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04/12/2012 | FRANCE | N°11/07800

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 04 décembre 2012, 11/07800


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 04 DECEMBRE 2012



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/07800



Décision déférée à la Cour : Recours contre une ordonnance du 7 avril 2011 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a conféré l'exequatur à la sentence rendue à Dakar le 5 août 2009 par le tribunal arbitral composé de Monsie

ur [U] et de Monsieur [K], arbitres et de Monsieur Ba, président



DEMANDERESSE AU RECOURS :



S.A. PLANOR AFRIQUE société anonyme de droit burkinabé

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Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 04 DECEMBRE 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/07800

Décision déférée à la Cour : Recours contre une ordonnance du 7 avril 2011 rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris qui a conféré l'exequatur à la sentence rendue à Dakar le 5 août 2009 par le tribunal arbitral composé de Monsieur [U] et de Monsieur [K], arbitres et de Monsieur Ba, président

DEMANDERESSE AU RECOURS :

S.A. PLANOR AFRIQUE société anonyme de droit burkinabé

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 1]

(BURKINA FASO)

représentée par la SELARL PELLERIN DE MARIA GUERRE, avocats postulant du barreau de PARIS, toque : L 18

représentée par Me Béatrice CASTELLANE-LAFORE, avocat au barreau de PARIS, toque : A 91

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

S.A. ATLANTIQUE TÉLÉCOM société de droit togolais

prise en la personne de ses représentants légaux

203 boulevard du 13 janvier

[Adresse 5]

[Localité 8]

(REPUBLIQUE DU TOGO)

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocats postulant du barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Eric BOUFFARD, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : J 34

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 novembre 2012, en audience publique, le rapport entendu, les avocats des parties ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur ACQUAVIVA, président, et Madame GUIHAL, conseillère, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur ACQUAVIVA, président

Madame GUIHAL, conseillère

Madame DALLERY, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame PATE

ARRÊT :- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.

La Société de droit togolais Atlantique Telecom a constitué avec la Société Soyaf Communication et West African Growth Fund (Wagf), la société Telecel Faso, société de droit burkinabé, pour exercer une activité d'opérateur du réseau de téléphonie mobile au Burkina-Faso.

Aux termes d'un pacte signé le 10 février 2004 entre les trois actionnaires fondateurs et contresigné par Telecel Faso, une clause compromissoire a été stipulée, prévoyant le recours à un arbitrage à Dakar (Sénégal) suivant le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de justice et d'Arbitrage de l'OHADA, pour tout différend qui ne pourrait être résolu à l'amiable.

Suivant convention du 26 août 2004, Atlantique Telecom, elle-même filiale à 100% de Etisalat, a cédé à la société de droit burkinabé Planor Afrique, partie des actions (110.000 sur 237.500 actions soit 44% du capital) qu'elle détenait dans le capital de Telecel Faso, avec tous les droits et obligations y attachés.

Concomitamment, la société Atlantique Telecom a procédé au rachat des 75.000 actions détenues par Soyaf Communication puis des 5% du capital détenu par Wagf.

Un différend aigu ayant opposé, à l'issue de ces opérations de recomposition du capital, les deux actionnaires, il s'en est suivi un important contentieux.

C'est ainsi que Planor Afrique a saisi le 4 avril 2007 les juridictions burkinabées d'une demande d'annulation de différentes délibérations des assemblées générales ordinaire et extraordinaire de Telecel Faso ayant décidé une augmentation du capital de Telecel Faso puis le 27 décembre 2007 d'une demande tendant, en exécution des stipulations du pacte d'actionnaires, à la cession forcée des actions détenues par Atlantique Telecom et Etisalat.

Le tribunal de grande instance de Ouagadougou a, par jugement du 27 février 2008 confirmé par arrêt du 25 mai 2009, annulé les délibérations contestées et a, par jugement du 9 avril 2008, confirmé par jugement du 19 juin 2009, ordonné la cession forcée au profit de Planor Afrique de l'ensemble des actions détenues par Atlantique Telecom et Etisalat dans le capital de Telecel Faso.

Les deux décisions confirmatives de la cour d'appel de Ouagadougou ont été déclarées exécutoires en France par ordonnances du président du tribunal de grande instance de Paris du 29 juin 2011, lesquelles ont fait l'objet d'un pourvoi en cassation, actuellement pendant.

De son côté, Atlantique Telecom a, le 25 août 2008, mis en oeuvre la clause compromissoire contenue dans le pacte d'actionnaires et a saisi à cet effet le tribunal arbitral.

Par sentence rendue à Dakar le 5 août 2009, le tribunal arbitral composé de Monsieur [U] et de Monsieur [K], arbitres et de Monsieur [R], président, a :

- donné acte à la société Planor Afrique de son observation sur le caractère tardif de la demande incidente formulée par Atlantique Telecom,

- s'est déclaré incompétent pour constater que Planor Afrique doit à la société Atlantique Telecom la somme de F. CFA 450.000.000 représentant le reliquat du prix de cession des actions cédées à Planor Afrique et pour connaître de la demande de résolution de la convention de cession du 26 août 2004,

- rejeté les exceptions d'incompétence, de litispendance, de connexité, de même que la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée soulevées par Planor Afrique ;

- rejeté la demande d'exclusion pure et simple de Planor Afrique du capital de Telecel Faso formulée par la société Atlantique Telecom ;

- rejeté la demande de rachat forcé des actions de Planor Afrique au profit de la société Atlantique Telecom ;

- rejeté la demande d'exclusion de la société Atlantique Telecom du capital social de Telecel Faso formulée par Planor Afrique ;

- rejeté la demande de cession forcée au profit de Planor Afrique, des actions détenues par la société Atlantique Telecom dans le capital de Telecel Faso ;

- dit que chacune des parties supportera ses propres frais exposés pour la défense de ses intérêts,

- dit que les frais et honoraires d'arbitrage seront supportés par moitié par chacune des parties;

- liquidé les frais et honoraires d'arbitrage.

Par ordonnance du 7 avril 2011, le président du tribunal de grande instance de Paris a conféré l'exequatur à cette sentence.

Par déclaration du 22 avril 2011, Planor Afrique a relevé appel de cette décision.

Vu les conclusions signifiées le 8 juin 2012 par Planor Afrique tendant :

- à titre principal à voir déclarer sans objet et irrecevable la demande d'exequatur de la sentence du 5 août 2009 présentée par la société Atlantique Telecom et infirmer en conséquence l'ordonnance déférée ;

- à tire subsidiaire, à infirmer l'ordonnance d'exequatur de la sentence du 5 août 2009 pour inconciliabilité de ladite sentence avec l'ordre public international français,

- dans tous les cas, à condamner la société Atlantique Telecom au paiement d'une somme de 80.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les conclusions signifiées le 26 septembre 2012 par la société Atlantique Telecom aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

- débouter Planor Afrique de ses demandes,

- confirmer l'ordonnance déférée,

- condamner Planor Afrique au paiement d'une somme de 13.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

SUR QUOI,

- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande d'exequatur.

Considérant que Planor Afrique fait valoir que la sentence du 5 août 2009 ayant été annulée par la Cour Commune de justice et d'Arbitrage de l'OHADA, dans le cadre prévu par le Règlement d'arbitrage mentionné dans la clause compromissoire, la sentence n'existe plus et que par suite la demande d'exequatur en France est sans objet et irrecevable.

Considérant que la sentence internationale qui n'est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans les pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées ;

Considérant que le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique a institué pour la réalisation de ses objectifs une organisation dénommée Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) comprenant une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) ;

Considérant que l'article 25 du Traité dispose que les sentences rendues conformément aux stipulations de son titre IV 'ont l'autorité de la chose définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat Partie au même titre que les décisions rendues par les juridictions de l'Etat' ;

Considérant que cette disposition est reprise par l'article 27 du Règlement d'arbitrage de la CCJA;

Considérant que si l'article 29 du dit Règlement fixe les conditions d'exercice du recours en annulation devant la CCJA, cette dernière ne statue pas comme juridiction arbitrale de second degré, investie à ce titre de la plénitude des pouvoirs dévolus aux arbitres par l'acte de mission mais comme juge supranational institué par les Etats parties au Traité et désigné pour connaître de la validité de la sentence dont la contestation ne peut, d'ailleurs, être fondée que sur l'un des motifs limitativement énumérés par l'article 30.6 du Règlement ;

Considérant que le moyen d'irrecevabilité doit être écarté.

- Sur le moyen tiré du caractère inconciliable de la reconnaissance et de l'exécution de la sentence du 5 août 2009 avec les décisions judiciaires burkinabées des 9 avril 2008 et 19 juin 2009.

Considérant que Planor Afrique soutient que les décisions judiciaires burkinabées des 9 avril 2008 et 19 juin 2009 qui ont été intégrées dans l'ordre juridique français par les ordonnances d'exequatur du 29 juin 2009, sont devenues exécutoires nonobstant les pourvois en cassation, et sont inconciliables avec la sentence du 5 août 2009 ;

Considérant que dans sa sentence, le tribunal arbitral a rejeté la demande de Planor Afrique tendant à exclure la société Atlantique Telecom du capital de Telecel Faso en ordonnant la cession à son profit des actions qu'elle détient au motif qu'en cas de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société, l'acte uniforme de l'OHADA prévoit non pas l'exclusion d'un associé par le rachat forcé de ses actions mais la dissolution anticipée de la société qui pourra être prononcée par la juridiction compétente,

Considérant que l'arrêt de la cour d'appel de Ouagadougou du 19 juin 2009, qui rendu antérieurement à la sentence, se trouve revêtu de plein droit de l'autorité de la chose jugée en France en vertu de l'article 36 de l'accord de coopération judiciaire signé le 24 avril 1961 entre la France et la Haute-Volta (devenue Burkina-Faso) a fait droit à la demande de Planor Afrique tendant à l'exclusion de la société Atlantique Telecom ;

Considérant que cette dernière décision et la sentence emportent des conséquences juridiques qui s'excluent mutuellement dès lors que Atlantique Telecom ne peut tout à la fois être exclue du capital de Telecel Faso par l'arrêt de la cour d'appel de Ouagadougou du 19 juin 2009 et maintenue par la sentence arbitrale du 5 août 2009, actionnaire à hauteur de 56% du capital de Telecel Faso.

Considérant qu'il résulte de l'inconciliabilité de la sentence avec l'arrêt de la cour d'appel de Ouagadougou du 19 juin 2009, peu important à cet égard que l'ordonnance d'exequatur de la sentence ait été rendue avant celle des décisions burkinabées, que la reconnaissance et l'exécution en France de la sentence heurte la conception française de l'ordre public international;

Considérant en conséquence que l'ordonnance déférée doit être infirmée et rejetée la demande d'exequatur de la sentence arbitrale rendue entre les parties à Dakar le 5 août 2009.

Considérant que la Société Atlantique Telecom qui succombe et qui ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile doit être condamnée à payer à ce titre à Planor une somme de 30.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Infirme l'ordonnance déférée.

Et statuant à nouveau,

Déboute la Société de droit togolais Atlantique Telecom de sa demande d'exequatur de la sentence arbitrale rendue à Dakar le 5 août 2009.

Condamne la Société de droit togolais Atlantique Telecom aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Condamne la Société de droit togolais Atlantique Telecom au paiement d'une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/07800
Date de la décision : 04/12/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°11/07800 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-12-04;11.07800 ?
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