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13/12/2012 | FRANCE | N°10/02626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 13 décembre 2012, 10/02626


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 1



ARRET DU 13 DECEMBRE 2012



(n° 410, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02626



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200808556





APPELANTES



Société Civile CHANTEPIERRE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses

représentants légaux



ayant son siège [Adresse 2]





GROUPEMENT FORESTIER DU MONT NEGRE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux



ayant son siège ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRET DU 13 DECEMBRE 2012

(n° 410, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/02626

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 200808556

APPELANTES

Société Civile CHANTEPIERRE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 2]

GROUPEMENT FORESTIER DU MONT NEGRE

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 8]

S.A.R.L. ROFALGOS

agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège [Adresse 8]

représentés par la SELARL HJYH en la personne de Maître Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

assistés de la AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI en la personne de Maître Paul TALBOURDET, avocat au barreau de PARIS, toque : R045

INTIMES

Monsieur [U] [J]

demeurant [Adresse 3]

représenté par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Maître Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assisté de la ASS L & P ASSOCIATION D'AVOCATS en la personne de Maître Alexandre BRAUN, avocat au barreau de PARIS, toque : R241

Monsieur [Y] agissant es qualité de liquidataire judiciaire de la SAS LOFT [Adresse 5]

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES en la personne de Maître Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

assisté de la SCP CABINET FERES & ASSOCIES en la personne de Maître Yves FERES, avocat au barreau de CARCASSONNE

PARTIE INTERVENANTE

SCP [N]

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 1]

Arrêt d'irrecevabilité d'intervention volontaire rendu par la Cour d'appel de Paris Pôle 4 chambre 1 en date du 15 septembre 2011

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et Madame Christine BARBEROT, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Lysiane LIAUZUN, présidente

Madame Christine BARBEROT, conseillère

Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère

Greffier lors des débats : Madame Fatima BA

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente et par Madame Fatima BA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Par trois actes sous seing privés du 15 avril 2008 rédigés par Me [N], notaire de la SCP [N], devant être réitérés par actes authentiques au plus tard le 30 juin 2010 avec possibilité de prorogation jusqu'à réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique , la SAS Loft s'est vue consentir par la SCI Chantepierre, le Groupement forestier du Mont Nègre et la société Rofalgos, toutes les trois représentées par leur gérant, M. [V], lui-même représenté par M. [U] [J] s'obligeant à rapporter « les assemblées générales  donnant tous pouvoirs de M. [V] à procéder à la vente et lui déléguer ses pouvoirs », trois compromis de vente portant respectivement sur diverses parcelles de terre, un ensemble immobilier constitué notamment d'un hôtel 3 étoiles, d'un restaurant, une résidence de sept appartements, d'un mas avec chambres d'hôtes, d'un spa et d'un golf sis à [Localité 14], [Localité 9] dans les Pyrénées-Orientales, propriétés de la société Chantepierre, et le fonds de commerce exploitant ces éléments, propriété de la société Rofalgos.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juillet 2008, la société Chantepierre a indiqué à la société Loft qu'elle considérait que certaines modalités des compromis divergeaient des stipulations de la procuration accordée à M. [J], et qu'ainsi les société venderesses considéraient être en droit de reprendre leur liberté.

Estimant que M. [J] a outrepassé les pouvoirs conférés par son mandat, les sociétés venderesses ont, par assignation du 24 novembre 2008, fait assigner devant le Tribunal de commerce de Paris la société Loft, désormais représentée par M. [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire, suivant jugement du 2 juin 2009 du Tribunal de commerce de Toulouse, après avoir été représentée par M. [W], ès qualités d'administrateur judiciaire, en contestation de la validité des compromis de vente.

La société Loft a, par assignation à bref délai du 11 mai 2009, fait assigner M. [J] et la SCP [N], titulaire d'un office notariale, en intervention forcée.

Par jugement du 7 décembre 2009, le Tribunal de commerce de Paris a :

- prononcé la jonction des différentes instances,

- pris acte de ce que dans le dernier état de la procédure, M. [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Loft, intervenait volontairement, déclarant reprendre à son compte les demandes formulées initialement par la société Loft,

- dit l'intervention volontaire de M. [Y] ès qualités recevable,

- dit M. [J] recevable mais mal fondé en son exception d'incompétence d'attribution et territoriale et s'est retenu compétent pour connaître du litige,

- dit M. [N], notaire de la SCP [N], recevable et bien fondé en son exception d'incompétence d'attribution et territoriale, et s'est déclaré incompétent pour les demandes à son égard au profit du Tribunal de grande instance de Perpignan,

- dit qu'à défaut de contredit dans le délai prescrit par l'article 82 du Code de procédure civile, le dossier de l'affaire serait transmis par le greffier à la juridiction de [Localité 13], et ce en application de l'article 97 du Code de procédure civile,

- dit que les articles 15 et 16 du Code de procédure civile n'ont pas été violés et débouté M. [J] de sa demande sur ce fondement,

- dit que les compromis de vente intervenus le 15 avril 2008 entre les sociétés Chantepierre et Rofalgos, le Groupement forestier du Mont Nègre et la société Loft étaient valides,

- dit que les sociétés susnommées ont engagé leur responsabilité contractuelle à l'égard de la société Loft et les a condamnées solidairement à payer à la société Loft la somme de 1.035.340,56 euro à titre de dommages et intérêts,

- dit que les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre ont engagé leur responsabilité quasi-contractuelle à l'égard de M. [J], et les a condamnées solidairement à payer à ce dernier la somme de 100.000 euro à titre de dommages et intérêts,

- débouté la société Loft de ses demandes à l'encontre de M. [J],

- condamné solidairement les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :

* à la société Loft la somme de 15 000 euros, déboutant cette dernière du surplus de sa demande,

* à M. [J] la somme de 5 000 euros, déboutant ce dernier du surplus de sa demande,

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile entre les sociétés Loft et M. [J],

- dit que les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sous réserve qu'en cas d'appel les bénéficiaires fournissent une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à leur profit.

Par arrêt mixte du 15 septembre 2011, la cour a :

- déclaré irrecevable la SCP [N] en son intervention volontaire devant la cour

- avant dire droit sur le fond, ordonné la réouverture des débats pour que les parties s'expliquent sur la validité et la portée des trois actes litigieux eu égard à la disposition reprise dans chacun des actes aux termes de laquelle chacune des sociétés est représentée par « M. [V] agissant en qualité de gérant de ladite société à ce non présent mais représenté par M. [J] s'obligeant à rapporter l'assemblée générale donnant tous pouvoirs à M. [V] de signer en ses lieu et place » et l'absence de production des procès-verbal des dites assemblées générales.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 05 octobre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, la société Chantepierre, le groupement Forestier du Mont Nègre et la Sarl Rofalgos concluent à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demandent à la cour, au visa des articles 1101, 1108, 1116, 1134, 1157, 1170, 1174, 1382 et 1988 du code civil et 325 et suivants du code de procédure civile, en statuant à nouveau, de :

A titre principal,

- dire que les actes du 15 avril 2008 doivent être qualifiés de promesses unilatérales d'achat prises par la société Last SAS envers elles, et qu'elles n'ont pas souhaité lever l'option, ce, sans commettre de faute à ce titre,

- à défaut dire qu'elles ne se sont pas valablement engagées à vendre les biens dont elles sont propriétaires aux termes desdits actes, faute de rencontre de volonté pour vendre et acheter ou en raison de la nullité des actes concernés du fait de l'existence d'une condition purement potestative ou d'un dol commis à leur égard,

En conséquence,

- ordonner la restitution de la somme de 100 000 € qu'elles ont versée à M. [J] au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris avec intérêts aux taux légal à compter de l'arrêt,

- débouter M. [Y], ès qualités, et M. [J] de toutes leurs demandes,

A titre subsidiaire,

- condamner M. [J] à les contre garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur égard au bénéfice de M. [Y], ès qualités,

En tout état de cause,

- leur donner acte de ce quelles réservent tous leurs droits à l'égard de la SCP [N], notamment dans le cadre de la procédure en cours devant le tribunal de grande instance de Perpignan (RG n 10/00700 ou tout nouveau numéro de RG qui résulterait de la reprise d'instance à ce jour radiée),

- rejeter toutes les demandes de M. [Y], ès qualités, et de M. [J],

- condamner M. [Y], ès qualités, à leur payer chacune la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 19 septembre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, M. [Y], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Loft, demande à la cour, en rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées, de :

A titre principal,

- vu notamment les articles 1147, 1134 et suivants du code civil, 1849 du code civil, 1984 et suivants du code civil, 1382 du code civil, 122 et suivants du Code de procédure civile, L 622-24 et suivants et R 622-24 du code de commerce et L 223-18 du code de commerce, confirmant le jugement entrepris,

- débouter la société Chantepierre, le groupement Forestier du Mont Nègre et la Sarl Rofalgos de l'ensemble de leurs demandes comme étant mal fondées,

- reconventionnellement, dire qu'elles ont résolu unilatéralement et de manière abusive les 3 compromis des 15/04/2008 qui étaient pourtant valides, ou, à tout le moins ordonner la résolution de ces compromis à leurs torts exclusifs,

Subsidiairement, dire qu'elles n'ont pas exécuté loyalement les obligations contractuelles mises à leur charge en ne rapportant pas les procès verbaux d'assemblée générale validant les promesses de vente, engageant de ce fait leur responsabilité,

En conséquence,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 5 460 390, 12 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son maque à gagner, outre 50 000 € au titre de l'atteinte faite à son image et à sa réputation et du préjudice lié à la perte d'une opération importante dans une période de difficulté ayant finalement conduit à la liquidation judiciaire,

A titre subsidiaire,

- vu les articles 1382 et 1383 du code civil,

Si la cour ordonnait la nullité des compromis de vente,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 105 340, 56 € (3 518, 72 € de frais d'élaboration de plaquettes de présentation + 1 821, 84 € de frais de déplacement + 30 000 € de masse salariale après signature des compromis + 20 000 € de masse salariale et frais dans les semaines ayant précédées la signature des compromis + 50 000 € de perte de chance) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que la société Loft a subi du fait de leur rupture abusive des pourparlers et de leur négligence consistant à ne pas l'avoir informer immédiatement de leur volonté de remettre en cause les compromis de vente,

- dire que M. [J] sera condamné à le garantir et le relever de toute condamnation, notamment à titre de dommages et intérêts, de dépens et de frais irrépétibles qui pourrait être mis à sa charge,

- dans cette même hypothèse, le condamner à lui payer la somme de 35 340, 56 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que la société Loft a subi du fait des frais exposés postérieurement à la conclusion desdits protocoles, outre 5 460 390, 12 € à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation du manque à gagner dont elle serait victime et 50 000 € en réparation de l'atteinte portée à son image et à sa réputation et du préjudice lié à la perte d'une opération importante dans une période de difficulté ayant finalement conduit à la liquidation judiciaire.

En tout état de cause,

- vu les articles L 641-3 et L 622-26 du code de commerce,

- dire que toute demande de condamnation à l'encontre de la société Loft serait forclose et par conséquent irrecevable,

- débouter en toute hypothèse M. [J] de ses demandes reconventionnelles,

- condamner in solidum les parties succombantes à lui payer une somme complémentaire de 25 000 €, s'ajoutant à celle de première instance au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 03 juin 2011 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, M. [J] demande à la cour, au visa des articles 1382 du code civil en qualité de tiers au compromis de vente, 1165 du code civil, 1134 du code civil en qualité de mandataire des sociétés venderesses, 1147, 1998 et 1999 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu la responsabilité des sociétés venderesses et l'a mis hors de cause dans l'échec de la réitération de la vente tant à leur égard qu'à l'égard de l'acquéreur, et validé les compromis de vente et en ce qu'il n'a commis aucune faute,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il ne lui a alloué que la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande en paiement relative à sa commission.

En conséquence,

- dire qu'il était dûment mandaté au moment de signer les actes,

- dire que la procuration du 14 avril 2008 a été rédigée et signée après la signature des compromis,

- dire qu'il n'est pas responsable de l'invalidité des compromis litigieux si celle-ci est avérée,

- dire qu'il n'est pas responsable des condamnations ou du manque à gagner argués par la société Loft,

- acter que la société Loft ne réclame pas l'exécution forcée des actes litigieux,

En tirer les conséquences,

- dire que la société Loft argue de préjudices qui n'existent pas,

- débouter la société Loft de toutes ses demandes,

- débouter la société Chantepierre, le groupement Forestier du Mont Nègre et la Sarl Rofalgos de l'ensemble de leurs demandes,

- dire qu'il a été trompé par l'ensemble des parties,

- dire que les venderesses s'étaient dédites avant que la situation financière de la société Loft ne soit irrémédiablement compromise,

- condamner solidairement les appelantes et M. [Y], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Loft à lui payer :

- 1 020 000 € à titre de dommages et intérêts en raison de la commission non perçue,

- 300 000 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner solidairement les appelantes au paiement de la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR,

Sur les relations contractuelles entre les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre d'une part et la SAS Loft d'autre part ;

Considérant que les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du mont Nègre soutiennent que les trois actes sous seing privé du 15 avril 2008 intitulés « compromis de vente », qui sont indivisibles, n'emportaient pas engagement valable de vendre et que leur décision de ne pas donner suite à l'opération n'est pas fautive en invoquant successivement le défaut de mandat de M. [J], le dépassement par M. [J] de son mandat, l'absence de rencontre des volontés pour acheter et surtout vendre, le dol ;

Considérant que ces trois actes comportent, en des termes identiques nonobstant le fait que le gérant des sociétés Chantepierre et Groupement forestier du mont Nègre soit M. [V], M. [J] étant celui de la société Rofalgos, une mention précisant que la société venderesse est représentée par « M. [V] [X]' agissant en qualité de gérant de ladite société à ce non présent mais représenté par M. [J] [U]' », étant observé que devant la cour, il n'est contesté par aucune des parties que le pouvoir signé par M. [V] portant la date du 14 avril 2008 a été établi postérieurement au 15 avril 2008 et que ce document n'est donc pas probant de l'étendue des pouvoirs délégués par M. [V] à M. [J] lors de la signature des trois actes litigieux ;

Considérant que c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a dit que la SAS Loft est bien fondée à opposer, à tout le moins, le mandat apparent ;

Qu'en effet, outre que M. [J], exploitant du golf cédé, était le gérant de la SARL Rofalgos et avait donc à l'égard des tiers le pouvoir d'engager ladite société, il était le seul contact figurant sur la plaquette de présentation du projet de cession du domaine et le seul interlocuteur qu'avait eu la société Loft au cours des négociations qui avaient duré plusieurs mois, étant en outre observé que les actes sous seing privé ont été rédigés par un notaire et signés devant lui de sorte que la société Loft n'avait pas de raison d'imaginer que M. [J] ne disposait pas d'un mandat ;

Que la clause, insérée dans les actes litigieux, aux termes de laquelle « M. [V] [X]' agissant en qualité de gérant de ladite société à ce non présent mais représenté par M. [J] [U]' s'obligeant à rapporter l'assemblée générale donnant tous pouvoirs de M. [V] à procéder à la présente vente et déléguer ses pouvoirs audit M. [J]  », ne signifie pas, ainsi que feint de le croire M. [V], que M. [J] n'avait pas de mandat de M. [V] pour signer l'acte de vente et qu'il rapporterait ce mandat postérieurement, mais seulement qu'il n'avait pas remis les procès-verbaux des assemblées générales des sociétés autorisant M. [V] à vendre les biens et qu'il s'engageait à rapporter ces procès-verbaux, cette mention étant donc sans portée sur l'existence et l'étendue d'un mandat de vendre donné à M. [J], étant en outre observé que les parties ont attesté en page 2 des trois actes que rien ne peut limiter leur capacité pour l'exécution des engagements qu'elles prennent ;

Qu'enfin, les jours précédant la vente, M. [J] et M. [V] ont échangé des mails, M. [V] adressant notamment un mail à M. [J] le 10 avril 2008 rédigé en ces termes « Je suis à votre disposition pour signer toute procuration que Me [N] ou vous-même m'enverrez . Attention, je quitte la France demain midi pour le Sénégal », un tel mail, étant de nature à rassurer l'acquéreur sur l'existence d'un mandat exprès, même en l'absence d'un mandat écrit annexé aux actes litigieux, d'autant que des mails précédents reprenaient les conditions générales de la vente ;

Que ces circonstances autorisaient la SAS Loft à ne pas demander un mandat écrit, la SAS Loft ayant pu légitimement croire que M. [J] agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de celui-ci, étant observé que sont inopérantes, dans les relations vendeurs ' acquéreur, les observations des sociétés appelantes relatives à la loi du 2 janvier 1970 et notamment l'obligation d'un mandat écrit, M. [J] étant intervenu dans les actes litigieux en qualité de mandataire du gérant desdits sociétés ;

Considérant que la mention, dans les trois actes litigieux, de ce que « M. [V] [X]' agissant en qualité de gérant de ladite société à ce non présent mais représenté par M. [J] [U]' s'obligeant à rapporter l'assemblée générale donnant tous pouvoirs de M. [V] à procéder à la présente vente et déléguer ses pouvoirs audit M. [J]  », qui rappelle l'existence d'une clause des statuts des trois sociétés limitant les pouvoirs de leurs gérants respectifs, est sans portée dans les relations vendeurs - acquéreur, les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants étant inopposables aux tiers conformément aux dispositions de l'article 1849 du code civil et de l'article L223-18 du code de commerce ;

Que l'obligation pour M. [J] de rapporter l'assemblée générale donnant tous pouvoirs de M. [V] à procéder à la vente et lui déléguer ses pouvoirs n'a pas été érigée en condition de la validité de l'acte ou du consentement des parties, ni même en condition suspensive ou résolutoire de la vente, mais constitue seulement l'engagement de M. [J] de rapporter lesdits procès-verbaux dont il n'est pas prétendu dans les actes litigieux qu'ils n'existaient pas à la date desdits actes;

Que peu importe dans ces conditions, pour ce qui est des relations entre les parties au compromis de vente, le fait que les assemblées générales n'aient pas été tenues, les sociétés appelantes étant valablement engagées par leurs dirigeants représentés par M. [J] par les actes du 15 avril 2008 intitulés compromis de vente, dans les termes et conditions desdits actes;

Considérant que les actes du 15 avril 2008 constituent le dernier état de la volonté des parties, peu important, dans les relations entre les venderesses et l'acquéreur, les divergences existant entre lesdits actes et les projets de compromis de vente adressés préalablement à M. [V] ;

Considérant que les sociétés venderesses ne rapportent pas la preuve que la société Loft se serait rendue coupable de dol en leur ayant dissimulé sa situation financière obérée, étant rappelé que le dol est un vice du consentement qui doit être apprécié au moment de la formation du contrat et qu'il doit être rapporté la preuve par celui qui l'invoque de l'existence de man'uvres, mais également la preuve de l'intention de leur auteur de provoquer par ces manoeuvres une erreur de nature à vicier le consentement du contractant et la preuve de l'erreur provoquée par ces man'uvres, étant observé que la SAS Loft a été mise en redressement judiciaire le 3 février 2009, la cessation de paiement ayant été fixée au 24 juin 2008 et sa liquidation judiciaire ayant été prononcée le 2 juin 2009, tous ces évènements étant postérieurs à la signature des compromis de vente, peu important qu'ait été constaté le 14 avril 2008 l'état de cessation de paiement de la société Groupe loft, s'agissant d'une autre société qui n'était pas partie aux actes litigieux, l'état de cessation des paiements d'une société d'une groupe n'impliquant pas nécessairement une situation financière obérée des autres sociétés du groupe ;

Que les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du mont Nègre seront donc déboutées de leur demande aux fins de nullité des actes du 15 avril 2008 pour dol, étant observé que ces actes, dont la validité est établie, ne comportent pas de clause pénale, ce qui correspond au dernier état de la volonté des parties ;

Considérant qu'en refusant de poursuivre l'opération ainsi qu'il résulte de la lettre adressée le 8 juillet 2008 par M. [V] à la SAS Loft en ces termes : « Nous pensons avoir le droit moral et juridique de reprendre notre liberté », les sociétés venderesses ont failli à leur engagement et commis une faute engageant leur responsabilité contractuelle, la SAS Loft étant par suite fondée en sa demande en résiliation des contrats du 15 avril 2008 à leurs torts exclusifs et en sa demande en paiement de dommages et intérêts par application de l'article 1184 du code civil ainsi que statué à bon droit par le premier juge ;

Considérant que la société Loft estime sollicite la somme de 5.460.390,12€ en réparation de son préjudice résultant de son manque à gagner, les appelantes estimant ce préjudice nul en raison de la liquidation judiciaire de la société Loft ;

Que toutefois, ainsi que relevé à juste titre par le premier juge, le préjudice subi par la SAS Loft n'est pas du manque à gagner prévisible, lequel est hypothétique, supposant que l'opération ait été menée à son terme dans les conditions envisagées et que la commercialisation ait eu lieu aux conditions envisagées, mais seulement d'une perte de chance, laquelle a été estimée à bon escient par le premier juge à la somme de 1.000.000€ eu égard à l'état d'avancement du projet le 8 juillet 2008, date à laquelle M. [V] a avisé l'acquéreur qu'il reprenait sa liberté, et sa santé financière fragile, la société Loft ayant été mise en redressement judiciaire le 3 février 2009 mais son état de cessation de paiement remontant au 24 juin 2008 qui impliquait qu'elle aurait dû trouver un repreneur pour la poursuite du projet, n'étant pas en mesure de financer elle-même les prix fixés aux trois compromis de vente, étant en outre observé que son préjudice n'est pas pour autant inexistant du seul fait de la liquidation judiciaire de la société Loft dans le mesure où  elle aurait eu plus de chances de trouver un repreneur si elle avait conservé le bénéfice des compromis de vente ;

Que le premier juge a également estimé à sa juste valeur, au vu des pièces versées aux débats, à la somme de 35.340,56€ le préjudice résultant des frais engagés inutilement par la société Loft postérieurement à la signature du compromis de vente, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés appelantes à payer à la société Loft ou à Me [Y] es qualité de liquidateur de la société Loft, la somme de 1.035.340,56€ à titre de dommages et intérêts de ces chefs ;

Considérant que la société Loft ne justifie pas d'une atteinte à son image et à sa réputation, ni d'une atteinte à sa crédibilité résultant de l'abandon du projet ;

Qu'elle sera déboutée de ce chef de demande ;

Sur les relations contractuelles entre les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre d'une part et M. [J] d'autre part,

Considérant que M. [V], principal actionnaire des trois sociétés et gérant des sociétés Chantepierre et Groupement forestier du mont Nègre a, par mail du 26 juin 2006, donné à M. [J] mandat de trouver un acquéreur pour le domaine de Falgos pour le prix de 3.000.000€, lui proposant une rémunération de 30% sur la fraction du prix dépassant les 3.000.000€, mandat que M. [J] a accepté par mail du 27 juin 2006 et qui a été confirmé par mail de M. [V] du 30 janvier 2007,  sauf le seuil de calcul de la commission qui a été porté à 5.000.000€ ;

Que par mail du 10 avril 2008, M. [J], qui avait trouvé un acquéreur pour le prix de 8.400.000 € en la personne de la société Loft, a informé M. [V] du calendrier de la cession du domaine à la société Loft, précisant : « mardi matin : 9h signature à Falgos du sous seing privé avec le PDG de Loft », ajoutant « Je suppose que vous souhaitez que je m'occupe de ce dossier jusqu'à son terme. Dans ce cas, il faudrait que vous adressiez un mail à Me [N] afin qu'il vous fasse parvenir un pouvoir », M. [V] ayant répondu par mail du même jour « Je suis à votre disposition pour signer toute procuration que M. [N] ou vous-même m'enverrez par fax ou par courriel. Attention, je quitte la France demain midi pour le Sénégal », ce mail contenant donc un mandat exprès et spécial donné par M. [V] à M. [J] pour signer les actes de vente, seule la procuration, écrit constatant l'existence du mandat, restant à établir, mandat confirmé par un mail de M. [V] en date du 13 avril 2008, en réponse à un mail de M. [J] de la veille, rédigé en ces termes : « 0K pour 8400k' Bravo pour le supplément de 100 k qui paiera en partie la rénovation du resto'.Les prix convenus sont : pour les actifs CPIERRE : 7000 k et non pas 7084 k, pour les actifs GFA : 1000k et non pas 916K » et accepte le paiement d'une commission au profit de M. [J] d'un montant de 1.020k, en précisant la charge en ces termes : « 1000 k à charge CPIERRE et 20k à charge Rofalgos » ;

Que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, M. [J] disposait donc bien d'un mandat exprès pour vendre, étant observé que les projets de compromis de vente ont été communiqués au notaire de M. [V], Me [T], lequel, dans un courrier adressé le 14 avril 2008 à Me [N] a transmis à ce dernier les instructions de M. [V], concernant, pour la cession du fonds de commerce, une condition suspensive relative à l'acquisition par la société Rofalgos d'une nouvelle activité hôtelière en remplacement de l'activité cédée et l'entrée en jouissance au jour de l'acte et pour la vente Chantepierre, une condition suspensive relative au lien entre les deux ventes immobilières, l'absence d'assainissement communal et l'installation d'un dépôt de gaz ;

Considérant que les sociétés appelantes reprochent ensuite à M. [J] d'avoir dépassé le mandat donné, reportant notamment sans l'accord de M. [V] la date de réalisation des ventes de plus d'un an ;

Considérant que des modifications ont été apportées auxdits projets le jour de la signature des compromis, portant notamment sur la date de réitération de l'acte de cession fixée dans les trois compromis de vente au 30 juin 2010 avec une prorogation automatique de délai jusqu'à la réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte au lieu du 30 avril 2009 figurant dans les trois projets ;

Que toutefois, le mandat spécial de vendre donné à M. [J] par M. [V] tel qu'il résulte des mails visés ci-dessus, ne fait état que des conditions générales de la vente et laisse donc au mandant un large pouvoir d'appréciation quant aux modalités de la vente, étant observé qu'il ne comporte notamment aucune mention relative à la date de réitération des actes, laquelle est donc laissée à l'appréciation du mandant ;

Qu'il sera surabondamment observé que dans son offre d'achat du 25 mars 2008, la SAS Loft avait indiqué qu'à titre prévisionnel, les acquisitions pourraient intervenir à la fin du 1er trimestre 2009 dans l'hypothèse où le PLU de la commune permettrait le dépôt d u permis de construire le 1er juillet au plus tard, ce qui n'a pas été le cas, le PLU devant être modifié préalablement au dépôt de la demande de permis de construire ;

Qu'il n'est donc pas rapporté la preuve d'un dépassement de mandat, étant observé que ce n'est qu'en juin 2008 que M. [V], après avoir établi en mai 2008 une procuration datée du 14 avril 2008 fixant une date de réalisation au 30 mars 2009 au plus tard, a évoqué pour la première fois un dépassement de mandat de M. [J] et que, après que les sociétés venderesses aient avisé la société Loft par courrier du 10 juillet 2008 de ce qu'elles reprenaient leur liberté, M. [V], dans un mail du 13 juillet 2008, invitait M. [J] à conclure avec un autre acquéreur, M. [A] qu'il considérait comme « une bien meilleure issue que loft » ;

Considérant qu'aucune faute n'étant établie à l'encontre de M. [J] par les sociétés appelantes, celles-ci seront déboutées de leur demande aux fins de le voir condamner à les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de Me [Y] es qualités ;

Considérant que M. [J] demande reconventionnellement le paiement de la commission soit 1.020.000€ outre, à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral la somme de 300.000€ ;

Considérant que M. [J] ne se livrant pas et ne prêtant pas son concours, de manière habituelle, aux opérations portant sur les biens d'autrui au sens de la loi du 2 janvier 1970, il n'y a pas lieu à application de ce texte, le relations entre les parties étant régies par les termes du mandat donné par M. [V] à M. [J] ;

Considérant que le mandat donné par M. [V] à M. [J] tendait à l'évidence à trouver un acquéreur auquel la propriété du domaine serait transférée, tel n'étant pas le cas des ventes constatées par des compromis de vente mais non réitérées ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en paiement d'une commission, peu important que les ventes n'aient pas été réitérées du fait des sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre qui se sont rétractées le 10 juillet 2008 ;

Considérant que M. [J] est en revanche fondé à rechercher la responsabilité délictuelle des sociétés venderesses, la faute contractuelle commise par ces dernières en se rétractant le 10 juillet 2008 lui ayant causé un préjudice en lui faisant perdre une chance de percevoir la commission prévue au mandat, étant observé que cette perte de chance doit être appréciée en tenant compte de l'aléa existant quant à la réitération des ventes en raison de l'impécuniosité de la société Loft mise en redressement judiciaire le 3 février 2009 ;

Qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 150.000€ ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit que M. [J] a subi un préjudice moral qu'il a justement évalué à 100.000€, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef ;

Sur les autres demandes,

Considérant que les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre, qui succombent en leur appel, seront condamnées aux dépens et devront en outre indemniser les intimés ainsi qu'il est dit au dispositif ;

PAR CES MOTIFS,

Par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Vu l'arrêt du 15 septembre 2011,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre à payer à M. [J] la somme de 150.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la perte de sa commission,

Condamne in solidum les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 15.000€ à M. [Y] ès qualités de liquidateur de la SAS Loft à M.

[J] et la somme de 15.000€ à M. [J],

Déboute les parties de toute autre demande,

Condamne in solidum les sociétés Chantepierre, Rofalgos et Groupement forestier du Mont Nègre aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/02626
Date de la décision : 13/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°10/02626 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-13;10.02626 ?
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