétrolières, a été immatriculée le 10 janvier 2007 au registre du commerce de Paris.

Aux termes d'un courrier du 2 mars 2007, approuvé par la signature de l'intéressé, la société Boost oil services, sous la signature de M. [U] [G], président, a confirmé à M. [T] [P], "suite à leurs discussions" son "contrat de travail comme directeur général délégué, mandataire social de Boost oil services, représentant DNI actionnaire et les intérêts de [U] [G], dont le siège social est situé [Adresse 2], son rôle consistant "à superviser les équipes dans la marche des affaires, développement commercial, négociation de rachat de sociétés inclus", avec le "statut de cadre supérieur" et une rémunération comprenant "un fixe de 12 k€ net par mois + un bonus 5% fonction des résultats, dès que la société a les ressources".

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2007, M. [P] a rappelé à la société Boost oil services son contrat de travail du 2 mars 2007 sur le fondement duquel il disait avoir travaillé et obtenu de "fructueux accords" au Moyen-Orient", sans être payé depuis quatre mois. Il réclamait ses salaires et les fiches de paie correspondantes depuis mars 2007.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er juillet 2007, la société Boost oil services a confirmé à M. [P] qu'elle n'avait toujours pas de ressources et a mis fin au contrat de directeur général associé délégué.

Le 18 juillet 2007, M. [P], contestant cette rupture, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement du 2 octobre 2007, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Boost oil services, fixé la date de cessation des paiements au 4 septembre 2007 et désigné la Selafa MJA, en la personne de Me [J], comme liquidateur.

La liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 11 décembre 2008.

Par ordonnance du 4 février 2009, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la Selafa MJA, en la personne de Me [J], en qualité de mandataire ad hoc de la société Boost oil services pour les besoins de la procédure prud'homale.

Les demandes de M. [P] devant le conseil de prud'hommes tendaient en dernier lieu au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive, des salaires de mars à juillet 2007, des congés payés afférents, d'une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'une indemnité pour travail dissimulé, des intérêts au taux légal et d'une allocation de procédure, ainsi qu'à la remise sous astreinte de documents sociaux.

Par jugement du 20 juillet 2009, le conseil de prud'hommes a debouté de toutes ses demandes le salarié, lequel a fait appel.

M. [P] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- fixer sa créance au passif de la société Boost oil services à :

- 50 400 euros au titre des salaires du 2 mars au 4 juillet 2007,

- 5 040 euros au titre des congés payés afférents,

- 36 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 600 euros au titre des congés payés afférents,

- 72 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts au taux légal sur ces sommes,

- d'ordonner la remise sous astreinte de documents sociaux conformes.

La Selafa MJA, en la personne de Me [J], en qualité de liquidateur de la société Boost oil services conclut à l'absence de contrat de travail, à l'incompétence de la juridiction prud'homale et au renvoi devant le tribunal de commerce de Paris, au débouté de M. [P] et sollicite 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'UNEDIC délégation AGS CGEA Île de France Ouest conclut à la confirmation du jugement et à l'entier débouté de M. [P]. Subsidiairement, elle rappelle les limites de sa garantie.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIF DE LA DÉCISION

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

En l'espèce, M. [P] verse aux débats la lettre d'engagement confirmant clairement et expressément l'existence d'un "contrat de travail" à son profit signée entre la société Boost oil services et lui, datée du 2 mars 2007. Il s'agit d'un contrat de travail écrit, ou, à tout le moins, d'une apparence de contrat de travail.

Toutefois, alors que les mentions de ce document ne permettent pas à elles seules de lui donner date certaine, M. [P] produit un courrier daté du 2 juillet 2007, adressé par lui à M. [G], président de la société Boost oil services, dans lequel il indique "je confirme que la lettre d'embauche de DG délégué, signée avec le président de Boost oil services et avec moi, fut signée en fait le dimanche 10 juin avec vous".

Par ailleurs, la lettre datée du 2 mars 2007 vise non seulement un "contrat de travail comme DG délégué", mais également la désignation de M. [P] comme "mandataire social de Boost oil services, représentant DNI actionnaire et les intérêts de [U] [G]".

Outre la contradiction interne qu'elle contient résultant de la stipulation à la fois d'un contrat de travail, supposant un lien de subordination, et d'une délégation de pouvoirs du dirigeant de la société employeur, ce courrier entretient une confusion rencontrée dans pratiquement toutes les pièces versées aux débats sur les rôles respectifs, et interchangeables selon l'entité considérée, de chacun des protagonistes, y compris M. [P], entre les différentes sociétés créées entre M. [G], président de la société Boost oil services et M. [L], directeur général de cette même société, à savoir, principalement les sociétés Boost oil services, [G] ingenierie (DNI) et IFEFI.

D'autres pièces viennent accentuer cette confusion :

- une "convention d'associés de DNI consultant" datée du 2 mars 2007 signée de MM. [G] et [P], en vue de "coopérer fructueusement sur certaines affaires (opérations de société, flux commerciaux, joint venture, contrats donnant des résultats...) qui sera qualifié de domaine commun" et prévoyant que M. [P] "représentera [U] [G] et DNI comme associé DG délégué de Boost oil services (...) pour une période de 2 ans à partir du 2 mars 2007, dans les filiales DNI, Boost oil services et Kertal associés",

- un "Confidentiality agreement", daté du 7 février 2007, signé entre la société Kappa ice and KOS management, société de droit anglais ayant son siège en Angleterre, représentée par M. [G], et M. [P].

Ainsi, l'écrit produit est non seulement antidaté mais il est particulièrement [délibérément'] confus en ce qui concerne les missions et le statut réels de M. [P] et sa signature a été entourée elle-même de circonstances favorisant une certaine opacité, ce qui en affecte la crédibilité et, donc la force probante.

Au surplus, par courriel du 20 mars 2007, M. [P] écrivait à M. [G] :

"Durant les cinq derniers mois, tu m'as demandé de rencontrer [Y] [M], je l'ai fait venir à [Localité 12] pour que tu puisses les rencontrer. Tu voulais trouver un partenaire en Lybie, je t'ai fait une proposition. Tu m'as demandé d'enregistrer Kappa et Challenger, c'est fait. Tout est prêt pour démarrer l'activité mais il semble qu'il manque la volonté de s'engager de ton côté.

J'ai eu les dernières semaines des propositions de trois grands groupes enropéens, que j'ai, pour le moment, par principe et déontologie, déclinées, vu que nous étions engagés ensemble dans un cycle de négociation en vue de parvenir à un accord de partenariat. Cet aboutissement semblant ne jamais devoir venir, je suis contraint de reconsidérer ces propositions. Je te laisse jusqu'à vendredi soir pour officialiser notre relation. A défaut d'un geste de ta part, nous resteront bons amis mais nous ne ferons pas de business ensemble".

M. [G] a répondu le même jour en ces termes :

"Je t'ai proposé depuis 2 mois de rentrer avec moi dans Awendra Itd, t'as jamais répondu, j'ai pas mal investi déjà, tu promettais des affaires de stockage, y a pas d'affaires à facturer, y a touours besoin qu'on apporte des sous, tu as vu Boost, si tu changes d'avis tout les jours on peut pas avancer, je ne comprends pas ce que tu veux, j'attend le MOU avec [Y]. Quid '".

Et la réponse de M. [P] du même jours a été la suivante :

"Personne en France n'est au courant de ma situation à part toi-même. Si j'ai passé autant de temps avec toi sur ces projets, c'est que je t'apprécie en tant que personne.

Comme il n'y a que les écrits qui restent, je serai donc très factuel. Si tu souhaites que l'on continue notre collaboration sur la Lybie, il faut passer à la vitesse supérieure et officialiser nos relations avant mon départ en Lybie le 28.

Il faut donc :

1 finaliser les aspects juridiques de mon partenariat avec Boost oil ou une autre compagnie de Kappa group

2 valider ma nomination comme directeur commercial pour le développement en Lybie

3 définir mon champ d'actions et mes objectifs.

Je confirme le rendez-vous de jeudi prochain à 14h30 avec [X] [L]".

Par mél du 8 juin 2007, intitulé "il est temps de prendre une décision", M. [P] a écrit à M. [G] en ces termes :

"Je crois qu'il est temps de passer aux choses sérieuses. Voici ce que je veux :

- une proposition d'association à part égales dans une structure qui gère les projets que nous montons ensemble

- un contrat de consultant me rémunérant pour toutes les actions menées ces derniers mois et m'assurant un salaire pour les prochains mois

- un commissionnement sur les affaires apportées mais pas basé sur la grille que tu m'as envoyée, que je trouve insultante.

Sans réponse de ta part avant demain, je considérerai comme terminée notre collaboration et je détruirai tout ce que j'ai construit.

Cesse de te demander comment me prendre par derrière, c'est impossible. Je ne te laisserai jamais faire et tu y laisseras des plumes et ta réputation. Tu sais que je dis ce que je pense, que je fais ce que je dis et que j'ai des relations que tu ne supposes même pas. Ne me provoques pas et cesse de te payer ma tête. Fais-moi une proposition sérieuse ou nous ne travaillerons plus ensemble".

Le ton et le contenu de ces courriels contredisent à eux-seuls l'hypothèse d'un lien de subordination et de relations de salariat entre M. [P], M. [G] et/ou la société Boost oil services pendant la pendant la période du 2 mars au 1er juillet 2007 visée par les demandes.

Les attestations fournies par l'appelant, particulièrement laconiques, imprécises et non-circonstanciées, ne sont pas de nature à démentir cette analyse et les courriers et courriels qu'il produit, s'ils établissent des liens d'affaires entre lui et la société Boost oil services en la personne de M. [G], liens dont la matérialité n'est pas contestée, ne permettent pas de caractériser un lien de subordination tel que défini ci-dessus.

L'ensemble des demandes formulées par M. [P], qui ne sont par conséquent pas fondées, supposent l'existence d'un contrat de travail entre la société Boost oil services et lui. Elles doivent donc donner lieu à rejet et non pas à déclaration d'incompétence matérielle de la juridiction prud'homale.

Le jugement sera dès lors confirmé.

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à la Selafa MJA, en la personne de Me [J] ès-qualités, une somme de 1 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré ;

Ajoutant,

Condamne M. [P] à payer à la Selafa MJA, en la personne de Me [J], en qualité de mandataire ad hoc de la société Boost oil services, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [P] aux dépens.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 11/08980
Date de la décision : 18/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K3, arrêt n°11/08980 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-18;11.08980 ?
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