Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 05 DÉCEMBRE 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/10471
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Mars 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 09/045562
APPELANTS
Société Civile EVO INVESTMENTS
prise en la personne de son gérant
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS - (Me Frédéric INGOLD - avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)
assistée de Me Lucie GAYOT (avocat au barreau de PARIS, toque : K0153)
Monsieur [Z] [R]
[Adresse 2]
CALIFORNIE
USA ETATS UNIS D'AMÉRIQUE
Représenté par la SELARL INGOLD & THOMAS - (Me Frédéric INGOLD - avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)
assisté de Me Lucie GAYOT (avocat au barreau de PARIS, toque : K0153)
INTIMÉE
SA HSBC FRANCE
prise en la personne de son Directeur Général et de son Président du Conseil d'Administration
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)
assistée de Me Didier SALLIN (avocat au barreau de PARIS, toque : C0924)
COMPOSITION DE LA COUR :
Après le rapport oral dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile et en application des dispositions de l'article 786 et 910 du même code, l'affaire a été débattue le 22 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président,
Madame Brigitte CHOKRON, Conseillère
Madame Anne-Marie GABER, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Vu l'appel interjeté le 1er juin 2011 par la société civile EVO INVESTMENTS et [Z] [R], du jugement contradictoire rendu par le tribunal de commerce de Paris le 1er mars 2011 ;
Vu les uniques conclusions des appelants, signifiées le 31 août 2011 ;
Vu les uniques conclusions de la société HSBC FRANCE, intimée, signifiées le 31 octobre 2011 ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 29 mai 2012 ;
SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'il est expressément référé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures des parties ;
Qu'il suffit de rappeler que [Z] [R] et la société EVO, qu'il contrôle et dirige, ayant cédé à la société PETIT FORESTIER 951.327 actions de la société PRO SYSTEM GROUP, la société HSBC FRANCE, suivant acte du 29 mai 2006, s'est portée caution solidaire à hauteur de 2.400.000 euros, des sommes susceptibles d'être dues par la partie cédante à la partie cessionnaire au titre de la mise en jeu garantie d'actif et de passif ;
Qu'il était stipulé que la caution sera automatiquement et de plein droit réduite à la somme de 1.200.000 euros pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 et à la somme de 600.000 euros pour la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2010 ;
Que suivant acte du 31 mai 2006, la société HSBC FRANCE a recueilli, en garantie de son engagement :
- de [Z] [R], la constitution en gage d'un panier de 3 instruments financiers souscrits pour un montant de 960.000 euros pour couvrir 40% du montant de la caution en principal et,
- de la société EVO INVESTMENTS, la constitution en gage d'un panier de 2 instruments financiers souscrits pour un montant de 1.440.000 euros pour couvrir 60% du montant de la caution en principal ;
Que [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS, estimant que la société HSBC FRANCE a engagé sa responsabilité d'une part, pour avoir refusé le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009 de libérer partiellement les fonds gagés simultanément à la réduction de plein droit et automatique de la caution bancaire, d'autre part, pour avoir manqué à son obligation de conseil et d'information dans le choix des instruments financiers qu'elle leur avait recommandés et dont l'un d'entre eux s'est avéré particulièrement risqué, l'ont assignée le 6 juillet 2009 devant le tribunal de commerce de Paris en réparation des préjudices subis ;
Que le tribunal de commerce de Paris les ayant, par le jugement dont appel, débouté de leurs prétentions, [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS les réitèrent devant la cour et poursuivent la réparation de leur préjudice respectif à concurrence de 36.340 euros avec intérêt légal à compter du 6 juillet 2009 pour [Z] [R], et de 174.950 euros avec intérêt légal à compter du 6 juillet 2009 pour la société EVO INVESTMENTS ;
Sur le grief tiré du refus de libération du gage,
Considérant qu'il ressort des pièces de la procédure que le 26 décembre 2007, soit antérieurement à la réduction automatique de la caution à 1.200.000 euros devant prendre effet au 1er janvier 2008, la société HSBC se voyait adresser par la société PETIT FORESTIER un courrier ainsi énoncé :
'La cession comportait une garantie d'actif et de passif à laquelle était attaché votre cautionnement. Ce cautionnement, d'un montant initial de 2.400.000 euros devait être réduit à la somme de 1.200.000 euros le 1er janvier 2008 à défaut de mise en jeu.
Par la présente, nous formons opposition à la réduction de votre garantie à hauteur de la somme de 857.005,61 euros conformément au détail repris en annexe.
Vous devez donc maintenir la somme de 2.057.005,61 euros à titre de garantie. La mainlevée partielle que nous autorisons est limitée à 342.994,39 euros.
L'ensemble de ces éléments ont déjà été déclarés aux vendeurs mais n'ont fait l'objet à ce jour d'aucun remboursement de leur part .' ;
Que des échanges de courriers sont intervenus entre la société HSBC FRANCE, [Z] [R] et la société PETIT FORESTIER aux termes desquels la première indiquait que l'engagement de caution pour la période expirant le 31 décembre 2008 s'élevait à 1.057.005,61 euros, compte tenu de la mainlevée partielle consentie par la société PETIT FORESTIER pour un montant de 342.994,39 euros, tandis que le deuxième sollicitait la libération des fonds gagés à concurrence de la somme de 857.006 euros, correspondant à la différence entre le montant de la caution initiale, de 2.400.005,61 euros, et le montant de la caution au 1er janvier 2008, réduit à 1.200.000 euros et que la troisième maintenait son opposition à la réduction de la caution ;
Que le président du tribunal de commerce de Paris saisi en référé par [Z] [R] et la société EVO qui invoquaient la réduction contractuelle du montant de la caution, ordonnait sous astreinte à la société HSBC FRANCE, par décision du 29 mai 2008, de libérer l'excédent de gage pour 856.520 euros, de sorte que la banque ne disposait dès lors que d'un nantissement écrêté à 1.200.000 euros ;
Que dans ce contexte, la société PETIT FORESTIER adressait encore à la société HSBC FRANCE, le 26 décembre 2008, soit antérieurement à la réduction automatique de la garantie au montant de 600.000 euros prévue pour intervenir le 1er janvier 2009, un courrier lui faisant connaître qu'elle s'opposait, compte tenu du récapitulatif joint en annexe de ses réclamations, à la réduction de la garantie et lui demandant de confirmer le maintien de sa garantie à hauteur de 1.200.000 euros ;
Que la société HSBC FRANCE, tout en informant la société EVO INVESTMENTS de l'opposition qui lui était signifiée, écrivait à la société PETIT FORESTIER le 8 janvier 2009 puis le 2 février 2009 pour lui demander de lui indiquer si elle entendait donner mainlevée de son opposition et n'obtenait aucune réponse ;
Que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, à nouveau saisi par [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS, ordonnait sous astreinte à la société HSBC FRANCE, le 13 mars 2009, de lever la part des titres nantis excédant la valeur de 600.000 euros qu'elle était autorisée à conserver en portefeuille ;
Qu'il est constant que la société HSBC FRANCE a exécuté les ordonnances de référé précitées ;
Considérant, ceci étant posé, que la société HSBC FRANCE s'est vue notifier antérieurement à chacune des réductions de la caution devant prendre effet, respectivement, selon le contrat, le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009, l'opposition de la société PETIT FORESTIER, bénéficiaire de la caution, à une réduction de sa garantie, excipant de ses réclamations à l'encontre de [Z] [R] et de la société EVO INVESTMENTS dans le cadre de la garantie de l'actif et du passif contractée lors de la cession des actions de la société PRO SYSTEM GROUP ;
Considérant que la société HSBC FRANCE fait à cet égard valoir, à juste titre, qu'il ne lui appartenait pas de prendre position dans le différend opposant la société PETIT FORESTIER à [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS alors même que les intéressés se sont gardés de le porter en justice et qu'en particulier, [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS n'ont jamais poursuivi la société PETIT FORESTIER pour faire dire que son opposition, à deux reprises, à la réduction du montant de la caution était irrégulière, injustifiée ou abusive ;
Considérant qu'il lui appartenait en revanche, en présence d'un litige mettant en jeu la garantie d'actif et de passif, du risque de se voir appelée à exécuter l'engagement de caution et, face à l'opposition de la société PETIT FORESTIER à voir réduire le montant de la caution dont elle est la bénéficiaire, du risque de voir reconnaître cette opposition bien fondée et d'avoir à réparer, le cas échéant, le préjudice de la société PETIT FORESTIER des suites de la réduction du montant de la caution ;
Considérant que les appelants ne sauraient dès lors faire grief à la société HSBC FRANCE d'avoir décidé, dans un tel contexte, de maintenir l'encours de son engagement de caution nonobstant la clause de réduction automatique du montant de la caution ;
Que, par voie de conséquence, les appelants ne sont pas fondés à reprocher à la société HSBC FRANCE d'avoir refusé de libérer les fonds gagés constitués pour sa propre garantie ;
Qu'au demeurant, force est de relever que la constitution de gage du 31 mai 2006 est donnée au regard d'une 'opération garantie' de 2.400.000 euros, par [Z] [R] à hauteur de 960.000 euros pour couvrir 40% du montant de la caution et par la société EVO INVESTMENTS à hauteur de 1.440.000 euros pour couvrir 60% du montant de la caution et qu'aucune de ses clauses ne stipule, à l'instar du contrat de cautionnement, une réduction automatique de la garantie constituée au bénéfice de la société HSBC FRANCE ;
Considérant qu'il suit de ces éléments que les appelants sont mal fondés à rechercher la responsabilité de la société HSBC FRANCE pour n'avoir pas accepté au 1er janvier 2008 et au 1er janvier 2009 de réduire l'encours de la caution et de lever parallèlement les fonds constitués en gage à son bénéfice par les cautionnés ;
Sur le grief tiré d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil,
Considérant que les appelants soutiennent de ce chef n'avoir pas été suffisamment informés, conseillés et mis en garde par la société HSBC FRANCE dans le choix des instruments financiers affectés en gage et, au regard de la nature de ces instruments, sur les risques liés aux fluctuations du marché boursier, alors même que la banque devait recommander en l'espèce une sécurité absolue de manière à garantir au constituant du gage que les placements souscrits, soit lui seront restitués avec les intérêts produits, soit utilisés pour couvrir l'engagement de caution de la banque dans l'hypothèse où il serait mis en oeuvre par la société PETIT FORESTIER ;
Qu'ils soulignent en particulier que l'un des supports sélectionnés par la société HSBC FRANCE, le HSBC DUOBLIG, a enregistré une baisse de 11,43% au cours de l'année 2008, correspondant à une moins-value de 115.138,20 euros au préjudice de la société EVO INVESTMENTS laquelle a pris l'initiative le 16 février 2009, pour limiter les pertes, de liquider les titres souscrits sur le support HSBC DUOBLIG pour les placer sur le support HSBC ALTERNATO ;
Or considérant qu'il résulte des éléments de la procédure que l'achat des titres destinés à constituer le gage, a été effectué par la société HSBC FRANCE sur ordre de la société EVO INVESTMENTS qui lui écrivait le 31 mai 2006 :
Merci de bien vouloir souscrire à partir du compte n° ...:
- 508 parts de HSBC DINAMIC CASH (ultérieurement rebaptisé HSBC DUOBLIG),
- 374 parts du FCP ALTERNATO,
Cordialement,
Sans droits d'entrée (mention manuscrite ajoutée) ;
Que force est d'observer, que les appelants, qui ne démentent pas avoir été conseillés pour l'ensemble de l'opération par le Cabinet SERFIDOM, référencé par l'AMF et membre de l'association des conseillers financiers, auraient pu faire le choix, s'ils privilégiaient la sécurité d'un compte à terme ou d'un gage en espèces en lieu et place des placements en SICAV monétaires précités ;
Qu'ils ne sauraient à cet égard contester qu'ils ont délibérément et en toute connaissance de cause recherché la performance ainsi qu'en attestent les termes du courrier électronique d'[Z] [R] à la société HSBC FRANCE du 17 avril 2008 :
Je viens de faire le point sur les performances des placements de trésorerie sur EVO.
Je constate que l'essentiel des avoirs EVO sur le compte titre (...) sont constitués par des titres HSBC DYNAM.CASH A qui affichent une performance très médiocre à 2,12% alors que ALTERNATO FCP a progressé de +4,86% ou encore mieux avec SIN.TRESOR.C3DEC à 6,65%! ;
Qu'au surplus, si la société EVO INVESTMENTS se prévaut d'avoir dû liquider en février 2009 le support HSBC DUOBLIG qui accusait une dévalorisation, c'est près de trois ans après avoir fait le choix d'y souscrire en mai 2006 et après avoir pris des bénéfices en janvier 2008 et en juin 2008, la valeur du titre n'ayant commencé à décroître qu'à compter de la fin 2008 dans un contexte boursier qu'elle ne pouvait ignorer ;
Qu'au demeurant les pièces du débat montrent que la valorisation des titres HSBC DUOBLIG était supérieure, au 23 avril 2010, à celle des titres ALTERNATO, ce dont il ressort que les éventuelles pertes de la société EVO INVESTMENTS ne résultent que de ses propres choix de gestion ;
Qu'en toute hypothèse, les appelants ne sauraient sérieusement prétendre, au regard de l'ensemble des éléments précédemment relevés, qu'ils n'étaient pas informés et avisés des caractéristiques inhérentes à la nature des instruments financiers souscrits pour constituer les fonds gagés ;
Qu'ils sont par voie de conséquence mal fondés à rechercher la responsabilité de la société HSBC FRANCE et en leur demande respective en réparation de préjudice ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement dont appel,
Y ajoutant,
Condamne in solidum [Z] [R] et la société EVO INVESTMENTS aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société HSBC FRANCE une indemnité complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT