Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 06 DECEMBRE 2012
(n° , 15 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06846
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 février 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2008001743
APPELANTE
SA GAN EUROCOURTAGE IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, pris en sa qualité d'assureur de la société SAS BAOBAG
Ayant son siège social
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Arnault BUISSON FIZELLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0496
INTIMÉES
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège scoial
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Me Bruno REGNIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée de Me Franck REIBELL, avocat au barreau de PARIS, toque : R226
SOCIETE TIMAC AGRO anciennement dénommée AGRIVA prise en la personne de son représentant légal
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN en la personne de Me Bruno REGNIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0050
Assistée de Me Franck REIBELL, avocat au barreau de PARIS, toque : R226
SAS BAOBAG exerçant sous l'enseigne SACHERIE DU MIDI prise en la personne de son président et Directeur Général et/ou tous représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Clotilde CHALUT NATAL, avocat au barreau de PARIS, toque : R295
Société DEBANT BB DFIS TICARET Société de droit Turc prise en la personne de ses représentants légaux
Avni Dilligil sokak Ayja Mecidiyeköy
[Localité 9]
[Localité 11] TURQUIE
Non assignée à la présente procédure
Société STORSACK INTERNATIONAL GMBH Société de droit Allemand prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 18]
[Localité 15]
GERMANY
Représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC en la personne de Me Patrice MONIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J071
Assistée de Me Christian KUPFERBERG, avocat au barreau de PARIS, toque : R188
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère, faisant fonction de Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société Reno, aux droits de laquelle vient la société Interfertil France (la société Interfertil), devenue en cours d'instance la société Timac Agro fait partie du groupe de sociétés Roullier. Le 14 janvier 2005, elle a commandé, dans le cadre d'un contrat de fourniture conclu au nom du groupe avec à la société Sacheries du Midi, devenue la société Baobag, environ 6 000 sacs en polypropylène d'une contenance de 600 kilos, appelés « big-bags ».
Pour exécuter cette commande ,la société Sacheriess du Midi s'est approvisionnée auprès de la société de droit turc Debant BB DFIS Ticaret (la société Debant) qui lui a fourni des « big-bags » qui ont été soit fabriqués par elle-même et comportent la désignation « produced by Debant », soit fabriqués par des entreprises tierces, parmi lesquelles la société de droit estonien Uritus, et qui sont désignés par les termes « supplied by Debant ».
La société Uritus achetait la toile utilisée pour la fabrication des sacs auprès de différents fournisseurs dont la société de droit allemand Storsack International Gmbh (la société Storsack), cette dernière s'approvisionnant auprès de divers fabricants dans le monde entier et notamment, à l'époque des faits, auprès de la société de droit vietnamien Plastic 04.
Livrés à la fin du mois de mars 2005, les sacs ont été employés par la société Interfertil pour commercialiser des engrais auprès de 180 clients en France et en Espagne par l'intermédiaire de différents distributeurs.
Au début du mois de juillet 2005, la société Interfertil a été informée par certains clients que la toile de « big-bags » livrés au printemps de la même année se détériorait par simple pression du doigt et présentait un risque de déchirement lorsque le sac était soulevé.
Estimant qu'il résultait de cette situation un risque de dommages corporels, la société Interfertil a mis en place au mois d'août 2005 une procédure d'alerte et procédé au rappel d'une grande partie des sacs distribués.
Cette société a sollicité du juge des référés du Tribunal de commerce de Paris la désignation d'un expert, demande qui a été accueillie par ordonnance du 12 octobre 2005. La mesure d'expertise a été étendue aux sociétés Debant et Uritus par ordonnance du 19 mai 2006, puis à la société Storsack par ordonnance du 30 juin 2006.
L'expert a déposé son rapport le 8 février 2007.
Par acte du 2 janvier 2008, les sociétés Axa Corporate Solutions Assurance (la société Axa) et son assurée la société Timac Agro ont fait assigner en paiement de leurs préjudices la société Baobag et son assureur la société Gan Eurocourtage Solutions Assurance (la société Gan) devant le Tribunal de commerce de Paris.
Par acte du 12 mars 2008, la société Gan a transmis des demandes aux fins de signification ou de notification à l'étranger d'une assignation en intervention forcée à l'encontre de la société de droit turc Debant et de la société de droit estonien Uritus, ainsi que de la société de droit allemand Storsack.
Par acte du 30 mars 2009, la société Uritus a transmis des demandes aux fins de signification ou de notification à l'étranger d'une assignation en intervention forcée à l'encontre de la société de droit turc Debant Plastik Sanyii AS et de la société de droit hollandais Hepack BV.
Par un jugement en date du 24 février 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- joint les quatre instances en un seul jugement,
- pris acte des désistements de la société Axa et de la société Interfertil des actions engagées contre la société Uritus,
- pris acte de l'absence de régularisation de la part de la société Uritus qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire,
- condamné solidairement la société Gan et la société Debant à verser la somme de 650 000 euros à la société Axa avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 mars 2008 et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamné solidairement la société Gan et la société Debant à verser à la société Axa la somme de 16 492,87 euros en remboursement des frais d'expertise,
- condamné solidairement la société Gan et la société Debant à verser à la société Axa la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société Gan et la société Debant à verser à la société Storsack la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- dit n'y avoir pas lieu à l'exécution provisoire,
- débouté les parties pour leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 8 avril 2011 par la société Gan contre cette décision .
Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 septembre 2012, par lesquelles la société Gan demande à la Cour de :
A titre principal,
- constater l'absence de démonstration par le rapport d'expertise de l'implication de la société Baobag dans la survenance des désordres,
- constater l'absence de respect par la société Interfertil et certains de ses clients des consignes de stockage des big-bags litigieux,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Baobag,
dire la société Baobag non responsable des désordres survenus durant l'été 2005 sur les sacs big-bags supplied by Debant,
- mettre hors de cause la société Gan, ès qualité d'assureur de la société Baobag,
A titre subsidiaire,
- constater que l'ensemble des postes de préjudices sont exclus par l'article 30 a de la garantie de la société Gan,
- à défaut, constater que les préjudices s'analysent en des dommages immatériels non consécutifs,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Gan à dédommager la société Interfertil du montant intégral de ses préjudices,
- mettre hors de cause la société Gan,
- à défaut, dire que la société Gan ne saurait garantir la société Baobag que dans la stricte application du plafond de garantie de 150.000 euros avec une franchise de 750 euros, s'agissant en l'espèce de dommages immatériels non consécutifs,
A titre plus subsidiaire,
- constater que la société Debant a fourni à son cocontractant la société Baobag les sacs litigieux,
- constater que la société Storsack est le fournisseur de la toile litigieuse fournie à la société Uritus,
En conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Debant dans la survenance des désordres,
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas condamné la société Debant à garantir intégralement la société Gan et son assuré,
réformer le jugement entrepris en ce qu'il a refusé de retenir la responsabilité de la société Storsack dans la survenance des désordres,
- condamner la société Debant, sur un fondement contractuel, et la société Storsack, sur un fondement quasi-délictuel, à garantir la société Gan de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre cette dernière dans la stricte limite de son contrat d'assurance, à savoir un plafond de 150.000 euros de dommages immatériels non consécutifs et une franchise de 750 euros,
En tout état de cause,
- constater le non respect par la société Interfertil et son assureur du contradictoire au cours des opérations d'expertise concernant le chiffrage des préjudices,
- constater que le montant des préjudices opposables aux parties à la procédure ne saurait être supérieur à la somme globale de 477.330 euros,
En conséquence,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a arrêté le montant des préjudices à la somme globale de 650.000 euros,
- fixer le montant du préjudice allégué à la somme maximale de 477.330 euros,
- condamner, à titre principal, les sociétés Interfertil et Axa à payer à la société Gan la somme de 50.000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner, à titre subsidiaire, les sociétés Debant et Storsack à payer cette somme à la concluante.
La société Gan soutient que le rapport d'expertise ne démontre pas l'implication de la société Baobag dans la survenance des désordres. Selon elle, le rapport n'établit pas la preuve d'une fourniture défaillante, mais constate les mauvaises conditions de stockage des sacs litigieux.
Elle fait valoir l'exclusion de garantie prévue par la police d'assurance souscrite par la société Baobag. À défaut, elle invoque les limites de garantie prévue par la police d'assurance couvrant les seuls dommages immatériels non consécutifs.
La société Gan considère également que la responsabilité contractuelle de la société Debant doit être engagée, pour la garantir intégralement ainsi que la société Baobag de toutes condamnations. De même, elle considère que la responsabilité de la société Storsack, en qualité de sous-traitant est engagée.
Enfin, la société Gan demande la révision du quantum des préjudices au paiement desquels elle a été condamnée. Elle fait valoir que le principe du contradictoire au cours des opérations d'expertise concernant le chiffrage des préjudices n'aurait pas été respecté et que la somme maximale des préjudices ne devrait pas dépasser 477.330 euros.
Vu les dernières conclusions d'appel incident, signifiées le 2 septembre 2011, par lesquelles la société Baobag, anciennement dénommée société Sacheriess du Midi, demande à la Cour de :
À titre principal,
- prendre acte que la société Baobag s'associe à la demande principale effectuée par la société Gan ;
- recevoir en conséquence la société Baobag en son appel incident ;
- réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal a conclu à la responsabilité de la société Baobag ;
En conséquence,
- dire et juger que la responsabilité de la concluante n'est pas engagée comme soutenu par son assureur ;
- débouter les parties de toute demande à son égard.
À titre subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Gan à relever et garantir la concluante en totalité, avec, par voie d'infirmation, Debant, Storsack pour les motifs invoqués contre elles par la société Gan ;
- condamner la société Gan à payer à la concluante une indemnité de 15 000 euros en vertu de l'article 700 dommages-intérêts code de procédure civile.
La société Baobag soutient que la direction du procès étant assurée par la société Gan, elle fait sienne ses écritures concluant à son absence de responsabilité qui n'est pas démontrée par les conclusions du rapport d'expertise. Elle fait valoir que la société Gan a attendu que l'expertise soit rendue pour dénier la garantie des préjudices dont la société Timac Agro demande réparation et qu'entre 2005 et le 8 février 2008 aucune réserve de garantie n'a été émise. Elle estime que seul l'article 24 du contrat est applicable aux dommages en cause et que l'article 30 est inapplicable puisque les sacs ont été vidés de leur contenu, ce qui a généré des frais qui constituent l'essentiel de la réclamation. Elle ajoute que les frais engagés sont bien consécutifs à la défectuosité des sacs et que le courtier d'assurance le lui a confirmé.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 27 mars 2012, par lesquelles les sociétés Axa et Timac Agro, anciennement dénommée Agriva, demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont constaté le principe de responsabilité de la société Baobag et la pleine et entière garantie de son assureur la société Gan,
- y ajoutant, et infirmant le jugement rendu, dire et juger bien fondées la société Axa et la société Timac Agro à solliciter la condamnation de la société Baobag, aux côtés de son assureur Gan,
- sur la mise en cause de la société Axa et son assuré la société Storsack, dans l'hypothèse où il serait fait droit à l'argumentation développée par la société Gan dans ses écritures,
- dire et juger bien fondées la société Axa et son assuré la société Timac Agro, à solliciter la condamnation in solidum aux côtés des autres défendeurs de la société Storsack,
- par voie de conséquence, constater, dire et juger bien fondée la société Axa à solliciter la condamnation in solidum de la société Boabag, de son assureur Gan et de la société Storsack à lui régler la somme de 686.252,30 euros, somme qui sera assortie des intérêts légaux à compter de la date de leur versement, soit à compter du 11 septembre 2006 pour la somme de 500.000 euros et à compter du 26 juillet 2007 pour la somme de 186.252,30 euros.
- dire et juger bien fondée la société Timac Agro à solliciter la condamnation in solidum de la société Baobag, de son assureur Gan et de la société Storsack, à lui verser la somme de 149.843,70 euros à titre de dommages et intérêts, somme qui sera assortie des intérêts légaux à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance,
- dire et juger qu'il sera fait application de la capitalisation des intérêts en application des articles 1154 du code civil, dès qu'ils seront dus pour une année entière,
- condamner in solidum les défendeurs à régler à la compagnie Axa la somme de 16.492,87 euros en remboursement des frais d'expertise judiciaire,
- condamner in solidum les sociétés Baobag, Gan et Storsack à verser à la société Axa, la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés Axa et Timac Agro soutiennent que les désordres ont bien pour origine la mauvaise qualité de fabrication ou à tout le moins la qualité de fabrication différente des deux catégories de sacs. Elles indiquent que les sacs « supplied by Debant » ne répondaient pas à leur fonction dans la mesure où il était constant que les problèmes de solidité enregistrés sur ces sacs ont conduit à prendre des mesures de précaution et à déclencher l'expertise judiciaire. Elles estiment que les opérations d'expertise ont révélé et mis en évidence la réalité du sinistre et la nécessité de mettre en 'uvre d'urgence la procédure de retrait et considèrent que la responsabilité de la société Baobag est pleine et entière.
Elles font également valoir que l'objet du litige ne porte pas exclusivement sur des dommages immatériels mais bien sur des dommages matériels garantis, notamment au titre des pertes de produits. Selon elles, la société Sacheriess du Midi, devenue la société Baobag, est bien couverte de sa responsabilité civile, après exploitation, pour tout dommage matériel et immatériel consécutifs dans la limite de 1.500.000 euros, soit un montant largement supérieur aux réclamations formées par elles.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 5 avril 2012, par lesquelles la société Storsack demande à la Cour de :
- constater, dire et juger que la société Axa ne justifie pas être valablement subrogée dans les droits de son assuré pour obtenir les restitutions des indemnités, dont elle ne démontre pas davantage qu'elles ont été versées en exécution de la police d'assurance,
- en conséquence, déclarer la société Axa irrecevable en sa demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Baobag et la société Storsack,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Gan et les autres parties ne sont pas fondées à invoquer la responsabilité de la société Storsack, au motif que,
l'expert nommé par le Tribunal a indiqué dans son rapport que les documents versés aux débats ne permettent pas à son avis de démontrer de manière certaine que les big-bags ont été fabriqués à partir de la toile Storsack,
si la société Gan invoque la mauvaise foi de la société Storsack qui se serait refusé à fournir des échantillons de toile de l'expert, ceci peut parfaitement s'expliquer par le fait que la toile n'a jamais transité par ses locaux et que l'expert a confirmé que la société Storsack n'avait pas fait obstruction à son égard,
la dernière commande de toile effectuée par la société Uritus auprès la société Storsack remonte à 15 mois avant la commande effectuée par la société Baobag auprès des sociétés Debant/ Uritus et que ce décalage jette un doute sérieux sur le fait que ce serait la toile de la société Storsack qui aurait été utilisée et que cela confirme de toute façon que la société Storsack ne pouvait être au courant de l'utilisation finale de la toile par la société Interfertil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Gan à payer à la société Storsack la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Gan à payer à la société Storsack la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Storsack soutient que l'action subrogatoire exercée par la société Axa est irrecevable. Selon elle, les documents produits ne permettent pas de vérifier le caractère justifié du règlement de l'indemnité. De plus, la société Axa ne justifierait pas avoir payé l'indemnité d'assurance au représentant de cette société.
La société Storsack soutient que pour qualifier de quasi-délictuelle l'action directe exercée par la société Gan, celle-ci transpose ' à tort - dans l'ordre international, un raisonnement erroné en droit interne. Elle explique que le litige s'inscrit dans une succession de contrats de vente, que l'action est donc de nature contractuelle et qu'en application de la convention de La Haye du 15 juin 1955, le litige doit être soumis au droit allemand. Elle fait valoir que la société Gan ne démontre pas que la société Storsack a vendu la toile litigieuse à la société Uritus. Enfin, elle soutient que l'expertise n'établit aucun fait susceptible d'engager la responsabilité de la société Storsack.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La société Gan qui demande la condamnation de la société Debant à la garantir des sommes qu'elle serait condamnée à payer, l'a faite assigner devant la cour d'appel et lui a signifié la déclaration d'appel, ainsi que ses conclusions par acte du 22 juillet 2011. Elle a par ailleurs, fait signifier ses conclusions récapitulatives le 5 octobre 2012. Ces actes ont été transmis conformément aux dispositions de la convention de La Haye du 15 novembre 1965 sur la notification à l'étranger des actes judiciaires ou extrajudiciaires en matière civile et commerciale. Elle ne produit cependant pas les attestations de l'autorité turque indiquant que la demande a été exécutée. La société Debant n'a pas constitué avocat. Dès lors le présent arrêt sera rendu par défaut.
Sur la recevabilité de la société Axa
Contrairement à ce que soutient la société Storsack, l'avenant n° 8 au contrat d'assurance de responsabilité civile n° 162 002 127 20, conclu entre la société Compagnie financière et de participation Roullier (la société CFPR) et la société Axa, qui ne concerne que le montant des primes et franchises ainsi que « l'exclusion des conséquences de la faute inexcusable de l'assuré en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle et la garantie subséquente par dérogation partielle », n'est pas applicable à l'espèce qui ne concerne pas la commission d'une faute par la société Timac Agro.
En revanche, l'avenant n° 1 au même contrat conclu entre la société CFPR, pour l'ensemble des sociétés composant ce groupe, parmi lesquelles est mentionnée la société Reno, aux droits de laquelle vient la société Timac Agro, énonce que sont garantis par la société Axa, au titre des « Frais de retrait », « les frais engagés par l'assuré pour récupérer (') les produits qu'il a distribués, à quelque titre que ce soit dès l'instant où tout ou partie ces produits s'avèrerait ou serait supposé atteint d'un vice, commun à tout où partie de la production ou série de la production, et susceptibles de causer des dommages corporels ou matériels à autrui ». Il importe peu que les risques de dommages aient résulté de l'emballage des produits et non d'un vice intrinsèque à ces derniers, puisque ces emballages font partie d'un ensemble constitutif des produits distribués par la société Timac Agro. Il résulte donc des termes de la clause, ci-dessus reproduite, que c'est à juste titre qu'en exécution de cette disposition de la police, la société Axa a versé à la société Timac Agro les sommes dont elle poursuit le remboursement dans la présente instance.
Les pièces produites démontrent que les indemnités ont été versées par la société Axa, d'une part, le 11 septembre 2006, entre les mains de « M. [I], agissant en qualité de représentant du Groupe Roullier, cette somme « représentant une provision à valoir sur l'indemnité qui m'est due en application de la garantie « frais de retrait » prévue au contrat n° 16200212720, et dans le cadre du sinistre qui m'oppose à la société Sacheries du Midi concernant des big-bags défectueux », d'autre part, le 26 juillet 2007, entre les mains de M. [I], « agissant en qualité de représentant de la société Reno aujourd'hui dénommée Interfertil France » et représentant le solde de l'indemnité qui m'est due en application de la garantie « frais de retrait » prévue au contrat n °16200212720, et dans le cadre du sinistre qui m'oppose à la société Sacheries du Midi concernant des big-bags défectueux ». Il se déduit de ces indications que les versements ont été effectués en application du contrat conclu entre la société CFPR et la société Axa qui comportait bien la garantie des « Frais de retrait ». La circonstance que le versement ait été effectué entre les mains de M. [I], déclarant intervenir au nom du « groupe Roullier » n'est pas de nature à permettre de conclure que la société Axa n'aurait pas versé les indemnités à la société Reno aujourd'hui dénommée société Timac Agro directement victime des dommages visés. En effet, si un « Groupe de sociétés » n'est pas une entité pourvue de personnalité morale, ces termes correspondent à la désignation courante des sociétés qui agissent en représentation de filiales appartenant à un même groupe et le contrat ayant été conclu par la CFPR au nom d'un certain nombre de filiales, dont la société Réno, devenue société Interfertil France et aujourd'hui société Timac Agro, la mention du versement de l'indemnité au « groupe », entre les mains d'une personne qui, ainsi qu'on le verra ci-dessous, représentait la société Interfertil, signifie que cette indemnité a bien été versée à la victime du dommage, la société Interfertil, devenue société Timac Agro.
Par ailleurs, la société Timac Agro produit une attestation délivrée par M. [Z], président du directoire de la société CFPR et président de la société Interfertil, qui précise que « M. [I], est dûment habilité en sa qualité de « Risk manager », à régulariser pour le compte de la société Interfertil les quittances d'indemnité émises par la société Axa dans le cadre du sinistre n ° 100514000565, objet des opérations d'expertise de M. [E] ». Les termes de cette attestation sont suffisamment clairs et précis pour conduire la cour d'appel à considérer que la société Interfertil a bien délégué à M. [I] le pouvoir de percevoir, en son nom, les indemnités d'assurance en cause à la date où elles ont été versées.
Il se déduit des éléments ainsi relevés qu'il est établi que la société Axa a bien versé, en exécution du contrat n° 16200212720, les indemnités d'assurance à la société Timac Agro, ou, à tout le moins, à une personne morale puis physique qui la représentait, qu'elle est donc bien subrogée dans ses droits et qu'elle a, à ce titre, qualité à agir dans le litige relatif à la détermination de la cause et donc de la responsabilité du dommage subi.
Sur la cause du dommage
Il n'est pas contesté par les parties que le 11 janvier 2005, la société Timac Agro, alors dénommée Réno, a commandé 6 000 « big-bags » dune capacité de contenance de 600 kilos à la société Baobag, alors dénommée société Sacheries du Midi, que celle-ci a commandé ces sacs à la société Debant qui, ne pouvant satisfaire à l'ampleur de la commande, a demandé la fabrication d'une partie de ces sacs à la société Uritus qui les a fabriqués sous la désignation « supplied by Debant » et les a livrés, le 25 mars 2005, directement à la société Timac Agro, sans transiter par les locaux de la société Baobag et que la société Baobag a adressé la facture des 6 000 sacs à la société Timac Agro. Il est aussi établi que par lettre recommandée du 20 juillet 2005, la société Timac Agro a rappelé qu'elle avait informé la société Baobag des réclamations de ses clients du réseau français ayant constaté des déchirures sur les sacs « big-bags » comportant la mention « supplied by Debant » et que le 22 juillet 2005, la société Timac Agro a décidé de procéder au rappel des 6 000 sacs comportant la mention « supplied by Debant » auprès des clients français et espagnols les ayant achetés et qu 'elle en a averti la société Baobag.
Le rapport de l'expert judiciaire désigné par ordonnance du 12 octobre 2005 ainsi que les annexes à ce rapport permet de constater que les désordres sont apparus sur les sacs « supplied by Debant », tandis que les sacs « produced by Debant » ne présentaient pas de détérioration. Le rapport et ses annexes démontrent aussi que si le rapport grammage/ surface était conforme au cahier des charges et les mesures de résistance des fils de polypropilène des manchons étaient proches pour les deux produits, en revanche, les fils des sacs « supplied by Debant » étaient différents de ceux des sacs « produced by Debant », les premiers se dégradant beaucoup plus rapidement que les seconds et que cette propriété constitue la cause essentielle des désordres. Ce constat est d'ailleurs conforme à celui des clients de la société Timac Agro qui se sont rapidement après les livraisons, adressés à elle pour se plaindre des dommages qu'ils constataient.
La société Gan fait valoir que l'expertise et ses annexes ne permettent pas de conclure à une moindre résistance des fils. Cependant, les données citées par cette société sont relatives à la recherche de la résistance à la traction et non de la résistance à la dégradation qui a été observée par l'expert sur les sacs examinés quelque soit le lieu de leur prélèvement. Il sera par ailleurs observé qu'il importe peu que l'expert n'ait pas pu opérer de contrôle sur la toile d'origine dans la mesure où il a pu examiner les sacs qui posaient en l'espèce problème et que le fait que des sacs « produced by Debant » se trouvaient mélangés à des sacs « supplied by Debant » n'a pas pu fausser les résultats des analyses dans la mesure où ces sacs étaient parfaitement différenciables, les sacs « produced by Debant » ayant des manchons collés, tandis que les manchons des sacs « supplied by Debant » étaient cousus, l'expert ayant précisé ce point lorsqu'il a eu à analyser les toiles des sacs et des manchons.
Par ailleurs, si les consignes de stockage inscrites sur les sacs n'ont pas été respectées et qu'il a pu être observé que les sacs retrouvés en très mauvais état avaient été entreposés dans un endroit soumis aux intempéries, cette circonstance n'est pas de nature à exonérer la société Baobag de sa responsabilité envers la société Timac Agro, puisqu'il est constant que les désordres sont apparus dès juillet 2006, alors que les sacs avaient été livrés au mois de mars précédent, soit dans un délai trop court pour que les conditions atmosphériques soient la cause des dégradations qui n'ont d'ailleurs pas été observées sur un sac « produced by Debant » de 2004 et stocké dans les mêmes conditions (Réunion du 5 octobre 2006). Enfin, le fait que 17 550 autres sacs « supplied by Debant » auraient été livrés à la société Timac Agro par la société Uritus depuis son site estonien et n'auraient pas posé de problème, conforte l'idée que les 6 000 sacs ayant présenté une dégradation rapide constituaient un lot atteint d'un vice de fabrication.
Il est donc établi que la cause des dommages réside dans un défaut intrinsèque aux sacs livrés par la société Uritus, pour le compte de la société Baobag à laquelle ils avaient été commandés par la société Timac Agro et que la société Baobag a engagé sa responsabilité contractuelle envers sa cliente la société Timac Agro.
Sur la responsabilité de la société Debant
L'expert judiciaire a rappelé le circuit de fabrication et livraison des « big-bags » tel qu'il lui a été présenté, de la façon suivante : « la société vietnamienne Plastique 04 fournit la toile à la société de droit allemand Storsack, cette toile est envoyée à Uritus société estonienne qui fabrique le big-bag pour la société turque Debant-Hepack qui fournit le produit à la société Sacheries du Midi (aujourd'hui société Baobag), fournisseur en big-bag de Reno ( aujourd'hui société Timac Agro) ».
Ainsi que le relève le jugement, cette société a été informée des différentes phases de l'expertise, puis de la procédure en première instance et elle n'a pas déposé de conclusions.
Il résulte des éléments du dossier, relevés ci-dessus, que le dommage pécuniaire subi par la société Timac Agro qui a dû faire enlever les sacs « supplied by Debant » auprès de ses clients, puis faire retraiter le contenu a été causé par une défaillance de ces sacs, vendus par la société Debant à la société Baobag puis vendus par elle à la société Timac Agro. La société Debant doit donc garantie à la société Baobag des frais d'enlèvement et de retraitement supportés par la société Timac Agro et son assureur.
Sur la responsabilité de la société Storsack
Le rapport d'expertise a indiqué qu'il n'était pas « démontré de manière certaine que les « big bags » Uritus ont été fabriqués à partir de la toile storsacks ». Il fonde cette affirmation sur le fait que les documents comptables qui lui ont été adressés n'étaient pas probants mais aussi et surtout sur le constat que les dates mentionnées sur les documents transmis démontraient que la livraison de la toile était antérieure de plus de six mois à la réception de la commande.
À ce sujet, le fait que l'expert ait, dans la description du circuit du big bag, énoncé en début de rapport que « la toile était vendue par la société Storsack » est sans conséquence sur la démonstration de la réalité de la vente de la toile par cette société à la société Uritus et donc de sa responsabilité. En effet, l'affirmation ainsi invoquée par la société Gan, n'a d'autre fonction que de permettre au lecteur de comprendre comment se succédaient les opérateurs en cause dans le litige et non de donner des éléments pour déterminer la responsabilité de ces derniers. Il est de même sans conséquence qu'il résulte du dire n° 3 du 10 novembre 2006 de la société Uritus que « les toiles appartiennent à Storsack ». En effet, cette société décrit les relations de partenariat entre les sociétés Storsack et Uritus, dans le cadre duquel « tout tissu livré par Storsack à Uritus et se trouvant en stock en Estonie, reste propriété de Storsack jusqu'à ce qu'Uritus ne rachète une quantité nécessaire à ses besoins propres ou que le solde commercial Uritus/Storsack ne soit positif au bénéfice d'Uritus », cependant, ce dispositif propre aux relations entre les deux sociétés n'implique pas que la société Uritus ne se fournisse pour ses besoins en toiles qu'auprès de la société Storsack. Ainsi que cette dernière le relève, la société Uritus fonde sa démonstration de la responsabilité de la société Storsack sur l'analyse d'un tableau des différents états de son stock mentionnant l'utilisation des rouleaux de tissus ainsi que la quantité de produits fabriqués et leurs caractéristiques, poids des résidus ou de la partie du tissu non utilisable. Cependant aucune mention de ce tableau ne permet d'affirmer que la commande n°EG 1092, qui correspond à celle des produits litigieux, aurait été réalisée avec du tissu Storsack. Par ailleurs, la société Uritus produit des tableaux manuscrits relatifs aux réalisations quotidiennes qui mentionnent à plusieurs reprises le montant de cette commande mais ne renseignent pas sur le tissu utilisé. Enfin, la société Uritus a affirmé, dans un dire n° 4 du 19 janvier 2007, que le tissu avait été livré le 19 décembre 2003, et qu'il avait été utilisé lors d'opérations mentionnant le numéro de la commande 1092 en mars 2005, soit dans un délai de plus de 14 mois, alors que la commande de la société Debant datait du 14 janvier 2005, soit un délai de 13 mois. Ces délais écoulés entre la livraison du tissu et la commande des sacs ,ainsi que leur réalisation, ajoutent une incohérence dans le déroulement des opérations. Il résulte de ces incertitudes qu'il n'est pas établi que les sacs litigieux auraient été fabriqués avec de la toile vendue à la société Uritus par la société Storsack et que la responsabilité de cette dernière ne peut être retenue. Il ne ressort pas non plus des pièces produites et notamment du rapport de l'expert que la société Storsack aurait manqué à ses obligations dans le fait qu'elle ne réussisse pas à obtenir de renseignements auprès de son propre fournisseur sur les composants de la toile incriminée.
Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de déterminer sous quel régime de droit allemand ou français cette responsabilité doit être examinée.
Sur le quantum et la nature des préjudices
La société Timac Agro et la société Axa exposent que les préjudices s'évaluent de la manière suivante :
frais de retrait et de relivraison :
725 619 euros
frais de retraitement de l'engrais :
58 454 euros
Perte de produit
14 700 euros
Frais de gestion
37 323 euros
La société Gan et la société Baobag contestent les conditions dans lesquelles la société Axa et son assuré la société Timac Agro ont déposé les pièces justificatives du montant total du préjudice subi. Elles opposent qu'elles n'ont pas pu discuter les pièces en question puisque celles-ci ont été adressées aux parties le 30 janvier 2007 et que l'expert a déposé son rapport le 8 février 2007. Cependant, elles n'apportent aucun élément qui contredirait l'exactitude ou le bien fondé de ces pièces.
Elles contestent le bien fondé des frais engagés pour le retrait et la « relivraison » et indiquent à ce sujet que lors de la réunion tenue entre la société Baobag, la société Timac Agro et leurs assureurs le 10 août 2005, il avait été envisagé de ne procéder à un retrait des sacs d'engrais que pour certains clients de la société Timac Agro et de les laisser chez les clients en ayant commandé une quantité moindre en leur demandant de couper les manchons afin qu'ils ne puissent être déplacés, moyennant une réduction de 30 %, solution qui aurait ensuite été refusée par la société Axa. Il convient cependant de relever que les dommages relevés sur les sacs en cause, montrés et décrits dans le rapport d'expertise, conduisaient à nourrir des craintes légitimes sur leur solidité et que, dans la mesure, où ils étaient destinés à être soulevés il était plus conforme à la sécurité des personnes et des matériels d'adopter la solution de l'enlèvement plutôt que celle du maintien chez les clients, même en procédant au découpage des manchons pour empêcher leur déplacement. Cette analyse est d'ailleurs confirmée par l'expert.
Il ressort par ailleurs des échanges de lettres produites au dossier que le 25 juillet 2005, la société Réno (société Timac Agro) a adressé une télécopie à la société Sacheries du Midi (société Baobag) par laquelle elle indiquait en renvoyant à un mail du 22 juillet précédent que « (') Dans ce mail, vous nous confirmiez avoir pu constater à nouveau les graves problèmes de résistance mécanique des big-bags en référence à l'occasion de visites chez nos clients COOPEVAL à [Localité 19] et POINT VERT à [Localité 21].
En raison des risques importants d'accident corporels pour les utilisateurs de ces big-bags, nous vous confirmons par la présente, avoir lancé dès le 22/07/05, une procédure de retrait de l'ensemble des livraisons effectuées avec ces big-bags.
Nous avons bien noté votre total accord avec le lancement de cette procédure d'urgence dont l'ensemble des coûts et préjudices subis par la société Réno vous seront finalement répercutés. ». Aucune pièce du dossier ne démontre que la société Sacheries du Midi aurait émis une quelconque réserve, autre que celles exprimées par son assureur dans le cadre de l'expertise et écartées ci-dessus, envers cette procédure.
S'agissant de l'indemnisation du coût de l'opération de retrait, elle ne saurait être limitée au montant du coût de revient du prix de la tonne d'engrais multiplié par le nombre de tonnes de produit enlevées, contrairement à ce que soutient la société Gan. L'indemnisation de la totalité du préjudice subi commande en effet d'évaluer ce dernier au coût réel de l'opération nécessitée par la dégradation des sacs fournis par la société Sacheries du Midi. En outre, si la société Gan a, dans le cadre de l'expertise, contesté le coût de cette procédure, il convient cependant de relever que la société Timac Agro a produit les factures correspondantes justifiant de sa mise en 'uvre et que ni la société Gan, ni les sociétés Baobag et Debant n'ont contesté la réalité des prestations .
La société Axa justifiant avoir versé la somme totale de 686 252,30 euros, elle devra être indemnisée de cette somme, ainsi qu'il sera précisé ci-dessous et la société Timac Agro devra être indemnisée de la somme de 149 843,70 euros demeurant à sa charge.
Au regard de ce qui précède, la société Baobag sera solidairement avec la société Debant BB DFIS Ticaret condamnée à payer à la société Timac Agro la somme de 149 843,70 euros et à la société Axa la somme de 686 252,30 euros.
Sur la garantie de la société Gan à la société Baobag
Sur la renonciation de la société Gan aux exceptions à l'encontre de la société Baobag
En application de l'article L. 113-17 du code des assurances, l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès. Il n'est cependant pas établi que la société Gan ait en l'espèce, pris la direction du procès. En effet, dès le 25 novembre 2005, la société Gan a indiqué dans une lettre adressée au conseil de la société Baobag que faute pour ce dernier d'avoir attrait les sociétés Debant, Hépack et Uritus à la procédure de référé expertise, elle avait décidé d'y procéder, pour conserver une possibilité de recours contre celles-ci, mais que « sa lettre ne saurait être interprétée comme une reconnaissance quelconque de garanties », elle a d'ailleurs procédé à ces mises en cause, pour son propre compte et non pour celui de la société Baobag. Enfin, elle a adressé à la société Baobag le 19 mars 2008, une lettre recommandée avec avis de réception par laquelle elle indiquait que tout au long de la procédure d'expertise, elle avait invoqué l'exclusion de garantie en application de l'article 30 du contrat et qu'en tout état de cause, les dommages n'étant que « non consécutifs » sa garantie serait limitée au plafond de 150 000 euros et elle l'informait de l'intérêt pour elle de continuer à mandater son conseil habituel. L'ensemble de ces précautions et avertissements démontrent que la société Gan n'a pas pris la direction du procès et n'a pas laissé la société Baobag dans l'ignorance de sa position dans le litige. En conséquence, elle peut opposer à son assurée les exceptions de sa garantie.
Sur la portée des exceptions
Le contrat d'assurance souscrit par la société Baobag auprès de la société Gan définit à son article 1,h, comme constituant un dommage immatériel « Tout préjudice pécuniaire tel que ' privation de jouissance d'un droit, - perte d'un bénéfice, - conséquence de l'arrêt d'activité d'une chose ou d'une personne et consécutif à des dommages corporels ou matériels garantie ». Par ailleurs aux termes de l'article 24 du contrat d'assurance souscrit par la société Baobag auprès de la société Gan que « Par dérogation partielle au paragraphe n) de l'article 28 ci-après et dans la mesure où la présente garantie est expressément prévue aux Conditions Particulières, les effets du présent contrat sont étendus aux conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l'assuré peut encourir en raison : des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers
- Par les matériels ou produits fabriqués, fournis et/ou vendus par l'assuré
- Survenus après livraison des desdits matériels ou produits
- Ayant pour origine une faute professionnelle de l'assuré ou de son personnel ou sont dus à un vice de conception ou de fabrication ou à une erreur dans la préparation, le conditionnement, le stockage ou les instructions d'emploi (...)». Sont donc dans le champ de la garantie les dommages immatériels causés aux tiers par les matériels vendus par la société Baobag, intervenus après livraison et qui ont pour origine un vice intrinsèque au matériel livré. En conséquence, les dommages immatériels causés par des sacs vendus par la société Baobag ne sont pas exclus des garanties particulières et ne sont pas concernés par l'article 28, n) du contrat qui vise les dommages de pollution.
Cependant, ainsi que le soutient la société Gan, l'article 30 du contrat exclut du bénéfice de l'assurance « les dommages subis par les matériels ou produits livrés, fournis et/ou mis en 'uvre par l'assuré (...) ainsi que les frais nécessités par la dépose et la repose, le remplacement ou le remboursement desdits matériels produits, ou travaux». Cette disposition est bien applicable au préjudice financier résultant d'une part, de la nécessité d'enlèvement des sacs, procédure visée par cette clause sous le terme de « dépose », d'autre part, des frais annexes à cette procédure d'enlèvement de gestion, de retraitement et de perte de produit, dont la société Timac Agro et son assureur demandent réparation à la société Baobag.
Dès lors la société Gan doit être mise hors de cause.
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L'équité commande de rejeter les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par défaut, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a
- joint les instances enregistrées sous les numéros 2008001743, 2008022530, 2008027428, 2009026912 ;
- pris acte des désistements de la société Axa et de la société Interfertil des actions engagées contre la société Uritus,
- pris acte de l'absence de régularisation de la part de la société Uritus qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire,
INFIRME le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
DIT recevable l'action de la société Axa Corporate Solutions Assurances ;
CONDAMNE solidairement la société Baobag et la société Debant BB DFIS Ticaret à verser la somme de 686 272, 30 euros à la société Axa Corporate Solutions Assurances avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 mars 2008 et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil, ;
CONDAMNE solidairement la la société Baobag et la société Debant BB DFIS Ticaret à verser à la société Axa Corporate Solutions Assurances la somme de 16 492,87 euros en remboursement des frais d'expertise ;
CONDAMNE solidairement la société Baobag et la société Debant BB DFIS Ticaret à verser la somme de 149 843,70 euros à la société Timac Agro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 2 mars 2008 et capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil ;
REJETTE les demandes formées contre la société Storsack ;
REJETTE les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement la société Baobag et la société Debant BB DFIS Ticaret aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN