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05/12/2012 | FRANCE | N°11/01689

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 05 décembre 2012, 11/01689


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 05 Décembre 2012



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01689



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - section commerce - RG n° 09/01074





APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne
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INTIMÉE

S.A.R.L. DRAVEIL JOUETS venant aux droits de la SA GRAND BAZAR D'[Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry JOVE DEJAIFFE, avocat au barreau de MELUN





COMPOSITI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 05 Décembre 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/01689

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 Janvier 2011 par le conseil de prud'hommes de LONGJUMEAU - section commerce - RG n° 09/01074

APPELANT

Monsieur [U] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne

INTIMÉE

S.A.R.L. DRAVEIL JOUETS venant aux droits de la SA GRAND BAZAR D'[Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Thierry JOVE DEJAIFFE, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jacques BOUDY, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIÈRE : Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [K] a été embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 3 janvier 2006 en qualité de vendeur par la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] qui exploitait à [Localité 5] un magasin de jouets et d'articles d'art de la table.

Son employeur lui a notifié son licenciement par lettre en date du 14 mars 2008 et le contrat de travail a pris fin le 17 mai 2008.

M. [U] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau en contestation de son licenciement et en vue de se voir allouer diverses sommes.

Par jugement en date du 19 janvier 2011, ce dernier a condamné la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] à payer à M. [U] [K] la somme de 1399,30 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive d'un contrat de travail de l'année 2003, la somme de 1399,30 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive d'un contrat de travail de l'année 2004 et celle de 250 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant pour le surplus toutes les autres demandes.

Par déclaration enregistrée au greffe le 18 février 2011, M. [U] [K] a interjeté appel.

M. [U] [K] demande à la cour de condamner la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] à lui payer les sommes suivantes :

- 3 000 € pour rupture abusive d'un contrat à durée indéterminée exécuté à compter du 1er octobre 2003

- 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive d'un contrat à durée indéterminée exécuté à compter du mois d'octobre 2004

- 8 820,79 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2006 à mai 2008

- 2 000 € de pénalités de retard

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, outre la somme de 2 000 € en réparation de son préjudice moral

- 500 € au titre d'une prime concernant sa participation à des travaux de peinture du magasin

- 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

Il demande enfin, outre la rectification de ses bulletins de paie, la fixation d'une astreinte de 50 € par jour de retard.

Pour sa part, la SARL Draveil Jouets, qui indique être la nouvelle dénomination de la SARL Grand Bazar d'[Localité 5], conclut à l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau en ce qu'il l'a condamnée au paiement de certaines sommes et à sa confirmation pour le surplus.

Elle demande également la condamnation de M. [U] [K] à lui verser la somme de 3 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les contrats de travail convenus en 2003 et en 2004

M. [U] [K] explique qu'alors qu'il venait de signer un contrat à durée indéterminée avec un employeur le 22 septembre 2003, le gérant de la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] lui a demandé de venir travailler chez lui en lui proposant un contrat à durée indéterminée de telle sorte qu'il a donné sa démission pour venir travailler dans le magasin d'[Localité 5] à compter du 1er octobre 2003.

Que cependant, après la période de Noël, l'employeur lui a indiqué que n'ayant pas réalisé le chiffre d'affaires espéré, il mettait fin à son contrat.

M. [U] [K] explique aussi que de la même façon, au mois d'octobre 2004, alors qu'il se trouvait à la recherche d'un emploi, le gérant de la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] lui a proposé à nouveau de travailler dans son magasin en vertu d'un contrat à durée indéterminée et que comme l'année précédente, il a été licencié sans aucune indemnité ni raison valable dès que la période de Noël a été terminée.

Il considère donc qu'il a fait l'objet, à chaque fois, d'un licenciement abusif.

La SARL Draveil Jouets soutient qu'il s'agissait de contrats à durée déterminée convenus, le premier, pour la période du 9 octobre 2003 au 31 décembre 2003 et le second pour la période du 23 octobre au 31 décembre 2004, ces contrats ayant pris fin normalement au terme convenu.

Elle en veut pour preuve les bulletins de paie qui ont été délivrés au salarié et qui font état d'une indemnité compensatrice de congés payés versée mensuellement.

Mais outre le fait qu'il convient de relever que l'examen de ces feuilles de paie révèle que l'employeur n'a pas payé d'indemnité de fin de contrat, pourtant obligatoire en matière de contrats à durée déterminée, il suffit surtout de constater que ces contrats à durée déterminée supposés n'ont donné lieu à la rédaction d'aucun écrit.

Or, l'article L.1242-12 du code du travail dispose : « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. À défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. ».

En application de ce texte, il y a donc lieu de considérer que M. [U] [K] a bien été employé par contrats à durée indéterminée.

Par conséquent, n'étant pas contesté que c'est l'employeur qui a mis fin aux relations contractuelles, la rupture du contrat doit être regardée comme un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

S'agissant d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et d'une entreprise comportant moins de 11 salariés, l'indemnité qui est due au salarié doit être égale au préjudice subi.

En l'espèce, il n'est pas contestable que M. [U] [K] s'est trouvé à deux reprises sans emploi et son préjudice peut être évalué, à chaque fois, à 3000 €.

Par conséquent, l'employeur lui devra cette somme pour chacune des ruptures de contrat.

Sur les rappels de salaire

Le contrat de travail signé le 3 janvier 2006 prévoyait une durée de travail de 37,5 heures en cinq jours par semaine et, à titre de rémunération : «8,10 euros de l'heure - charges sociales (1317 € mensuel.) ».

M. [U] [K] fait valoir qu'il résultait donc de ce contrat que sa rémunération mensuelle était bien de 1317 € nets et non pas de 1317 € bruts, somme qui a pourtant été retenue comme base pour le rémunérer tout au long du contrat de travail.

La SARL Draveil Jouets s'oppose à la demande formée par M. [U] [K] à ce titre et considère que le contrat de travail ne peut faire l'objet d'aucune interprétation et qu'au demeurant, le salarié n'a jamais protesté ni contesté le salaire qui lui a été versé en stricte exécution du contrat de travail.

Même si le contrat de travail est quelque peu ambigu sur ce point, une lecture attentive de la phrase litigieuse permet de comprendre que la somme de 8,10 € de l'heure correspond au salaire brut horaire dont on déduit les charges sociales.

Cela est d'ailleurs confirmé par le nombre d'heures prévues au contrat, à savoir 37,50 par semaine ce qui représente 162,50 heures par mois, c'est-à-dire bien 1316,25 € (1317 € en arrondissant), à raison d'un tarif horaire de 8,10 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé sur ce point.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

L'entreprise comportait en plus du magasin lui-même une réserve installée dans un bâtiment situé à quelque distance du magasin.

Il n'est pas contesté que pendant de nombreux mois, M. [U] [K] avait coutume de s'y rendre, à la demande de l'employeur et avec un véhicule de l'entreprise, afin d'aller y chercher des produits et du matériel.

Que cependant, à compter du mois de décembre 2007, il a refusé de s'y rendre de sorte que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception en date du 5 février 2008, la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] lui a notifié un avertissement pour avoir refusé, à deux reprises, le 27 décembre 2007 et le 15 janvier 2008, d'obéir à ses directives consistant à retirer des marchandises de la réserve.

M. [U] [K] ayant réitéré son refus, c'est dans ces conditions que la SARL Grand Bazar d'[Localité 5] lui a notifié son licenciement par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception en date du 14 mars 2008 au motif qu'il refusait d'exécuter les ordres qui lui étaient donnés et notamment d'aller récupérer les marchandises en réserve pour pouvoir les installer en rayon.

M. [U] [K] explique qu'il était amené à porter seul de lourdes charges dans une réserve vétuste et dangereuse (lits, balançoires, baby-foot, billards etc.) de sorte qu'il a souffert progressivement de douleurs dorsales qui se sont accrues et qui ont nécessité un arrêt de travail au mois de décembre 2007.

Qu'à son retour, son employeur lui a demandé de démissionner ce qu'il a refusé.

Qu'à partir de ce moment, l'employeur n'a eu de cesse que de le harceler pour le contraindre à la démission et que l'ayant soupçonné ouvertement de détourner de l'argent lorsqu'il procédait à des encaissements, il lui a interdit de continuer à travailler en caisse.

M. [U] [K] précise que c'est alors qu'il a refusé de se rendre seul dans la réserve afin d'éviter que son honnêteté soit mise en cause.

La SARL Draveil Jouets, qui conteste cette présentation des faits, considère que le licenciement était bien justifié puisqu'alors que cette tâche relevait bien de ses attributions, le refus de M. [U] [K] de l'exécuter perturbait gravement le fonctionnement de l'entreprise qui n'employait que deux salariés.

Il est intéressant de noter que la justification donnée aujourd'hui par M. [U] [K] à son refus de se rendre dans la réserve n'est pas nouvelle et qu'au contraire, il l'avait formalisée dans une lettre recommandée du 11 février 2008 à la suite de l'avertissement qui lui avait été notifié quelque jours plus tôt.

En effet, dans ce courrier, il confirmait qu'il refusait de se rendre dans la réserve mais en précisant très clairement qu'il s'agissait d'un refus de s'y rendre seul, « de manière à ne pouvoir en aucun cas être soupçonné d'y dérober de la marchandise ».

Il rappelait en effet à l'employeur que « le 27 décembre 2007, jour de mon premier refus de me rendre à cette réserve, vous m'avez clairement stipulé que mon honnêteté était mise en doute, sans aucune justification. ».

Par ailleurs, il est exact, ainsi qu'il le fait remarquer, que le contrat de travail ne prévoyait pas, en sa qualité de vendeur, qu'il devait effectuer des tâches de manutention et de transport de marchandises, étant seulement prévu le réassortiment des rayons, la tâche de veiller au bon état de propreté du magasin, rayons et réserve.

Enfin, il justifie de l'existence d'un arrêt de travail pour « lombalgie-dorsalgie » à compter du 13 décembre 2007.

Au vu de ces différents éléments, il convient de considérer que le refus de M. [U] [K] de se rendre seul dans la réserve ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé sur ce point.

Sur les dommages intérêts liés à la rupture du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En l'absence de précisions et de justificatifs sur les conséquences du licenciement et compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [U] [K] (1 300 € brut), de son âge (25 ans), de son ancienneté (2 ans et 5 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.

À l'appui de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, M. [U] [K] invoque les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles se sont déroulés les derniers mois de son contrat de travail mais, faute d'en justifier, cette demande sera rejetée.

Sur la prime relative à des travaux de peinture

M. [U] [K] sollicite la somme de 500 € au motif qu'il aurait proposé à son employeur de réaliser des travaux de peinture moyennant le versement de cette somme.

En l'absence de tout élément de preuve en ce sens, cette demande ne peut qu'être rejetée.

Sur l'astreinte

Les condamnations au paiement d'une somme d'argent ne peuvent jamais donner lieu à la fixation d'une astreinte mais leur exécution est garantie par des intérêts de retard qui, dans le cas présent, s'agissant de sommes de nature indemnitaire, courront à compter du présent arrêt.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il n'est pas contestable que M. [U] [K] a dû exécuter de nombreuses démarches, se déplacer à la cour pour l'audience en appel, préparer un dossier et rédiger des conclusions afin de faire valoir ses droits et par conséquent, il n'apparaît nullement inéquitable de lui accorder à ce titre, une somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME partiellement le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Longjumeau le 19 novembre 2011 ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL Draveil Jouets à payer à M. [U] [K] la somme de 3 000 € à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée ayant débuté le 9 octobre 2003 ;

CONDAMNE la SARL Draveil Jouets à payer à M. [U] [K] la somme de 3 000 € à titre d'indemnité pour rupture abusive du contrat de travail à durée indéterminée ayant débuté le 23 octobre 2004 ;

CONDAMNE la SARL Draveil Jouets à payer à M. [U] [K] la somme de 6 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle de réelle ni sérieuse opéré le 14 mars 2008 ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL Draveil Jouets à payer à M. [U] [K] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/01689
Date de la décision : 05/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/01689 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-05;11.01689 ?
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